CA Lyon, 8e ch., 4 septembre 2024, n° 23/05602
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Défendeur :
Gem's (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Masson-Bessou, M. D'Ussel
Avocats :
Me Lalliard, Me Balas
Exposé du litige
Le 25 octobre 2010 la SCI GEM'S a donné à bail à la société Le living un local commercial situé [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel initial hors taxes de 800 €.
Le 13 octobre 2015, la société Le Living a cédé avec l'accord du bailleur son fonds de commerce à la société La Parisienne de [Localité 3].
En date du 20 décembre 2022, la SCI GEM'S a délivré à la société La Parisienne de Lyon un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour règlement d'un arriéré de loyers de 2 566,32 €.
Soutenant que les causes du commandement n'avaient pas été apurées dans les délais, la SCI GEM'S a le 27 février 2023 assigné la société La Parisienne de Lyon devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de lyon aux fins de voir au principal constater l'acquisition de la clause résolutoire et qu'il soit statué sur ses conséquences, la voir condamnée également à lui payer à titre provisionnel les sommes de 4 975,60 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 février 2023, et de 995,12 € au titre de la clause pénale prévue au contrat de bail.
La société La Parisienne de [Localité 3] n'a pas comparu.
Par ordonnance du 9 mai 2023, le juge des référés a :
Constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 21 janvier 2023 ;
Condamné la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme provisionnelle de 4.975,00 € au titre des loyers et charges arrêtés au mois de février 2023 ; Condamné la société La Parisienne de [Localité 3] et tout occupant de son chef à quitter les lieux, si besoin est par expulsion avec le concours si nécessaire de la force publique et d'un serrurier.
Condamné la société La Parisienne de [Localité 3] à payer une indemnité d'occupation provisionnelle d'un montant équivalent à celui des loyers et des charges du mois de mars 2023 jusqu'au départ effectif des lieux ;
Dit n'y avoir lieu à application de la clause pénale ;
Condamné la société La Parisienne de [Localité 3] aux entiers dépens et à payer à la société GEM'S la somme de 800 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Par déclaration régularisée par RPVA le 10 juillet 2023, la société La Parisienne de [Localité 3] a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision de l'ordonnance du de référé du 9 mai 2023.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 2 octobre 2023, la société La Parisienne de [Localité 3] demande à la cour de :
Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 9 mai 2023 par le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Lyon (dont elle reprend les termes dans son dispositif),
Statuant à nouveau :
Rejeter les demandes de la SCI GEM'S ;
Statuer ce que de droit sur les dépens.
A l'appui de ses prétentions, la société La Parisienne de [Localité 3] fait valoir :
qu'elle ne conteste pas les incidents de paiement relatifs au règlement des loyers, qui sont dues à l'indisponibilité de son représentant pendant plusieurs semaines ;
qu'à ce jour, elle a non seulement apuré l'intégralité de l'arriéré mais également repris le paiement des loyers courants ;
qu'il n'est plus dû aucune somme à la SCI GEM'S.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 30 octobre 2023, la SCI GEM'S demande à la cour de :
Vu l'article L 145-41 du Code de commerce,
A titre principal :
Confirmer l'ordonnance rendue par le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Lyon le 9 mai 2023 ;
En tout état de cause :
Constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail conclu entre les parties ;
Ordonner en conséquence l'expulsion de la société La Parisienne de [Localité 3] et de tout occupant de son chef avec si besoin le concours de la force publique et d'un serrurier ;
Condamner la société La Parisienne de [Localité 3] à payer une indemnité d'occupation égale au montant du loyer à compter de la date de la résiliation du bail jusqu'à sa libération effective des lieux ;
Débouter la société La Parisienne de [Localité 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Condamner la société La Parisienne de [Localité 3] à lui payer une somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
La SCI GEM'S soutient principalement :
qu'en application des dispositions de l'article L. 145-41 du Code de commerce, le bail se trouve résilié de plein droit au 20 janvier 2022, la société La Parisienne de [Localité 3] n'ayant pas réglé les causes du commandement dans le délai imparti ;
qu'au jour de l'audience, l'arriéré locatif s'élevait à 5.000,48 €, et que ce n'est que concomitamment à sa déclaration d'appel, le 10 juillet 2023, que le compte de la société La Parisienne de [Localité 3] a présenté un solde à zéro, soit plus de six mois après le commandement de payer délivré le 22 décembre 2022 ;
que si la société La Parisienne de [Localité 3] se contente d'affirmer péremptoirement avoir été dans l'impossibilité d'honorer ses loyers pour des raisons indépendantes de sa volonté, ces affirmations sont inopérantes et ne sauraient faire échec à l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail ;
qu'en conséquence, la cour doit confirmer la décision de première instance dans toutes ses dispositions.
En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes qui en découlent
L'article 834 du Code de procédure civile dispose que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du Code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit d'un bail commercial, l'urgence existant par essence dès lors que si les conditions permettant que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire sont acquises, le bailleur a nécessairement intérêt à ce que ses droits soient reconnus dans les délais les plus brefs.
Par ailleurs, L'article L. 145-41 du Code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
En l'espèce, le commandement délivré le 20 décembre 2022 mentionne la nature des sommes réclamées et précise en outre qu'à défaut de paiement dans le délai d'un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail.
La cour observe toutefois que s'il était réclamé au titre de ce commandement la somme en principal de 2 566,32 €, mois de décembre 2022 inclus, l'examen du décompte locatif du 7 février 2023 révèle que c'est en réalité la somme de 2 221,16 € (2566,32 € - 345,16 €) qui était due, alors que :
Les frais de relance de la régie, soit 210 € au total jusqu'à la date du commandement, n'avaient pas à être intégrés dans la dette locative, d'autant qu'il n'étaient pas contractuellement prévu dans le bail, ce qui constitue une contestation sérieuse,
Il en était de même de frais de commandement du 19 juillet 2022, soit 135,16 € sur lesquels aucune explication n'est donnée, lequel en tout état de cause n'a été suivi d'aucune procédure.
Pour autant, ce même décompte confirme que dans le mois qui a suivi la délivrance du commandement, la société La Parisienne de [Localité 3] n'a pas apuré la somme de 2 221,16 € puisqu'elle n'a procédé qu'à un seul versement de 1021,08 € le 20 février 2023, soit postérieurement au délai d'un mois.
Par ailleurs, si le preneur indique s'être acquitté désormais de l'intégralité de l'arriéré de loyers et avoir repris le paiement des loyers courants, force est de constater qu'il ne sollicite aucunement la suspension de la clause résolutoire et le bénéfice de délais de paiement rétroactifs.
Dès lors, la cour ne peut que constater que la clause résolutoire est bien acquise au 21 janvier 2023, le bail se trouvant de ce fait résilié de plein droit.
La cour en conséquence confirme la décision déférée de ce chef.
Aux termes de l'article 835 alinéa 1er, du Code de procédure civile le Juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constituant un trouble manifestement illicite, c'est à raison que le premier juge a ordonné à la société La Parisienne de [Localité 3] de quitter les lieux, si besoin par expulsion avec le concours si nécessaire de la force publique.
La cour confirme en conséquence la décision déférée de ce chef.
Enfin, l'article 835 alinéa 2, du Code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
La cour rappelle enfin qu'à compter de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire le preneur n'est plus débiteur de loyers mais d'une indemnité d'occupation et retient que c'est à raison que le premier juge a fixé le montant de l' indemnité d'occupation due par la société La Parisienne de [Localité 3] à compter de l'acquisition de la clause résolutoire au montant du loyer contractuel outre charges jusqu'à la libération effective des lieux, ce qui, au visa de l'article 834 du Code de procédure civile précité, ne se heurtait à aucune contestation sérieuse.
La cour confirme en conséquence la décision déférée de ce chef.
2) Sur la demande de provision de la SCI GEM'S
L'article 835 linéa 2, du Code de procédure civile dispose que dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des référés peut accorder une provision au créancier.
En l'espèce, le premier juge a condamné la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme provisionnelle de 4 975,60 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 février 2023.
Si ce montant est confirmé par le décompte locatif du 7 février 2023 versé aux débats, force est de constater qu'il ne correspond pas au montant réel de l'arriéré locatif puisqu'il apparait à l'examen du décompte qui est intégré :
des frais de relance non contractuels à hauteur de 270 € sans rapport avec la dette locative,
des frais de commandement, à hauteur de 276,28 € qui n'ont pas à être intégrés dans la dette locative, soit un total de 546,28 €.
Ainsi, la dette locative s'élevait en réalité au 7 février 2023 à la somme de 4 429,32 € et la décision déférée doit donc être infirmée de ce chef.
Pour autant, la société La Parisienne de [Localité 3] indique avoir soldé à ce jour l'intégralité de l'arriéré et avoir repris le reglement du loyer courant, aucune dette ne persistant de ce fait, ce qui n'est pas contesté par la société GEM'S laquelle produit un décompte en date du 25 octobre 2023 faisant état au 6 octobre 2023 d'un solde locatif égal à 0 €.
La cour de nouveau observe à l'examen de ce décompte qu'il doit être soustrait des sommes dues par le locataire les sommes de :
180 €, correspondant aux frais de relance, non contractuellement prévus et dont la prise en compte se heurte à une contestation sérieuse ;
1 076,28 € correspondant à divers frais de procédure, soit un total de 1256,28 €, qui n'ont pas à être intégrés dans la dette locative.
Il s'en déduit qu'au 25 octobre 2023 le solde locatif de la société La Parisienne de [Localité 3] n'apparait pas être à hauteur de zéro euros mais qu'il s'avère être en réalité créditeur au bénéfice de la société La Parisienne de [Localité 3] à hauteur de la somme de 1 256,28 €.
La cour infirme en conséquence la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme provisionnelle de 4 975,60 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 février 2023 et statuant à nouveau condamne la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme provisionnelle de 4 429,32 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 février 2023 et y ajoutant dit qu'après actualisation au 25 octobre 2023, il subsiste au bénéfice de la société La Parisienne de [Localité 3] à cette date un crédit de 1 256,28 €.
3) Sur les demandes accessoires
La société La Parisienne de [Localité 3] succombant principalement, la cour confirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société la Parisienne de [Localité 3] aux dépens de la procédure de première instance.
Au regard des irrégularités relevées dans les décomptes, la cour infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, non justifiée en équité et statuant à nouveau condamne la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme de 300 € au titre des frais irrépétibles de première instance.
La société La Parisienne de [Localité 3] succombant en son appel, la cour la condamne aux dépens à hauteur d'appel.
En équité, la cour condamne la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour :
Infirme la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S :
la somme provisionnelle de 4 975,60 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 février 2023 ;
la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, et,
Statuant à nouveau :
Condamne la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme provisionnelle de 4 429,32 € au titre de l'arriéré locatif arrêté au 7 février 2023 et y ajoutant dit qu'après actualisation au 25 octobre 2023, il subsiste au bénéfice de la société La Parisienne de [Localité 3] à cette date un crédit de 1 256,28 € ;
Condamne la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme de 300 € au titre des frais irrépétibles de première instance ;
Confirme la décision déférée pour le surplus ;
Condamne la société La Parisienne de [Localité 3] aux dépens à hauteur d'appel ;
Condamne la société La Parisienne de [Localité 3] à payer à la société GEM'S la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à hauteur d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.