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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 4 septembre 2024, n° 20/02454

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Anis à l'enseigne Ding Ding (SARL)

Défendeur :

Sodiouest (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leger

Vice-président :

Mme Legrois

Conseiller :

Mme Piedagnel

Avocats :

Me Alquier, Me Bentolila

T. com. Saint-Denis, du 27 nov. 2020, n°…

27 novembre 2020

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte sous signature privée en date du 2 janvier 1997, la SCI Oméga a donné à bail à la SARL Anis à l'enseigne « Ding Ding » un local commercial situé au centre commercial de Savannah à Saint-Paul.

Suivant jugement du 17 décembre 2014, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Anis, procédure convertie en liquidation judiciaire par jugement du 1er mars 2014.

Par ordonnance en date du 7 septembre 2017, le juge-commissaire a autorisé la cession de gré à gré du droit au bail du local commercial au profit de la SARL Société de Distribution de l'Ouest (Sodiouest) (groupe Jina) moyennant le prix de 110 000 euros.

Or, Sodiouest n'a pas effectué les démarches nécessaires pour régulariser l'acte authentique, malgré une mise en demeure du 22 mai 2018.

Par courrier du 30 mai 2018, Sodiouest a informé la SELARL [Y] [B], prise en la personne de Maître [Y] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL Anis, (le liquidateur) de la rétractation de son offre au motif que le bailleur avait refusé les aménagements proposés pour le local et qu'elle ne disposait plus de financement bancaire.

Le liquidateur de la SARL Anis a restitué les clés du local commercial à la société Mercialys, venant aux droits de la SCI Oméga.

Sur le fondement de la responsabilité contractuelle, estimant que la rétractation tardive de la Sodiouest lui avait fait perdre le bail, par acte du 10 janvier 2019, la société Anis, représentée par son liquidateur judiciaire, la SELARL [Y] [B] ès qualités de liquidateur de la SARL Anis (le liquidateur), a fait assigner Sodiouest devant le tribunal mixte de commerce de Saint- Denis de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 110 000 euros à titre de dommages-intérêts, 44 829,39 euros au titre des loyers pour la période du 1er octobre 2017 au 8 juin 2018 et 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 27 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a :

- Débouté la SELARL [Y] [B], ès qualités, de l'ensemble de ses demandes,

- L'a condamnée, ès qualités, à payer à la SARL Sodiouest la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- Passé les dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire, dont frais de greffe taxés et liquidés à la somme de 85,30 euros.

Par déclaration au greffe en date du 24 décembre 2020, la SARL Anis a interjeté appel de cette décision.

Par jugement du 13 avril 2022, le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a ouvert une procédure de sauvegarde au profit de Sodiouest et désigné la SELARL [H] [M] en qualité d'administrateur judiciaire, avec mission de surveillance, et la SELARL [R] en qualité de mandataire judiciaire.

Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 14 juin 2022, le liquidateur a déclaré sa créance auprès de la SELARL [R] ès qualités de mandataire judiciaire de Sodiouest, soit la somme totale de 159 829,39 euros se décomposant comme suit :

- 110 000 euros au titre de la perte du prix de vente consécutivement à l'inexécution fautive

- 44 829,39 euros au titre du manquement au paiement des loyers régularisés sur la période allant du 1er octobre 2017 au 8 juin 2018

- 5 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Cette information a été communiquée par voie électronique le 22 février 2023.

La SELARL [H] [M] en qualité d'administrateur judiciaire de Sodiouest s'est constituée volontairement le 12 septembre 2022.

Suivant arrêt avant dire droit du 29 mars 2023, la cour a ordonné la réouverture des débats afin de permettre à l'intimé de faire parvenir son dossier de plaidoiries au greffe dans les plus brefs délais et a renvoyé l'affaire à l'audience rapporteur du 6 septembre 2023.

Par acte du 30 octobre 2023, le liquidateur a fait assigner la SELARL [R] en sa qualité de mandataire judiciaire dans la procédure de sauvegarde de Sodiouest.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2024.

L'affaire a été rappelée à l'audience du 5 juin 2024 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 4 septembre 2024.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS

Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 17 septembre 2021, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L.642-19 et suivants et R.662-1, 2° du code de commerce et 1103 et suivants et 1231-1 du code civil, d'infirmer le jugement entrepris et st statuant à nouveau, de :

- Juger que la SARL Sodiouest n'a pas respecté ses engagements, ce qui a occasionné un préjudice à la SELARL [Y] [B] ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Anis ;

En conséquence,

- Condamner la SARL Sodiouest à payer à la SELARL [Y] [B] ès qualités la somme de 110 000 euros au titre de la perte du prix de vente consécutivement à son inexécution fautive ;

- Condamner la SARL Sodiouest à payer à la SELARL [Y] [B] ès qualités la somme de 44 829, 39 euros représentant le loyer commercial pour la période du 1er octobre 2017 jusqu'au 8 juin 2018 ;

En tout état de cause

- Condamner la SARL Sodiouest à payer à la SELARL [Y] [B] ès qualités la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SARL Sodiouest aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Sur le fondement des articles 1103 et 1231-1 du code civil et L.642-19 du code de commerce, l'appelant soutient en substance que l'inexécution fautive d'une ordonnance valant vente d'un droit au bail engage la responsabilité de la société acquéreur et rend nécessaire la condamnation de celle-ci au paiement de dommages-intérêts au bénéfice de la société venderesse qui subit le préjudice de la non-réalisation de ladite vente.

Il expose que tant la société Sodiouest en sa qualité d'offrant que la société Anis en qualité de promettant ont reçu notification de l'ordonnance aux termes de laquelle la première s'est engagée à acquérir le fonds de commerce moyennant la somme de 110 000 euros et qu'elle s'est désistée de sa promesse pour des motifs fallacieux tenant en ce que sa demande d'aménagement aurait été refusée par la société Mercialys et qu'elle ne disposerait plus de financement bancaire. Il expose que l'inexécution fautive de l'ordonnance dont il n'a pas été interjeté appel lui a causé des préjudices qu'il convient de réparer.

Dans ses uniques conclusions transmises par voie électronique le 16 juin 2021, l'intimée demande à la cour, au visa des articles 1113, 1116 et 1117 et 1240 du code civil, de :

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la SELARL [Y] [B] ès qualités de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

Subsidiairement

- Limiter le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions ;

En tout état de cause

- Condamner la SELARL [Y] [B] ès qualités à payer à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner la SELARL [Y] [B] ès qualités aux entiers dépens de l'instance.

Elle fait valoir pour l'essentiel que l'acceptation par le liquidateur et/ou le juge-commissaire de l'offre d'acquérir le droit au bail était subordonnée à l'acceptation expresse du bailleur à la cession ainsi qu'au respect des clauses du bail relatives au droit de préemption et à la spécialisation du commerce devant y être exploité. Or, il n'est pas justifié de ce que la société Mercialys aurait accepté la cession du droit au bail ou aurait renoncé à son droit de préemption ou aurait accepté la déspécialisation requise, Sodiouest ayant une activité commerciale différente de celle de la société Anis.

Elle ajoute que son offre n'était pas conforme aux dispositions applicables en matière de procédure collective, faute d'y avoir joint une attestation bancaire garantissant le paiement.

Enfin, elle considère que l'offre du 12 avril 2017 ne comportant pas de délai, elle pouvait être rétractée ou devenir caduque à l'issue de l'expiration d'un délai raisonnable. Or un délai de cinq mois s'est écoulé entre l'offre d'acquisition et l'ordonnance.

A titre subsidiaire, elle soutient sur le fondement de l'article 1116 du code civil que le liquidateur n'est pas fondé à solliciter à titre de dommages-intérêts, ni le prix offert pour le droit au bail, ni les loyers qu'elle aurait été contrainte de s'acquitter.

La procédure est régulière, la SELARL [H] [M] en sa qualité de mandataire judiciaire de Sodiouest ayant été appelée en la cause et s'étant par ailleurs constituée auprès de Sodiouest qui a un droit propre.

Pour autant, aucune des parties n'a pris la peine d'actualiser ses conclusions.

Dans ces conditions, il conviendra de reformuler les prétentions en accord avec l'état de la procédure, conformément aux dispositions de l'article 12 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de l'offrant suite à sa rétractation :

L'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente de gré à gré d'actifs mobiliers dépendant de la liquidation judiciaire rend la vente parfaite à condition que la décision acquière force de chose jugée.

L'appelant soutient en substance que l'inexécution fautive d'une ordonnance valant vente d'un droit au bail engage la responsabilité de la société acquéreur et rend nécessaire la condamnation de celle-ci au paiement de dommages-intérêts au bénéfice de la société venderesse qui subit le préjudice de la non-réalisation de ladite vente.

L'intimée conteste l'engagement de sa responsabilité en soutenant que l'acceptation par le liquidateur et/ou le juge-commissaire de l'offre d'acquérir le droit au bail était subordonnée à l'acceptation expresse du bailleur à la cession ainsi qu'au respect des clauses du bail relatives au droit de préemption et à la spécialisation du commerce devant y être exploité.

Elle expose à cet égard qu'il n'est pas justifié de ce le bailleur aurait accepté la cession du droit au bail ou aurait renoncé à son droit de préemption ou aurait accepté la déspécialisation requise.

Elle ajoute que son offre n'était en réalité pas recevable car elle avait omis d'y joindre l'attestation bancaire garantissant le paiement et qu'elle a été frappée de caducité compte tenu du délai de cinq mois écoulé entre l'offre d'acquisition et l'ordonnance du juge-commissaire.

Suivant acte sous signature privée du 2 janvier 1997, la SCI Oméga (le bailleur) a donné à bail commercial à la SARL Anis (le preneur) un local n°10 situé dans le centre commercial Cora Savannah situé à Saint Paul d'une surface de 67,5 m² pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1997 moyennant un loyer annuel de base hors taxe de 124 276 francs avec indexation annuelle.

L'article 3 ' Destination des lieux loués stipule que :

« Les locaux loués au Preneur devront être affectés par celui-ci à l'usage de :

Confection, Prêt à porter et accessoires de mode

[']

Il est précisé que la destination des lieux loués constitue, dans la commune intention des parties une condition déterminante.

En tant que de besoin, il est rappelé que si le preneur souhaite exercer des activités connexes ou complémentaires, le preneur devra en faire la demande au bailleur, conformément à l'article 34 du Décret du 30 septembre 1953.

[...] »

Aux termes de l'article 10 ' Cession :

« Le preneur ne pourra céder son bail qu'à l'acquéreur de son fonds de commerce dans le centre commercial.

Le bailleur bénéficie, pendant toute la durée du bail et de ses renouvellements, d'un droit de préemption à égalité de conditions, dont il pourra user pour lui-même ou pour toute autre personne qu'il se substituerait. Ce droit sera opposable aux acquéreurs successifs du fonds de commerce.

Pour permettre au bailleur de faire jouer son droit de préemption, le preneur devra informer au moins un mois à l'avance et par lettre recommandée avec accusé de réception, son intention de céder.

[...] »

Il n'est pas contesté par les parties que le bail a été renouvelé amiablement et que la SA Mercialys est venue aux droits de la SCI Oméga.

En l'espèce, la société Sodiouest a fait une offre d'acquisition du droit au bail du local commercial loué à la société Anis par la société Mercialys au prix de 110 000 euros, ce qui a conduit le liquidateur à saisir le juge-commissaire aux fins d'autorisation de ladite cession.

Suivant ordonnance du 7 septembre 2017, le juge-commissaire près le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion a autorisé la vente de gré à gré du droit au bail commercial à la SARL Sodiouest pour le prix principal payable au moyen d'un prêt du Crédit Agricole de 110 000 euros incluant les frais de déspécialisation à charge pour le cessionnaire en sus de son prix de prendre à sa charge les frais et honoraires de rédaction d'actes, ainsi que les frais de mutation et d'enregistrement.

Aux termes d'un courrier du 21 septembre 2017 adressé au liquidateur, Sodiouest :« atteste avoir reçu bonne et valable notification de l'ordonnance de cession du droit au bail commercial situé local n°10 Centre Commercial [Adresse 6] dépendant de la liquidation judiciaire de Anis SARL N°17/305 du 07/09/17 à mon profit, j'acquiesce à celle-ci et je n'entends pas faire de recours. »

Il en a été de même de la part du liquidateur, suivant attestation du 18 septembre 2017.

Au regard de ces éléments, c'est vainement que l'intimée entend se prévaloir de la prétendue caducité de son offre en raison du délai déraisonnable survenu entre la formalisation de son offre et la décision du juge-commissaire dès lors qu'elle a expressément acquiescé à l'ordonnance autorisant la vente dans les suites de sa notification.

Elle est également mal fondée à exciper de l'irrecevabilité de son offre en l'absence de production d'une garantie de paiement alors qu'il revenait au seul juge-commissaire de relever cet élément, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce et alors que l'acquéreur n'a pas formé de recours à l'encontre de l'ordonnance autorisant la cession, de sorte que celle-ci a acquis force de chose jugée.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 mai 2018, le liquidateur a mis en demeure Sodiouest de fournir les éléments nécessaires pour régulariser l'acte authentique de vente et de verser le prix entre les mains du notaire avant le 30 mai 2018.

Par LRAR du 30 mai 2018 (cachet du 4 juin 2018), Sodiouest a informé le liquidateur de son désistement « en raison des motifs suivants : le bailleur, la société Mercialys nous a refusé notre aménagement et nous ne disposons plus de l'accord de financement bancaire. »

Par LRAR du 1er juin 2018 (AR du 4 juin 2018), le liquidateur a mis en demeure Sodiouest de se positionner sur ses intentions quant à l'achat du fonds de commerce de façon expresse sous 48 heures et lui a indiqué qu'à défaut, elle serait contrainte d'acter sa carence et d'engager sa responsabilité pour les loyers non réglés depuis l'ordonnance de vente du 7 septembre 2017 et pour le manque à gagner pouvant résulter de la perte du bail.

L'intimée ne verse aux débats que trois pièces, à savoir :

- un courrier du groupe Jina du 1er août 2016 indiquant à la société Anis la possibilité de reprises de différents baux, (Carrefour [Localité 9], Jumbo Savannah, Super U Bel Air et [Localité 7] centre ville), moyennant un prix de 505 000 euros et la reprise de 8 salariés et précisant : « Dès réception de votre accord, nous solliciterons les bailleurs sur les modifications d'activités » ;

- un courriel du 18 avril 2017 émanant du liquidateur et adressé au groupe Jina (dont fait partie Sodiouest) l'informant que deux requêtes vont être présentées à son profit pour les fonds de commerce de [Localité 8] (proposition SARL Sodiouest pour 110 000 euros et de Carrefour [Localité 9] (proposition SARL Fiji pour 205 000 euros) et lui demandant de lui indiquer par retour par quels moyens financiers il va procéder à ces acquisitions (au comptant avec transmission d'une attestation de solvabilité, ou au moyen d'un prêt) ;

- une attestation de la BFCOI du 16 mai 2017, valable jusqu'au 16 août 2017 attestant de ce que Sodiouest dispose de la capacité financière pour soumissionner à la vente du fonds de commerce situé dans la galerie commerciale de Jumbo Savannah sous l'enseigne Ding Ding de la SARL Anis à hauteur de 110 000 euros.

Sodiouest ne justifie pas d'un quelconque refus « d'aménagement » de la part de la société Mercialys, étant rappelé que dans un courrier du 1er août 2016, soit bien en amont de la décision du 7 septembre 2017, elle informait la société Anis de son intention d'acquérir notamment le bail litigieux et annonçait solliciter les bailleurs sur les modifications d'activités et elle ne justifie pas davantage d'un refus de financement du Crédit Agricole.

Il convient au demeurant de relever que Sodiouest exploite un fonds de commerce de vente de chaussures au détail à l'enseigne Jina, tandis que la société Anis exploitait un fonds de commerce de vente de « Confection, Prêt à porter et accessoires de mode », activité proche, ne demandant a priori aucun aménagement particulier.

L'intimée ne justifie ainsi aucunement ni du refus du bailleur de donner son accord à la cession du droit au bail et à la demande de déspécialisation, ni du refus du financement par sa banque, étant précisé qu'aucune de ces conditions ne constituait une condition suspensive de la cession du droit au bail telle qu'autorisée par le juge-commissaire.

Les motifs de rétractation apportés par l'intimée huit mois après qu'ait été rendue l'ordonnance du juge-commissaire sont ainsi fallacieux et ne sauraient justifier un motif légitime de rétractation à la vente qui était devenue parfaite entre les parties.

La réalisation de la vente présentait donc un caractère obligatoire en raison de la force obligatoire du contrat en application des dispositions des articles 1103 et 1104 du code civil.

C'est donc de manière fautive que l'intimée a entendu se rétracter de son offre d'acquisition du droit au bail et la décision du premier juge ayant écarté la faute de la société Sodiouest sera infirmée.

Sur les préjudices allégués :

La rétractation fautive de l'offre après l'ordonnance du juge-commissaire autorise, soit à faire constater le caractère définitif de la vente, par décision de justice, soit, au choix du liquidateur, à faire prononcer une condamnation à des dommages et intérêts, d'un montant égal au préjudice subi par la collectivité des créanciers représentée par le liquidateur.

Cependant, le transfert de propriété du bien intervient seulement lors de la rédaction de l'acte de cession.

Le dommage est évalué au jour du jugement définitif et la réparation du dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice.

En l'espèce, le liquidateur sollicite la condamnation de la société Sodiouest à lui verser les sommes de 110 000 euros au titre de la perte du prix de vente consécutivement à son inexécution fautive et 44 829,39 euros représentant le loyer commercial pour la période du 1er octobre 2017 jusqu'au 8 juin 2018.

Le liquidateur soutient que le bail commercial a été perdu purement et simplement et que la société Anis a dû régler des loyers qu'elle n'aurait pas dû supporter.

La défaillance de l'acquéreur a effectivement causé à la liquidation judiciaire un préjudice d'un montant équivalent au prix de cession que le liquidateur aurait dû recouvrer si l'acquéreur s'était conformé à ses obligations, préjudice qui s'établit en l'espèce à la somme de 110 000 euros dont l'intimée est mal fondée à solliciter la diminution à de plus justes proportions, s'agissant d'un préjudice directement causé par son inexécution fautive et présentant un caractère certain.

Il n'en va cependant pas de même des loyers réclamés pour la période du 1er octobre 2017 au 8 juin 2018 car seule la signature de l'acte était de nature à mettre un terme à l'obligation de payer les loyers pesant sur la société Anis.

L'appelante sera donc déboutée de sa prétention de ce chef.

La créance de la SARL Anis sera par conséquent fixée au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Sodiouest à hauteur de la somme de 110 000 euros et le surplus de la demande sera rejeté.

Sur les autres demandes :

Partie succombante, la société Sodiouest sera tenue aux entiers dépens, de première instance et d'appel, en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et cette condamnation sera également fixée au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de l'intimée.

L'équité commande d'allouer à la SARL Anis la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et cette créance sera également fixée au passif de la procédure collective de la SARL Sodiouest.

La prétention du même chef présentée par l'intimée sera rejetée en ce qu'elle succombe et le jugement déférée sera infirmé en ce qu'il a alloué la somme de 3 000 euros à la société Sodiouest.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré dans l'intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de la SARL Anis à la somme de 110 000 euros au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Sodiouest au titre de la perte du prix de vente consécutivement à l'inexécution fautive de l'ordonnance du juge-commissaire du 7 septembre 2017 ;

Rejette la créance alléguée par la SARL Anis au titre des loyers commerciaux pour la période du 1er octobre 2017 au 8 juin 2018 ;

Fixe la créance au titre des entiers dépens de première instance et d'appel au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Sodiouest ;

Fixe la créance de la SARL Anis à la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles au passif de la procédure collective ouverte à l'égard de la SARL Sodiouest ;

Déboute la SARL Sodiouest de sa prétention au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Madame Séverine LEGER, Conseilère faisant fonction de Présidente de chambre, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.