CA Lyon, 8e ch., 4 septembre 2024, n° 23/05109
LYON
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Steels Auto (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boisselet
Conseillers :
Mme Masson-Bessou, M. D'Ussel
Avocats :
Me Risaletto, Me Lawson-Body
Exposé du litige
Par acte sous seing privé en date du 1er mars 2022, [X] [W] a consenti à la société Steels Auto un bail dérogatoire portant sur un local situé [Adresse 3] (Rhône), pour une durée de 10 mois à compter du 1er mars 2022 pour se terminer le 31 décembre 2022, pour un loyer mensuel de 500 € hors taxes, soit 600 € TTC, outre charges.
Les locaux loués consistaient en un local à usage de dépôt et atelier de 100 m² environ, avec bureau d'environ 28m², dans un bâtiment d'une superficie totale de 700 m², outre un terrain nu de 1 000 m² environ.
La destination des biens loués était « Dépôt à usage industriel et commercial, relatif à l'activité automobile ».
Par acte sous seing privé en date du 5 juillet 2022, un protocole d'accord a été signé entre [X] [W] et la société Steels Auto qui notamment stipule :
que [X] [W] met à la vente la totalité de son bien immobilier pour la somme de 300.000 €,
qu'un compromis de vente devra être signé au plus tard le 30 septembre 2022, qu'un accord de prêt devra être conclu au plus tard le 30 novembre 2022 et que la vente devra être conclue au plus tard le 28 février 2023.
Le compromis de vente n'est pas intervenu et au 1er janvier 2023 et la société Steels Auto s'est maintenue dans les lieux.
Par exploit du 22 mars 2023, [X] [W] a assigné la société Steels Auto devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne sur le fondement des articles 834 et 835 du Code de procédure civile et L 145-5 et 145-5-1 du Code de Commerce, aux fins de voir au principal constater que la société Steels Auto est déchue de tout titre d'occupation, lui ordonner de quitter les lieux, au besoin par expulsion et la voir condamner au paiement d'une indemnité d'occupation.
Par ordonnance du 1er juin 2023, le juge des référés du Tribunal judiciaire de Saint-Etienne a :
Constaté la résiliation du bail liant [X] [W] et la société Steels Auto au 1er janvier 2023,
Dit que la société Steels Auto doit quitter les lieux dans le 8 jours à compter de la signification de la présente décision, et à défaut de départ volontaire, ordonné son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique,
Condamné la société Steels Auto à payer à [X] [W] les sommes de :
2 400 € à titre de provision à valoir sur les indemnités d'occupation dues au 3 mai 2023, terme d'avril 2023 inclus,
280 € à titre de provision à valoir sur la taxe foncière au prorata, terme d'avril 2023 inclus, une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle égale au montant actuel des loyers et charges de 600 € à compter du 1er mai 2023 et jusqu'à libération complète des lieux par la remise des clés,
800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamné la société Steels Auto aux dépens.
Le juge des référés a retenu en substance, au visa de l'article 834 du Code de procédure civile :
que les échéances du protocole d'accord n'ayant pas été respectées, celui-ci est caduc ;
que de ce fait, le bail dérogatoire a pris fin à la date convenue, soit le 31 décembre 2022 ;
que la société Steels Auto étant toujours dans les lieux, elle doit être invitée à les quitter, au besoin par expulsion et doit payer une indemnité d'occupation jusqu'à la libération des lieux.
Par déclaration régularisée par RPVA le 23 juin 2023, la société Steels Auto a interjeté appel de l'intégralité des chefs de décision de l'ordonnance de référé du 1er juin 2023, dont elle a repris les termes dans sa déclaration d'appel.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 14 mai 2024, la société Steels Auto demande à la cour de :
Vu les articles L145-5 et suivants du Code du Commerce, Vu les articles 700, 834 et suivants du Code de procédure civile, Vu les articles 1709, 1721 et 1738 et suivants du Code civil,
Déclarer son appel recevable et fondé ;
Infirmer en totalité l'ordonnance de référé du 1er juin 2023 (dont elle reprend les termes dans le dispositif de ses écritures) ;
Et statuant à nouveau :
I : Sur la résiliation du bail au 1er janvier 2023 à ses torts :
Constater qu'il existe une contestation sérieuse que le juge des référés ne pouvait trancher consistant en l'analyse de la validité du bail dérogatoire conclu le 1er mars 2022, l'application de la présomption du bénéfice du statut des baux commerciaux pour le preneur et la revendication du statut des baux commerciaux par le preneur ;
En conséquence, débouter [X] [W] de sa demande de résiliation du bail au 1er janvier 2023, de sa demande d'expulsion, de sa demande de condamnation à verser des indemnités d'occupation, de sa demande d'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et le renvoyer à mieux se pourvoir ;
II : Sur la condamnation de la société Steels Auto à payer des indemnités d'occupation à [X] [W] dans l'hypothèse où le bail dérogatoire et sa résiliation au 31 décembre 2022 serait validé par la Cour d'appel :
Constater la résiliation du bail dérogatoire aux torts de [X] [W] à compter du 1er janvier 2023 ;
Ordonner que le loyer fixé dans le bail dérogatoire doit être réduit de moitié du 1er mars 2022 au 31 décembre 2022, ce qui le porterait à 250 € Hors Taxes par mois ;
Ordonner qu'aucune indemnité d'occupation ne soit due à [X] [W] du 1er janvier 2023 jusqu'à la libération des lieux par la société Steels Auto qui ne peut avoir quitté les lieux que 4 mois après la décision à intervenir vu que le bail est résilié à ses torts et le nombre de pneus et véhicules à déménager pour le preneur ;
Condamner [X] [W] à lui verser 10.000 € au titre de son préjudice matériel et 1.000 € au titre de son préjudice moral vu que [X] [W] a mandaté un huissier pour poursuivre l'expulsion forcée du preneur malgré l'appel interjeté par ce dernier.
III : En tout état de cause :
Rejeter les demandes de condamnation présentées par [X] [W] au paiement des sommes de 3000 € à titre de provision à valoir sur les indemnités d'occupation dues à compter du mois de mai 2023 jusqu'à fin septembre 2023, à parfaire jusqu'à la libération complète des lieux par la remise des clés, de 100 € à titre de provision à valoir sur la taxe foncière au prorata, à compter du mois de mai 2023 jusqu'à fin septembre 2023, à parfaire jusqu'à la libération complète des lieux par la remise des clés, de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et de condamnation aux entiers dépens de l'instance d'appel ;
Rejeter toutes autres demandes ou moyens présentés par [X] [W] ;
Condamner [X] [W] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance d'appel.
L'appelante soutient en premier lieu que la résiliation du bail aux torts de la société Steels Auto se heurte à une contestation sérieuse.
Elle fait valoir à ce titre, au visa de l'article L 145-5 du Code de commerce :
que le législateur a considéré pour la validité d'un bail dérogatoire que la volonté de conclure un bail dérogeant aux dispositions du statut des baux commerciaux, plus protectrices, ne se présume pas, doit être explicite et non équivoque et que le bailleur par ailleurs doit manifester au locataire avant la fin du bail sa volonté de ne pas poursuivre les relations contractuelles ;
qu'en l'espèce, le consentement explicite du preneur à conclure un bail dérogatoire n'est pas établi et plus précisément la volonté de la société Steels Auto de renoncer à l'application des règles protectrices du bail commercial ;
qu'il n'est pas plus justifié d'une volonté équivoque et expresse du bailleur de reprendre possession des lieux manifestée avant la fin du bail dérogatoire, le courrier du 28 décembre 2022, auquel celui-ci fait référence, dont il n'est pas démontré qu'il lui a été notifié avant la date d'échéance du bail, ne permettant pas d'attester qu'il s'agit d'une mise en demeure adressée au preneur de quitter les lieux et de la volonté de reprendre définitivement les lieux par le bailleur.
L'appelante soutient en second lieu que sa condamnation à payer des indemnités d'occupation à [X] [W] n'est aucunement fondée, en ce que :
s'il est retenu que le bail dérogatoire est valide et résilié au 31 décembre 2022, les dispositions des articles 1709, 1721 et 1738 du Code civil trouveraient alors à s'appliquer ;
en l'espèce, il est établi que les locaux loués sont classés en zone agricole « A » selon le PLU et [X] [W] ne justifie pas avoir obtenu une dérogation l'autorisant à louer ledit local pour une activité commerciale et plus spécifiquement la destination indiquée au bail dit dérogatoire du 1er mars 2022 à savoir « Dépôt à usage industriel et commercial, relatif à l'activité automobile » ;
si en définitive, [X] [W] produit un courrier du préfet du Rhône daté du 8 décembre 2022 mentionnant que l'activité commerciale peut être exercée, ce document est intervenu bien après le le rendez-vous préparatoire du compromis de vente au cours duquel est ressorti problème d'urbanisme, cette démarche tardive pouvant s'apparenter à une man'uvre de la part de [X] [W] en vue de faire échouer la vente, sachant que cette information n'a à aucun moment été communiquée à la société Steels Auto, ou son notaire ;
en conséquence, le manquement à l'obligation de délivrance du bailleur est sanctionné par la résiliation du bail aux torts du bailleur, le preneur étant également en droit de solliciter une réduction du loyer ;
il est donc légitime que la cour, statuant à nouveau, constate la résiliation du bail aux torts de [X] [W] à compter du 1er janvier 2023, dise que le loyer fixé dans le bail doit être réduit de moitié du 1er mars 2022 au 31 décembre 2022 et dise qu'aucune indemnité d'occupation n'est due du 1er janvier 2023 jusqu'à la libération des lieux.
La société STELLS Auto demande par ailleurs que [X] [W] soit condamné à lui verser les sommes de 10 000 € au titre de son préjudice matériel et de 1 000 € au titre de son préjudice moral, [X] [W] ayant mandaté un huissier pour poursuivre l'expulsion forcée malgré l'appel interjeté.
Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 14 Mai 2024, [X] [W] demande à la cour de :
Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile, les articles L 145-5 et 145-5-1 du Code de Commerce,
Débouter la société Steels Auto de son appel principal,
Confirmer l'ordonnance de référé du 1er juin 2023 sur l'intégralité de ses dispositions (dont les termes sont repris dans le dispositif de ses écritures),
Y ajoutant :
Dire et juger que la société Steels Auto sera condamnée au paiement des sommes suivantes :
o 6 000 € à titre de provision à valoir sur les indemnités d'occupation dues à compter du mois de mai 2023 jusqu'à fin mai 2024, à parfaire jusqu'à la libération complète des lieux par la remise des clés,
o 240 € à titre de provision à valoir sur la taxe foncière au prorata, à compter du mois de mai 2023 jusqu'à fin mai 2024, à parfaire jusqu'à la libération complète des lieux par la remise des clés,
Condamner la société Steels Auto à lui payer la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et aux entiers dépens de l'instance d'appel.
[X] [W] fait principalement valoir que ses demandes ne se heurtaient à aucune contestation sérieuse.
Il expose :
que les termes du bail dérogatoire sont clairs et non équivoques, à la simple lecture des dispositions du bail, et que la société Steels Auto ne peut sérieusement se prévaloir d'une absence de sa part d'un consentement de conclure un bail dérogatoire aux dispositions du statut des baux commerciaux, ce d'autant que les motifs d'un recours au bail dérogatoire résident dans le fait que le bailleur était disposé à vendre les lieux, objet du bail dérogatoire, au preneur, animé aussi de la volonté de s'en porter acquéreur, ce qui a été sans équivoque matérialisé par la signature d'un protocole d'accord, lequel se réfère sans aucune ambiguïté au bail dérogatoire ;
qu'il a sans équivoque manifesté sa volonté de faire respecter le bail et de reprendre possession des lieux loués par l'expulsion du locataire, ce qui ressort clairement des termes de son courrier recommandé du 28 décembre 2022 ;
que toutefois, le preneur s'est maintenu dans les lieux loués sans aucun droit ni titre et qu'il est donc redevable d'une indemnité d'occupation dont il sollicite l'actualisation, étant souligné qu'il est à jour du paiement des loyers.
[X] [W] conteste par ailleurs tout manquement de sa part à son obligation de délivrance, aux motifs :
qu'il n'est pas exact que les biens objet du bail dérogatoire, seraient situés en zone agricole et n'ont pas fait l'objet d'une dérogation aux fins d'exercice d'une activité commerciale ou industrielle ;
qu'en effet, il a acquis en 1971 les biens concernés, date à laquelle il n'existait pas de PLU et qu'il a exercé son activité professionnelle dans les lieux jusqu'en 2004 ;
qu'au regard du PLU, la location ou la cession des parcelles et constructions visées au bail dérogatoire n'entraîne aucune modification dans la nature d'occupation, artisanale ou industrielle ;
que cela est confirmé par un courrier du maire de la commune du 25 août 1998, aux termes duquel le maire lui indiquait qu'il pouvait toujours exercer une activité de réparation et mise au point automobile, achat et vente de pièces automobiles, dans ses locaux professionnels, les locaux étant existants ;
que cela est également confirmé par un courrier du préfet du Rhône du 8 décembre 2022 ;
qu'en conséquence, la demande de réduction des loyers doit être rejetée.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I : Sur la validité du bail dérogatoire
La cour rappelle qu'en première instance, [X] [W] demandait qu'il soit constaté que la société Steels Auto était déchue de tout titre d'occupation, le bail dérogatoire ayant pris fin et qu'il ne sollicitait aucunement la résiliation du bail.
La cour observe qu'en effet, si le bail dérogatoire est reconnu valide, le preneur doit quitter les lieux à la date convenue et donc à l'arrivée du terme prévu au contrat sans qu'il y ait lieu de constater la résiliation du bail, le bail prenant nécessairement fin à la date fixée par le contrat.
Il en résulte que la société Steels Auto n'est pas fondée à soutenir qu'il existait en première instance une contestation sérieuse sur le prononcé de la résiliation du bail aux torts de la société Steels Auto le débat se situant en réalité sur la validité ou non du bail dérogatoire et, au stade du référé sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 alinéa 1er du Code de procédure civile, selon lequel le juge des référés peut, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures de remise en état qui s'imposent, pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
A ce titre, selon les dispositions de l'article L145-5 du Code de commerce :
« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre (statut des baux commerciaux) à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local ».
Il ressort de ces dispositions que les parties peuvent déroger au statut des baux commerciaux à condition que le bail dérogatoire ne soit pas d'une durée supérieure à trois ans, qu'à l'expiration de la durée prévue, le bail prend automatiquement fin mais que si le preneur est laissé dans les lieux et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date d'échéance du bail, il s'opère un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux.
En l'espèce, le bail litigieux a été conclu pour une durée de 10 mois, du 1er mars 2022 au 31 décembre 2022.
Il ressort en outre du protocole d'accord signé entre la société Steels Auto et [X] [W] le 5 juillet 2022 qu'en réalité ce bail dérogatoire a été conclu dans la mesure où la société Steels Auto avait l'intention d'acquérir les locaux loués pour la somme de 300 000 €, qu'il était convenu d'un compromis de vente devant être signé aux plus tard le 30 Septembre 2022, d'un accord de prêt à obtenir au plus tard le 30 novembre 2022 et d'une vente à finaliser au plus tard le 28 février 2023, le protocole prévoyant sa caducité si les dates relatives à la signature du compromis de vente et à l'obtention du prêt n'étaient pas respectées.
La cour relève que le preneur ne peut sérieusement soutenir que sa volonté explicite de conclure un bail dérogatoire n'est pas établie et plus précisément sa volonté de renoncer aux règles protectrices des baux commerciaux, alors qu'il ressort de l'examen du bail litigieux :
qu'en en tête, il est intitulé bail dérogatoire article L 145-5 du Code de commerce ;
qu'au paragraphe 'durée' (page 2) il est expressément indiqué que le bail est consenti pour une durée de dix mois (à compter du 1er mars 2022 pour se terminer le 31 décembre 2022) et que conformément aux dispositions de l'article L 145-5 du Code de commerce, les parties conviennent expressément de soustraire le présent bail au champ d'application du statut régissant les baux commerciaux, entendent que l'échéance du bail, conformément aux dispositions de l'article 1737 du Code civil, vaut congé et que le bail prendra donc fin de plein droit et sans formalité à la dite échéance sans qu'il soit nécessaire de donner congé.
Le preneur ne peut pas plus soutenir qu'il n'est pas justifié d'une volonté non équivoque et expresse du bailleur de reprendre possession des lieux avant la fin du bail dérogatoire, alors que le bailleur justifie avoir le 28 décembre 2022 adressé en recommandé à la société Steels Auto un courrier dans lequel il indique 'devoir fermer le local dès le début janvier puisque le bail arrive à son terme et que rien d'autre n'a été prévu, que le protocole de vente du 5 juillet 2022 n'a pas été respecté et plus loin 'être dans l'obligation de fermer l'accès au local loué comme mentionné dans le bail', manifestant ainsi clairement sa volonté de reprendre possession des lieux, étant observé qu'il n'est pas contesté que les dates fixes par le protocole précité, sous peinte de caducité, n'ont pu être respectées.
La cour ajoute qu'en outre, la signature du protocole d'accord démontrait clairement que le bailleur ne souhaitait pas poursuivre les relations contractuelles si la vente n'était pas conclue.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments, qu'à l'évidence, rien n'est susceptible d'affecter la validité du bail dérogatoire signé le 1er mars 2022 et qu'en conséquence, par application des dispositions de l'article L 145-5 du Code de commerce et des dispositions contractuelles, la société Steels Auto avait l'obligation de quitter les lieux au 31 décembre 2022, date d'échéance du contrat, date à laquelle le bail prenait fin de plein droit sans autre formalité.
Or, il n'est pas contesté que la société Steels Auto est restée dans les lieux après le 31 décembre 2022, ce que confirme les constats d'huissier de justice en date du 8 février et 29 juin 2023 versés aux débats.
Il ressort de ce simple constat qu'à compter du 1er janvier 2023, la société Steels Auto occupait les lieux sans droit ni titre, ce qui constituait un trouble manifestement illicite au sens de l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, justifiant une mesure de remise en état appropriée en l'espèce qu'il soit ordonné l'expulsion de la société Steels Auto des lieux loués.
La cour en déduit que la décision déférée ne pouvait constater la résiliation du bail liant la société Steels Auto et [X] [W], le bail prenant fin de plein droit à sa date d'échéance sans autre formalité et sans qu'une quelconque manifestation de volonté soit nécessaire, qu'elle doit donc être infirmée à ce titre et qu'il convient en réalité de constater que la société Steels Auto était déchue de tout titre d'occupation à compter du 1er janvier 2023 et donc occupant sans droit ni titre.
La cour en revanche confirme la décision déférée en ce qu'elle a ordonné à la société Steels Auto de quitter les lieux dans les 8 jours à compter de la signification de la décision et à défaut de départ volontaire ordonné l'expulsion de la société Steels Auto ainsi que de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique.
II : Sur le paiement d'une indemnité d'occupation
Le premier juge a retenu qu'étant occupant sans droit ni titre, la société Steels Auto devait payer à [X] [W] une indemnité d'occupation égale au montant actuel du loyer et des charges jusqu'à la libération complète des lieux ainsi que la taxe foncière au prorata.
A ce titre, il a condamné la société Steels Auto à payer à [X] [W] :
la somme de 2 400 € TTC à valoir à titre provisionnel sur les indemnités d'occupation dues au 3 mai 2023, termes d'avril 2023 inclus ; (4 mois)
la somme de 280 € à valoir à titre provisionnel sur la taxe foncière calculée au prorata, terme d'avril 2023 inclus (taxe foncière année 2022, 200 € + 20 € par mois à compter du mois de janvier 2023).
La société Steels Auto demande l'infirmation de cette décision, aux motifs :
que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance, les locaux loués étant situés en zone agricole (zone A) et [X] [W] ne justifiant pas avoir obtenu une dérogation l'autorisant à louer le local pour une activité commerciale, et plus spécifiquement celle prévue au bail dérogatoire, à savoir l'activité automobile ;
que le manquement à l'obligation de délivrance du bailleur étant sanctionné par la résiliation du bail aux torts du bailleur, cela justifie une réduction de loyer de moitié jusqu'à la fin du bail et qu'aucune indemnité d'occupation soit fixée à compter deu 31 décembre 2022, date de la fin du bail.
Elle sollicite ainsi :
que soit constaté la résiliation du bail dérogatoire aux torts de [X] [W] à compter du 1er janvier 2023 ;
la réduction des loyers dans les proportions précitées jusqu'au 31 décembre 2022 et qu'il ne soit mis à sa charge aucune indemnité d'occupation à compter de cette date.
La cour relève en premier lieu que la société Steels Auto ne justifie aucunement n'avoir pu exploiter les lieux par manquement du bailleur à son obligation de délivrance, étant observé d'une part, qu'elle n'a jamais fait état d'une difficulté à ce titre pendant tout le contrat de bail, d'autre part et surtout, que [X] [W] justifie par un courrier du maire de [Localité 6] (25 août 1998) et par un courrier du préfet du Rhône (8 décembre 2022), que l'activité automobile pratiquée est autorisée s'agissant d'une activité préexistante à l'adoption du PLU, [X] [W] ayant acquis les lieux en 1971 et y ayant d'ailleurs exercé une une activité automobile jusqu'en 2004.
Outre que la demande de résiliation du contrat de bail aurait dû intervenir pendant le contrat de bail et non plus d'un an après la date de fin du bail dérogatoire, en tout état de cause, le manquement du bailleur à son obligation de délivrance n'étant pas établi, rien ne justifie qu'il soit fait droit à la demande de résiliation de bail présentée par la société Steels Auto, de surcroît au stade du référé, ce qui supposerait qu'elle ne se heurte à aucune contestation sérieuse au sens de l'article 834 du Code de procédure civile.
Enfin, dès lors que la société Steels Auto se trouve dans les lieux loués sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2023, elle est nécessairement débitrice d'une indemnité d'occupation, contrepartie, de son occupation des lieux loués.
Au visa de l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, la cour retient que l'indemnité d'occupation due par la société Steels Auto depuis la fin du bail dérogatoire et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, peut être fixée de façon non sérieusement contestable au montant du loyer contractuel, outre charges.
Aux termes du bail dérogatoire, le loyer s'élevait à 600 € TTC par mois outre 200 € au titre de la taxe foncière, (20 € par mois) à régler avec le dernier appel de loyer.
Le premier juge a condamné la société Steels Auto à payer à [X] [W] la somme de 2 400 € TTC pour l'indemnité d'occupation de janvier à avril 2023 inclus et la somme de 280 € pour la taxe foncière (200 € pour 2022, à régler avec le dernier appel de loyer et 80 € à titre provisionnel sur les mois de janvier à avril pour l'année 2023).
La cour confirme la décision déférée à ce titre, la créance provisionnelle revendiquée ne se heurtant à aucune contestation sérieuse.
[X] [W] sollicite toutefois, dans la mesure où la société Steels Auto n'a toujours pas libéré les lieux, que soit ajoutée à la créance retenue par le premier juge une condamnation de la société Steels Auto à lui régler les sommes complémentaires de :
6 000 € pour les indemnités d'occupation dues de mai 2023 jusqu'à mai 2024 inclus,
240 € pour la taxe foncière de mai 2023 à mai 2024.
Pour autant, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 29 juin 2023 que la société Steels Auto verse aux débats que si à cette date les véhicules appartenant à la société Steels Auto étaient toujours dans les lieux, ils ne pouvaient en sortir, [X] [W] ayant bloqué l'accès des lieux par un portail avec cadenas et chaine et en interdisant l'accès.
Il s'en suit que la demande complémentaire d'indemnité d'occupation présentée par [X] [W] se heurte à une contestation sérieuse et qu'il n'y a lieu à référé sur cette demande.
III : Sur la demande d'indemnisation de la société Steels Auto
La société Steels Auto sollicite que [X] [W] soit condamné à lui payer les sommes de 10 000 € au titre de son préjudice matériel et de 1 000 € au titre de son préjudice moral, aux motifs que [X] [W] a mandaté un huissier de justice pour poursuivre l'expulsion forcée, en dépit de l'appel interjeté.
Or, dès lors que [X] [W] a obtenu à son bénéficie une décision de justice revêtu de l'exécution provisoire, il ne peut être retenu qu'il a commis une faute en mandatant un huissier de justice pour exécuter la décision.
La cour en déduit que cette demande se heurte à une contestation sérieuse au sens de l'article 835 alinéa 2 du Code de procédure civile, et qu'il n'y a lieu à référé sur cette demande.
IV : Sur les demandes accessoires
La société Steels Auto succombant principalement, la cour confirme la décision déférée qui l'a condamnée aux dépens et à payer à [X] [W] la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.
Pour la même raison, la cour condamne la société Steels Auto aux dépens à hauteur d'appel.
La cour condamne la société Steels Auto à payer à [X] [W] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel, justifiée en équité.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme la décision déférée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail liant la société Steels Auto et [X] [W] au 1er janvier 2023 et statuant à nouveau :
Dit que le bail dérogatoire a pris fin de plein droit au 31 décembre 2022, sa date d'échéance et constate que la société Steels Auto est déchue de tout titre d'occupation à compter du 1er janvier 2023 ;
Confirme la décision déférée pour le surplus ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de la société Steels Auto ;
Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande complémentaire présentée par [X] [W] au titre de l'indemnité d'occupation et de la taxe foncière ;
Condamne la société Steels Auto aux dépens à hauteur d'appel ;
Condamne la société Steels Auto à payer à [X] [W] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile à hauteur d'appel ;
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.