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Décisions

CA Lyon, 8e ch., 4 septembre 2024, n° 23/06936

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 23/06936

4 septembre 2024

N° RG 23/06936 -N°Portalis DBVX-V-B7H-PFY5

Décision du Tribunal Judiciaire de Lyon en référé du 03 juillet 2023

RG : 23/00702

S.A.S. [Adresse 1] COIFFURE

C/

S.A. SACVL -SOCIETE DE CONSTRUCTION DE LA VILLE DE LYON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

8ème chambre

ARRÊT DU 04 Septembre 2024

APPELANTE :

La SAS [Adresse 1] COIFFURE, société par actions simplifiée ayant son siège social sis [Adresse 1], immatriculée au RCS de LYON, sous le numéro 895 334 803, et agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

Ayant pour avocat plaidant la SPE GO CONSEIL, cabinet d'avocats et d'expertise comptable inscrit au barreau de LYON

INTIMÉE :

La société anonyme de construction de la ville de [Localité 2] « S.A.C.V.L » (R.C.S Lyon 954 502 142) dont le siège social est à [Adresse 3], agissant poursuites et diligences de son directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Patrick COULON, avocat au barreau de LYON, toque : 808

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 07 Mai 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 14 Mai 2024

Date de mise à disposition : 04 Septembre 2024

Audience tenue par Bénédicte BOISSELET, président, et Véronique MASSON-BESSOU, conseiller, qui ont siégé en rapporteurs sans opposition des avocats dûment avisés et ont rendu compte à la Cour dans leur délibéré,

assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Composition de la Cour lors du délibéré :

- Bénédicte BOISSELET, président

- Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

- Antoine-Pierre D'USSEL, conseiller

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

Exposé du litige

Le 8 mars 2021, la société anonyme de construction de la ville de [Localité 2] (ci-après la SACVL) a consenti à la société [Adresse 1] Coiffure un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux d'une durée d'une année, se terminant le 7 mars 2022 et portant un local commercial d'une superficie de 70 m² environ, situé au rez-de-chaussée de l'immeuble [Adresse 1], sis [Adresse 1].

Le local loué était à destination d'une activité de salon de coiffure, le loyer annuel étant 10 800 € HT, payable par trimestre d'avance, outre une provision trimestrielle pour charges de 176,61 € HT.

Le 6 février 2023, la SACVL a délivré à la société [Adresse 1] Coiffure un commandement de payer la somme de 10 733,45 € au titre de l'arriéré de loyers, visant la clause résolutoire prévue au contrat de bail.

Aux motifs que ce commandement était resté sans effet, la SACVL a assigné le 13 avril 2023 la société [Adresse 1] Coiffure devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir au principal constater l'acquisition de la clause résolutoire et statuer sur ses conséquences et la voir condamnée à lui payer à titre provisionnel la somme de 10 733,45 € au titre de l'arriéré de loyers.

L'affaire a été appelée à l'audience du 30 mai 2023 à laquelle la SACVL a maintenu ses demandes, actualisant toutefois sa créance à la somme de 9 867,56 € au 30 mai 2023, 2ème trimestre inclus.

La société [Adresse 1] Coiffure n'a pas comparu.

Par ordonnance du 03 juillet 2023, le juge des référés a :

Constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 06 mars 2023 ;

Ordonné faute de libérer les lieux dans le mois de la signification de l'ordonnance à intervenir l'expulsion de la société [Adresse 1] Coiffure et de tout occupant éventuel de son chef ;

Condamné la société [Adresse 1] Coiffure au paiement de la somme provisionnelle de de 9 867,56 € au titre des loyers et charges impayés au 30 mai 2023, 2ème trimestre inclus, outre intérêts aux taux légal à compter de la date du commandement ;

Condamné la société [Adresse 1] Coiffure au paiement d'une indemnité d''occupation équivalente aux loyers et charges à compter du 1er juillet 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

Condamné la société [Adresse 1] Coiffure à payer à la SACVL la somme de 800 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance, ce compris le coût du commandement de payer.

Par déclaration régularisée par RPVA le 7 septembre 2023, la société [Adresse 1] Coiffure a interjeté appel de l'ordonnance de référé du 3 juillet 2023 dans son intégralité.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 26 octobre 2023, la société [Adresse 1] Coiffure demande à la cour de :

Vu l'article L145-41 alinéa 2 du Code de commerce, Vu l'article 1343-5 du Code civil,

Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 03 juillet 2023 et, statuant à nouveau :

Lui accorder rétroactivement des délais de paiement pour régler l'intégralité des causes du commandement de payer du 06 février 2023 et de l'ordonnance de référé du 03 juillet 2023 ;

Suspendre les effets de la clause résolutoire au cours des délais ainsi accordés ;

Dire qu'à la date de l'audience, la société [Adresse 1] Coiffure a apuré partiellement les causes du commandement de payer en date du 6 février 2023 et de l'ordonnance de référé du 3 juillet 2023, de sorte que la clause résolutoire est réputée n'avoir jamais joué ;

Débouter la société SACVL de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

En tout état de cause,

Condamner la société SACVL à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société [Adresse 1] Coiffure expose :

qu'elle a procédé à un règlement partiel de sa dette à hauteur de 4 000 € selon virement opéré le 11 septembre 2023 au profit de la société SACVL, ce qui prouve qu'elle est de bonne foi ;

qu'au visa de l'article L 145-41 alinéa 2 du Code de commerce, le juge peut accorder au preneur des délais de paiement, qui suspendent la réalisation et les effets de la clause résolutoire, laquelle ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ;

que Madame [E] [U], présidente de la société [Adresse 1] Coiffure, s'est trouvée en arrêt maladie du 09 septembre 2022 au 25 avril 2023, n'a pu en conséquence exercer ses fonctions de direction et notamment, le règlement des loyers ;

que compte tenu de sa bonne foi, la cour ne peut que suspendre les effets de la clause résolutoire et lui accorder des délais de paiement rétroactifs.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 27 novembre 2023, la société SACVL demande à la cour de :

Vu notamment l'article L 145-41 al. 2 du Code de commerce, vu l'article 1343-5 du Code civil,

La recevoir en ses demandes fins et conclusions,

Débouter la société [Adresse 1] Coiffure de l'ensemble de ses demandes,

Confirmer l'ordonnance de référé rendue le 03 juillet 2033 par le Président du tribunal judiciaire de Lyon,

Condamner la société [Adresse 1] Coiffure au paiement de la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

La société SACVL fait valoir :

que la situation débitrice de la société [Adresse 1] Coiffure ne résulte pas ou pas seulement des difficultés de santé passées de sa dirigeante, alors qu'elles ont débuté dès l'origine du bail ;

qu'un commandement de payer a déjà été signifié le 18 janvier 2022 pour une somme de 9 434,59 € ;

qu'elle a dès le mois de novembre 2022 proposé un plan d'apurement, auquel la société [Adresse 1] Coiffure n'a donné aucune suite ;

que si effectivement, la société [Adresse 1] Coiffure a effectué un versement de 4 000 € le 11 septembre 2023, aucun règlement n'est intervenu depuis, de telle sorte que la dette locative s'élève à ce jour à la somme de 13 889,50 €, somme supérieure aux causes du commandement de payer du 6 février 2023 ;

que la société [Adresse 1] Coiffure, qui ne justifie pas de sa situation comptable, ne peut valablement solliciter des délais de paiement rétroactifs alors que la dette n'est pas réglée dans son intégralité ;

que d'ailleurs, précédemment, la présidente de la société [Adresse 1] Coiffure a géré une autre société, laquelle a été déclarée en liquidation judicaire selon jugement du tribunal de commerce du 5 janvier 2023 et qu'elle peut légitimement craindre se trouver une nouvelle fois confrontée à l'incurie de sa débitrice, laquelle ne présente aucune crédibilité ni solvabilité suffisante pour obtenir les délais qu'elle sollicite ;

qu'elle s'oppose en conséquence à tout délai et demande la confirmation de l'ordonnance.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour plus ample exposé.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour rappelle qu'aux termes de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile Les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif et que la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

En l'espèce, la société [Adresse 1] Coiffure se limitant dans le dispositif de ses écritures à solliciter l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail litigieux et sollicitant à ce titre des délais de paiement avec suspension des effets de la clause résolutoire, la cour est saisie dans les limites de cette demande.

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Au sens de ce texte il y a urgence dès lors qu'un retard dans la décision qui doit être prise serait de nature à compromettre les intérêts légitimes du demandeur, ce qui est nécessairement le cas si les conditions permettant que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire sont acquises, le bailleur étant privé de son droit de récupérer les locaux qui lui appartiennent et ayant nécessairement intérêt à ce que ses droits soient reconnus dans les délais les plus brefs.

En l'espèce, il n'est pas contesté que les parties ont conclu le 8 mars 2021 un bail dérogatoire au statut des baux commerciaux, et qu'elles ont convenu à ce titre d'un bail d'une durée d'une année, se terminant le 7 mars 2022.

Il est d'ailleurs précisé dans le contrat de bail sus-visé :

que les parties renoncent de façon expresse et non équivoque au bénéfice du statut des baux commerciaux ;

que le bail dérogatoire est régi par l'article L 145-5 du Code de commerce ainsi que par les dispositions du code civil relatives au contrat de louage ;

que le bail est consenti pour une durée d'une année commençant à courir le 5 mars 2021 pour se terminer irrévocablement le 4 mars 2022 sans que le bailleur ait à donné congé.

Selon les dispositions de l'article L145-5 du Code de commerce, visé expressément dans le bail dérogatoire :

« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre (statut des baux commerciaux) à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.

Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.

Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local. »

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats :

que la SAS [Adresse 1] Coiffure occupe les lieux depuis le 8 mars 2021 et qu'à l'expiration du délai fixé par les parties pour la fin du bail dérogatoire, soit le 7 mars 2022, elle s'y est maintenue ;

que postérieurement à cette date, le bailleur ne s'est pas opposé à son maintien dans les lieux, ce que d'ailleurs il ne conteste pas, comme en atteste au demeurant le courrier qu'il a adressé à la société [Adresse 1] coiffure le 21 novembre 2022, soit plus de 8 mois après l'expiration du bail dérogatoire, aux termes duquel il lui rappelait que les loyers et charges étaient dûs d'avance pour chaque trimestre de facturation et la mettait en demeure de régulariser son arriéré.

Il en résulte que par application des dispositions de l'article L 145-5 alinéa 2 du Code de commerce, précédemment cité, il s'est opéré depuis le 8 mars 2022 un nouveau bail quant à lui soumis au statut des baux commerciaux, dont les dispositions sont applicables et notamment l'article L 145-41 du Code de commerce, dont le bailleur est désormais fondé à se prévaloir.

Aux termes des dispositions sus-visées, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux.

La cour constate qu'il était prévu dans le bail en son article X une clause résolutoire en cas d'inexécution par le preneur des obligations du bail, notamment le paiement des loyers.

En l'espèce, la régularité du commandement délivré le 6 février 2023 pour un principal de 11 756,79 € au 31 janvier 2023 n'est pas contestée, outre que ce commandement précise qu'à défaut de paiement dans le délai d'un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail.

Il ressort du décompte produit par le bailleur que les causes de ce commandement n'ont pas été apurées dans le mois de sa délivrance, puisque seule une somme de 4 500 € a été versée par le preneur le 17 février 2023, date à laquelle il restait dû, après ce paiement, la somme de 7 256,79 €, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté par la société [Adresse 1] coiffure.

Dès lors, la Cour retient qu' il n'existait aucune contestation sérieuse qui soit de nature à s'opposer à ce que soit constatée l'acquisition de la clause résolutoire.

Reste que la société [Adresse 1] Coiffure sollicite des délais de paiement 'rétroactifs' au visa de l'article L 145-41 alinéa 2 du Code de commerce avec suspension des effets de la clause résolutoire pendant ces délais, aux motifs qu'elle a fait preuve de bonne foi en procédant à un règlement partiel de 4 000 € le 11 septembre 2023 et que ses difficultés sont dues à des problèmes de santé de sa présidente.

La cour rappelle que les délais de paiement rétroactifs neutralisant les effets de la clause résolutoire ne peuvent être accordés que si la dette a été intégralement règlée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, y compris en tenant compte d'un autre virement de 1 000 € opéré par l'appelante le 3 mai 2023, puisqu'au 11 septembre 2023, il restait encore dû 9 994,42 €, étant rappelé qu'il était réclamé à la date du ommandement du 6 février 2023 la somme de 11 756,79 €.

Par ailleurs, outre qu'il ressort du décompte du bailleur que les difficultés de paiement de l'appelante sont constantes depuis le début du bail et donc avant les problèmes de santé rencontrés par sa présidente, l'appelante ne justifie aucunement de sa situation financière et il ressort du décompte produit par le bailleur qu'elle ne règle toujours pas le loyer courant.

Dans ces conditions, il est illusoire de faire droit à sa demande de délais de paiement avec effet suspensif de la clause résolutoire et la cour rejette cette demande et confirme en conséquence la décision déférée en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 6 mars 2023, et statué sur ses conséquences.

La cour condamne la société [Adresse 1] Coiffure, qui succombe, aux dépens à hauteur d'appel.

La cour condamne enfin la société [Adresse 1] Coiffure à payer à la la société anonyme de construction de la ville de [Localité 2] la somme de 800 € à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute la société [Adresse 1] Coiffure de sa demande de délais de paiement avec effets suspensifs de la clause résolutoire ;

Confirme la décision déférée dans son intégralité ;

Condamne la société [Adresse 1] Coiffure aux dépens à hauteur d'appel ;

Condamne la société [Adresse 1] Coiffure à payer à la la société anonyme de construction de la ville de [Localité 2] la somme de 800 € à hauteur d'appel sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT