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Décisions

Cass. 3e civ., 16 mars 2023, n° 21-18.022

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Teiller

Rapporteur :

M. Delbano

Avocats :

SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 25 mars 2021

25 mars 2021

Désistement partiel

1. Il est donné acte au syndicat des copropriétaires de l'[Adresse 7], à Mmes [R], [F] et à M. et Mme [Z] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Isosec.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 25 mars 2021), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-19.320), le 11 décembre 2000, une mission de maîtrise d'oeuvre complète a été confiée à la société d'architecture Antoine Dalbard (l'architecte) en vue de la réhabilitation de deux hôtels particuliers situés à [Localité 4].

3. Des puits ayant été découverts dans les sous-sols des bâtiments, l'architecte a sollicité en cours de travaux la société Isosec, à laquelle le syndicat des copropriétaires de l'[Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires), constitué entre-temps, a confié des travaux d'assèchement des murs.

4. Après la réception des travaux, des désordres liés à des remontées d'humidité ont été constatés.

5. Après expertise, le syndicat des copropriétaires et Mmes [R] et [F] et M. et Mme [Z], copropriétaires, ont assigné l'architecte en réparation de leurs préjudices. Celui-ci a assigné en garantie la société Isosec.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident éventuel, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

7. Le syndicat des copropriétaires, Mmes [R], [F] et M. et Mme [Z] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors « que l'architecte chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète ne peut être exonéré de sa responsabilité décennale qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère ; qu'en retenant, pour écarter la responsabilité décennale de la société Dalbard, que les désordres décennaux constatés résultaient d'une insuffisance des travaux d'assèchement effectués par la société Isosec et que l'architecte n'était pas chargé de la conception de ce système ni de la coordination des travaux des différents intervenants, après avoir cependant constaté que cet architecte était chargé d'une mission de maîtrise d'oeuvre complète, la cour d'appel, qui n'a pas relevé l'existence d'une cause étrangère, a violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. L'architecte conteste la recevabilité du moyen au motif qu'il serait nouveau et mélangé de fait et de droit.

9. Cependant, les demandeurs au pourvoi principal ont soutenu, dans leurs conclusions devant la cour d'appel, que l'architecte devait être déclaré responsable des désordres engendrés dès lors qu'une mission complète de maîtrise d'oeuvre lui avait été confiée.

10. Le moyen, qui n'est pas nouveau, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1792 du code civil :

11. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

12. Pour rejeter les demandes, l'arrêt relève que les éléments de mission confiés à l'architecte comprenaient la réalisation de l'avant-projet sommaire et de l'avant-projet détaillé, l'établissement du dossier de permis de construire et du projet de conception générale, l'assistance au marché de travaux, la direction et la comptabilité des travaux et l'assistance aux opérations de réception, mais pas de missions complémentaires telles que la réalisation d'études d'exécution spécifiques pour certains lots ou l'ordonnancement ou le pilotage du chantier, consistant à déterminer l'enchaînement et la coordination des travaux et des actions des différents intervenants.

13. L'arrêt ajoute que l'architecte est fondé à soutenir que les désordres ne lui sont pas imputables, puisqu'il n'a pas été chargé de la conception du système d'assèchement des murs des bâtiments et qu'il ne peut lui être reproché d'avoir manqué à ses obligations pour n'avoir pas respecté les préconisations de la société Isosec, celle-ci étant intervenue sans conseiller de déposer les enduits avant la réalisation des travaux.

14. En statuant ainsi, tout en constatant que l'architecte avait été chargé d'une mission complète de maîtrise d'oeuvre, sans relever l'existence d'une cause étrangère exonératoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du moyen du pourvoi principal, la Cour :

REJETTE le pourvoi incident ;

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevables les conclusions notifiées par le RPVA le 3 février 2021 par Mmes [R], [F] et M. et Mme [Z], rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société d'architecture Antoine Dalbard et déclare irrecevable la demande formulée en appel par la société d'architecture Antoine Dalbard tendant à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir, l'arrêt rendu le 25 mars 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.