CA Toulouse, 2e ch., 18 octobre 2023, n° 21/04973
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Emsil Aerospace (Sté)
Défendeur :
Latesys (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Norguet, Mme Martin de la Moutte
Avocats :
Me Faivre, Me Simon, Me Iglesis
EXPOSE DES FAITS ET PROCEDURE
Latecis est une société roumaine spécialisée dans les équipements d'industrie lourde faisant partie d'un groupe de sociétés appelé Emsil. Elle a changé de nom pour devenir la société Emsil Aerospace.
La SAS Latécoère Services est une société française ayant une activité dans le domaine de l'aéronautique. Elle a également changé de nom pour s'appeler SAS Latèsys.
En 2016, la société Airbus a conclu un contrat avec la SAS Latésys aux fins de réalisation de gabarits de transports par route et par bateau de composants d'Airbus pour les modèles A 350, A 330 et A 320.
Dans ce cadre, le 29 juin et le 6 juillet 2016 puis le 29 mars 2017 la SAS Latésys a passé trois commandes d'interfaces de transport (31) et de berceaux (16), basées sur des spécifications techniques précises, à la société Emsil Aérospace pour un montant total de 943.367,80 euros.
Début 2017, un différend est survenu entre les deux entités quant à l'exécution de leurs prestations respectives, la SAS Latéysis arguant de retards de livraison et de non conformités des produits livrés par la société Emsil Aérospace et cette dernière en réclamant le paiement.
La société Emsil Aérospace, contestant les retards et non conformités, a mis en demeure, le 12 décembre 2017 et le
Exposé du litige
29 mai 2018, la SAS Latésys de régler les factures non payées.
Le 26 décembre 2019, par acte d'huissier, Emsil Aérospace a assigné la SAS Latésys devant le Tribunal de commerce de Toulouse en paiement des sommes dues outre une indemnité pour résistance abusive et sa condamnation à lui verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Le 27 septembre 2021, le Tribunal de commerce a :
- condamné la SAS Latésys à payer à la société Emsil Aérospace la somme de 111 602,47 euros avec intérêts au taux de la Banque Centrale européenne appliqué à son opération de financement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 16 octobre 2017 pour 40 986,47 euros et du 16 novembre 2017 pour 70.616 euros,
- débouté la société Emsil Aérospace de sa demande d'application à sa créance de 111 602,47 euros de l'intérêt légal à compter du 12 décembre 2017,
- débouté la société Emsil Aérospace de sa demande de 15 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- débouté la SAS Latésys de sa demande de réparation du préjudice lié aux non-conformités des soudures,
- condamné la société Emsil Aérospace à payer la SAS Latésys 260 000 euros assortis des intérêts au taux légal à compter de sa décision,
- ordonné la compensation des créances,
- dit que chacune des parties conserverait ses frais irrépétibles au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la SAS Latésys et la société Emsil Aérospace dans la proportion de moitié chacune aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise.
Par déclaration en date du 20 décembre 2021, la société Emsil Aérospace a relevé appel du jugement du Tribunal de commerce aux fins d'en voir réformés les chefs de dispositif l'ayant déboutée de ses demandes d'application des intérêts au taux légal à compter du 12 décembre 2017, de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, de sa condamnation à payer la somme de 260.000 euros à la SAS Latésys avec compensation des créances, du support de ses propres frais irrépétibles, de sa condamnation à la moitié des dépens comprenant les frais d'expertise.
Dans ses premières conclusions, la SAS Latésys formait un appel incident aux fins de voir réformer le jugement « uniquement en ce qu'il a débouté la société LATESYS du préjudice d'image et du préjudice commercial subi du fait des retards de la société EMSIL ».
L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 15 mai 2023.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses conclusions N°2 notifiées le 31 août 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la société Emsil Aérospace sollicite, au visa de l'article 1104 du Code civil :
- L'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :
* refusé d'appliquer l'intérêt au taux légal à compter du 22 décembre 2017 à la somme de 111.602,47 euros que la SAS Latèsys doit à la société la société Emsil Aerospace, débouté la société Emsil Aerospace de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, condamné la société Emsil Aerospace à payer 260.000 euros à la SAS Latèsys assortie des intérêts au taux légal à compter de sa décision, ordonné la compensation des créances, rejeté les demandes de la société Emsil Aerospace au titre des frais irrépétibles et condamné la SAS Latèsys et la société Emsil Aerospace à supporter chacune pour moitié les dépens de première instance,
En conséquence, statuant à nouveau,
- La condamnation de la SAS Latèsys à payer l'intérêt au taux légal sur la somme de 111.602,47 euros à la société Emsil Aerospace à compter du 22 décembre 2017,
- La condamnation de la SAS Latèsys à lui payer la somme de 15.000 euros pour résistance abusive
- Le reconnaissance qu'elle ne doit aucune somme à la SAS Latèsys au titre d'un quelconque préjudice lié à une mesure non-conforme et qu'il n'y a pas lieu à compensation des créances,
- La condamnation de la SAS Latèsys à payer la somme de 10.000 euros à la société Emsil Aerospace au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Emsil Aérospace réclame à la SAS Latésys le paiement des sommes dues au titre de commandes passées et des produits livrés, en mettant en avant l'accord trouvé le 3 juillet 2017, par mail, qui a mis fin, selon elle, à toute discussion sur leurs obligations contractuelles antérieures. Dès lors, la société Emsil Aérospace a alors repris l'exécution de ses propres prestations en livrant les produits commandés, jusqu'au 19 septembre 2017, mais la SAS Latésys s'est affranchi des siennes en suspendant tout paiement à compter du 12 septembre 2017. Elle réclame à la SAS Latésys l'exécution de son obligation en paiement des factures dues à hauteur de 111.602,47 euros.
Elle souligne la mauvaise foi de la SAS Latésys dans son refus de paiement et maintient donc sa demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive de celle-ci.
Elle maintient également ses demandes d'intérêts au taux légal.
Enfin, elle conteste devoir quelque somme que ce soit à la SAS Latésys au titre de la reprise des produits livrés dans la mesure où l'accord conclu a solutionné toutes les contestations antérieures. Au surplus, pour elle, la SAS Latésys ne rapporte aucune preuve tant des normes de conformité qui n'auraient pas été respectées que des paiements qu'elle dit avoir effectués à ce titre pour les travaux de reprise. Dès lors, aucune compensation ne peut intervenir en l'espèce.
En réponse, dans ses conclusions notifiées en date du 15 juin 2022, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, la SAS Latésys demande, au visa de l'article 1104 du Code civil :
- La confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes au titre du préjudice d'image et du préjudice ; commercial subi du fait des retards de la société Emsil Aérospace,
- La condamnation de la société Emsil Aérospace au paiement de la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef,
- La condamnation de la société Emsil Aérospace au paiement de la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que la société Emsil Aérospace a manqué à ses obligations contractuelles en ne livrant pas de produits conformes aux spécifications techniques indiquées dans les commandes et en ne respectant pas les délais de livraison prévus. Elle même a donc, de ce fait, suspendu l'exécution de sa propre obligation en paiement dans l'attente d'une proposition corrective de sa part. La société Emsil Aérospace ne lui proposant pas de solution satisfaisante, elle indique avoir du faire reprendre les produits livrés pour les rendre conformes, ce qui a généré pour elle des coûts indus dont elle demande remboursement par compensation avec les sommes restant à sa charge au titre des commandes livrées et non payées.
Elle conteste que l'accord trouvé entre elles le 3 juillet 2017 fasse obstacle aux poursuites en remboursement des frais exposés au titre de la reprise des produits non conformes, cet élément n'étant pas compris dans ledit accord. Enfin, elle souligne que certains des produits concernés par les travaux de reprise correspondent à des commandes complémentaires passées postérieurement à la date de l'accord.
Enfin, elle maintient sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice d'image que les retards de livraisons et les malfaçons de l'appelante ont généré pour elle auprès de son client, Airbus, et conteste toute résistance abusive et toute indemnisation de ce chef.
MOTIFS
Motivation
- Sur l'étendue de la saisine de la cour :
Aux termes de l'article 562 du Code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
La cour constate que le chef de dispositif du jugement entrepris ayant condamné la SAS Latésys à payer à la société Emsil Aérospace la somme de 111.602,47 euros avec intérêts au taux de la Banque Centrale européenne appliqué à son opération de financement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage à compter du 16 octobre 2017 pour 40 986,47 euros et du 16 novembre 2017 pour 70.616 euros, n'est pas remis en cause par l'appel principal formé par la société Emsil Aérospace et ne fait pas l'objet d'un appel incident de la part de la SAS Latésys, qui avait admis le principe de sa dette en première instance.
Cette condamnation en paiement est donc définitive à l'encontre de la SAS Latésys.
Dans le dispositif de ses écritures, la SAS Latésys a demandé la confirmation du jugement entrepris et sa réformation « uniquement en ce qu'il a débouté la société Latésys du préjudice d'image et du préjudice commercial subi du fait des retards de la société Emsil ».
Le chef de dispositif du jugement de première instance l'ayant déboutée de sa demande de réparation du préjudice lié aux non-conformités des soudures n'est donc remis en cause ni par l'appel principal, ni par son appel incident.
Il est donc également définitif à son encontre.
- Sur la demande d'adjonction des intérêts au taux légal de la société Emsil Aérospace :
La société Emsil Aérospace sollicite l'infirmation du jugement de première instance en ce qu'il a rejeté sa demande d'adjonction des intérêts au taux légal à compter du 22 décembre 2017 sur sa créance fixée envers la SAS Latésys.
L'application de l'intérêt légal est de droit à compter de la mise en demeure.
Le jugement de première instance sera réformé en ce qu'il a débouté la société Esmil Aérospace de cette demande, qui sera accueillie.
- Sur la responsabilité contractuelle de la société Emsil Aérospace :
Par l'effet dévolutif de l'appel principal et de l'appel incident, la cour n'est saisie que de l'éventuelle responsabilité contractuelle de la société Emsil Aérospace et du préjudice commercial allégué par la SAS Latésys uniquement quant à la non-conformité des mesures des produits livrés et quant aux retards de livraisons.
Selon les articles 6 et 9 du Code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder. Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
Aux termes des articles 2044 et 2051 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit. La transaction fait obstacle à l'introduction ou à la poursuite entre les parties d'une action en justice ayant le même objet.
La société Emsil se prévaut, par la production de la pièce 7, d'un accord informel via un échange de mail adressés le 3 juillet 2017 par [Z] [G], acheteur pour la SAS Latésys, à Monsieur [R], manager de la société Emsil Aérospace, qu'elle qualifie de « gentleman agreement » entre les deux entités et qui empêche l'intimée d'exciper d'éventuelles inexécutions contractuelles antérieures à cette date.
La SAS Latésys, elle, conteste que ce mail emporte renonciation de sa part à toute action et affirme au surplus, que ses contestations actuelles portent sur les non-conformités des produits livrés au cahier des charges, lesquelles n'étaient pas comprises dans le périmètre dudit accord.
A l'examen desdits mails, la cour constate que le gentleman agreement allégué devait éventuellement être établi à l'issue d'une rencontre physique entre le dénommé M. [R] et M. [T] [U], directeur des achats de la SAS Latésys, prévue pour le jeudi 6 juillet 2017 sur laquelle la cour n'a pas davantage d'éléments.
Le fait que dans les mails produits pour le 3 juillet 2017, le dernier mail du même jour de [Z] [G] présente des propositions concrètes de résolution de leurs mésentente à cet instant précis et s'achève sur la mention « le camion doit partir AUJOURD'HUI. Sinon l'accord n'est plus valide » ne peut suffire en l'absence de document écrit, non équivoque, signé des deux parties, par des personnes ayant juridiquement capacité pour les représenter, à valoir transaction et donc à emporter fin de non recevoir.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a estimé que ledit mail était un accord tranchant définitivement les contestations entre la SAS Latésys et la société Emsil Aerospace pour les non-conformités constatées antérieurement au 3 juillet 2017.
Aux termes de l'article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Aux termes de l'article 1217 du Code civil, dans sa version en vigueur au moment de la conclusion des contrats en cause, la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut : refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ; poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ; obtenir une réduction du prix ; provoquer la résolution du contrat ; demander réparation des conséquences de l'inexécution. Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
C'est à celui qui invoque des manquements contractuels à l'égard de son cocontractant qu'il revient d'en apporter la preuve.
Le contrat conclu en l'espèce, visant la réalisation d'un travail spécifique en vertu d'indications techniques particulières, est un contrat d'entreprise.
Le prestataire d'un tel contrat est tenu de livrer une chose conforme aux spécifications contractuelles et aux Règles de l'Art. Le cocontractant s'oblige à payer le prix stipulé.
L'obligation de livraison du prestataire n'intervient qu'à l'échéance du terme contractuellement prévu.
En l'espèce, la société Emsil Aerospace était débitrice d'une obligation de livrer des gabarits de transports spécifiques suivant trois bons de commandes N° 016-02748 du 29 juin 2019, N° 2016-02879 du 6 juillet 2016 et N° 2017-01605 29 mars 2017 pour un montant total de 943.367,80 euros.
La SAS Latésys affirme que des spécifications techniques précises ont été contractuellement prévues dans les trois commandes et qu'elles n'ont pas été respectées par la société Emsil Aérospace.
L'appelante n'oppose aucun argument sur ce point.
Il appartient donc tout d'abord à la SAS Latésys de rapporter la preuve des spécifications prévues dans les contrats passés et leur non-respect par la société Emsil Aérospace.
L'intimée produit en pièces 1 et 3, les deux commandes initiales en cause. La cour constate qu'elles indiquent en en-tête
« [..] Les exigences Qualité applicables pour l'exécution de cette commande sont, par ordre de priorité, celles figurant dans la présente commande ou contrat associé puis dans les documents cités en référence et dans votre système qualité incluant les normes ISO si vous êtes certifiés ISO. Tout modification [..] pour quelque motif que ce soit [..] doit être formalisée par écrit au plus tôt et reste soumise à acceptation par Latécoère Services. »
La commande du 29 juin 2016 est relative à la réalisation de 31 interfaces de transport pour les « WP1» dont 7 interfaces pour les pièces de l'A350 et 5 interfaces pour les pièces de l'A330, et « WP3 », comprenant 19 interfaces pour les pièces de l'A320, « suivant la spécification Ref : 12007-101411-STB-0006-ind B ». Suivent ensuite le descriptif du séquençage dans le temps des livraisons par lots ainsi que la présentation des « jalons de facturation » qui se retrouvent également dans les deux autres commandes.
La commande du 6 juillet 2016 est relative à la réalisation de 12 berceaux pour le « WP1 », dont 7 berceaux pour les pièces de l'A350 et 2 berceaux pour les pièces de l'A330, «suivant la spécification REF:12007-101411-STB-0007-Ind B ».
La commande du 29 mars 2017 n'est pas produite mais il est produit un avenant qui reprend les termes de la commande initiale laquelle prévoyait la réalisation de 4 lots d'interfaces A320 « suivant la spécification 12007-101411-STB-0006-ind-B ».
La SAS Latésys fournit en pièces 4 et 5 le contenu desdites spécifications techniques.
Elle produit également, comme la société Emsil Aérospace elle-même, les avenants à ces commandes rédigés le 31 août 2017 portant annulation de deux lots d'interfaces sur la première commande, de deux lots de berceaux et de la prise en charge du réglage laser par Latésys et de la demande de versement de 50 000 euros demandée par la société Emsil Aérospace pour la deuxième commande.
La cour retiendra donc que les commandes passées, comme les avenants, exigeaient bien la livraison de produits respectant des spécifications techniques précises, connues du prestataire.
La SAS Latésys affirme que la société Emsil Aérospace n'a pas respecté ses obligations découlant de ces contrats de commande en livrant, en retard, des produits ne respectant pas le cahier des charges fourni quant à leurs mesures.
Sur les non-conformités quant aux mesures, la SAS Latésys produit en pièce 6 les fiches de non-conformité relatives aux livraisons réalisées entre le 2 janvier et le 29 septembre 2017 ainsi qu' en pièce 13 une synthèse des difficultés rencontrées dans sa relation avec la société Emsil Aérospace.
La cour constate cependant que dans les pièces ainsi transmises, la fiche de non-conformité numéro 12007-101411-FNC-1010 est relative à la livraison de produit par la société Siltech dont les liens contractuels avec les parties n'ont pas été explicités et les fiches de non-conformité 12007-101411-FNC-3018, FNC-3032, FNC-3033 et FNC-3039 ne sont pas relatives au non respect des mesures. Ces fiches seront donc écartées.
La SAS Latésys produit également des échanges de mails entre différentes entités et différents interlocuteurs dont les liens avec les deux parties en cause ne sont pas toujours pleinement établis.
Néanmoins, la cour retient le mail du 8 novembre 2017 entre M. [X] de la SAS Latésys et M. [R] de la société Emsil Aérospace, avec son tableau joint portant à la connaissance de cette dernière la liste des non-conformités relevées, produit en pièce 11 par l'appelante.
Le reste de la pièce 6 et la pièce 13 est suffisant pour attester de livraisons de produits par la société Emsil Aérospace dont les mesures n'étaient pas conformes aux spécifications techniques contractuellement prévues.
En réplique, la société Emsil Aérospace se borne à affirmer que ces non-conformités sont « couvertes » par l'accord du 3 juillet 2017 sans présenter aucun argument au fond visant à défendre la parfaite exécution de ses propres obligations.
Dès lors, le manquement de la société Emsil Aérospace à son obligation de délivrance conforme est avéré.
Sur les retards de livraisons, la SAS Latésys matérialise leur existence par la production des mêmes fiches de nonconformité à la livraison en pièce 6, d'échanges de mails relatifs à ces difficultés récurrentes et synthétise les nombreux retards subis en pages 47, 48 et 49 de son document de synthèse.
Cela établit de multiples retards de livraisons pour la société Emsil Aérospace entre le 2 janvier et le 29 septembre 2017.
Les calendriers de livraisons étant contractuellement prévus dans les bons de commandes initiaux, leur stipulation permet de faire naître à l'égard de la société prestataire une obligation de résultat dont le non-respect suffit pour établi sa faute.
En réplique, la société Emsil Aérospace n'apporte aucun argument, notamment quant à l'existence d'une cause de force majeure ou du fait d'un tiers.
Dès lors, la société Emsil Aérospace est reconnue comme ayant également manqué à ses obligations contractuelles quant aux dates de livraisons des produits commandés.
La caractérisation de fautes à l'encontre de l'appelante permet de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Emsil Aérospace à réparer les dommages subis de ce chef par la SAS Latésys.
- Sur les préjudices et le lien de causalité :
Selon l'article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Le versement de dommages-intérêts est la sanction adaptée à l'inexécution partielle du contrat.
Tout retard préjudiciable au client lui ouvre droit à une indemnité réparatrice, même si le contrat a été partiellement exécuté dans le temps prévu. Cette indemnité peut se cumuler avec celle due en réparation du préjudice résultant de la caractérisation de malfaçons.
- Sur le préjudice découlant des non-conformités pour non respect des mesures :
La cour constate tout d'abord que, dans le dispositif de ses conclusions, la SAS Latésys a demandé la confirmation du chef de dispositif du jugement de première instance ayant arbitré son préjudice découlant de la non-conformité des mesures des produits livrés à 260.000 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement. La cour est donc tenue par ce montant.
La SAS Latésys justifie de la nécessité pour elle d'avancer des frais de remise aux normes des produits livrés afin de pouvoir elle même honorer ses engagements contractuels auprès de son client Airbus. Elle chiffre l'ensemble de ces travaux de reprise, confiées à d'autres entreprises que la société Emsil Aérospace, à hauteur de 511.409,26 euros.
Elle avance avoir également subi un préjudice du fait du traitement des non-conformités par son personnel qu'elle chiffre à 50.966 euros. Elle indique en justifier par la production d'une pièce 8 totalement illisible. La cour rejettera cette demande faute de justificatif recevable.
La cour constate par ailleurs que les fiches de non-conformités qu'elle produit au soutien de la caractérisation des manquements de la société Emsil Aérospace dans la livraison de produits non conformes aux mesures prévues dans les spécifications techniques, soit les fiches numéros 12007-101411-FNC-1001, FNC-1006, FNC-3028, ne correspondent pas au tableau de coûts de travaux de reprise figurant dans le corps de ses conclusions, lequel s'appuie uniquement sur les fiches numéro 12007-101411-FNC-0002 et FNC-1008.
De plus, si la fiche de non-conformité 12007-101411-FNC-1008 est bien produite par l'intimée, la fiche 12007-101411-FNC-0002 ne l'est pas. Il n'est donc pas possible de s'assurer que la fiche manquante est bien relative à une livraison de produit par la société Emsil Aérospace et qu'elle concerne bien une livraison non-conforme pour non respect des mesures.
Dès lors, la SAS Latésys n'établit pas le lien de causalité entre le préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait de la livraison
de produits non conformes consignés dans la fiche 12007-101411-FNC-0002 et les manquements reprochés à la société Emsil Aérospace.
En revanche, le lien de causalité est établi sur la base de la fiche de non-conformité 12007-101411-FNC-1008 pour laquelle elle chiffre son préjudice, dû à la nécessité d'effectuer des travaux de reprise, à 92.489,66 euros.
La société Emsil Aérospace réplique en avançant que les travaux ont été confiés par l'intimée à des sociétés soeurs au sein de leur propre groupe et qu'il n'est pas rapporté la preuve du paiement de ces factures par la SAS Latésys.
La cour constate que la SAS Latésys fournit en pièces 14 à 30 les bons de commandes et les factures relatives à la reprise des travaux par les sociétés en question avec mention de leur date de paiement.
Il sera donc alloué à la SAS Latésys une somme de 92.489,66 euros au titre de son préjudice commercial.
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Emsil Aérospace à payer une somme à titre de dommages et intérêts à la SAS Latésys assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement mais réformé quant au montant de cette condamnation.
- Sur le préjudice d'image du fait des retards de livraisons :
La SAS Latésys indique que les retards de livraison de la société Emsil Aérospace ont entraîné des difficultés relationnelles avec son propre client, Airbus. Elle fournit dans son document de synthèse, en pièce 13, copies des mails avec celui-ci dans lesquels il est constaté la tension générée par les retards de livraisons des gabarits. Elle indique qu'il en est résulté pour elle un préjudice d'image auprès de celui-ci dont elle demande réparation à hauteur de 50.000 euros.
La société Emsil Aérospace ne fait aucune remarque quant à ce préjudice et n'y oppose aucun argument.
Il sera fait droit à la demande de la SAS Latésys mais à défaut de justificatifs précis, il lui sera alloué la somme de 20.000 euros à ce titre, que la société Emsil Aérospace sera condamnée à lui payer.
Le jugement de première instance sera infirmé en ce qu'il a débouté la SAS Latésys de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice d'image.
- Sur la compensation des créances :
Aux termes de l'article 1348 du Code civil, la compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.
Le jugement de première instance ayant ordonné la compensation des créances réciproques des parties sera confirmé.
- Sur la demande de dommages et intérêts de la société Emsil Aérospace pour résistance abusive :
Au vu des manquements caractérisés à l'encontre de l'appelante et du paiement en temps utile par la SAS Latésys de 88% des factures émises par elle, la demande de condamnation de la partie intimée au versement d'une somme à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive est rejetée.
- Sur les frais irrépétibles :
La société Emsil Aérospace, partie succombante, est condamnée aux dépens d'appel.
La société Emsil Aérospace, partie succombante, est condamnée à verser la somme de 2.500 euros à la SAS Latésys en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Emsil Aérospace de sa demande de 15.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, condamné la société Emsil Aérospace à payer la SAS Latésys une somme à titre de dommages et intérêts assortie des intérêts au taux légal à compter de sa décision, ordonné la compensation des créances, dit que chacune des parties conserverait ses frais irrépétibles au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, condamné la SAS Latésys et la société Emsil Aérospace dans la proportion de moitié chacune aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise.
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Emsil Aérospace de sa demande d'application à sa créance de 111.602,47 euros de l'intérêt légal à compter du 12 décembre 2017, en ce qu'il a condamné la société Emsil Aérospace à payer la SAS Latésys 260.000 euros à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il a débouté la SAS Latésys de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice d'image,
Et, statuant à nouveau, sur les chefs infirmés,
Dit que les intérêts légaux courront sur la créance de la société Emsil Aérospace de 111.602,47 euros envers la SAS Latésys à compter du 22 décembre 2017,
Condamne la société Emsil Aérospace à payer la SAS Latésys la somme de 92.489,66 euros avec intérêts légaux à compter du jugement de première instance,
Condamne la société Emsil Aérospace à payer la SAS Latésys la somme de 20.000 euros au titre de son préjudice d'image,
Y ajoutant,
Condamne la société Emsil Aérospace aux dépens d'appel,
Déboute la société Emsil Aérospace de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Emsil Aérospace à verser à la SAS Latésys la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.