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Décisions

CA Montpellier, 4e ch. civ., 24 novembre 2022, n° 22/01366

MONTPELLIER

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Soubeyran

Conseillers :

Mme Febvre, M. Blanc-Sylvestre

Avocats :

Me Archimbaud, Me Levy, Me Balzarini

CA Montpellier n° 22/01366

23 novembre 2022

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [X] [O] était propriétaire de divers biens immobiliers destinés à la location dont une maison d'habitation sur deux étages située [Adresse 4] et une remise située [Adresse 1] également à [Localité 5] qui sont devenus la propriété de la SCI Victorial le 26 juin 2008.

Apparavant, elle était entrée en relation avec Monsieur [D] [J], architecte, dans le cadre d'une mission de rénovation de ces deux biens.

Compte tenu de l'importance et de la nature des travaux à réaliser dans la remise du [Adresse 1] (création de 2 niveaux supplémentaires et surélévation de la toiture existante pour la création de six logements locatifs - 2 au rez-de-chaussée, 2 au 1er étage et 2 au 2ème étage), Monsieur [J] a déposé le 1er février 2008 une demande de permis de construire pour le compte de Madame [O].

Après obtention de ce permis accordé le 19 mars 2008, il lui a adressé le 23 avril 2008 une note d'honoraires d'un montant de 12.283, 91 € au titre de la 'constitution du dossier de demande de permis de construire'.

Face au refus de sa cliente, l'architecte a alors sollicité et obtenu du juge d'instance de Montpellier une ordonnance portant injonction de payer le 31 juillet 2008 ;

Madame [O] a formé opposition le 8 août 2008.

Après plusieurs renvois motivés par une expertise judiciaire en cours, le14 décembre 2011 le tribunal d'instance a fait droit à l'exception d'incompétence au profit du tribunal de grande instance de Montpellier.

Par jugement contradictoire du 26 octobre 2017 assorti de l'exécution provisoire, ce tribunal a condamné Madame [O] à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :

- 12.283,91€ en principal au titre de la mission d'obtention de permis de construire qu'il a mené à bien pour son compte, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 juillet 2008 et avec capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l'article 1154 ancien du code civil,

- 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Madame [O] a relevé appel de ce jugement le 5 décembre 2017 et, étant devenue propriétaire du bien concerné, la SCI Victorial est intervenue à l'instance d'appel.

Par arrêt rendu le 24 juin 2020 selon la procédure sans audience, la présente cour d'appel a déclaré irrecevable l'intervention de la société Victorial puis infirmé le jugement de premier ressort dans toutes ses dispositions, débouté Monsieur [J] de toutes ses demandes et condamné ce dernier aux entiers dépens, à recouvrer au bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Saisie d'un pourvoi formé par Monsieur [J] et statuant par un arrêt en date du 19 janvier 2022, la Cour de cassation (3e chambre) :

- a cassé et annulé l'arrêt rendu le 24 juin 2020 attaqué, mais seulement en ce qu'il avait rejeté la demande en paiement d'honoraires de Monsieur [J],

- a remis sur ce point l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée,

- a condamné Madame [O] aux dépens, rejeté sa demande formée par cette dernière en application de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée à payer à Monsieur [J] la somme de 3.000 € sur ce même fondement.

C'est dans ce contexte que Madame [O] a saisi la cour en qualité de juridiction de renvoi le 10 mars 2022.

Vu ses dernières conclusions, déposées via le RPVA le 22 septembre 2022, par lesquelles elle demande en substance à la cour - statuant dans les limites de la cassation partielle de son précédent arrêt - de :

- réformer le jugement entrepris rendu le 26 octobre 2017 par le tribunal de grande instance de Montpellier,

- débouter Monsieur [J] de sa demande en paiement de la somme de 12.283,91€ compte tenu du défaut de preuve de la consistance, de la complexité et de l'étendue de sa mission permettant de fixer ses honoraires,

- condamner l'architecte à lui payer une indemnité de 8.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les uniques conclusions déposées via le RPVA le 2 juin 2022 pour le compte de Monsieur [J], aux fins de confirmation intégrale du jugement dont appel en date du 26 octobre 2017 et condamnation de Madame [O] à lui payer la somme de 4.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Vu l'ordonnance de clôture en date du 27 septembre 2022,

Pour plus ample exposé des éléments de la cause, moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux écritures susvisées, conformément à l'article 45 du code de procédure civile.

MOTIFS

La cour est saisie en qualité de juridiction de renvoi après que la Cour de cassation a statué en ce sens :

'Vu l'article 1129 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et les articles 1710 et 1787 du même code :

lI résulte de ces textes qu'un accord préalable sur le montant exact de la rémunération n'est pas une condition de la formation du contrat de louage d'ouvrage, présumé conclu à titre onéreux, de sorte qu'en l'absence d'un tel accord, il appartient aux juges du fond de fixer la rémunération compte tenu des éléments de la cause.

Pour rejeter la demande en paiement d'honoraires de M. [J], l'arrêt retient que, même par le biais d'un commencement de preuve par écrit qui résulterait de la signature de Mme [O] sur la demande de permis de construire, il ne peut être retenu une quelconque rencontre des volontés sur le montant des honoraires, qui se calculent à partir du montant des travaux, de telle sorte qu'aucune somme ne peut être opposée à Mme [O] à ce titre.

En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.'

Quant à lui, pour condamner Madame [O] à payer à Monsieur [J] la somme facturée dans la note d'honoraire du 23 avril 2008, le tribunal avait retenu qu'en dépit de l'absence de signature d'un contrat entre les parties :

- l'architecte avait déposé et obtenu le permis de construire, ce qui caractérisait l'achèvement de sa mission de DPC,

- l'acompte demandé au titre de cette mission (34% du montant des travaux envisagés) correspondait à l'usage dans la profession en tant qu'il constituait le cumul des missions d'études préalable, de constitution, dépôt et suivi de la demande de permis de construire ainsi que l'assistance éventuelle dans les relations avec l'administration,

- la facture mentionnait une remise de 15%,

- les constatations émises par la défenderesse apparaissaient relatives à l'ensemble du chantier et non à la phase administrative qui avait été menée à bien.

Dans ses conclusions du 4 mai 2022, Madame [O] fait valoir qu'il appartient à l'architecte 'de rapporter la preuve de l'existence, de la consistance et de l'ampleur permettant le chiffrage de sa mission' et qu'en l'occurrence, 'la Cour de cassation a procédé au renvoi de l'affaire (...) dans le seul but d'apprécier factuellement le montant de la rémunération de l'architecte'. Elle conteste la note d'honoraire dans son chiffrage, alors que l'architecte ne justifie pas de son accord pour des travaux sur la base d'un coût de 1.200 € le m2 et ne fournit aucun élément permettant à la cour d'apprécier le coût de l'opération dans sa complexité, l'étendue et la difficulté de la mission.

La cour constate que, ce faisant, Madame [O] ne conteste pas avoir confié à Monsieur [J] la mission de 'constitution du dossier de demande de permis de construire' qui lui a été facturée le 23 avril 2008, mais s'oppose seulement à l'existence d'une créance d'un montant de 12.283,91 € TTC à son encontre.

La cour observe que la cliente a signé la demande de permis de construire établie et déposée pour son compte par l'achitecte, et qu'il y était précisément mentionné les travaux à réaliser, démontrant qu'il s'agissait d'une opération de grande ampleur avec surélévation de l'immeuble initialement à usage de remise, avec création de deux étages et de six logement à usage locatif sur trois niveaux).

Il est également établi au vu des pièces versées aux débats que Monsieur [J] avait préalablement adressé un contrat d'architecte à Madame [O] qui a accusé réception de cet envoi mais qui n'a pas retourné le contrat bien qu'elle ait été ensuite expressément invitée à y indiquer ceci 'mission limitée à la phase 1 : permis de construire' si tel était son souhait.

Au vu de ces éléments et des justes motifs adoptés en première instance, la cour estime que le jugement du 14 décembre 2011 mérite confirmation.

Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [O] supportera les dépens et sera condamnée à payer à Monsieur [J] une indemnité au titre des frais par elle exposés dans le cadre de la présente procédure.

PAR CES MOTIFS

Statuant en qualité de juridiction de renvoi, par arrêt contradictoire et mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement du 26 octobre 2017 en toutes ses dispositions ;

Condamne Madame [X] [O] à payer à Monsieur [D] [J] la somme de 3.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [X] [O] aux dépens.