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Décisions

CA Riom, 1re ch. civ., 23 janvier 2024, n° 22/00306

RIOM

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Défendeur :

Rigaudière Constructions (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Valleix

Conseillers :

M. Acquarone, Mme Bedos

Avocats :

Me Lacquit, Me Caillaud, Me Verdier

CA Riom n° 22/00306

22 janvier 2024

I. Procédure

Suivant devis accepté le 7 décembre 2016, M. [M] [K] a commandé à la SAS RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS des travaux de fourniture et de montage d'un hangar métallique sur son exploitation agricole.

Se plaignant de n'être pas réglée de la totalité de ses prestations, concernant la pose d'une couverture en bac acier, la SAS RIGAUDIERE a fait assigner M. [K] le 30 janvier 2020 devant le tribunal judiciaire d'Aurillac en paiement de la somme de 17 884,80 EUR TTC.

Pour sa défense M. [K] soutenait qu'il n'avait accepté aucun devis concernant les travaux litigieux.

À l'issue des débats, par jugement du 10 janvier 2022, le tribunal judiciaire d'Aurillac a statué comme suit :

« Le tribunal statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE Monsieur [M] [K] à payer à la S.A.S. RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS les sommes de :

- DIX-SEPT MILLE HUIT CENT QUATRE-VINGT-QUATRE EUROS ET QUATRE-VINGT CENTIMES (17.884,80 euros) à titre de paiement de la facture nº 348 du 6 février 2018, outre l'indemnité forfaitaire de 40 euros HT et la pénalité de retard équivalente à 1,5 fois le taux d'intérêt légal,

- MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [M] [K] aux entiers dépens de l'instance

RAPPELLE que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire. »

Dans les motifs de sa décision le tribunal judiciaire a notamment écrit :

En l'espèce, il ressort de manière certaine des photographies et des témoignages de ses employés produits par la demanderesse (pièces 9, 10, 11 et 12) que les travaux dont il est réclamé paiement ont été effectués, entre le 9 et le 17 novembre 2017, dans la continuité d'autres portant fourniture et montage d'un hangar métallique selon devis émis le 7 décembre 2016 et accepté par le défendeur, pour un montant moindre qu'initialement prévu, après l'abandon de la fourniture et de la pose de portes à coulisses sur le bâtiment (pièce 4 demanderesse).

La demanderesse justifie également de l'achat auprès de son fournisseur le 13 octobre 2017 des tôles nécessaires (nombre et dimensions) (pièce 7) à la réalisation des travaux complémentaires (pièce 8) et du versement d'un acompte de 1.000 euros par le défendeur le 9 novembre 2017 à l'ouverture des travaux (pièce 5).

A contrario, il ne ressort d'aucun élément produit par les parties une quelconque contestation sur la réalisation des travaux ou leur qualité par le défendeur, qui a donc l'usage du bâtiment depuis le 17 novembre 2017 sans paiement intégral, alors même que l'assignation lui a été délivrée plus de deux ans après.

Pour tout élément de contestation du paiement, Monsieur [K] objecte n'avoir jamais signé aucun devis correspondant aux travaux complémentaires réalisés, évoquant sa volonté de faire réaliser un bâtiment pour le montant du prêt de 89.567 euros qui lui a été octroyé par banque selon contrat du 21 juin 2017 (pièce 1), et objectant qu'il s'est acquitté d'une facture émise par la demanderesse le 27 novembre 2017 (pièce 2) qui ne comportait pas les travaux supplémentaires dont il lui est demandé paiement, alors que selon lui, tel aurait été le cas si les travaux avaient bien été réalisés dans les conditions exposées par sa contradictrice.

Force est cependant de constater que Monsieur [K] ne conteste aucunement que les travaux ont été réalisés, pour les motifs évoqués par la contradictrice de pose de panneaux photovoltaïques qu'il ne conteste pas plus, et sur le site de son exploitation en sa présence régulière. Il avait donc parfaitement la possibilité, s'il n'avait pas été à l'origine de la demande de réalisation de ces travaux complémentaires, de s'y opposer notamment en demandant aux employés de la demanderesse de stopper les travaux non demandés.

Or, non seulement, il n'a pas agi de la sorte mais il n'a jamais non plus, entre le mois de novembre 2017 et la date de son assignation, fait valoir un quelconque grief auprès de la demanderesse dans l'exécution des travaux.

***

M. [M] [K] a fait appel de cette décision le 7 février 2022, précisant :

« Objet/Portée de l'appel : Le présent appel tend à obtenir la nullité, l'infirmation ou à tout le moins la réformation de la décision susvisée, dont les chefs du jugement sont expressément critiqués en ce qu'elle a : - condamné M. [K] à payer à la SAS RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS les sommes de 17.884,80 € à titre de paiement de la facture nº 348 du 6 février 2018 outre l'indemnité forfaitaire de 40 € HT et la pénalité de retard équivalente à 1,5 fois le taux d'intérêt légal, outre 1.500 € d'article 700 du CPC et aux entiers dépens de l'instance, - rejeté la demande de M. [K] au titre de l'article 700 du CPC et des dépens. L'appel porte également sur les demandes sur lesquelles il n'a pas été statué et plus généralement toutes dispositions faisant grief à l'appelant. »

Dans ses conclusions ensuite du 5 mai 2022 M. [M] [K] demande à la cour de :

« Vu la jurisprudence,

Vu les articles 1188, 1353, 1359, 1360, 1165 du Code civil,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

INFIRMER dans son intégralité le Jugement rendu le 10 janvier 2022 par la Tribunal Judiciaire d'AURILLAC, et statuant à nouveau :

DÉCLARER la SOCIÉTÉ RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en DÉBOUTER ;

CONDAMNER la SOCIÉTÉ RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS à payer à M. [M] [K] la somme 2 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la SOCIÉTÉ RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS aux entiers dépens. »

***

Pour sa défense, dans des conclusions du 27 mai 2022, la SAS RIGAUDIERE demande à la cour de :

« CONFIRMER en toutes ses dispositions le Jugement du Tribunal Judiciaire d'AURILLAC du 10 janvier 2022 qui a condamné Monsieur [M] [K] au paiement de la somme de 17.884,80 € assortie des pénalités de retard

DÉBOUTER Monsieur [M] [K] de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER Monsieur [M] [K] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Le CONDAMNER aux entiers dépens d'instance. »

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu'aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu'en première instance.

Une ordonnance du 21 septembre 2023 clôture la procédure.

II. Motifs

Sur la première page du devis du 7 décembre 2016, accepté par M. [K], la SAS RIGAUDIERE avait mentionné la fourniture et la pose d'une couverture en bac acier « sur le versant nord » pour la somme de 13 245,70 EUR horstaxes.

L'entreprise a facturé cette prestation le 27 novembre 2017. Elle a ensuite adressé à M. [K] une seconde facture le 6 février 2018 concernant le « versant sud » pour la somme de 14 909 EUR hors-taxes.

C'est cette seconde facture qui est l'objet du litige.

En réponse à la demande de la SAS RIGAUDIERE concernant le règlement sa facture du 6 février 2018 pour les travaux réalisés sur le « versant sud » de la toiture, M. [K] plaide qu'en acceptant le devis du 7 décembre 2016 il pensait que la totalité, et non pas la moitié, de la couverture était comprise dans cette proposition, car c'est exactement ce qu'il souhaitait. En réglant la facture correspondant à ce devis il pensait donc avoir payé la SAS RIGAUDIERE de l'ensemble de ses travaux. Il suggère que le devis du 7 décembre 2016 était affecté d'une « erreur de plume » et qu'il concernait en réalité la totalité de la couverture, nord et sud, et non pas seulement la partie nord. La société RIGAUDIERE conteste cette argumentation, elle soutient que le devis initial s'appliquait bien au seul versant nord de la couverture, et que lorsque le client a décidé de réaliser le versant sud, elle n'a pas établi un nouveau devis « compte tenu des rapports de confiance entre le dirigeant et le maître de l'ouvrage. »

À la lumière de ces éléments, il apparaît qu'au-delà de la question du prix mentionné sur la facture du 6 février 2018 concernant le « versant sud » de la toiture, le litige porte sur l'existence même d'une convention qui aurait pour objet cette prestation. Il convient donc de savoir si les travaux objets de la facture du 6 février 2018 concernant le « versant sud » du bâtiment, sont entrés dans le champ contractuel.

Il résulte du dossier les éléments suivants.

On observe en premier lieu que sur le devis nº 30-1 du 7 décembre 2016 il est indiqué en caractères très lisibles qui n'ont pu échapper à l'attention de M. [K] : « Couverture en bac acier 1000TS traité anti condensation75/100 sur le versant nord » pour 13 245,70 EUR hors-taxes. Cette partie du devis est isolée des autres éléments, ce qui la rend d'autant plus apparente. Ensuite, sur la facture nº 292 du 27 novembre 2017 relative à ce devis, il est encore clairement mentionné dans les mêmes termes : « Couverture en bac acier 1000TS traité anti condensation75/100 sur le versant nord », pour 13 245,70 EUR hors-taxes. Il est manifeste dans ces conditions qu'aucune erreur de plume n'entache ces deux documents, et l'argumentation à ce titre de M. [K] n'est pas du tout crédible. Il doit donc être retenu que le devis du 7 décembre 2016 et la facture du 27 novembre 2017 s'appliquaient sans ambiguïté à la seule partie nord de la toiture, ce que M. [K] ne pouvait ignorer.

On constate par ailleurs que le 13 octobre 2017 la SAS RIGAUDIERE avait passé commande auprès de son fournisseur l'entreprise « Tôle Pro » à [Localité 3] (Ardennes) de la totalité des tôles nécessaires à la couverture des versant sud et nord du bâtiment de M. [K], soit cinq séries d'éléments, ainsi qu'on peut le voir sur le schéma du bâtiment produit au dossier par les deux parties (cf. pièce nº 10 de l'appelant et pièce nº 8 de l'intimée). Or si dès le début des travaux la SAS RIGAUDIERE a décidé d'acquérir tous les matériaux nécessaires à la couverture de la totalité du bâtiment, cela signifie qu'il n'était pas question à ce moment-là de ne réaliser que le seul versant nord de la toiture. L'entreprise RIGAUDIERE n'avait aucune raison de commander les tôles du versant sud si elle n'était pas certaine de faire le travail.

Concernant l'ouvrage lui-même, sur le versant sud, il était trop important pour passer inaperçu aux yeux de M. [K].

D'évidence par conséquent, il a accepté que cette partie sud de la toiture soit réalisée, alors que le devis qu'il avait signé et la première facture qu'il avait reçue et payée n'intéressaient que la partie nord, ce qu'il ne pouvait pas méconnaître étant donné le caractère très clair des documents en question. Il s'en déduit que n'ayant pu les ignorer lors de leur réalisation M. [K] a accepté sans équivoque les travaux effectués par la SAS RIGAUDIERE sur la partie sud de la toiture de son bâtiment.

Or il est constant que le contrat de louage d'ouvrage, plus couramment nommé contrat d'entreprise, se forme par la seule rencontre des consentements des parties. Il s'agit d'un contrat consensuel qui ne requiert aucun formalisme, pas même l'établissement d'un devis préalable, et il est présumé conclu à titre onéreux (cf. 3e Civ., 18 juin 1970, nº 69-10.167 ; 3e Civ., 17 décembre 1997, nº 94-20.709 ; Com., 16 mai 2018, nº 17-14.602). Un accord préalable sur le montant de la rémunération n'est pas non plus une condition de validité du contrat d'entreprise (cf. 1re Civ., 28 novembre 2000, nº 98-17.560). Ce principe a d'ailleurs été repris par le législateur qui l'a codifié à l'article 1165 du code civil lors de la réforme des contrats (ordonnance du 10 février 2016). L'utilisation enfin de l'ouvrage de la part de son propriétaire caractérise de manière non équivoque son acceptation des travaux (3e Civ., 4 octobre 2018, nº 17-24.287).

En l'espèce, les éléments ci-dessus développés témoignent sans ambiguïté possible de l'acceptation par M. [K] de la couverture du versant sud de son bâtiment, alors qu'il ne pouvait ignorer que le premier devis et la première facture ne concernaient que le versant nord de l'ouvrage, en conséquence de quoi il doit être considéré que la couverture du versant sud du bâtiment était entrée dans le champ contractuel entre M. [K] et la SAS RIGAUDIERE, d'où il résulte que le premier doit payer à la seconde le prix de son travail, dont le montant n'est pas utilement contesté.

Les autres arguments développés par M. [K] dans ses conclusions, tenant à la comparaison avec le devis d'une entreprise concurrente et au financement partiel de l'ouvrage par un organisme public, sont inaptes à témoigner d'un défaut de consentement de sa part au regard des travaux réalisés par la SAS RIGAUDIERE sur le versant sud de son bâtiment.

Le jugement sera donc confirmé dans son intégralité.

2500 EUR sont justes pour l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement ;

Condamne M. [M] [K] à payer à la SAS RIGAUDIERE CONSTRUCTIONS la somme de 2500 EUR en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [M] [K] aux dépens d'appel.