CA Nîmes, 1re ch., 6 juin 2024, n° 23/00821
NÎMES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Product'air (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Defarge
Conseillers :
Mme Duprat, Mme Gentilini
Avocats :
Me Peladan, Me Daimallah, Me Darriberouge
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
M.[T] a sollicité la Sarl Product'air pour la réalisation d'une prestation vidéo selon devis du 06 juillet 2021 accepté le 13 juillet 2021.
Par acte d'huissier du 21 mars 2022, cette société a assigné M.[T] aux fins de le voir condamner au paiement d'une facture d'un montant de 1 800 euros outre 1 500 euros de dommages et intérêts, 5 760 euros au titre du préjudice économique et 850 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal de proximité d'Uzès :
- a rejeté les exceptions de procédure soulevées,
- a condamné M.[T] à payer à la Sarl Product'air la somme de 1 800 euros,
- a rejeté les demandes de dommages et intérêts de la Sarl Product'Air,
- a débouté M.[T] de ses demandes reconventionnelles,
- l'a condamné à verser à la Sarl Product'Air la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Le 02 mars 2023, M.[T] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 26 janvier 2024, la procédure a été clôturée le 18 avril 2024 et l'affaire fixée à l'audience du 2 mai 2024.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées le 12 avril 2024, M.[D] [T] demande à la cour
- d'infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a condamné à payer à la Sarl Product'Air la somme de 1800 euros,
- l'a débouté de ses demandes reconventionnelles,
- l'a condamné à lui verser la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,
- de débouter la Sarl Product'Air de l'intégralité de ses demandes en raison de leur absence de bien-fondé,
Statuant à nouveau
- de prononcer la résolution du contrat,
- de condamner la Sarl Product'Air à lui verser les sommes de :
- 38 700,40 euros en réparation du préjudice financier causé par l'inexécution de ses obligations contractuelles, assortie des intérêts au taux légal,
- 10 000 euros en réparation du préjudice moral causé par l'inexécution de ses obligations contractuelles, assortie des intérêts au taux légal,
- d'ordonner la capitalisation des intérêts selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil,
- de la condamner à lui verser les sommes de :
- 1500 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens exposés en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- 1500 euros au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens exposés en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.
L'appelant soutient que le contrat incluait deux séries de modifications qui n'ont jamais été réalisées.
Il allègue que le contrat prévoyait que le règlement de la partie 'tournage' devait intervenir à l'issue de l'exécution complète du contrat soit tant la partie 'tournage' que la partie 'post production' laquelle comprenait 'le montage' et 'la réception' ; que cette dernière partie n'ayant pas été exécutée, il est fondé à solliciter la résolution du contrat et à refuser de payer les sommes sollicitées.
Il soutient que le contrat doit être qualifié de contrat d'entreprise au sens de l'article 1792-6 du Code civil prévoyant le paiement à réception de l'ouvrage et que la société ne démontre pas l'existence de la réception de la prestation commandée.
Par conclusions notifiées le 16 avril 2024, la Sarl Product'Air demande à la cour :
- de débouler M.[T] de toutes ses demandes, fins et moyens,
- de confirmer le jugement entrepris concernant le paiement intégral de la facture, et l'article 700 du code de procédure civile,
- de le réformer sur le préjudice subi par elle en toutes ces dispositions,
- de condamner l'appelant au paiement de la facture à savoir 1800 euros outre
- au titre de la résistance abusive à la somme de 1500 euros,
- au titre de son préjudice économique la somme de 5760 euros ,
En tout état de cause
- de le condamner au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 code de procédure civile outre les entiers dépens en cause d'appel.
Elle réplique que la prestation réalisée est conforme à ses engagements et au synopsis proposé en l'absence de preuve contraire rapportée par l'appelant de mauvaise foi ; que s'agissant d'un contrat d'entreprise, si la prestation est de nature intellectuelle, l'entrepreneur n'est tenu qu'à une obligation de moyen et qu'en ce sens, la prestation a été exécutée ; que de plus, l'appelant a pris réception de la chose en ce qu'il en sollicité des modifications, lesquelles n'ont pu être réalisées non de son fait mais du fait du refus de celui-ci de sorte que le paiement du prix est du.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur l'exécution du contrat
Retenant que la société Product'Air avait exécuté ses obligations contractuelles, le tribunal a condamné M.[T] à payer le prix conformément au devis accepté pour la somme de 1800 euros.
L'appelant soutient que le contrat incluait deux séries de modifications qui n'ont jamais été réalisées ce qui constitue une inexécution contractuelle imputable à la société.
Il allègue que le règlement de la partie 'tournage' devait intervenir à l'issue de l'exécution complète du contrat soit tant la partie 'tournage' que la partie 'post production' laquelle comprenait 'le montage' et 'la réception' ; que cette dernière partie n'a pas été exécutée
Il ajoute que le contrat signé doit être qualifié de contrat d'entreprise au sens de l'article 1792-6 du Code civil et que le prix n'est du qu'à compter de la réception de l'ouvrage ; que la société ne démontre pas l'existence de la réception de la prestation commandée.
L'intimée réplique que s'agissant d'un contrat d'entreprise, si la prestation est de nature intellectuelle, l'entrepreneur n'est tenu qu'à une obligation de moyen et qu'en ce sens, la prestation a été exécutée ; que de plus, l'appelant a sollicité des modifications signifiant donc qu'il a pris réception de la chose
Selon les articles 1217 et 1219 du Code civil la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.
La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.
Selon l'article 1792-6 du Code civil la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
Le contrat d'entreprise est la convention par laquelle une personne charge un entrepreneur d'exécuter, en toute indépendance, un ouvrage. La qualification de contrat d'entreprise avancée par l'appelant n'est pas contestée par l'intimée.
Cette convention obéit aux règles générales de droit commun en matière contractuelle. Ainsi, l'entrepreneur doit accomplir le travail commandé et livrer le résultat de son travail.
Les parties sont en accord pour dire que le devis émis par la Sarl Product'Air et accepté par M.[T] le 13 juillet 2021 les lie contractuellement.
Ce devis énonce :
Vidéo de présentation
* Tournage
Conception et rédaction d'un synopsis, validation par vos soins avant début du tournage, organisation du tournage, repérages, préparation du matériel, réalisation d'image au sol, prise de son pour voix off
Lieux : [Localité 2] (atelier) et château de [Localité 5] (30)
date : fin juillet 2021, à préciser
Montant : 800 HT
* Post production
Dérushage, sélection des plans, montage, étalonnage, bande son libre de droits validée par vos soins, insertion des titres et/ou mots clés, logos.
Réalisation d'un teaser, durée : 1 min à 1min30. 2 séries de modifications inclues, facturation des demandes supplémentaires de modifications
Montant 700 euros HT
Soit total 1800 TTC
Modalité de règlement : à réception du montage vidéo
Il existait donc deux obligations, la première consistant dans le tournage de la vidéo, la seconde dans sa post-production.
Il incombe à M.[T] de rapporter la preuve de l'inéxécution de ces obligations.
S'agissant de la partie 'tournage', il est produit :
- le synopsis du 13 juillet 2021,
- un mail du 08 septembre 2021 de M.[T] comportant le synopsis modifié, et une proposition de musique,
- un mail du 20 septembre 2021, des logos, ainsi que le synopsis modifié
Les parties s'accordent pour dire que le tournage a eu lieu le 22 septembre 2021 sur le site du château de Montcaud comme en atteste le propriétaire de celui-ci.
M.[T] produit également une attestation d'où il s'évince qu'il existait des tensions le jour du tournage.
Il en résulte que la rédaction et la conception du synopsis ont été réalisées et validées par l'appelant, que le tournage a bien eu lieu au château de Montcaud, seule la date prévue initialement le 31 juillet ayant finalement été reportée à l'initiative de M.[T].
La partie 'tournage' a donc bien été exécutée par la Sarl Product'Air.
S'agissant de la partie 'post production', l'appelant produit :
- un courriel du 05 octobre dans lequel il indique avoir visionné le film, que ce dernier ne lui convient pas, et dans lequel il propose d'exposer les problématiques relevées et 'd'apporter ensemble les modifications nécessaires',
- un courriel du même jour de la société soutenant avoir parfaitement exécuté la vidéo conformément au cahier des charges et sollicitant de lister par écrit les modifications qui pourraient intervenir et le règlement de la facture,
- un courriel du 09 octobre dans lequel M.[T] expose les points d'insatisfaction, réitère sa proposition de rencontre afin d'établir des corrections et propose de racheter le fichier-source et de mettre ainsi un terme à la collaboration,
- un courriel du 13 octobre de la société sollicitant le règlement de la facture du 05 octobre 2021 d'un montant de 1800 euros
Il résulte de ces pièces que M.[T] insatisfait de la prestation réalisée a sollicité la réalisation de modifications mais il échoue à rapporter la preuve du refus de son cocontractant de les réaliser.
La Sarl Product'Air justifie avoir accepté de réaliser les modifications demandées dans son courriel du 21 octobre 2021, écrivant : 'afin d'avancer et de trouver une issue à ce dossier, je vous propose de réaliser les modifs en rouge dans la vidéo après règlement de la facture ou je vous envoie les rushs bruts après règlement de la facture'.
M.[T] ne répondra plus aux sollicitations de la société après ce courrier de sorte que la non réalisation des modifications lui est imputable.
La partie post-production a bien été réalisée, la vidéo ayant été finalisée et mise à disposition du client le 29 septembre 2021.
L'insatisfaction de ce dernier ne démontre pas l'inexécution contractuelle alléguée.
Le contrat d'entreprise, en matière intellectuelle comme ici, soumet l'entrepreneur à une obligation de moyen, ce dernier étant tenu de mettre en oeuvre l'ensemble des moyens nécessaire à l'exécution de son obligation sans être tenu à une obligation de résultat.
La SarlProduct'Air a proposé à M.[T] une vidéo respectant l'ensemble des prescriptions du devis accepté, cette vidéo étant l'aboutissement de ce travail intellectuel.
La série de modifications prévue au contrat a été proposée à M.[T] suite à ses courriers de mécontentement, sans réponse de sa part.
Son inertie ne peut être reprochée à la société.
Enfin, M.[T] soutient que la société ne démontre pas que la réception de l'ouvrage a bien eu lieu de sorte que le prix ne serait pas du.
Or, il résulte des pièces ci dessus exposées qu'il a bien accusé réception de la vidéo objet du contrat.
Par ailleurs, la Sarl Product'Air produit l'accusé de réception du dossier We transfer dans lequel elle a mis à disposition de M.[T] un fichier à télécharger consistant dans une vidéo appelée Pub Subtea'l disponible jusqu'au 06 octobre 2021.
L'appelant a donc réceptionné la chose promise soit la vidéo de promotion du produit Subtea'l comme en attestent d'une part le courriel de confirmation avec la pièce jointe reçu le 29 septembre à 8h21 et l'accusé réception de son téléchargement à 8h59 le même jour.
Il ne peut être reproché à la société de production de ne pas avoir laissé à son client la libre disposition des rushes pour les utiliser à des fins commerciales, en l'absence de paiement du prix.
Ainsi, aucune exception d'inexécution n'est démontrée par M.[T] à l'encontre de la société Product'Air.
Il est donc tenu de régler le prix de la prestation d'un montant de 1 800 euros.
La décision sera confirmée en ce sens.
Les demandes indemnitaires de M.[T] fondées sur l'inexécution contractuelle de la Sarl Product Air seront rejetées.
Sur les demandes indemnitaires de la Sarl Product'Air
Sur le préjudice commercial indirect
Le tribunal a rejeté cette demande au motif que le préjudice allégué n'était pas en lien avec le non-paiement du prix, seule inexécution contractuelle imputable à l'appelant.
L'article 1217 du Code civil énonce que des dommages et intérêts peuvent être sollicités sur le fondement de l'inexécution contractuelle.
La Sarl Product'Air soutient avoir subi un préjudice économique indirect et sollicite la somme de 5 760 euros.
A l'appui de sa demande elle produit deux attestations des sociétés Happy day et Cycles Louison selon lesquelles elle a du renoncer à ses prestations à leur égard à cause d'une surcharge de travail et d'un contretemps avec un client durant le mois d'octobre 2021.
L'inexécution contractuelle de M.[T] consiste dans le non-paiement du prix de la prestation.
Il ne peut donc pas être retenu l'existence d'un lien de causalité entre cette inexécution et le préjudice allégué à savoir la perte de deux clients sur la période, les seuls courriels envoyés par la société ne pouvant à eux seuls constituer la preuve d'une surcharge d'activité telle qu'elle l'ait empêchée de fonctionner.
En conséquence, la décision sera confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.
Sur la résistance abusive
La Sarl Product'Air soutient que l'appelant a résisté de manière abusive à la demande de paiement de la prestation commandée et a fait appel quelques jours plus tard à un autre prestataire.
L'article 1240 du Code civil suppose la démonstration d'un fait fautif qui ne peut se traduire par une simple résistance. Il appartient à celui qui s'en prévaut de rapporter la preuve de la mauvaise foi, de l'intention de porter atteinte à l'autre partie.
En l'espèce, l'intimée ne rapporte pas cette preuve qui ne peut être constitue uniquement par le non-paiement de la prestation.
Dès lors, elle sera déboutée de sa demande indemnitaire sur ce fondement.
Sur les autres demandes
Succombant en première instance comme en appel, M.[D] [T] sera condamné aux dépens de l'entière instance.
La décision sera confirmée en ce qu'elle l'a condamné à payer à la Sarl Product'Air la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance.
Il sera également condamné à lui payer la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civil en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme la décision en toutes ses dispositions soumises à la cour,
Y ajoutant,
Déboute M.[D] [T] de sa demande d'indemnisation pour résistance abusive,
Condamne M.[D] [T] aux entiers dépens,
Le condamner à payer à la Sarl Product'Air la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.