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Décisions

CA Lyon, 3e ch. a, 5 septembre 2024, n° 20/07194

LYON

Arrêt

Autre

CA Lyon n° 20/07194

5 septembre 2024

N° RG 20/07194 - N° Portalis DBVX-V-B7E-NJSH

Décision du Tribunal de Commerce de SAINT ETIENNE du 25 novembre 2020

RG : 2017j00231

[S]

C/

[S]

[K]

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 05 Septembre 2024

APPELANT :

M. [C] [S]

né le 14 août 1976 à [Localité 9] (83)

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représenté par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et par Me Roméo LAPRESA, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMES :

Mme [W] [L] [S]

née le 16 septembre 1979 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 5]

Représentée par Me Simon ULRICH, avocat au barreau de LYON, toque : 2693, postulant et par Me Juliette BOUZEREAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

M. [P] [K]

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représenté par Me Clémence RICHARD, avocat au barreau de LYON, toque : 213, postulant et par Me Olivier ROSATO, avocat au barreau de MARSEILLE

S.A.S. DISTRIBUTION CASINO FRANCE au capital de 106.801.329 €, inscrite au registre du commerce et des sociétés de Saint Etienne sous le numéro 428 268 023, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie ROSE, avocat au barreau de LYON, toque : 1106, postulant et par Me Jacques BISTAGNE, avocat au barreau de MARSEILLE

* * * * * *

Date de clôture de l'instruction : 13 Décembre 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 29 Mai 2024

Date de mise à disposition : 05 Septembre 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

- Patricia GONZALEZ, présidente

- Aurore JULLIEN, conseillère

- Viviane LE GALL, conseillère

assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière

A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Distribution Casino France (et ci-après société Casino) a confié la gestion et l'exploitation de magasins de vente au détail, dits supérettes, à des cogérants suivant un contrat type de cogérance soumis aux dispositions des articles L.7322-1 et suivants du code du Travail et à l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés du 18 juilliet 1963.

Entre le 9 mai 2006 et le 23 juin 2010, Mme [W] [L] [S] et M. [P] [K] ont géré suivant des contrats successifs de cogérance signés avec la société Casino diverses supérettes, dont une située à [Localité 11].

Le 18 octobre 2010, un nouveau contrat de cogérance mandataire non salarié a été conclu entre Mme [W] [L] [S], M. [P] [K], M. [C] [S] et Mme [E] [Y]-[N], afin qu'ils gèrent ensemble la supérette de [Localité 11].

Le 24 janvier 2011, la société Casino a accepté la rupture unilatérale du contrat de cogérance de Mme [Y]-[N] et les trois autres co-gérants ont assumé la cogérance de la supérette selon un contrat du 27 janvier 2011.

Le 1er juillet 2013, la société Casino a accusé réception du courrier du 5 juin 2013 de M. [K] notifiant son intention de rompre unilatéralement le contrat de cogérance. Le même jour la société Casino a notifié à M. et Mme [S] la rupture simultanée de leur mandat du fait du caractère unique et indivisible du contrat de cogérance.

Le 10 juillet 2013, l'inventaire de reprise a fait apparaître un stock de marchandises de 122.240,66 euros et d'emballages de 1.567,26 euros et l'arrêté des comptes a fait apparaître qu'il manquait 48.297,33 euros de marchandises et 207,45 euros d'emballages, soit un compte général de dépôt débiteur de la somme de 61.020,19 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 août 2013, la société Casino a notifié aux trois cogérants les comptes suite à l'inventaire et leur possibilité de présenter des observations dans les quinze jours à compter de la remise des comptes. Elle les a mis vainement en demeure de payer le 26 août 2013.

Le 14 janvier 2014, le compte général de dépôt après positionnement définitif a laissé apparaître un solde débiteur de 59.830,66 euros et le 4 mars 2014, la société Casino a à nouveau mis en demeure les trois cogérants de payer ce montant.

Le 17 juin 2014, elle a assigné les trois cogérants devant le tribunal de commerce de Nice, lequel, par jugement du 7 janvier 2016, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Saint-''tienne.

Par jugement contradictoire du 25 novembre 2020, le tribunal de commerce de Saint-''tienne a :

- retenu sa compétence,

- constaté le refus dilatoire de M.[P] [K] de conclure sur le fond de l'affaire,

- débouté Mme [S], M. [K] et M. [S] de toutes leurs demandes,

- condamné solidairement Mme [S], M. [K] et M. [S] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 59.830,66 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 août 2013,

- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts,

- condamné M. [K] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné solidairement Mme [S], M. [K] et M. [S] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les dépens sont à la charge solidaire de Mme [S], M. [K] et M. [S] et seront distraits au profit de Me. Bistagne, avocat, qui y a pourvu sur son affirmation de droit,

- rejeté la demande d'exécution provisoire du jugement,

- débouté la société Distribution Casino France du surplus de ses demandes.

M. [C] [S] a interjeté appel par déclaration du 18 décembre 2020.

Le 16 décembre 2021, la société Distribution Casino et Mme [W] [L] [S] ont conclu une transaction.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 10 janvier 2021, Mme [W] [L] [S] demande à la cour de prendre acte de son désistement d'instance et d'action.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 18 octobre 2021, M. [C] [S] demande à la cour, au visa des articles 1991, 1992 et suivants du code civil et l'article L.7322-1 du code du travail, de :

- dire et juger recevable et bien fondé son appel,

- réformer le jugement litigieux en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- constater l'origine frauduleuse du déficit d'inventaire dont le montant est réclamé par la société Distribution Casino France,

- constater que la gérance effective de la supérette a été assurée par M. [P] [K], lequel a manifestement outrepassé le cadre du contrat de mandat le liant à la société Distribution Casino France,

en conséquence,

- écarter la solidarité entre cogérants mandataire non-salariés prévue au contrat de mandats du 18 octobre 2010 et débouter la société Distribution Casino France de sa demande en paiement.

Subsidiairement,

- constater que le compte général de dépôt et les arrêtés de compte ne comportent pas son nom, ni sa signature comme cogérant, qu'il n'a pas été destinataire de ces documents comptables qui devaient être établis à son contradictoire, et dire et juger que ces documents comptables, qui fondent la créance alléguée par la société Distribution Casino France, lui sont inopposables,

en conséquence,

- rejeter la demande en paiement forcée de ce chef par la société Distribution Casino France à son encontre,

- constater que seul M. [K] exploitait le petit Casino et dire et juger qu'il ne peut y avoir condamnation solidaire au paiement d'un vol commis seul par lui,

- condamner exclusivement M. [K] de l'intégralité des demandes formulées par la société Distribution Casino France,

- dire et juger que la société Distribution Casino France aurait dû transmettre à chacun des cogérants l'inventaire réalisé au seul contradictoire de M. [P] [K],

- constater que la société Distribution Casino France n'a rien cru devoir adresser au concluant dans les délais à respecter,

- dire et juger inopposable le compte fourni par la demanderesse à son encontre et qui ne pourra être tenu au paiement du solde qui y figure,

- déclarer M. [P] [K] seul responsable des dettes qui trouveraient leur origine dans le contrat de cogérance en raison du délit,

- condamner la société Distribution Casino France à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 8 juin 2021, M. [P] [K] demande à la cour, au visa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 et de l'article 700 du code de procédure civile, de :

A titre principal :

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il s'est fondé sur un montant de dette injustifié et réviser les motifs a l'appui desquels le montant de la dette est justifié en prenant en compte le manque de diligences de la société Distribution Casino France,

- débouter la société Distribution Casino France de toutes ses demandes d'indemnisation,

- débouter M. [C] [S] de l'intégralité de ses demandes,

- débouter Mme [W] [L] [S] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [C] [S] et Mme. [W] [L] [S] doivent être considérés comme solidaires de lui-même,

- ordonner la suppression des propos a caractère diffamatoire contenu dans les conclusions de madame [W] [L] [S] énoncés ci-dessous :

' page 4 des conclusions de Mme [W] [L] [S] : « (..) manifestement a dérobé de l'argent et de la marchandise au préjudice de la société Casino France ''

' Page 6 des conclusions de Mme [W] [L] [S] : ' ainsi, Monsieur [P] [K] faisait un véritable marché parallèle au sein de la supérette. C'est un délit de vol... Nous ne sommes plus dans le cadre contractuel et il convient de préciser que personne n'était au courant de ce trafic mis à part M. [P] [K]. ''.

' page 8 des conclusions de Mme [W] [L] [S] : « nous ne sommes pas ici dans le cadre d'un inventaire pour lequel il y aurait eu quelques erreurs, mais dans le cadre d'une véritable procédure pénale qu'il s'agit d'initier a l'encontre de M. [P] [K] qui seul peut être tenu du paiement de l'intégralité des sommes sollicitées ''

' page 10 des conclusions de Mme [W] [L] [S] : « pour se convaincre du fait que M. [P] [K] est un parfait délinquant (...) ''.

' page 11 des conclusions de Mme [W] [L] [S] : « (..) ce ne sont pas la de simples erreurs mais des vols et détournements... ''

' page 13 des conclusions de Mme [W] [L] [S] : « juger que Mme. [S] a été victime de volet d'usurpation de qualité de la part de Monsieur [P] [K] (..) '',

En conséquence,

- condamner Mme [W] [L] [S] à payer la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des termes diffamatoires,

- réserver ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

***

Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 19 septembre 2022, la société Distribution Casino France demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104 et 1343-2 du code civil, les articles L.7322-1 et suivants et l'article L.7322-5 alinéa 1er du code du travail, de :

- lui donner acte qu'elle accepte les conclusions de désistement de Mme [W] [L] [S] et qu'elle se désiste des demandes formulées uniquement à l'encontre de Mme [W] [L] [S],

- débouter M. [K] de l'intégralité de ses demandes ainsi que de son appel incident comme infondés,

- déclarer bien fondé son appel incident à l'encontre du jugement du tribunal de commerce de Saint-''tienne du 25 novembre 2020 en ce qu'il l'a déboutée du surplus de ses demandes et en ce qu'il est entré en voie de condamnation contre Mme [W] [L] [S],

- l'infirmer de ces chefs et le confirmer des autres chefs,

En conséquence,

- constater qu'en l'état de leur qualité de cogérants mandataires non-salariés, M. [K] et M. [S] étaient solidairement responsables des marchandises qui leur ont été confiées, à titre de dépôt, par la société Distribution Casino France,

- constater que, devant les représenter à chaque inventaire, soit en stock, soit en espèces provenant du produit de leur vente, M. [K] et M. [S] étaient ainsi contractuellement tenus de couvrir solidairement le solde débiteur du compte général de dépôt,

- reconnaître les opérations d'inventaire comme contradictoires et opposables aux parties,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les inventaires ont été réalisés de manière contradictoire sous le contrôle des cogérants sans que ces derniers n'aient émis la moindre contestation,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que les cogérants n'apportent aucun élément sérieux permettant de faire prospérer une quelconque contestation,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que faute de réclamation en temps utile et de tout élément venant à l'appui de cette démonstration, la contestation des cogérants ne peut être accueillie,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé « qu'il est de jurisprudence constante que les gérants non-salariés de succursales et de magasins d'alimentation de détail doivent assumer la charge de tout déficit d'inventaire ; qu'en conséquence M. [K] et M. [S] sont responsables des marchandises manquantes »,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [S] doit être considéré comme responsable solidaire du solde débiteur du compte général de dépôt,

- constater que, le solde débiteur du compte général de dépôt de M. [K] et M. [S] s'élevait à la somme de 59.830,66 euros, au jour de la rupture,

- confirmer le jugement entrepris en condamnant solidairement M. [K] et M. [S] à lui payer, en deniers ou quittance, la somme de 21.024,91 euros, au titre du solde du compte général de dépôt, outre intérêts de droit à compter du 26 août 2013, date de présentation de la première lettre de mise en demeure,

- ordonner la capitalisation des intérêts de retard par années entières selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil,

- condamner solidairement, M. [K] et M. [S] à lui payer la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamner solidairement M. [K] et M. [S] à lui payer somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. [K] et M. [S] aux entiers dépens d'instance et d'appel, avec droit de recouvrement.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 13 décembre 2022, les débats étant fixés au 29 mai 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est précisé que le litige n'est pas soumis au nouveau droit des contrats issu de l'ordonnance du 10 février 2016 puisque le contrat litigieux est antérieur au 1er octobre 2016.

Il sera également rappelé que les « demandes » tendant à voir « constater » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile et ne saisissent pas la cour ; il en est de même des « demandes » tendant à voir « dire et juger » lorsque celles-ci développent en réalité des moyens.

Sur le désistement de Mme [W] [L] [S]

Mme [S] se désiste de son appel incident envers ses adversaires. Ce désistement est parfait à l'encontre de la société Casino qui l'accepte et de M. [S], qui ne présente pas de demandes à son encontre.

Ce désistement n'est pas parfait à l'encontre de M. [K] dont les demandes à l'encontre de Mme [S] doivent être examinées.

Le désistement de la société Casino envers Mme [S] est également constaté.

Sur la créance de la société Distribution Casino France

M. [S] fait valoir que :

- la société Casino a la charge de la preuve de sa créance de la remise des marchandises d'une part, et du déficit allégué et de son imputabilité d'autre part mais les documents produits ne sont pas détaillés et ne permettent pas de déterminer la provenance du déficit, l'inventaire n'a pas été réalisé à son contradictoire ; il n'a signé ni approuvé aucun compte,

- la société n Casino ne lui a pas notifié de documents, de sorte qu'il ne peut lui être reproché une absence de contestation dans les délais et le défaut de notification des comptes d'inventaire ou leur notification tardive les rend inopposables à son encontre,

- la société Casino a manqué de diligence et particulièrement à son obligation contractuelle d'information régulière des cogérants en ne transmettant pas de situations de comptes ; la cogérance n'a donc pas été en mesure d'en avoir une connaissance exacte ; il est difficile d'établir le montant de la dette.

M. [K] fait valoir que :

- la société Casino n'a jamais remis à la cogérance de justificatifs détaillés du compte général de dépôt, de sorte qu'il n'est pas possible de justifier ou contester les sommes réclamées et il a réclamé en première instance une expertise afin d'établir la dette en l'absence de justificatifs détaillés,

- la société Casino a manqué de diligence en ne respectant pas l'obligation contractuelle qui lui incombait de fournir mensuellement aux cogérants une situation de compte ; la cogérance n'était donc pas informée de l'évolution du compte général de dépôt.

La société Distribution Casino France fait valoir que :

- la reddition des comptes entre les parties à l'issue du contrat de cogérance relève des modalités commerciales d'exploitation, les cogérants sont dépositaires des marchandises confiées en début et en cours d'exécution du contrat, avec mandat de les vendre,

- la comparaison avec le stock réel lors des inventaires en cours d'exécution du contrat et à la fin du contrat ont fait apparaître un déficit,

- les gérants ont tous été destinataires de façon régulière des relevés détaillés ; leur absence de contestation emporte approbation des comptes entre les parties, les inventaires ont eu lieu contradictoirement sous le contrôle des gérants, qui n'ont pas émis de contestations, de sorte qu'ils leurs sont opposables,

- les cogérants n'apportent aucun élément comptable probant à l'appui de leurs contestations de la dette, de sorte qu'ils sont de mauvaise foi à contester les éléments comptables retraçant leur gestion,

- compte tenu des règlements de M. [A], caution personnelle, et de Mme [S], le montant de la créance réactualisée est de 21.024,91 euros, outre intérêts capitalisés par année entière à compter de la mise en demeure du 26 août 2013.

Sur ce,

Il est rappelé que le contrat signé par les cogérants est soumis aux dispositions des articles L 7322-1 et suivants du code du travail et de l'accord collectif national des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés, gérants mandataires non salariés du 18 juillet 1963 modifié. Le statut qui en découle permet au cogérant de bénéficier d'une certaine indépendance tout en bénéficiant d'un statut légal et conventionnel. Le gérant n'est pas un salarié. La reddition des comptes relève de la compétence des tribunaux de commerce.

Il est également rappelé que selon l'article 1991 alinéa 1er du code civil, 'Le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution.' et selon l'article 1992 alinéa 1e, 'Le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion.'

Il est constant que les cogérants, mandataires non salariés, perçoivent des commissions calculées sur le chiffre d'affaire brut de la supérette. Ils sont seulement dépositaires avec mandat de vente des marchandises confiées par la société Casino en début puis en cours d'exécution du contrat des marchandises commandées en vue du réapprovisionnement. Il est ainsi procédé à un inventaire contradictoire en début de contrat, des marchandises et emballages, ce qui constitue le stock de départ. Chaque mois, il est reconstitué un stock théorique de la marchandise en stock dans la supérette et égal au stock théorique de début de mois augmenté des commandes passées dans le mois et diminué des recettes réalisées au titre des ventes sur la même période. Ce stock théorique devient celui du mois suivant.

Il est par ailleurs prévu un inventaire physique périodique de renseignement intermédiaire.

Selon l'article 21 de l'accord collectif national, le stock réel est comparé au stock théorique et un arrêté de compte contradictoire est établi, et il peut s'en dégager un excédent ou un manquant de marchandises. Dans ce dernier cas, le manquant est porté au débit du compte général de dépôt des cogérants.

Il est jugé avec constance que les gérants non salariés ont la charge, sauf clause contraire, de tout déficit d'inventaire et ainsi de couvrir les manquants, soit la différence entre la valeur du stock initial de la succursale augmentée de celle des marchandises livrées et la valeur des marchandises en dépôt dans l'établissement lors de l'inventaire augmentée de celle des produits vendus.

Le titulaire d'une gérance est ainsi responsable des marchandises qui lui sont confiées et des espèces provenant de leur vente.

En l'espèce, pendant la durée du contrat, les cogérants ont reçu à chaque fin de mois le relevé détaillé des débits et crédits reprenant le détail des bons et fiches de caisse. La situation de compte pouvait faire l'objet d'une contestation dans le délai de 8 jours, son absence valant approbation. Or, aucun des trois gérants n'a émis de contestations.

Lors de l'inventaire de reprise, il est apparu un stock de marchandises de 122.240,66 euros et d'emballages de 1.567,26 euros. Ensuite, l'arrêté de comptes a révélé un manquant de marchandises de 48.297,33 euros et 207,45 euros d'emballages.

Il résulte des productions que les inventaires ont été dressé contradictoirement, que la société Casino a notifié par courrier recommandé avec avis de réception aux cogérants la position du compte le 2 août 2013 en rappelant le délai de 15 jours pour présenter des observations, que par ailleurs, les fiches d'inventaires ont été signées sans réserves, que tous les résultats ont été inscrits sur le compte général de dépôt des cogérants et notifiés, qu'il n'a jamais été émis la moindre contestation. Aucun inventaire de contrôle n'a été sollicité.

Aucune des pièces des cogérants, qui ne procèdent que par affirmations ne permet de remettre en cause la véracité des comptes qui n'ont jamais été contestés et c'est à juste titre que le tribunal de commerce a retenu un manquant de 59.830,66 euros après passation des écritures complémentaires.

Toutefois, la société Casino a réactualisé sa créance en la portant à 21.024,91 euros en raison du règlement de 13.805,75 euros par une caution, M. [A] et du fait du règlement par [W] [L] [M] d'une somme de 25.000 euros

Il convient en conséquence de retenir ce dernier montant comme créance résiduelle de la société Casino.

Sur la solidarité entre cogérants

M. [S] fait valoir que :

- seul M. [K] exerçait les fonctions de responsable administratif du magasin et était dépositaire et responsable du stock des marchandises à partir d'août 2012 ; le concluant ne pouvait pas émettre de contestation,

- le déficit n'est pas dû à une mauvaise exécution du contrat mais M. [K] a commis des faits délictueux en détournant des marchandises au préjudice de la société Casino en utilisant l'enseigne à son propre bénéfice, passant des commandes de vin et distrayant des sommes importantes d'argent ; des plaintes ont été déposées contre lui par le concluant et Mme [S] ; par son délit et ses fautes dans la gestion, M. [K] est exclusivement responsable de la dette,

- la solidarité ne vaut que dans les limites de la mission confiée ; en conséquence, il incombe à la société Casino de démontrer que la créance est imputable au concluant,

- les inventaires ont été effectués en son absence ; il n'a pas été destinataire des éléments comptables en contradiction avec le contrat ; la société Casino l'a tenu à l'écart de la gestion ; le compte général de dépôt de 2013 et les arrêtés de compte 2012 et 2013, et par là-même la créance qu'ils fondent, lui sont donc inopposables,

- la lettre recommandée avec accusé de réception dont fait état la société Distribution Casino France et qui lui aurait été envoyée ne comporte pas sa signature, son refus de signer l'accusé de réception et l'inventaire manifestait son désaccord,

- la charge de la preuve du respect des obligations contractuelles incombe aux mandataires, savoir les cogérants, puisque les marchandises restaient la propriété du mandant, soit la concluante.

M. [K] fait valoir que :

- le caractère solidaire est une caractéristique intrinsèque au contrat de cogérance que Mme et M. [S] ne pouvaient ignorer, et ils ont notifié ensemble à la société Casino leur intention d'assumer ensemble la cogérance par lettre du 12 janvier 2011,

- la solidarité entre les cogérants découle également des opérations de cogérance auxquelles ont participé les trois gérants ; la perception par chacun d'une même commission et la signature conjointe de documents en attestent,

- à l'inverse, le fait que différents documents ne soient libellés qu'à son nom n'est qu'une conséquence de l'attribution aléatoire du matricule mère au concluant,

- si un gérant souhaitait se soustraire de la cogérance, il lui appartenait de notifier son intention de rompre unilatéralement le contrat de cogérance,

- ayant continué à percevoir des commissions, Mme [S] demeure responsable solidairement du solde débiteur du compte général de dépôt,

- ses présumés agissements frauduleux n'ont jamais fait l'objet de signalements de la part des autres cogérants ; de surcroît, la société Casino F soulève à juste titre que les potentiels achats et revente en parallèle n'auraient eu aucune incidence sur le stock qu'elle a remis à la cogérance,

- les arguments liés à sa relation personnelle avec Mme [S] sont hors sujet ; l'absence d'information de la société Distribution Casino France de leur séparation est indifférente.

La société Distribution Casino France fait valoir que :

- la solidarité entre les cogérants découle de la nature intrinsèque du contrat de cogérance qui l'expose expressément et de l'indivisibilité du mandat,

- les cogérants avaient parfaite connaissance de la nature de solidarité pour avoir signé à plusieurs reprises de tels contrats et aucun n'a émis de contestation à la réception des situations comptables reçues à chaque fin de mois, dont ils ont tous été destinataires,

- chacun des cogérants a reçu les mêmes commissions jusqu'à la rupture du contrat,

- la signature d'un cogérant de tout inventaire emporte reconnaissance de la part des autres ; la signature de M. [K] engage la responsabilité solidaire des deux autres,

- Mme [S] et M. [S] auraient pu demander à assister aux opérations d'inventaire ou se faire représenter ; ils auraient aussi pu demander un nouvel inventaire ; ils ne l'ont pas fait,

- les cogérants sont tous les trois responsables des marchandises en tant que mandataire ; la charge de la preuve du respect des obligations contractuelles leur incombe,

- tous les cogérants ont participé à la gestion ; M. [S] ne démontre pas que les agissements frauduleux de M. [K] seraient à l'origine du déficit invoqué mais seulement l'achat puis la revente de marchandises non confiées par la concluante, ce qui n'a pas eu d'incidence sur l'existence de son stock,

- il est étonnant que M. [S] n'aient pas averti la concluante sur les agissements de M. [K] qu'il ne pouvait ignorer et s'il souhaitait se soustraire de la cogérance, il lui appartenait de notifier son intention de rompre unilatéralement le contrat.

Sur ce,

Il est constant que par courrier du 12 janvier 2011, les consorts [S] [K] ont notifié à la société Casino leur intention commune d'assurer la cogérance de la supérette à trois et signé ensuite un contrat unique de cogérance. Il n'en ignoraient pas la spécificité des conditions de solidarité, ayant chacun déjà signé à plusieurs reprises un tel contrat auparavant.

L'article 1 du contrat précise que les consorts [S] [K] acceptent conjointement et solidairement le mandat d'assurer la gestion et l'exploitation d'un des magasins de vente au détail ; que 'les cogérants mandataires seront solidaires entre eux dans toute l'étendue de l'exécution de leur mandat et encore jusqu'à la liquidation et l'apurement de tous les comptes découlant du présent contrat de co-gérance mandataire non salariée. Cette solidarité étant expressément acceptée par eux conformément à l'article 1996 du code civil. En outre, ils renoncent expressément au bénéfice de discussion et de division.'

Chacun des gérants percevait une commission de 33,33 % de la commission globale et les bulletins de commission ont précisé cette perception jusqu'à la rupture du contrat.

S'agissant de l'inventaire, selon l'article 7, 'les cogérants mandataires non salariés se donnent ici au besoin pouvoir réciproque d'assister les uns à défaut des autres à tout inventaire, de signer celui-ci ; la signature d'en d'eux entraînant reconnaissance de la part des autres'.

Il découle également de l'article 15 que l'indivisibilité du mandat donné par Distribution Casino France et la solidarité des cogérants mandataires non salariés constitue un élément essentiel du contrat de cogérance mandataire non salariée. Selon l'article 12, les pièces et documents et plus généralement tout ce qui sera fait pour la marche du point de vente seront établis en un seul exemplaire, les cogérants mandataires non salariés devant faire leur affaire personnelle entre eux pour la communication de ces documents. La signature de l'un d'eux sur un document entraînera l'approbation de l'autre et la solidarité entre eux.

Il découle de ce qui précède que même si M. [K] a pu signer seul certains documents, ceci ne peut avoir d'incidence sur les stipulations contractuelles et dégager les autres cogérants de leurs obligations envers la société Casino au seul motif allégué que M. [K] aurait exercé seul les fonctions de responsable administratif du magasin.

Par ailleurs, ainsi que rappelé par la société Casino, aucun des cogérants n'a émis de contestation à la réception des différentes situations et tous ont perçu leur part de commissions comme prévu au contrat. Aucun comportement répréhensible n'a été dénoncé par l'un des cogérants pendant l'exécution du contrat, ni aucune obstruction de l'un d'eux envers ses coobligés ou achat de denrées auprès d'un autre fournisseur. Aucune demande de vérification des comptes par un cogérant tenu à l'écart n'a été présentée.

M. [S] ne peut enfin se réfugier derrière sa propre inertie et son absence de contrôle des comptes pour se dégager de ses obligations ni se contenter d'alléguer des comportements frauduleux de son partenaire et ses pièces 7 à 9 sont totalement inopérantes.

Il découle de ce qui précède que M. [S] ne peut être dégagé de son obligation à paiement solidaire des manquants au profit de la société Casino.

En définitive, et tenant compte des sommes versées et de l'abandon de la demande à l'encontre de Mme [S], le jugement est infirmé sur la condamnation principale en paiement et [C] [S] et [P] [K] sont condamnés solidairement à payer à la société Casino la somme de 21.024,91 euros en deniers ou quittances au titre du solde du compte général de dépôt avec intérêts légaux à compter du 26 août 2013, date de présentation de la première mise en demeure.

La capitalisation des intérêts est de droit lorsqu'elle est demande de sorte que cette disposition du jugement est confirmée.

Sur les propos diffamatoires

M. [K] fait valoir que les propos portant sur des agissements présumés frauduleux de sa part sont graves et diffamants ; ils constituent une faute de Mme [S] et lui causent un préjudice justifiant réparation, qu'il n'y a pas eu de dépôt de plainte de Mme [S] à son encontre, que ces propos outrepassent le cadre commercial du litige de sorte qu'ils doivent être écartés et censurés.

Sur ce,

La cour constate que Mme [S] s'est désistée de toutes ses prétentions et que ses dernières conclusions dont il doit seulement être tenu compte par la cour ne comportent aucun propos à l'encontre de M. [K].

Les demandes de M. [K] à l'encontre de Mme [S] sont en conséquence rejetées.

Sur la résistance abusive

Le caractère abusif et préjudiciable de la résistance de M. [S] n'est pas établi par les productions de la société Casino de sorte que la demande de dommages intérêts de cette dernière ne peut prospérer. Toutefois, le jugement n'a pas expressément statué sur cette demande de sorte qu'il s'ajoute au jugement.

Par ailleurs, M. [K] ne discute pas dans ses conclusions la condamnation à 2.000 euros de dommages intérêts qui a été mise à sa charge par le jugement. Cette disposition est donc confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les dépens d'appel sont solidairement à la charge de M. [S] et de M. [K], lesquels verseront en outre en cause d'appel la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres demandes à ce titre sont rejetées.

Les condamnations prononcées en première instance sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant dans les limites de l'appel,

Constate le désistement d'appel incident de [W] [L] [S] et le dit parfait à l'encontre de la société Distribution Casino France et de [C] [S].

Constate que la société Distribution Casino France se désiste de son appel incident à l'encontre de Mme [W] [L] [S].

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Mme [S], M. [K] et M. [S] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 59.830,66 euros outre intérêts au taux légal à compter du 26 août 2013.

Confirme le jugement déféré pour le surplus.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne solidairement M. [C] [S] et M. [P] [K] à payer à la société Distribution Casino France la somme de 21.024,91 euros en deniers ou quittances au titre du solde du compte général de dépôt outre intérêts légaux à compter du 26 août 2013.

Déboute la société Distribution Casino France de sa demande de dommages intérêts à l'encontre de M. [C] [S].

Déboute M. [P] [K] de toutes ses demandes à l'encontre de Mme [S].

Condamne solidairement MM [C] [S] et [P] [K] aux dépens d'appel, ces derniers avec droit de recouvrement, et à payer à la société Distribution Casino la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE