CA Chambéry, 2e ch., 5 septembre 2024, n° 22/01287
CHAMBÉRY
Autre
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Bnp Paribas Personal Finance (SA)
Défendeur :
Prestige Eco Habitat (SAS), H-Pécou (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Fouchard
Conseillers :
M. Therolle, M. Gauvin
Avocats :
Me Boulloud, Me Habib, Me H
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon bon de commande en date du 14 juin 2017, M. [G] [C] et Mme [I] [F], épouse [C], ont fait appel à la société Prestige Eco Habitat pour la fourniture et la pose de 20 panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique, pour un prix global de 34 900 euros TTC.
Pour le financement de ces travaux, ils ont souscrit le même jour, auprès de la société BNP Paribas Personal Finance (Cetelem), un crédit de 34 900 euros, remboursable en 180 mois, au taux d'intérêt nominal fixe de 4,70 %.
La réception des travaux est intervenue le 4 juillet 2017, sans réserves.
Par actes délivrés le 5 février 2021, M. et Mme [C] ont fait assigner la société BNP Paribas Personal Finance (sous l'enseigne Cetelem), et la société Prestige Eco Habitat devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains pour obtenir essentiellement l'annulation du contrat de vente du 14 juin 2017 et du contrat de crédit affecté du même jour, avec remboursement par la société BNP Paribas Personal Finance des sommes déjà versées, et, subsidiairement, sa condamnation à leur payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, ainsi que le paiement par la société Prestige Eco Habitat des frais de démontage de l'installation.
La société BNP Paribas Personal Finance s'est opposée aux demandes, tandis que la société Prestige Eco Habitat n'a pas comparu.
Par jugement rendu le 14 juin 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains a :
prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 14 juin 2017 entre M. [C], d'une part, et la société Prestige Eco Habitat, d'autre part,
dit que la société Prestige Eco Habitat devra procéder à l'enlèvement du matériel posé au domicile de M. et Mme [C] et procéder à la réfection de la toiture dans le délai de quatre mois à compter de la date de signification du jugement,
dit qu'à l'expiration de ce délai, la société Prestige Eco Habitat sera redevable envers M. et Mme [C] d'une astreinte de 60 euros par jour de retard, sur une période maximale de six mois,
dit qu'à l'issue de ce délai, M. et Mme [C] seront autorisés à faire enlever le matériel et à s'en débarrasser,
rejeté la demande tendant à ce que le devis de désinstallation du matériel soit par ailleurs mis à la charge de la société Prestige Eco Habitat,
prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 14 juin 2017 entre M. [C], d'une part, et la société BNP Paribas Personal Finance, d'autre part,
condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [C] la somme de 12 007,42 euros à titre de restitution des sommes versées par les emprunteurs, arrêtées au 30 avril 2021, avec intérêts au taux légal à compter de cette date,
condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [C] toute somme payée au titre du contrat de crédit annulé postérieurement à cette date,
dit que la société BNP Paribas Personal Finance est privée de sa créance de restitution,
débouté M. [C] de ses demandes indemnitaires,
condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Prestige Eco Habitat à payer à M. et Mme [C] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Prestige Eco Habitat aux dépens de l'instance,
rejeté toutes les autres demandes des parties.
Par déclaration du 8 juillet 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de ce jugement en intimant M. et Mme [C] seuls (RG 22/01287).
Puis, par déclaration du 26 juillet 2022, la société BNP Paribas Personal Finance a interjeté appel de ce même jugement contre la société Prestige Eco Habitat, représentée par la SELARL [H]-Pecou, ès qualités de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Prestige Eco Habitat, désignée par jugement du tribunal de commerce de Nanterre le 23 mars 2022 (RG 22/01406).
Les deux appels ont été joints.
Par conclusions d'appelant n° 5 notifiées le 22 mars 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, la société BNP Paribas Personal Finance demande en dernier lieu à la cour de :
confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire des époux [C],
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 14 juin 2017 entre M. [C], d'une part et la société Prestige Eco Habitat d'autre part,
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 14 juin 2017 entre M. [C], d'une part et la société BNP Paribas Personal Finance d'autre part,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [C] la somme de 12 007,42 euros à titre de restitution des sommes versées par les emprunteurs, arrêtée au 30 avril 2021, avec intérêts au taux légal à compter de cette date,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [C] toute somme payée au titre du contrat de crédit annulé postérieurement à cette date,
- dit que la société BNP Paribas Personal Finance est privée de sa créance de restitution;
- condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Prestige Eco Habitat à payer à M. [C] et Mme [C] la somme de de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société BNP Paribas Personal Finance et la société Prestige Eco Habitat aux dépens de l'instance,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
débouter Mme [C] et M. [C] mal fondés en toutes leurs demandes,
condamner solidairement les époux [C] à poursuivre l'exécution du contrat de crédit aux clauses et conditions initiales,
Subsidiairement, si le contrat unissant Mme [C] et M. [C] avec la société BNP Paribas Personal Finance était annulé :
remettre les parties dans l'état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion du contrat et en conséquence :
condamner solidairement Mme [C] et M. [C] à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance le capital financé, outre les intérêts au taux légal à compter du déblocage des fonds, déduction faite des versements ayant déjà pu intervenir,
constater qu'à la date des présentes écritures les époux [C] ont réglé la somme totale de 16 309,28 euros (voir pièce n° 31),
ordonner que le montant de ce remboursement sera assorti d'un intérêt au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,
ordonner à Mme [C] et M. [C] la communication des attestations émises par ERDF et faisant apparaître les sommes versées par cette société au titre du contrat de rachat de la production,
condamner solidairement Mme [C] et M. [C] à rembourser à la société BNP Paribas Personal Finance une somme correspondant au montant de la revente d'énergie à ERDF,
En tout état de cause,
condamner solidairement Mme [C] et M. [C] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Par conclusions d'intimés n° 3 notifiées le 2 mars 2024, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. et Mme [C] demandent en dernier lieu à la cour de :
Vu les articles L. 111-1, L. 311-1, L. 311-6, L. 311-8, L. 311-13, L. 311-32, L. 311-35, L. 312-2, L. 312-7, L. 312-11, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-3 à L. 313-5, et D. 311-4-3 du code de la consommation,
Vu les articles L. 121-21, L. 121-23 à L. 121-26, et R.121-5 du code de la consommation dans leur rédaction applicable au cas d'espèce,
Vu les articles L. 421-1 à L. 421-5 et L. 480-4 du code de l'urbanisme,
Vu les articles L. 313-5-1, L. 519-1 et L. 546-1 du code monétaire et financier,
Vu l'article L. 512-1 du code des assurances,
Vu les articles 1109, 1116, 1710 et 1792 du code civil,
Vu les articles 11, 515 et 700 du code de procédure civile,
confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
- prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 14 juin 2017 entre M. [C] d'une part, et la société Prestige Eco Habitat d'autre part,
- prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 14 juin 2017 entre M. [C] d'une part, et la société BNP Paribas Personal Finance d'autre part,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [C] la somme de 12 007,42 euros à titre de restitution des sommes versées par les emprunteurs, arrêtée au 30 mai 2021, avec intérêts au taux légal à compter de cette date,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [C] toute somme payée au titre du contrat annulé postérieurement à cette date,
- dit que la société BNP Paribas Personal Finance est privée de sa créance de restitution,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [C] et Mme [C] la somme de 3 000 euros au ti tre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens de l'instance,
infirmer le jugement susvisé en ce qu'il a débouté les époux [C] de leurs demandes indemnitaires,
Statuant de nouveau et y ajoutant,
condamner la société BNP Paribas Personal Finance, sous l'enseigne de Cetelem, à rembourser à Monsieur et Madame [C] l'intégralité des échéances versées jusqu'au jour de l'arrêt à intervenir, outre les mensualités postérieures acquittées,
en outre, condamner la société BNP Paribas Personal Finance, sous l'enseigne de Cetelem, à verser à Monsieur et Madame [C] la somme de :
- 3 000,00 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
- 3 000,00 euros au titre de leur préjudice moral,
condamner la société BNP Paribas Personal Finance, sous l'enseigne de Cetelem, à payer aux époux [C] la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner la société BNP Paribas Personal Finance, sous l'enseigne de Cetelem, au paiement des entiers dépens,
A titre subsidiaire, si la cour ne faisait pas droit aux demandes des époux [C] considérant que la banque n'a pas commis de fautes :
prononcer la déchéance du droit de la banque BNP Paribas Personal Finance aux intérêts du crédit affecté.
Les deux déclarations d'appel ont été signifiées à la SELARL [H]-Pecou, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Eco Habitat par actes délivrés à une personne habilitée le 9 septembre 2022.
Les conclusions de la société BNP Paribas Personal Finance lui ont également été signifiées, par acte du 19 mars 2024 pour les dernières, et celles des époux [C] par acte du 5 décembre 2022.
La SELARL [H]-Pecou, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Prestige Eco Habitat n'a pas constitué avocat devant la cour.
L'affaire a été clôturée à la date du 25 mars 2024 et renvoyée à l'audience du 7 mai 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 5 septembre 2024.
MOTIFS ET DÉCISION
1. Sur le contrat principal
La BNP Paribas Personal Finance fait grief au jugement déféré d'avoir annulé le contrat principal (et subséquemment le contrat de crédit affecté) alors que ce contrat respecte parfaitement les dispositions du code de la consommation quant aux mentions qui doivent y figurer, et qu'en tout état de cause M. et Mme [C] ont, par l'acceptation sans réserve de l'installation et son utilisation pendant près de quatre ans sans protestation, manifestement confirmé le contrat allégué nul.
M. et Mme [C] soutiennent que le contrat ne respecte pas les dispositions du code de la consommation quant à la description des biens vendus, que le matériel livré n'est pas conforme au bon de commande et qu'enfin le bordereau de rétractation est irrégulier et de nature à entraîner la nullité absolue du contrat.
Sur ce, la cour,
Sur la nullité du contrat principal :
Sur la régularité formelle du contrat :
En application de l'article L. 111-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance no 2016-301 du 14 mars 2016, applicable au contrat litigieux, dispose que :
Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en 'uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
L'article L. 221-5 du même code, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, dispose que :
Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
L'article L. 221-18 du même code dispose par ailleurs que :
Le consommateur dispose d'un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d'un contrat conclu à distance, à la suite d'un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d'autres coûts que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
1° De la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l'article L. 221-4 ;
2° De la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens. Pour les contrats conclus hors établissement, le consommateur peut exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Dans le cas d'un commande portant sur plusieurs bien livrés séparément ou dans le cas d'une commande d'un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Pour les contrats prévoyant la livraison régulière de biens pendant une période définie, le délai court à compter de la réception du premier bien.
En l'espèce, le bon de commande litigieux porte sur les prestations suivantes :
« - Revente surplus
- Panneaux photovoltaïques
livraison - pose - pièces, main d'oeuvre et déplacement
Installation photovoltaïque comprenant 20 panneaux photovoltaïques suivant la norme EN -12237, EN-1507 et EN-13501-1
soit une puissance globale de 250 wc
de marque GSE Intégration ou équivalent
- démarches administratives à la charge de Prestige Eco Habitat
- raccordement au réseau ENEDIS à la charge de Prestige Eco Habitat en totalité
Comprenant : kit d'intégration, parafoudre, coffret protection, onduleur, disjoncteur, mise à terre des générateurs
- ECS ballon thermodynamique
Livraison - pose - pièces, main d'oeuvre et déplacement
270 L
Thermor ou équivalent »
le tout pour un prix global de 34 900 euros TTC.
Le bon de commande précise un délai de livraison de 6 mois. Il contient un bordereau de rétractation détachable qui précise que l'annulation de commande doit intervenir au plus tard le 14ème jour à partir du jour de la commande.
Au verso du document sont reproduits les articles L. 221-18 à L. 221-28 et L. 225-5 à L. 222-6 du code de la consommation (pièce n° 1 des intimés).
Il est de jurisprudence constante qu'aucun texte n'exige la mention du prix unitaire de chaque élément constitutif du bien offert ou du service proposé, l'annulation du contrat n'étant pas encourue en l'absence d'une telle mention (Civ. 1ère, 2 juin 2021, n°19-22.607). C'est donc en vain que M. et Mme [C] soutiennent que l'absence de précision du prix de chaque élément fourni serait de nature à entraîner la nullité du contrat, dès lors qu'ils ont bien disposé de l'information relative au prix global.
Quant à la désignation du matériel commandé, la description apparaît suffisante puisque sont bien mentionnés le nombre de panneaux, leur puissance globale, le volume et les caractéristiques du ballon d'eau chaude sanitaire. La circonstance que la marque des panneaux et du ballon livrés ne sont pas identiques à ceux figurant sur le bon de commande est indifférente, dans la mesure où c'est ici le bon de commande qui est critiqué, et non la prestation elle-même et que de surcroît le bon de commande fait bien référence à la possibilité d'avoir un matériel équivalent. Par ailleurs, le bon de commande précise qu'un onduleur est également fourni. Les caractéristiques essentielles des biens et services proposés sont donc suffisamment précisées, et le contrat n'encourt pas la nullité sur ce point.
Les époux [C] invoquent encore l'inexactitude des modalités de paiement figurant sur le bon de commande, les mensualités mentionnées n'étant pas celles qui leur sont finalement prélevées, et le coût total du crédit étant également inexact.
Toutefois, le montant des mensualités figurant sur le bon de commande est de 275,90 euros (et non 215,90 euros comme prétendu), hors assurance, laquelle est facultative. Il y a lieu de noter que l'addition de l'assurance souscrite par les emprunteurs au montant des mensualités aboutit bien aux mensualités payées de 305,53 euros et le coût total du crédit est également conforme (49 662 euros sans assurance comme mentionné sur le bon de commande, 55 087,15 euros avec assurance). L'information donnée sur le financement est bien complète et le contrat n'encourt pas de nullité sur ce point.
Concernant le bordereau de rétractation, l'information qui y figure n'est pas inexacte puisque l'objet du contrat est mixte, à savoir une vente accompagnée de travaux et de prestations de services, de sorte que le délai de rétractation court bien à compter du jour de la commande. Aucune nullité n'est encourue sur ce point.
Par ailleurs, aucun paiement n'est intervenu avant l'expiration de ce délai, les fonds ayant été débloqués le 17 juillet 2017, à la demande de M. et Mme [C] qui ont signé la réception des travaux sans réserves le 4 juillet 2017, soit après leur exécution complète (pièces n° 15 à 18 de l'appelante), le bon de commande étant en date du 14 juin 2017.
Enfin, concernant le délai de livraison, le bon de commande mentionne un délai global de six mois à compter du jour de la commande, indication insuffisante pour répondre aux exigences de l'art. L. 111-1, 3°, dès lors qu'il n'est pas distingué entre le délai des opérations matérielles de livraison et d'installation des panneaux et du ballon et celui d'exécution des autres prestations auxquelles le vendeur s'était s'engagé (démarches administratives auprès de ENEDIS et raccordement au réseau). En effet, un tel délai global ne permet pas à l'acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur aura exécuté ses différentes obligations.
Pour ce motif le contrat principal encourt la nullité.
Sur le dol :
Les époux [C] invoquent encore le dol qui aurait été commis à leur préjudice par la société Prestige Eco Habitat, celle-ci leur ayant prétendu que l'installation s'auto-financerait, ce qui est inexact, et que son représentant se serait présenté avec des documents à l'en-tête d'EDF.
Toutefois, il leur appartient de rapporter la preuve des manoeuvres dolosives les ayant conduit à contracter. Or force est de constater qu'aucune des pièces produites n'étaye leurs affirmations, aucun document à en-tête d'EDF n'étant produit.
En outre, la rentabilité financière de l'installation n'est pas une condition essentielle du contrat, la fiche d'étude technique et la fiche d'information (pièces n° 14 et 15 des intimés) ne révélant aucun auto-financement annoncé de l'installation, les économies d'énergie escomptées pour 2 861 euros par an et les aides fiscales pour 8 383 euros (en une seule fois), ne couvrant à l'évidence pas le coût global de l'installation de 34 900 euros, et le financement par crédit. L'absence de réalisation des économies escomptées et l'insuffisance de productivité de l'installation alléguée ne constituent en tout état de cause pas des manoeuvres dolosives. Aucune nullité du contrat ne saurait être prononcée sur ce point.
Sur la confirmation du contrat :
En application de l'article 1181 du code civil, la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger. Elle peut être couverte par la confirmation.
L'article 1182 du même code prévoit que la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat. La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat. L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé. La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
La confirmation peut être tacite dès lors qu'elle n'est pas équivoque. Elle suppose par ailleurs que l'emprunteur a eu connaissance du vice et a eu l'intention de le réparer.
La jurisprudence considère que la reproduction, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (Civ. 1, 24 janvier 2024, n° 22-16.116).
En l'espèce, la nullité encourue par le contrat, liée à l'imprécision du délai d'exécution mentionné au bon de commande, est bien une nullité relative, quand bien même les textes qui la prévoient sont d'ordre public, s'agissant ici d'un ordre public de protection, sans nullité absolue. La confirmation par exécution volontaire du contrat est donc possible.
Or il résulte des pièces produites que le délai annoncé de six mois a été respecté tant pour l'exécution des travaux, achevés le 4 juillet 2017, avec certificat de conformité délivré le 5 juillet 2017 par le Consuel (pièce n° 17 des intimés), que pour le raccordement au réseau Enedis et la prise d'effet du contrat d'accès en injection intervenus le 4 octobre 2017 (pièces n° 8, 9 et 12 des intimés). Ainsi l'information sur le délai d'exécution, bien qu'insuffisamment précise, n'a causé aucun grief aux époux [C] dont l'installation a été achevée et est entrée en fonctionnement dans le délai global annoncé.
M. et Mme [C] ont accepté le matériel fourni et les travaux réalisés par la société Prestige Eco Habitat sans aucune réserve, et ce alors même qu'ils ne pouvaient ignorer que le ballon ECS n'était que de 200 litres et non de 270 litres comme indiqué sur le bon de commande.
L'installation est fonctionnelle, M. et Mme [C] ne se plaignant d'aucun dysfonctionnement, mais seulement d'une insuffisance de rentabilité. Ils ont perçu le prix de l'énergie revendue à EDF (pièce n° 9) et remboursé le crédit sans aucun incident dès la prise d'effet du remboursement en février 2018 (pièce n° 18 de l'appelant). Ils ont attendu quatre années de fonctionnement avant d'engager l'action en nullité du contrat.
Il résulte de ce qui précède que M. et Mme [C], en exécutant volontairement le contrat, ont entendu le confirmer, nonobstant la nullité formelle du bon de commande quant au délai d'exécution, laquelle ne leur a aucunement nuit.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a annulé le contrat principal et, par voie de conséquence, le contrat de crédit, à l'égard duquel aucune cause de nullité n'est invoquée par les emprunteurs.
2. Sur le contrat de crédit :
A titre subsidiaire M. et Mme [C] soutiennent que la BNP Paribas Personal Finance serait privée de tout droit aux intérêts conventionnels en raison de divers manquements, notamment l'absence de consultation du FICP, le manquement à son devoir d'information et de mise en garde. Ils forment une demande de dommages et intérêts en réparation de leurs préjudices économique et moral ainsi que leur trouble de jouissance.
La BNP Paribas Personal Finance n'a pas répondu sur ce point.
Sur ce, la cour,
En application de l'article L. 312-16 du code de la consommation, avant de conclure un contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.
L'article L. 341-2 du même code dispose que le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Il convient tout d'abord de rappeler que le devoir de mise en garde suppose que le crédit consenti soit inadapté à ses capacités financières. Or il ressort des pièces produites que M. et Mme [C] poursuivent sans incident le remboursement du crédit, étant souligné qu'ils ont produit leurs justificatifs de revenus et de charges à la banque (7 à 13), qui ne révèlent pas une telle inadaptation.
La demande de dommages et intérêts sera donc rejetée, en l'absence de faute commise par la banque.
Concernant l'octroi du crédit, la BNP Paribas Personal Finance justifie avoir effectivement vérifié la solvabilité des emprunteurs par les pièces précitées (n° 7 à 13) et leur a délivré la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) qu'ils ont signée le 14 juin 2017 (pièce n° 6 de la banque).
Il n'est cependant pas justifié de la consultation du FICP, ce qui est de nature à entraîner la déchéance du droit aux intérêts.
Toutefois, cette déchéance doit être à la mesure de la perte de chance de ne pas contracter subie par les emprunteurs. Or la consultation du FICP n'est pas une information destinée aux emprunteurs, mais elle a pour but de prévenir l'octroi de crédits excessifs à une personne déjà en incident de paiement. En l'espèce les justificatifs de revenus produits et le remboursement sans incident de paiement depuis l'origine du contrat de crédit démontrent que M. et Mme [C] n'étaient pas dans une telle situation au jour de la conclusion du contrat de crédit. Il n'apparaît pas que l'absence de justification de la consultation du FICP ait eu une incidence quelconque sur la décision d'octroi du crédit, ni sur celle des emprunteurs d'accepter l'offre.
En conséquence, il convient de dire que la sanction prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation doit être réduite à 5 % du montant total des intérêts du prêt (de 14 835,75 euros).
Cette seule sanction sera donc prononcée.
3. Sur les autres demandes :
Le jugement étant infirmé en ce qu'il a annulé le contrat principal et le contrat de crédit affecté, il ne peut qu'être infirmé en ce qu'il a condamné la société Prestige Eco Habitat à procéder à l'enlèvement du matériel posé au domicile de M. et Mme [C] et procéder à la réfection de la toiture sous astreinte.
Au demeurant, la société Prestige Eco Habitat est désormais en liquidation judiciaire, de sorte qu'aucune condamnation à une obligation de faire ne peut être maintenue à son encontre.
M. et Mme [C], qui succombent à titre principal, supporteront les entiers dépens de première instance et d'appel.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la BNP Paribas Personal Finance la totalité des frais exposés en première instance et en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains le 14 juin 2022 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute M. [G] [C] et Mme [I] [F], épouse [C], de leurs demandes en nullité du contrat principal conclu avec la société Prestige Eco Habitat du 14 juin 2017 et du contrat de crédit affecté conclu avec la société BNP Paribas Personal Finance, à l'enseigne Cetelem, le même jour,
En conséquence, dit que le contrat de crédit se poursuit entre les parties, jusqu'à son terme,
Dit que la société BNP Paribas Personal Finance est déchue du droit aux intérêts conventionnels du crédit dans la proportion de 5 % du montant total des intérêts dus, fixés par le contrat à 14 835,75 euros,
Condamne M. [G] [C] et Mme [I] [F], épouse [C], aux entiers dépens, de première instance et d'appel,
Condamne in solidum M. [G] [C] et Mme [I] [F], épouse [C], à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Ainsi prononcé publiquement le 05 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.