Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 5 septembre 2024, n° 22/11458

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/11458

5 septembre 2024

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2024

(n° 213/2024, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 22/11458 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF7SX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 juin 2022 - Tribunal judiciaire de Bobigny (chambre 5, section 3) RG n° 22/01245

APPELANTE

S.A.R.L. PROUDREED FRANCE

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 423 990 266

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Patrick MAUBARET de la SCP D'AVOCATS MAUBARET, avocat au barreau de Bordeaux, toque : D0614

INTIMEE

S.A.S.U. FLEUR DE METS ayant pour nom commercial CUISINE ET COMPAGNIE

Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 449 744 200

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Blandine DUTILLOY du cabinet SHUBERT COLLIN ASSOCIES, avocat au barreau de Paris, toque : P168

Assistée de Me DUTILLOY de la SELARL SHUBERT COLLIN ASSOCIES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 mai 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre

Mme Sandra Leroy, conseillère

Mme Emmanuelle Lebée, magistrate honoraire exerçant des fonctions

juridictionnelles

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Sandra Leroy, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sandrine Stassi-Buscqua

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 16 avril 2019, l'EURL Proudreed France a donné à bail à la SASU Fleur de Mets des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 6], constituant le lot n° 5 de l'immeuble (1.483 m2 à usage d'activités au rez-de-chaussée et 132 m2 à usage de bureaux en mezzanine) ainsi que 11 emplacements de parking extérieurs, à usage d'activité avec bureaux, moyennant un loyer annuel de 195.000 € HT/HC, à effet du 17 juin 2019, pour une durée de douze années.

Par acte du 08 septembre 2021, la SASU Fleur de Mets a fait assigner à l'audience d'orientation du 04 novembre 2021, l'EURL Proudreed France devant le tribunal judiciaire de Bobigny, aux fins de constater que cette dernière avait engagé sa responsabilité en manquant à son obligation de délivrance conforme et son devoir de conseil et le cas échéant, de la condamner à lui payer la somme de 199.866,09 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, augmenté des intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation.

Par jugement du 14 juin 2022, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- débouté la SASU Fleur de Mets de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

- condamné la SASU Fleur de Mets à payer à l'EURL Proudreed France la somme de 196.350 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de délivrance du bailleur ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SASU Fleur de Mets à payer à l'EURL Proudreed France la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SASU Fleur de Mets aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la décision est de droit assortie de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 16 juin 2022, l'EURL Proudreed France a interjeté appel total du jugement.

Par ordonnance du 05 avril 2023, le conseiller de la mise en état a constaté le désistement de la SASU Fleur de Mets de son incident visant à voir rectifier les erreurs matérielles commises dans le jugement déféré et de prononcer la radiation de l'instance d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 03 avril 2024.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 17 novembre 2023, par lesquelles l'EURL Proudreed France, appelante, demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- débouter tant a' titre principal que subsidiaire la SASU Fleur de Mets de l'inte'gralite' de ses demandes, fins et pre'tentions ;

A titre infiniment subsidiaire, dans l'hypothe'se ou' des condamnations seraient prononce'es a' l'encontre de l'EURL Proudreed France, les ordonner hors TVA conforme'ment a' l'accord intervenu entre les parties,

- condamner en toutes hypothe'ses la SASU Fleur de Mets au paiement d'une indemnite' de 5.000 € sur le fondement des dispositions pre'vues par l'article 700 du code de procédure civile outre entiers de'pens de 1e're instance et d'appel.

Vu les conclusions déposées le 21 novembre 2023, par lesquelles la SASU Fleur de Mets, intimée, demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;

- rejeter l'appel interjete' par la SARLU Proudreed France ;

- écarter l'application de l'article 25 des conditions générales du bail en ce que ses termes sont invoqués de mauvaise foi ;

- écarter de surcroît l'application de l'article 25 eu égard a' l'urgence de la situation dans laquelle se trouvait la SASU Fleur de Mets ;

- confirmer le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il juge que le bailleur a manque' a' son obligation de délivrance et que ce manquement a cause' a' la SASU Fleur de Mets un préjudice indemnisable ;

- juger que le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny contient des erreurs matérielles, notamment en ce qu'il a :

« - condamné la SASU Fleur de Mets a' payer a' la SARLU Proudreed France la somme de 196.350 € a' titre de dommages et intérêts pour manquement a' l'obligation de'livrance du bailleur ;

- de'bouté les parties du surplus de leurs demandes ».

- dire qu'il y a lieu de modifier la décision a' compter du dernier paragraphe de la page 3 du jugement en remplaçant : « la SASU Fleur de mets » par « l'EURL Proudreed France » et inversement, y compris au dispositif ;

- dire que les autres dispositions du jugement demeurent inchangées,

A titre subsidiaire, si la cour infirmait le jugement dont appel en jugeant que l'EURL Proudreed France n'a pas manque' a' son obligation de de'livrance,
- juger que l'EURL Proudreed France a manqué' a' son obligation d'information,

Et statuant a' nouveau,

- condamner l'EURL Proudreed France a' payer a' la SASU Fleur de Mets la somme de 166.542,67 € HT a' titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel subi, augmentée des intérêts au taux légal a' compter de la de'livrance de l'assignation ;

- prononcer la capitalisation desdits intérêts ;

En tout e'tat de cause,

- condamner l'EURL Proudreed France a' payer a' la SASU Fleur de Mets la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner l'EURL Proudreed France aux dépens de l'instance dont distraction au profit de Mai'tre Sylvain Pavillet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs conclusions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

1. Sur les rectifications d'erreur matérielles

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a :

- débouté la SASU Fleur de Mets de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

- condamné la SASU Fleur de Mets à payer à la SARLU Proudreed France la somme de 196.350 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de délivrance du bailleur ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- condamné la SASU Fleur de Mets à payer à la SARLU Proudreed France la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SASU Fleur de Mets aux dépens de l'instance ;

- rappelé que la décision est de droit assortie de l'exécution provisoire.

La seule lecture de ce dispositif, combinée à la lecture de sa motivation révèle qu'à compter de la page 3 dudit jugement, une confusion s'est opérée entre l'EURL Proudreed France et la SASU Fleur de Mets dans l'esprit du juge, qui l'a conduit à débouter la preneuse d'une demande de révocation de l'ordonnance de clôture sollicitée pourtant par la bailleresse et à condamner la preneuse à indemniser la bailleresse pour un manquement à son obligation de délivrance.

En l'état de cette erreur manifeste du premier juge, affectant tant la motivation que le dispositif de sa décision à compter de la page 3 dudit jugement, il échet d'ordonner la rectification de cette erreur matérielle en remplaçant « la SASU Fleur de Mets » par « l'EURL Proudreed France » à chaque fois et inversement, de la page 3 du jugement jusqu'au dispositif inclus.

2. Sur la demande d'indemnisation de la SASU Fleur de Mets à titre de remboursement des travaux

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

L'EURL Proudreed France sollicite le débouté des demandes en paiement formées par la SASU Fleur de Mets à son encontre à titre principal en excipant de la possibilité pour les parties de déroger à l'article 1222 du code civil.

Or, elle relève que la SASU Fleur de Mets a perdu tout droit à remboursement dès lors qu'elle n'a pas sollicité d'autorisation judiciaire préalablement à l'exécution des travaux litigieux, les travaux projetés par le preneur n'étant pas ainsi connus par l'EURL Proudreed France lors de la signature du bail alors que la SASU Fleur de Mets disposait d'un temps amplement suffisant pour se faire autoriser à exécuter les travaux litigieux.

La SASU Fleur de Mets s'oppose à cette argumentation en excipant de la mauvaise foi de l'EURL Proudreed France dans l'invocation de cette disposition contractuelle, et de l'urgence de la situation dans laquelle se trouvait la SASU Fleur de Mets, qui l'a conduite à faire réaliser dans l'urgence les travaux pour faire installer une dalle de béton, afin de lui permettre d'exercer son activité de cuisine.

Au cas d'espèce, il résulte de l'article 25 du bail litigieux que « par dérogation expresse aux termes de l'article 1222 du code civil, en cas d'inexécution de l'une des parties, l'autre partie ne pourra faire exécuter l'obligation de son débiteur aux frais de ce dernier que sous réserve d'obtenir une autorisation judiciaire préalable ».

Il s'infère de cette disposition que si la SASU Fleur de Mets estimait que l'EURL Proudreed France avait manqué à une obligation contractuelle, elle devait contractuellement obtenir une autorisation judiciaire préalable pour pouvoir faire exécuter l'obligation de la bailleresse aux frais de cette dernière.

Or, la SASU Fleur de Mets n'a jamais obtenu ni même sollicité d'autorisation judiciaire préalablement aux travaux de création d'une dalle de béton dans le local litigieux, de sorte qu'elle ne peut fonder son action en paiement à l'encontre de la SASU Fleur de Mets sur ces dispositions.

3. Sur la demande d'indemnisation de la SASU Fleur de Mets manquement à l'obligation de délivrance

En application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé de délivrer au preneur la chose louée, en l'état de servir à l'usage auquel elle est destinée. Si les dispositions du bail peuvent mettre à la charge du preneur les travaux de mise en conformité nécessaires au cours du bail, le bailleur ne peut pas s'exonérer de son obligation initiale de délivrer au preneur un local conforme aux normes en vigueur, lui permettant d'exercer son activité. La clause selon laquelle le preneur prend les lieux loués dans l'état où ils se trouvent ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance.

Aux termes du jugement querellé, le premier juge a estimé que la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance et que sa faute étant ainsi caractérisée au regard de ce manquement, il n'y avait pas lieu de se prononcer sur le manquement à l'obligation d'information, et a condamné la bailleresse à indemniser la preneuse de son préjudice représentant le coût des travaux de réalisation d'une dalle de béton et de massifs de béton et frais qu'elle a dû engager, après avoir considéré que :

- le bail prévoit que les locaux sont à usage d'activités avec bureaux,

- selon l'extrait k-bis de l'EURL Proudreed France, son activité est celle de traiteur, organisation et traitement de manifestations, cocktails, soirées, dîners et autres, la préparation de repas et plats cuisinés, livrés ou servis à domicile,

- Selon l'article 10.1 Limite de charge maximale admissible du bail 'La charge maximale admissible est de 3t par mètre carré d'activités et de 300 kg par mètre carré de bureaux, uniformément répartie.'

il ressort du rapport de carottage et de capacité de charge réalisé par le cabinet d'expert Qualidal le 27 août 2019 que les calculs réalisés démontrent que la charge uniformément repartie est de 2,7 T/m², la charge statique (racks) est de 3,4 T par platine (dans l'hypothèse de platines de dimension de 15 x15 cm²) et la charge dynamique (chariots) est de 2 T à la roue, en cas de trafic intense (de 125 passages /jour) à une vitesse de 10 km/h et de pression contact de 60 bars,

- il résulte par ailleurs du procès-verbal de constat dressé par la SCP SABOURIN & VAYSSOU, huissiers, le 26 septembre 2019 et de la note technique établie le 3 octobre 2019 par le cabinet ERARD une absence de dalle de béton hormis sur le côté droit où deux dalles béton sont réalisées, dalles qui d'aspect récent des coffrages en bois étant encore présents, le sol semblant être composé d'une grave-ciment d'une épaisseur d'une dizaine de centimètres,

- or, l'activité de traiteur et préparation de repas cuisinés qui nécessite un laboratoire de cuisine impose de disposer d'un sol en état de recevoir ce laboratoire d'une portance suffisante, le bail rappelant que la charge maximale admissible est de 3 tonnes par mètre carré d'activités.

- or, il est démontré par les éléments versés aux débats l'absence de dallage, le sol étant composé d'une sorte de grave-ciment ne pouvant supporter selon les avis techniques produits le laboratoire nécessaire à l'activité de la preneuse, de sorte que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance.

L'EURL Proudreed France conteste tout manquement de sa part à son obligation de délivrance, dès lors que le bail a été consenti à la SASU Fleur de Mets pour un usage d'activité avec bureaux et que les conditions particulières et précisément l'article 10.2 contiennent l'autorisation du bailleur donnée au preneur à réaliser à ses frais et sous sa responsabilité les travaux d'aménagement de la partie activité en laboratoire alimentaire et chambres froides.

Elle ajoute que la SASU Fleur de Mets a visité les locaux de sorte qu'elle était en mesure d'apprécier les travaux d'aménagement à réaliser et que la différence de charge maximale ne peut constituer un manquement à l'obligation de délivrance des locaux dans la mesure où l'activité autorisée exigerait une portance d'au moins 3 tonnes par m².

La SASU Fleur de Mets sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que l'EURL Proudreed France avait manqué à son obligation de délivrance, mais demande néanmoins la rectification de l'erreur matérielle contenue dans le jugement, qui confond les dénominations du preneur et du bailleur.

Au soutien de ses prétentions, la SASU Fleur de Mets expose sur le fondement de l'article 1719 du code civil que l'EURL Proudreed France s'est engagée à donner à bail à la concluante des locaux qui devaient, conformément à l'article 10.1 des conditions particulières du bail, comporter une dalle de béton pouvant supporter une charge maximale admissible de 3 tonnes par mètre carré d'activités et de 300 kg par mètre carré de bureaux, uniformément répartie.

Or, elle relève qu'il n'existait aucune dalle de béton dans l'entrepôt, et que la portance du sol en grave-ciment, non homogène et insuffisante au déploiement de l'activité de la concluante, était inférieure à la portance stipulée aux conditions particulières du bail (3 tonnes par mètre carré d'activités), de sorte que la bailleresse a manqué à son obligation de délivrance.

Elle souligne que l'autorisation judiciaire préalable à l'engagement des travaux n'était pas nécessaire, le bail ne prévoyant aucunement que les parties renoncent à l'application des articles 1719 et 1217 du code civil, seul l'article 1144 ancien du code civil étant applicable.

Elle ajoute subsidiairement que l'EURL Proudreed France a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de bail puisqu'elle connaissait l'activité de la concluante et la nécessité pour celle-ci de disposer d'un laboratoire ainsi que des chambres froides et plus subsidiairement que l'urgence justifie que l'exigence d'une autorisation judiciaire soit écartée, les articles 4.1, 5.3, 6.3 des conditions générales et 10.2 des conditions particulières du bail ne concernant pas la question de la réalisation de travaux rendus nécessaires par la violation par l'EURL Proudreed France de son obligation de délivrance et les visites préalables à la conclusion du bail ne pouvant permettre de déceler l'absence de dalle de béton, ni le défaut d'homogénéité de portance du sol ni l'insuffisance de cette portance dès lors que le sol de l'entrepôt était recouvert d'un enrobé bitumé, la pièce adverse n° 9 devant être rejetée dès lors qu'elle n'a pas été établie de manière contradictoire.

Au cas d'espèce, s'il résulte de la lecture des articles 2 et 3 des conditions particulières du bail que les locaux sont loués à « usage d'activités et de bureaux », l'EURL Proudreed France a néanmoins autorisé au sein de l'article 10.2 du contrat la SASU Fleur de Mets «à réaliser à ses frais et sous sa responsabilité les travaux d'aménagement de la partie activités en laboratoire alimentaire et chambres froides » avec une « charge maximale admissible de 3T par mètre carré d'activités et 300 kg par mètre carré de bureaux, uniformément répartie », cette autorisation de principe « restant subordonnée à un accord définitif express et écrit du bailleur, après présentation du projet et descriptif technique par le preneur ».

Si l'exploitation d'une activité de laboratoire alimentaire au sein des locaux loués est ainsi entrée dans le champ contractuel, il n'en demeure pas moins que la SASU Fleur de Mets ne justifie par aucune pièce de l'accord définitif express et écrit de l'EURL Proudreed France après présentation du projet et du descriptif technique, ce dont il s'infère que l'autorisation de principe donnée au contrat par le bailleur n'était pas définitive, la SASU Fleur de Mets ne justifiant pas de la réunion des conditions exigées à l'article 10.2.

Par ailleurs, si la SASU Fleur de Mets reproche à l'EURL Proudreed France la délivrance d'un local dont le sol ne permettrait pas de supporter la charge nécessaire à son activité de laboratoire alimentaire, la cour relève cependant, à la lecture du rapport établi par Qualidal le 29 août 2019, que la charge uniformément répartie établie à 2,7 T/m² ne change pas et « au contraire pourrait être sensiblement améliorée suite au constat d'une plate-forme sous dallage parfaitement compactée et ayant subi les tassements liés à plusieurs années d'exploitation » et que si le dallage présente des épaisseurs trop variables pour recevoir des charges statiques et dynamiques, ne permettant pas de recommander une exploitation du bâtiment avec des racks et des chariots dans le cadre d'un usage logistique, Qualidal précise néanmoins que « le dallage en place présente une capacité de charge d'exploitation conforme à l'activité de laboratoire de cuisine ».

Cette constatation se trouve corroborée par le rapport de D3 Consultants établi le 30 août 2023 à la demande de l'EURL Proudreed France, qui indique que « l'aménagement d'un laboratoire de cuisine ne requiert pas une capacité de charge de 3,0 T/m², cette charge étant généralement adaptée à du stockage de marchandises en vrac ou en rayonnage, un laboratoire de cuisine requiérant généralement une charge de 0,4 à 0,6 T/m² ».

Si la SASU Fleur de Mets conteste cette pièce (pièce n° 9) établie de manière non contradictoire et en sollicite le rejet dans le corps de ses écritures, sans toutefois le solliciter dans le dispositif de celles-ci, seul à même de saisir la cour, force est de relever que cette pièce, bien qu'établie à la seule demande de l'EURL Proudreed France, n'en a pas moins été communiquée aux débats, permettant ainsi une discussion des parties sur son contenu, sans que le principe du contradictoire ne soit violé.

Enfin, si la SASU Fleur de Mets fonde le manquement reproché à l'EURL Proudreed France sur un avis de Socotec établi le 28 août 2019 indiquant que « le support constitué de la plateforme en grave ciment n'est pas compatible avec la mise en place du système Indurit prévu qui nécessite une dalle béton ou chappe en mortier », cette pièce n'établit nullement que le revêtement du sol existant au jour de la conclusion du bail serait incompatible avec l'exploitation d'une activité de laboratoire de cuisine, mais uniquement avec le système spécifique Indurit choisi unilatéralement par la SASU Fleur de Mets pour recouvrir le sol, système non spécifié entre les parties.

En conséquence, il s'infère de l'ensemble de ces éléments qu'aucun manquement de l'EURL Proudreed France à son obligation de délivrance n'est caractérisé, conduisant ainsi à débouter la SASU Fleur de Mets de sa demande d'indemnisation à ce titre et à infirmer le jugement ayant condamné l'EURL Proudreed France à indemniser la SASU Fleur de Mets à hauteur de 196.350 €.

4. Sur la demande d'indemnisation subsidiaire de la SASU Fleur de Mets pour manquement de l'EURL Proudreed France à son obligation d'information

Aux termes de l'article 1103 et 1104 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

A titre subsidiaire, la SASU Fleur de Mets sollicite son indemnisation à hauteur de 166.542,67 € HT en réparation du préjudice matériel qu'elle indique avoir subi en raison d'un manquement de l'EURL Proudreed France à son obligation d'information à son égard, estimant en effet que l'EURL Proudreed France aurait dû informer sa preneuse, dès avant la conclusion du bail et au cours de son exécution, des caractéristiques de portance au sol des locaux et en particulier de l'absence de dalle de béton, alors qu'elle savait que la concluante louait les locaux pour y exercer son activité de traiteur puisque la bailleresse avait donné son accord préalable pour l'aménagement de la partie activités en laboratoire alimentaire et chambres froides (article 10.2 des conditions particulières du bail) et que cette information était déterminante du consentement de la SASU Fleur de Mets.

Néanmoins, il s'infère des développements précédents que si l'exploitation par la SASU Fleur de Mets d'une partie du local en laboratoire alimentaire était envisagée et autorisée sous conditions par le bailleur, il n'est nullement établi que ces conditions auraient été levées afin de rendre l'autorisation de l'EURL Proudreed France ferme et définitive.

De même, il ne saurait être fait grief à l'EURL Proudreed France d'un manquement à une obligation d'information à l'égard de la SASU Fleur de Mets quant à la portance du sol du local loué, dès lors qu'il résulte des développements précédents que le revêtement du sol au jour de la conclusion du bail n'était pas incompatible avec l'exercice d'une activité de laboratoire alimentaire.

Dès lors, la SASU Fleur de Mets sera déboutée de sa demande d'indemnisation à l'encontre de l'EURL Proudreed France pour manquement à son obligation d'information.

5. Sur la capitalisation des intérêts

Aux termes de l'article 463 du code de procédure civile, la juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.

La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.

Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.

La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci.

Aux termes de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Au cas d'espèce, il est constant à la lecture du jugement attaqué, que si la SASU Fleur de Mets avait saisi le premier juge d'une demande de capitalisation des intérêts, ce dernier a omis de statuer de ce chef, tant dans sa motivation que dans son dispositif.

La cour étant saisie du litige, elle peut donc rectifier cette omission du premier juge.

Néanmoins, le présent arrêt déboutant la SASU Fleur de Mets de l'ensemble de ses demandes principales et subsidiaires d'indemnisation à l'encontre de l'EURL Proudreed France, la question de la capitalisation des intérêts est dès lors devenue sans objet et justifie de débouter la SASU Fleur de Mets de ce chef de demande.

6. Sur les demandes accessoires

La SASU Fleur de Mets succombant en l'ensemble de ses demandes, sera condamnée aux dépens d'appel et de première instance.

En outre, l'équité commande de débouter la SASU Fleur de Mets de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, et de la condamner au paiement d'une indemnité de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, l'équité commande d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'EURL Proudreed France à verser à la SASU Fleur de Mets la somme de 2.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de la débouter de cette demande de ce chef en première instance.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort ;

Ordonne la rectification du jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny sous le n° RG 21/09755

Dit qu'il convient de lire « la SASU Fleur de Mets » au lieu de « l'EURL Proudreed France » et « l'EURL Proudreed France » au lieu de « la SASU Fleur de Mets » de la page 3 au dispositif du jugement inclus ;

Dit que la mention des présentes rectifications sera portée en marge de la minute et des expéditions du jugement ainsi rectifié ;

Infirme le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny sous le n° RG 21/09755 sur l'indemnisation pour manquement à l'obligation de délivrance du bailleur, sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

Statuant à nouveau,

Déboute la SASU Fleur de Mets de sa demande d'indemnisation pour manquement de l'EURL Proudreed France à son obligation de délivrance ;

Déboute la SASU Fleur de Mets de sa demande subsidiaire d'indemnisation pour manquement de l'EURL Proudreed France à son obligation d'information ;

Déboute la SASU Fleur de Mets de sa demande en première instance au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Constate l'omission de statuer affectant le jugement rendu le 14 juin 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny sous le n° RG 21/09755 quant à la question de la capitalisation des intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur cette demande, devenue sans objet ;

Y ajoutant,

Déboute la SASU Fleur de Mets de sa demande en paiement de la somme de 166.542,67 €HT à titre de remboursement de travaux avancés ;

Déboute la SASU Fleur de Mets de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SASU Fleur de Mets à verser à l'EURL Proudreed France la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne la SASU Fleur de Mets aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La greffière, La présidente