CA Besançon, 1re ch., 5 septembre 2024, n° 23/01015
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Époux
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Saunier, Mme Willm
Avocats :
Me Vuillemin, Me Leonard
EXPOSE DU LITIGE, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS
Par acte notarié passé le 3 novembre 1994, [L] [S] et son épouse Mme [E] née [H] ont vendu à M. [Y] [X] et son épouse Mme [W] née [O] :
- les 528/628ème indivis d'une parcelle cadastrée ZE [Cadastre 6] sur le territoire de [Localité 19] (70),
- une parcelle de terre cadastrée ZL [Cadastre 9] [Adresse 14] située à [Localité 16] (70),
- une parcelle de terre cadastrée ZL [Cadastre 8] [Adresse 14] située à [Localité 16] (70).
Mme [E] [S] est demeurée propriétaire des parcelles suivantes sur la commune de [Localité 16] :
- ZL [Cadastre 10] [Adresse 14] : 1ha 64a 49ca9ca,
- ZL [Cadastre 10] [Adresse 14] : 82a 24ca,
- ZL [Cadastre 10] [Adresse 14] : 82a 24ca,
- ZL [Cadastre 10] [Adresse 14] : 10a 40ca,
- ZL [Cadastre 11] [Localité 18] : lha 74a l7ca.
Par acte signifié le 2 août 2022, M. et Mme [X] ont fait assigner Mme [E] [S] devant le tribunal judiciaire de Vesoul en constatation de vente des parcelles [Cadastre 10] et [Cadastre 11] pour un total de 5ha 13a 54 ca et dire que la décision vaudra titre authentique de vente.
Par jugement rendu le 23 mai 2023, le tribunal a :
- déclaré irrecevable la fin de non recevoir tirée de la prescription,
- rejeté la demande aux fins de constater que la vente conclue par acte sous seing privé en date du 7 février 1990 est parfaite,
- rejeté la demande aux fins de décision valant titre authentique,
- rejeté la demande aux fins de constater que [Y] [X] s'engage à régler à [E] [H] veuve [S] le prix d'acquisition des parcelles,
- condamné [Y] [X] et [W] [O] épouse [X] à verser à [E] [H] veuve [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [Y] [X] et [W] [O] épouse [X] aux dépens, dont distraction au profit de la Selarl Léonard Viennot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment retenu :
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription
- qu'aucune fin de non recevoir n'avait été soulevée devant lejuge de la mise en état,
- qu'elle n'avait été présentée que par des conclusions au fond déposées devant le tribunal,
- qu'elle n'était pas survenue, ni n'avait été révélée postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état ;
Sur la demande tendant à constater que la vente contenue dans l'acte du 7 février 1990 était parfaite
- qu'en reconnaissant avoir vendu différentes parcelles moyennant leprix total de 116 000 francs,
les époux [X] avaient bien signé un acte sous seing privé constatant la vente de ces parcelles, et non un simple engagement de les vendre,
- que pour autant, les acheteurs des parcelles n'étaient pas nommément désignés dans l'acte de vente,
- que s'il figure trois signatures au bas de l'acte du 7 février 1990, aucun élément ne permettait de s'assurer de l'identité des signataires,
- qu'il était donc impossible de savoir si l'ensemble des parties avait consenti à la vente,
- que les époux [X], qui se prévalaient de la qualité d'acheteur, n'avaient apporté aucun justificatif au soutien de leurs allégations,
- qu'à supposer qu'ils étaient les signataires de l'acte du 7 février 1990, le fait qu'ils avaient pris à bail les cinq parcelles en litige par contrat du 15 octobre 1996 faisait douter de la rencontre des consentements s'agissant de ces parcelles,
- que la vente contenue dans l'acte ne pouvait pas être déclarée parfaite ;
Sur les demandes aux fins de décision valant titre authentique de vente et de constat de l'engagement de payer le prix d'acquisition des parcelles
- que la demande aux fins de constater que la vente était parfaite étant rejetée, les demandes subséquentes étaient également rejetées.
- oOo-
Par déclaration du 6 juillet 2023, M. et Mme [X] ont formé appel du jugement en ce qu'il :
- a rejeté la demande aux fins de constater que la vente conclue par acte sous seing privé en date du 7 février 1990 est parfaite,
- a rejeté la demande aux fins de décision valant titre authentique,
- a rejeté la demande aux fins de constater que M. [Y] [X] s'engage à régler à Mme [E] [H] veuve [S] le prix d'acquisition des parcelles,
- les a condamnés à verser à Mme [E] [H] veuve [S] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les a condamnés aux dépens.
Aux termes de leurs uniques conclusions transmises le 4 octobre 2023, ils demandent à la cour :
- de déclarer leur appel recevable et bien fondé,
Y faisant droit, de réformer la décision entreprise et,
- de constater l'existence de la vente parfaite des parcelles suivantes :
. ZL n°[Cadastre 10] [Adresse 14] d'une contenance de 1 ha 64a 49ca
. ZL n°[Cadastre 10] [Adresse 14] d'une contenance de 82a 24ca
. ZL n°[Cadastre 10] [Adresse 14] d'une contenance de 82a 24ca
. ZL n°[Cadastre 10] [Adresse 14] d'une contenance de 10a 40ca
. ZL n°[Cadastre 11] [Adresse 17] d'une contenance de ha 74a 17 ca
pour un total de 5ha 13a 54ca,
- de dire que la décision judiciaire vaudra titre authentique permettant de procéder à la publicité foncière desdites parcelles,
- de constater que M. [Y] [X] s'engage à régler à Mme [E] [S] le prix de l'acquisition de ces parcelles pour le prix de 49 406,12 francs soit 7 531,91 euros,
- d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- de condamner Mme [E] [S] à payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner Mme [E] [S] aux entiers dépens, y compris ceux de première instance,
- de dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître
[N] [D] pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
- oOo-
Aux termes de ses uniques conclusions transmises le 13 novembre 2023, Mme [E] [S] demande à la cour :
- de confirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions,
- de condamner les époux [X] à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Léonard-Viennot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- oOo-
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024 et l'affaire a été appelée à l'audience du 23 mai 2024.
Elle a été mise en délibéré au 5 septembre 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer, pour l'exposé des moyens des parties, à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
SUR CE, LA COUR
I. Sur la demande de constatation de la vente
M. et Mme [X] font valoir que l'acte sous seing privé dont ils se prévalent contient un accord sur la chose et sur le prix rendant la vente parfaite. Ils soutiennent que l'acte a reçu un début d'exécution dans la mesure où la vente d'une partie des parcelles listées a été réitérée dans deux actes notariés de 1990 et de 1994, et que cela démontre leurs qualité d'acheteurs. Ils expliquent que les deux parcelles acquises par acte de 1994 ont été financées par un prêt de 150 000 francs, que 135 000 francs ont été versés aux époux [S] pour les deux parcelles au prix de 30 000 francs et au prix de 105 000 francs pour la parcelle ZE [Cadastre 6], et qu'ils ont réglé en avance pour partie, le prix des terres qu'ils avaient l'intention d'acheter. Ils ajoutent qu'un bail à ferme de location n'exclut pas la possibilité d'une vente.
Mme [E] [S] s'oppose à la demande en faisant valoir que l'acte du 7 février 1990 ne permet pas d'identifier les acheteurs des parcelles. Elle soutient que les relevés de compte versés par les époux [X] ne font mention que du paiement de diverses sommes sans qu'il puisse être identifié le ou les bénéficiaires et la cause, et qu'il en est de même des documents comptables produits ainsi que de la reconnaissance de dette qui ne mentionne que des règlements
'pour achat terre'. Elle observe en outre que pour les deux parcelles acquises par les époux [X], le bail à ferme était antérieur à l'acquisition et que celui conclu se rapportant aux parcelles revendiquées est postérieur à l'acte du 7 février 1990.
Réponse de la cour :
L'article 1113 du code civil énonce que : 'Le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. Cette volonté peut résulter d'une déclaration ou d'un comportement non équivoque de son auteur.'
L'offre est définie comme étant celle qui est faite à personne déterminée ou indéterminée.
Selon l'article 1582 du code civil : 'La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé' et l'article 1583 ajoute qu'elle 'est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.'
Il résulte par ailleurs de l'alinéa 1er de l'article 1589 du code civil que : 'La promesse de vente vaut vente, lorsqu'il y a consentement réciproque des deux parties sur la chose et sur le prix.'
En l'espèce, l'acte du 7 février 1990 est ainsi rédigé :
'Je soussigné Madame [S] [E] née [H] demeurant à [Localité 19], Monsieur [S] [L] demeurant à [Localité 19] reconnaissent avoir vendu les parcelles suivantes :
n° [Cadastre 10]ZL [Adresse 14] 1,[Cadastre 8],[Cadastre 7] ZL [Adresse 14] 82,24
[Cadastre 10]ZL [Adresse 14] 82,24 = [Cadastre 10]ZL[Adresse 14] 10,40
[Cadastre 11]ZL [Adresse 17] 1.74.17 = 5ha 13 ares 54 ca
[Cadastre 8] ZL [Adresse 14] 1.05.62 = [Cadastre 9]ZL [Adresse 14]
1,40,50 2h46a12ca soit un totla de 7h59ars66ca
Pour un montant de Cent seize mille francs 116 000F,00 chèque BNP le 07.02.90 = 10 000F,00 le 15-06-90
5 000F,00 le 31.08.90 10 000F,00 le 16-10-90 5 000F,00 Somme versé à ce jour le 31.12.90
reste 86 000F,00"
Cet acte porte mention de trois signatures et sur celles-ci, une seule est identifiée comme étant au nom de '[S]'.
Si les époux [X] soutiennent que les règlements qu'ils mentionnent avoir effectués au bénéfice de Mme [E] [S] et son époux l'ont été en contrepartie du prix des parcelles visées à l'acte du 7 février 1990, les pièces qu'ils versent aux débats ne permettent pas d'établir qu'ils étaient les signataires de cet acte.
En effet, les relevés de compte, les talons de chèques et l'extrait du grand-livre auxquels ils renvoient ne font mention que du règlement de montants avec des libellés d'opérations dont il n'est pas constesté qu'ils ont été rédigés par M. [X], et la reconnaissance de sommes perçues par Mme [E] [S] datée du 31 décembre 1990 pour 'achat de terre', ne démontre pas qu'elles ont été versées en contrepartie de l'achat des parcelles revendiquées.
En outre, la vente des parcelles mentionnées à l'acte du 7 février 1990 se trouve contredite par les baux qui ont été passés postérieurement sur ces mêmes terres, soit le 18 octobre 1991 et le 15 octobre 1996, avec pour bailleur [L] [S] et pour locataires M. et Mme [X].
La preuve de la vente des parcelles revendiquées par M. et Mme [X] à Mme [E] [S] n'est donc pas rapportée, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a dit que la vente contenue dans l'acte du 7 février 1990 ne peut être déclarée parfaite faute de connaissance de l'identité des acheteurs, et rejeté les autres demandes.
II. Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé sur les dépens et sur les frais irrépétibles.
M. [Y] [X] et Mme [W] [X] seront condamnés aux dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl Léonard-Viennot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Ils seront en outre condamnés à payer à Mme [E] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et ils seront déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu le 23 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Vesoul en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT
CONDAMNE M. [Y] [X] et Mme [W] [X] aux dépens d'appel dont distraction au profit de la Selarl Léonard-Viennot, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE M. [Y] [X] et Mme [W] [X] à payer à Mme [E] [S] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE M. [Y] [X] et Mme [W] [X] de leur demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;