Décisions
CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 5 septembre 2024, n° 24/00936
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00936 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6DU
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Janvier 2024 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 23/00273
APPELANTE :
S.A.S. S.A.P.I.C prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno WEIL, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS, toque : R002 et par Me Francine HAVET, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : D1250
INTIMÉ :
Monsieur [E] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Karen DURAND-HAKIM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0393
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société par actions simplifiée S.A.P.I.C. a engagé M. [M] le 13 octobre 2003, en qualité d'attaché de direction.
Le dernier salaire mensuel brut versé est de 7.607,25 euros.
Depuis le 1er décembre 2011, M. [M] exerce le mandat de président de la société S.A.P.I.C.
Lors de l'assemblée générale du 11 septembre 2023, le mandat de M. [M] est révoqué.
Par courrier du 19 octobre 2023, la société S.A.P.I.C. licencie pour faute lourde M. [M].
Par courrier du 26 octobre 2023 et 02 novembre 2023, M. [M] réclame les documents de fin de contrat.
Le 1er décembre 2023, la société S.A.P.I.C. remet les documents de fin de contrat qui sont contestés par M. [M].
Le 05 décembre 2023, Pôle Emploi refusait l'attribution de l'allocation d'aide au retour à l'emploi au motif d'une insuffisance de travail sur la période de référence.
C'est dans ce contexte que M. [M] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil le 13 novembre 2023 aux fins d'obtenir la remise d'une attestation destinée à Pôle Emploi conforme aux bulletins de salaire émis selon le dernier emploi, d'un certificat de travail et d'une indemnité de dommages et intérêts pour la remise tardive d'une attestation Pôle Emploi erronée.
Par ordonnance du 08 janvier 2024, notifié aux parties le 07 février 2024, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil a fait droit aux demandes de M. [M] en :
- Disant que l'attestation Pôle Emploi ainsi que le certificat de travail remis à M. [M] comporte des erreurs qui doivent être corrigées ;
- Ordonnant à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] une attestation destinée à Pôle Emploi comportant les salaires présents sur les bulletins de paie ayant pour qualification " directeur d'exploitation " des 25 derniers mois, soit de septembre 2021 à septembre 2023 ;
Ceci sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente ordonnance,
- Ordonnant à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] un certificat de travail conforme aux qualifications présentes sur les bulletins de paie de M. [M] et respectant les mentions prévues par le code du travail ;
Ceci sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente ordonnance.
La formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil a également dit que le juge de l'exécution sera chargé de la liquidation de l'astreinte, a condamné la société S.A.P.I.C. a verser à M. [M] à la somme de 6 .000 euros au titre de provision sur dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation destinée à Pôle Emploi et erronée et de 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a également débouté la société S.A.P.I.C. de sa demande reconventionnelle et a dit que les dépens seront à la charge de la société S.A.P.I.C.
Par déclaration du 17 février 2024, la S.A.S. S.A.P.I.C. a relevé appel de l'ordonnance de référé.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 10 juin 2024, la société S.A.P.I.C. demande à la cour de :
Vu l'article 917 du code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu l'ordonnance du 08 janvier 2024 rendue par le conseil de prud'hommes de Créteil,
Vu la procédure d'appel N° RG 24/00936 initiée devant la cour d'appel de Paris,
Déclarer la société S.A.P.I.C. recevable et bien fondée en son appel ;
Réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et en celles faisant grief à la société S.A.P.I.C. ;
Y faisant droit
Débouter M. [M] de toutes ses demandes ;
Ce faisant,
Condamner M. [M] à la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
M. [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 13 juin 2024, M. [E] [M] demande à la cour de :
Vu les articles R.1455-5 et R.1455-6 du code du travail,
Vu l'article 1240 du code civil,
Confirmer l'ordonnance rendue par le Conseil de prud'homme de Créteil le 08 janvier 2024 en ce qu'elle a :
- Ordonné à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] son attestation Pôle Emploi conforme aux bulletins de paie du salarié sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance ;
- Ordonné à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] son certificat de travail conforme à son dernier emploi effectué jusqu'en septembre 2023 sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance ;
- Condamné la société S.A.P.I.C. à la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise d'une attestation Pôle Emploi tardive et volontairement erronée ;
- Condamné la société S.A.P.I.C. à la somme de 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société S.A.P.I.C. aux dépens ;
En outre, il est demandé à la cour de :
- Condamner la société S.A.P.I.C. à la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive,
- Condamner la société S.A.P.I.C. à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter la société S.A.P.I.C. de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS,
La société S.A.P.I.C. fait valoir que :
- Sur l'absence de trouble manifestement illicite : le juge des référés du conseil des prud'hommes de Créteil a tranché en faveur de M. [M] et ordonné la communication de nouveaux documents de fin de contrat, alors même que la question de la remise d'un nouveau certificat de travail et d'une nouvelle attestation Pôle Emploi relève du débat au fond, que le juge du fond était déjà saisi de cette question où la formation de référé a statué, qu'il existait donc une contestation sérieuse qui aurait dû amener le juge des référés à se déclarer incompétent. Par ailleurs, la société S.A.P.I.C. a tout fait pour se conformer à l'ordonnance dans le délai imparti, dans la mesure où cette exécution n'a pas pour conséquence d'entraver ses propres droits et ne contredit pas son argumentaire de défense devant le juge du fond. La société S.A.P.I.C. a ainsi remis un certificat de travail en date du 16 févier 2024 portant sur toute la période stipulée dans les bulletins de salaire et mentionnant la qualité d'attaché de direction, sous réserve des procédures en cours et une attestation établie par l'expert-comptable en date du 16 février 2024 indiquant que " l'attestation Pôle Emploi de M. [M] ne pourra être modifiée que lorsque la procédure contentieuse en cours sera terminée, et en fonction de son résultat et du bulletin de salaire correspondant ". De plus, en raison des règles concernant les mandataires sociaux, Pôle Emploi a refusé la demande d'indemnisation de M. [M], estimant que la période écoulée entre la fin de la période de la suspension de son contrat de travail intervenue le 11 septembre 2023 et son licenciement le 22 octobre 2023 ne suffisait pas pour qu'il soit pris en charge. En effet, Pôle Emploi préalablement informé par l'employeur de la réalité de la situation, confirme fort logiquement le non-cumul d'un contrat de travail de Directeur d'Exploitation avec le mandat social de président de SAPIC, ce conformément à la loi. Pôle Emploi en tire la conséquence que M. [M] n'ayant plus cotisé depuis le mois de décembre 2011 en raison de la suspension de son contrat de travail, il n'a pas cotisé suffisamment durant les deux dernières années pour bénéficier de l'aide de retour à l'emploi.
- Sur l'urgence à statuer compte tenu de l'existence d'un péril :
En ce qui concerne la délivrance d'un nouveau certificat de travail, l'ordonnance contraint la requérante à certifier des fautes de gestion qu'elle conteste devant le juge du fond, et qui sont contradictoires avec la position exprimée par celle-ci, savoir que le contrat de travail de M. [M] a été suspendu depuis le 30 novembre 2011 du fait du non-cumul avec le mandat social de président, en raison de l'absence de fonctions techniques distinctes et de lien de subordination pour le poste de directeur d'exploitation qui était fictif. Le principe interdisant de se contredire en fait de l'estoppel interdit à la société S.A.P.I.C. de faire des certificat et attestation qui la priveraient ensuite de ses demandes au fond. L'exécution de cette ordonnance, pour ce qui concerne le certificat de travail, a ainsi pour effet de mettre les droits de la société en péril, en ce qu'elle remettrait totalement en cause la position et le fondement des demandes indemnitaires présentées par la société au fond contre M. [M] devant le tribunal de commerce de Créteil. En cela, l'ordonnance a pour effet de contraindre l'appelante à se contredire et à lui nuire gravement, générant de facto une situation d'estoppel à son propre détriment. L'ordonnance dont appel ne contraint pas seulement à la société à produire ce certificat mais à le communiquer à l'intimé dans un délai très bref de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, au terme duquel l'astreinte commencera à courir. Il ne fait aucun doute qu'une fois communiqué à M. [M], le nouveau certificat de travail sera utilisé et produit au fond par ce dernier, pour caractériser l'estoppel et demander le rejet des demandes présentées dans cette procédure, ainsi que devant toute instance ou administration devant laquelle le débat du non-cumul sera soulevé. Il est donc du plus grand intérêt à ce que M. le premier président constate l'existence d'un péril pour les droits de la société et fixe le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité, afin qu'il soit statué au plus vite sur l'appel interjeté par la requérante contre cette ordonnance.
En ce qui concerne la délivrance d'une nouvelle attestation Pôle Emploi : l'ordonnance dont appel contraint l'appelante a une mesure impossible à exécuter, alors même qu'une astreinte journalière de 300 euros continue de courir, créant de facto un péril pour la société S.A.P.I.C. qui ne pourra produire de nouvelle attestation aussi longtemps que les procédures au fond l'opposant à M. [M] ne seront définitivement tranchés. C'est donc logiquement que l'expert-comptable de la société S.A.P.I.C. atteste que l'attestation Pôle Emploi de M. [M] ne pourra être modifiée que lorsque la procédure contentieuse en cours sera terminée, et en fonction de son résultat et du bulletin de salaire correspondant.
M. [M] oppose que :
- Sur l'existence de la contestation sérieuse : il n'échappera pas à la cour que la demande de référé de M. [M] ne se fonde pas sur l'absence de contestation sérieuse. Il convient de faire cesser un trouble manifestement illicite de sorte dans la mesure où la société S.A.P.I.C. ne peut décider unilatéralement de remettre des documents de fin de contrat qui ne reprennent pas les bulletins de paie remis au salarié. Cette manipulation délibérée orchestrée sur l'attestation Pôle Emploi avait pour seule et unique finalité de desservir M. [M] et de lui causer préjudice.
- Sur l'existence d'un péril grave : si la société S.A.P.I.C. estimait qu'il existait un péril grave, elle ne pouvait de sa propre initiative décider de ne pas exécuter la décision. Il lui appartenait alors de saisir le premier président de la cour d'appel en demande de suspension de l'exécution provisoire, ce qu'elle n'a aucunement fait.
- Sur l'impossibilité matérielle d'établir une nouvelle attestation Pôle Emploi : il n'y a aucune difficulté à modifier une attestation Pôle Emploi autant de fois que nécessaire et notamment quand une juridiction contentieuse - le conseil de prud'hommes de Créteil en l'espèce - l'y oblige. L'argumentation de la société S.A.P.I.C., qui n'est aucunement fondée en droit, ne saurait prospérer. Il n'échappera pas à la cour que l'objectif exclusif de la société S.A.P.I.C. est de mettre à terre M. [M] en le privant de toute indemnité, quelle qu'elle soit. Un tel comportement ne doit pas rester impuni. C'est la raison pour laquelle il est demandé, outre la confirmation de l'ordonnance de référé, de condamner la société S.A.P.I.C. à des dommages et intérêts à hauteur de 6.000 euros pour procédure dilatoire et abusive, sur le fondement de l'article 1240 du code civil et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
L'article R.1455-5 du code du travail dispose que :
" Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. "
L'article R.1455-6 du même code du travail prévoit que :
" La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. "
Aux termes de l'article R1455-7 du même code, " dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. "
L'article R. 1234-9 du code du travail dispose en son alinéa premier que :
" L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi. [en gras par la cour]"
Aux termes de l'article L 1234-19 du code du travail, "à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire. [en gras par la cour]"
L'article D. 1234-6 précise à cet effet que :
" Le certificat de travail contient exclusivement les mentions suivantes :
1° La date d'entrée du salarié et celle de sa sortie ;
2° La nature de l'emp loi ou des emplois successivement occupés et les périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus. "
Par ailleurs, les dispositions du code du travail relatives aux bulletins de salaire s'appliquent " à toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leurs rémunérations, la forme, ou la validité de leur contrat " (article L. 3243-1 du code du travail) et l'article L. 3243-2 prévoit que " lors du paiement du salaire, l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L. 3243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie. ('). "
En l'espèce, M. [M] a réclamé ses documents de fin de contrat par courriels en date du 26 octobre et 02 novembre 2023.
Il ne s'est vu remettre ceux-ci que le 1er décembre 2023, postérieurement à sa saisine à cette fin de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil intervenue le 13 novembre 2023.
L'attestation Pôle Emploi remise mentionne notamment comme dernier emploi tenu celui d' "attaché de direction " et des salaires mensuels d'un montant nul, y compris sur la période des 25 derniers mois correspondant à la période de référence destinée à Pôle emploi.
De même, le certificat de travail daté du 16 février 2024 produit aux débats par la société SAPIC mentionne l'emploi de M. [M] dans les fonctions d'attaché de direction jusqu'au 19 octobre 2023.
Ces mentions sont en contradiction manifeste avec celles figurant sur les bulletins de paie émis par la société SAPIC et remis mensuellement à M. [M], mentionnant, en particulier sur cette dernière période, les fonctions de " directeur d'exploitation " et des salaires associés à cette fonction ; un avenant N°6 au contrat de travail également versé aux débats mentionnait que "à compter du 1er janvier 2012, M. [E] [M] exercera pour le compte de la société SAPIC les fonctions de directeur d'exploitation"
La société SAPIC ne pouvait ainsi unilatéralement décider de remettre alors des documents de fin de contrat en contrariété avec les bulletins de paie, quand bien même elle conteste devant le juge du fond la réalité et la régularité de cet emploi et des rémunérations associées.
La formation des référés du conseil de prud'hommes a au surplus relevé à cet égard que ces erreurs démontrent que ladite attestation n'a pas été réalisée par le programme de paie directement mais qu'une intervention humaine a été obligatoire.
C'est aussi vainement que l'appelante se réfère à une attestation de son propre expert-comptable, également datée du 16 février 2024, affirmant que "l'attestation Pôle Emploi ne pourra être modifiée" qu'à un stade ultérieur de la procédure ; au demeurant, comme le relève à juste titre l'intimé, le même expert-comptable indique lui-même dans son courriel du 2 juin 2024 le principe selon lequel "l'attestation est produite en fonction de ce qui est déclaré sur la fiche de paie. "
Il résulte en effet des dispositions précitées que les documents de fin de contrat doivent être remis dès l'expiration ou rupture de la relation de travail, étant rappelé que la société SAPIC a par courrier du 19 octobre 2023 licencié pour faute lourde M. [M], et qu'ils doivent permettre alors l'exercice des droits aux prestations.
Les moyens soulevés par la société SAPIC pour contester la régularité du cumul de l'emploi avec l'exercice d'un mandat social, la réalité et la validité de cet emploi de directeur d'exploitation et des rémunérations associées relèvent, non de l'appréciation du juge du référé saisi de demandes de remise d'une attestation Pôle emploi et certificat de travail conforme aux mentions des bulletins de salaire effectivement édités et remis, mais du juge du fond.
Il est constaté que la société SAPIC soutient et développe son argumentaire tant devant le juge des référés que du fond sans nullement se contredire.
Par ailleurs, l'intimé fait justement observer que si la société SAPIC estimait qu'il existait un péril grave, elle ne pouvait de sa propre initiative décider de ne pas exécuter la décision, mais avait la possibilité de saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, ce dont elle ne justifie pas.
Ainsi, sans préjudice de l'action au fond, et donc sans priver nullement la société SAPIC de ses demandes y compris relatives aux documents de fin de contrat devant le juge du fond, étant rappelé que la présente décision en référé n'a d'autorité qu'au provisoire, il y a lieu d'ordonner la remise par la société SAPIC à M. [M] d'une part d'une l'attestation destinée à Pôle Emploi comportant les salaires présents sur ses bulletins de paie ayant pour qualification " directeur d'exploitation " des 25 derniers mois, soit de septembre 2021 à septembre 2023 et d'autre part d'un certificat de travail conforme aux qualifications présentes sur les bulletins de paie de M. [M] et respectant les mentions prévues par le code du travail.
Compte tenu du trouble manifestement illicite constaté, l'ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil sera donc confirmée de ces chefs, sauf en ce qui concerne le montant des deux astreintes prononcées dans ce cadre, qui sera ramené à la somme de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour à compter de la notification de l'ordonnance.
Compte tenu du retard dans la remise de ces documents, l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société SAPIC. à verser à M. [M] à la somme de 6.000 euros au titre de provision sur dommages et intérêts.
En revanche, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Il s'ensuit que M. [M] sera débouté de cette demande.
La société SAPIC, qui succombe pour l'essentiel doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera fait application de cet article au profit de M. [M] à hauteur de la somme de 1 500 euros en cause d'appel qui s'ajouteront à la somme allouée à ce titre en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qui concerne le montant des astreintes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
FIXE le montant de chacune des astreintes à la somme de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l'ordonnance,
DÉBOUTE M. [M] demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
CONDAMNE la SAS SAPIC à payer à M. [E] [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00936 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI6DU
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 08 Janvier 2024 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 23/00273
APPELANTE :
S.A.S. S.A.P.I.C prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno WEIL, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS, toque : R002 et par Me Francine HAVET, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : D1250
INTIMÉ :
Monsieur [E] [M]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Karen DURAND-HAKIM, avocat au barreau de PARIS, toque : G0393
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Eric LEGRIS, président
Marie-Paule ALZEARI, présidente
Christine LAGARDE, conseillère
Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société par actions simplifiée S.A.P.I.C. a engagé M. [M] le 13 octobre 2003, en qualité d'attaché de direction.
Le dernier salaire mensuel brut versé est de 7.607,25 euros.
Depuis le 1er décembre 2011, M. [M] exerce le mandat de président de la société S.A.P.I.C.
Lors de l'assemblée générale du 11 septembre 2023, le mandat de M. [M] est révoqué.
Par courrier du 19 octobre 2023, la société S.A.P.I.C. licencie pour faute lourde M. [M].
Par courrier du 26 octobre 2023 et 02 novembre 2023, M. [M] réclame les documents de fin de contrat.
Le 1er décembre 2023, la société S.A.P.I.C. remet les documents de fin de contrat qui sont contestés par M. [M].
Le 05 décembre 2023, Pôle Emploi refusait l'attribution de l'allocation d'aide au retour à l'emploi au motif d'une insuffisance de travail sur la période de référence.
C'est dans ce contexte que M. [M] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil le 13 novembre 2023 aux fins d'obtenir la remise d'une attestation destinée à Pôle Emploi conforme aux bulletins de salaire émis selon le dernier emploi, d'un certificat de travail et d'une indemnité de dommages et intérêts pour la remise tardive d'une attestation Pôle Emploi erronée.
Par ordonnance du 08 janvier 2024, notifié aux parties le 07 février 2024, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil a fait droit aux demandes de M. [M] en :
- Disant que l'attestation Pôle Emploi ainsi que le certificat de travail remis à M. [M] comporte des erreurs qui doivent être corrigées ;
- Ordonnant à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] une attestation destinée à Pôle Emploi comportant les salaires présents sur les bulletins de paie ayant pour qualification " directeur d'exploitation " des 25 derniers mois, soit de septembre 2021 à septembre 2023 ;
Ceci sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente ordonnance,
- Ordonnant à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] un certificat de travail conforme aux qualifications présentes sur les bulletins de paie de M. [M] et respectant les mentions prévues par le code du travail ;
Ceci sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente ordonnance.
La formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil a également dit que le juge de l'exécution sera chargé de la liquidation de l'astreinte, a condamné la société S.A.P.I.C. a verser à M. [M] à la somme de 6 .000 euros au titre de provision sur dommages et intérêts pour remise tardive d'une attestation destinée à Pôle Emploi et erronée et de 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle a également débouté la société S.A.P.I.C. de sa demande reconventionnelle et a dit que les dépens seront à la charge de la société S.A.P.I.C.
Par déclaration du 17 février 2024, la S.A.S. S.A.P.I.C. a relevé appel de l'ordonnance de référé.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 10 juin 2024, la société S.A.P.I.C. demande à la cour de :
Vu l'article 917 du code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
Vu l'ordonnance du 08 janvier 2024 rendue par le conseil de prud'hommes de Créteil,
Vu la procédure d'appel N° RG 24/00936 initiée devant la cour d'appel de Paris,
Déclarer la société S.A.P.I.C. recevable et bien fondée en son appel ;
Réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et en celles faisant grief à la société S.A.P.I.C. ;
Y faisant droit
Débouter M. [M] de toutes ses demandes ;
Ce faisant,
Condamner M. [M] à la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
M. [M] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions, communiquées au greffe par voie électronique le 13 juin 2024, M. [E] [M] demande à la cour de :
Vu les articles R.1455-5 et R.1455-6 du code du travail,
Vu l'article 1240 du code civil,
Confirmer l'ordonnance rendue par le Conseil de prud'homme de Créteil le 08 janvier 2024 en ce qu'elle a :
- Ordonné à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] son attestation Pôle Emploi conforme aux bulletins de paie du salarié sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance ;
- Ordonné à la société S.A.P.I.C. de remettre à M. [M] son certificat de travail conforme à son dernier emploi effectué jusqu'en septembre 2023 sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance ;
- Condamné la société S.A.P.I.C. à la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour remise d'une attestation Pôle Emploi tardive et volontairement erronée ;
- Condamné la société S.A.P.I.C. à la somme de 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société S.A.P.I.C. aux dépens ;
En outre, il est demandé à la cour de :
- Condamner la société S.A.P.I.C. à la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive,
- Condamner la société S.A.P.I.C. à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Débouter la société S.A.P.I.C. de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS,
La société S.A.P.I.C. fait valoir que :
- Sur l'absence de trouble manifestement illicite : le juge des référés du conseil des prud'hommes de Créteil a tranché en faveur de M. [M] et ordonné la communication de nouveaux documents de fin de contrat, alors même que la question de la remise d'un nouveau certificat de travail et d'une nouvelle attestation Pôle Emploi relève du débat au fond, que le juge du fond était déjà saisi de cette question où la formation de référé a statué, qu'il existait donc une contestation sérieuse qui aurait dû amener le juge des référés à se déclarer incompétent. Par ailleurs, la société S.A.P.I.C. a tout fait pour se conformer à l'ordonnance dans le délai imparti, dans la mesure où cette exécution n'a pas pour conséquence d'entraver ses propres droits et ne contredit pas son argumentaire de défense devant le juge du fond. La société S.A.P.I.C. a ainsi remis un certificat de travail en date du 16 févier 2024 portant sur toute la période stipulée dans les bulletins de salaire et mentionnant la qualité d'attaché de direction, sous réserve des procédures en cours et une attestation établie par l'expert-comptable en date du 16 février 2024 indiquant que " l'attestation Pôle Emploi de M. [M] ne pourra être modifiée que lorsque la procédure contentieuse en cours sera terminée, et en fonction de son résultat et du bulletin de salaire correspondant ". De plus, en raison des règles concernant les mandataires sociaux, Pôle Emploi a refusé la demande d'indemnisation de M. [M], estimant que la période écoulée entre la fin de la période de la suspension de son contrat de travail intervenue le 11 septembre 2023 et son licenciement le 22 octobre 2023 ne suffisait pas pour qu'il soit pris en charge. En effet, Pôle Emploi préalablement informé par l'employeur de la réalité de la situation, confirme fort logiquement le non-cumul d'un contrat de travail de Directeur d'Exploitation avec le mandat social de président de SAPIC, ce conformément à la loi. Pôle Emploi en tire la conséquence que M. [M] n'ayant plus cotisé depuis le mois de décembre 2011 en raison de la suspension de son contrat de travail, il n'a pas cotisé suffisamment durant les deux dernières années pour bénéficier de l'aide de retour à l'emploi.
- Sur l'urgence à statuer compte tenu de l'existence d'un péril :
En ce qui concerne la délivrance d'un nouveau certificat de travail, l'ordonnance contraint la requérante à certifier des fautes de gestion qu'elle conteste devant le juge du fond, et qui sont contradictoires avec la position exprimée par celle-ci, savoir que le contrat de travail de M. [M] a été suspendu depuis le 30 novembre 2011 du fait du non-cumul avec le mandat social de président, en raison de l'absence de fonctions techniques distinctes et de lien de subordination pour le poste de directeur d'exploitation qui était fictif. Le principe interdisant de se contredire en fait de l'estoppel interdit à la société S.A.P.I.C. de faire des certificat et attestation qui la priveraient ensuite de ses demandes au fond. L'exécution de cette ordonnance, pour ce qui concerne le certificat de travail, a ainsi pour effet de mettre les droits de la société en péril, en ce qu'elle remettrait totalement en cause la position et le fondement des demandes indemnitaires présentées par la société au fond contre M. [M] devant le tribunal de commerce de Créteil. En cela, l'ordonnance a pour effet de contraindre l'appelante à se contredire et à lui nuire gravement, générant de facto une situation d'estoppel à son propre détriment. L'ordonnance dont appel ne contraint pas seulement à la société à produire ce certificat mais à le communiquer à l'intimé dans un délai très bref de quinze jours à compter de la notification de l'ordonnance, au terme duquel l'astreinte commencera à courir. Il ne fait aucun doute qu'une fois communiqué à M. [M], le nouveau certificat de travail sera utilisé et produit au fond par ce dernier, pour caractériser l'estoppel et demander le rejet des demandes présentées dans cette procédure, ainsi que devant toute instance ou administration devant laquelle le débat du non-cumul sera soulevé. Il est donc du plus grand intérêt à ce que M. le premier président constate l'existence d'un péril pour les droits de la société et fixe le jour auquel l'affaire sera appelée par priorité, afin qu'il soit statué au plus vite sur l'appel interjeté par la requérante contre cette ordonnance.
En ce qui concerne la délivrance d'une nouvelle attestation Pôle Emploi : l'ordonnance dont appel contraint l'appelante a une mesure impossible à exécuter, alors même qu'une astreinte journalière de 300 euros continue de courir, créant de facto un péril pour la société S.A.P.I.C. qui ne pourra produire de nouvelle attestation aussi longtemps que les procédures au fond l'opposant à M. [M] ne seront définitivement tranchés. C'est donc logiquement que l'expert-comptable de la société S.A.P.I.C. atteste que l'attestation Pôle Emploi de M. [M] ne pourra être modifiée que lorsque la procédure contentieuse en cours sera terminée, et en fonction de son résultat et du bulletin de salaire correspondant.
M. [M] oppose que :
- Sur l'existence de la contestation sérieuse : il n'échappera pas à la cour que la demande de référé de M. [M] ne se fonde pas sur l'absence de contestation sérieuse. Il convient de faire cesser un trouble manifestement illicite de sorte dans la mesure où la société S.A.P.I.C. ne peut décider unilatéralement de remettre des documents de fin de contrat qui ne reprennent pas les bulletins de paie remis au salarié. Cette manipulation délibérée orchestrée sur l'attestation Pôle Emploi avait pour seule et unique finalité de desservir M. [M] et de lui causer préjudice.
- Sur l'existence d'un péril grave : si la société S.A.P.I.C. estimait qu'il existait un péril grave, elle ne pouvait de sa propre initiative décider de ne pas exécuter la décision. Il lui appartenait alors de saisir le premier président de la cour d'appel en demande de suspension de l'exécution provisoire, ce qu'elle n'a aucunement fait.
- Sur l'impossibilité matérielle d'établir une nouvelle attestation Pôle Emploi : il n'y a aucune difficulté à modifier une attestation Pôle Emploi autant de fois que nécessaire et notamment quand une juridiction contentieuse - le conseil de prud'hommes de Créteil en l'espèce - l'y oblige. L'argumentation de la société S.A.P.I.C., qui n'est aucunement fondée en droit, ne saurait prospérer. Il n'échappera pas à la cour que l'objectif exclusif de la société S.A.P.I.C. est de mettre à terre M. [M] en le privant de toute indemnité, quelle qu'elle soit. Un tel comportement ne doit pas rester impuni. C'est la raison pour laquelle il est demandé, outre la confirmation de l'ordonnance de référé, de condamner la société S.A.P.I.C. à des dommages et intérêts à hauteur de 6.000 euros pour procédure dilatoire et abusive, sur le fondement de l'article 1240 du code civil et 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
L'article R.1455-5 du code du travail dispose que :
" Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. "
L'article R.1455-6 du même code du travail prévoit que :
" La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. "
Aux termes de l'article R1455-7 du même code, " dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. "
L'article R. 1234-9 du code du travail dispose en son alinéa premier que :
" L'employeur délivre au salarié, au moment de l'expiration ou de la rupture du contrat de travail, les attestations et justifications qui lui permettent d'exercer ses droits aux prestations mentionnées à l'article L. 5421-2 et transmet sans délai ces mêmes attestations à Pôle emploi. [en gras par la cour]"
Aux termes de l'article L 1234-19 du code du travail, "à l'expiration du contrat de travail, l'employeur délivre au salarié un certificat dont le contenu est déterminé par voie réglementaire. [en gras par la cour]"
L'article D. 1234-6 précise à cet effet que :
" Le certificat de travail contient exclusivement les mentions suivantes :
1° La date d'entrée du salarié et celle de sa sortie ;
2° La nature de l'emp loi ou des emplois successivement occupés et les périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus. "
Par ailleurs, les dispositions du code du travail relatives aux bulletins de salaire s'appliquent " à toutes les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leurs rémunérations, la forme, ou la validité de leur contrat " (article L. 3243-1 du code du travail) et l'article L. 3243-2 prévoit que " lors du paiement du salaire, l'employeur remet aux personnes mentionnées à l'article L. 3243-1 une pièce justificative dite bulletin de paie. ('). "
En l'espèce, M. [M] a réclamé ses documents de fin de contrat par courriels en date du 26 octobre et 02 novembre 2023.
Il ne s'est vu remettre ceux-ci que le 1er décembre 2023, postérieurement à sa saisine à cette fin de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil intervenue le 13 novembre 2023.
L'attestation Pôle Emploi remise mentionne notamment comme dernier emploi tenu celui d' "attaché de direction " et des salaires mensuels d'un montant nul, y compris sur la période des 25 derniers mois correspondant à la période de référence destinée à Pôle emploi.
De même, le certificat de travail daté du 16 février 2024 produit aux débats par la société SAPIC mentionne l'emploi de M. [M] dans les fonctions d'attaché de direction jusqu'au 19 octobre 2023.
Ces mentions sont en contradiction manifeste avec celles figurant sur les bulletins de paie émis par la société SAPIC et remis mensuellement à M. [M], mentionnant, en particulier sur cette dernière période, les fonctions de " directeur d'exploitation " et des salaires associés à cette fonction ; un avenant N°6 au contrat de travail également versé aux débats mentionnait que "à compter du 1er janvier 2012, M. [E] [M] exercera pour le compte de la société SAPIC les fonctions de directeur d'exploitation"
La société SAPIC ne pouvait ainsi unilatéralement décider de remettre alors des documents de fin de contrat en contrariété avec les bulletins de paie, quand bien même elle conteste devant le juge du fond la réalité et la régularité de cet emploi et des rémunérations associées.
La formation des référés du conseil de prud'hommes a au surplus relevé à cet égard que ces erreurs démontrent que ladite attestation n'a pas été réalisée par le programme de paie directement mais qu'une intervention humaine a été obligatoire.
C'est aussi vainement que l'appelante se réfère à une attestation de son propre expert-comptable, également datée du 16 février 2024, affirmant que "l'attestation Pôle Emploi ne pourra être modifiée" qu'à un stade ultérieur de la procédure ; au demeurant, comme le relève à juste titre l'intimé, le même expert-comptable indique lui-même dans son courriel du 2 juin 2024 le principe selon lequel "l'attestation est produite en fonction de ce qui est déclaré sur la fiche de paie. "
Il résulte en effet des dispositions précitées que les documents de fin de contrat doivent être remis dès l'expiration ou rupture de la relation de travail, étant rappelé que la société SAPIC a par courrier du 19 octobre 2023 licencié pour faute lourde M. [M], et qu'ils doivent permettre alors l'exercice des droits aux prestations.
Les moyens soulevés par la société SAPIC pour contester la régularité du cumul de l'emploi avec l'exercice d'un mandat social, la réalité et la validité de cet emploi de directeur d'exploitation et des rémunérations associées relèvent, non de l'appréciation du juge du référé saisi de demandes de remise d'une attestation Pôle emploi et certificat de travail conforme aux mentions des bulletins de salaire effectivement édités et remis, mais du juge du fond.
Il est constaté que la société SAPIC soutient et développe son argumentaire tant devant le juge des référés que du fond sans nullement se contredire.
Par ailleurs, l'intimé fait justement observer que si la société SAPIC estimait qu'il existait un péril grave, elle ne pouvait de sa propre initiative décider de ne pas exécuter la décision, mais avait la possibilité de saisir le premier président de la cour d'appel d'une demande de suspension de l'exécution provisoire, ce dont elle ne justifie pas.
Ainsi, sans préjudice de l'action au fond, et donc sans priver nullement la société SAPIC de ses demandes y compris relatives aux documents de fin de contrat devant le juge du fond, étant rappelé que la présente décision en référé n'a d'autorité qu'au provisoire, il y a lieu d'ordonner la remise par la société SAPIC à M. [M] d'une part d'une l'attestation destinée à Pôle Emploi comportant les salaires présents sur ses bulletins de paie ayant pour qualification " directeur d'exploitation " des 25 derniers mois, soit de septembre 2021 à septembre 2023 et d'autre part d'un certificat de travail conforme aux qualifications présentes sur les bulletins de paie de M. [M] et respectant les mentions prévues par le code du travail.
Compte tenu du trouble manifestement illicite constaté, l'ordonnance de la formation de référé du conseil de prud'hommes de Créteil sera donc confirmée de ces chefs, sauf en ce qui concerne le montant des deux astreintes prononcées dans ce cadre, qui sera ramené à la somme de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour à compter de la notification de l'ordonnance.
Compte tenu du retard dans la remise de ces documents, l'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a condamné la société SAPIC. à verser à M. [M] à la somme de 6.000 euros au titre de provision sur dommages et intérêts.
En revanche, l'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits n'est pas en soi constitutive d'une faute justifiant sa condamnation à des dommages et intérêts pour procédure abusive.
Il s'ensuit que M. [M] sera débouté de cette demande.
La société SAPIC, qui succombe pour l'essentiel doit être condamnée aux dépens de première instance et d'appel et déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera fait application de cet article au profit de M. [M] à hauteur de la somme de 1 500 euros en cause d'appel qui s'ajouteront à la somme allouée à ce titre en première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
CONFIRME l'ordonnance entreprise, sauf en ce qui concerne le montant des astreintes,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
FIXE le montant de chacune des astreintes à la somme de 100 euros par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de l'ordonnance,
DÉBOUTE M. [M] demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
CONDAMNE la SAS SAPIC à payer à M. [E] [M] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière Le Président