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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 2, 5 septembre 2024, n° 23/16405

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/16405

5 septembre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/16405 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIK57

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Septembre 2023 -Juge de la mise en état de PARIS - RG n°

APPELANTE :

Syndicat PLASTALLIANCE pris en la personne de son Président en exercice dûment habilité,

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentée par Me Audrey HINOUX de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat postulant, inscrit, au barreau de PARIS, toque : C2477 et par Me Marc BORTEN, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS, toque : R271, substitué par Me Coralie RENAUD, avocat au barreau de MARSEILLE,

INTIMÉES :

Fédération NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL D'ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES ET CONNEXES (CFE-CGC CHIMIE), représentée par son Président, Monsieur [G] [L], dûment habilité par les statuts à cet effet,

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Bénédicte ROLLIN de la SELAS JDS AVOCATS, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : P0028 et par Me Jeanne PONSARD, avocat au barreau de PARIS,

Syndicat FÉDÉRATION CHIMIE ÉNERGIE DE LA CONFÉDÉRATION FRANÇAISE DÉMOCRATIQUE DU TRAVAIL (FCE-CFDT),

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Céline COTZA de la SELARL LPS AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392 substitué par Me Camille MARTY, avocat au barreau de PARIS,

Syndicat FÉDÉRATION NATIONALE DES TRAVAILLEURS DES INDUSTRIES DE L'ATOME, DU CAOUTCHOUC, DE LA CHIMIE, DES CUIRS ET PEAUX, DU PÉTROLE, DES PLASTIQUES, DES TEXTILES ET DU VERRE (FEDECHIMIE CGT-FO) ; pris en la personne de ses représentants statutaires en exercice dûment habilités,

[Adresse 4]

[Localité 8]

Non représenté

Syndicat POLYVIA

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO REGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

et par Me Jérôme ARTZ, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 917 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Eric LEGRIS, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Eric LEGRIS, président

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Eric LEGRIS, président et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 16 mars 2022, l'organisation patronale Polyvia et les organisations syndicales de salariés FCE CFDT, Fédéchimie FO et CFE CGC ont signé dans le champ d'application de la convention collective de la plasturgie un accord relatif aux barèmes des salaires minima mensuels.

Par actes des 28 et 29 juillet 2022, le syndicat Plastalliance a assigné les signataires en nullité de l'accord devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 26 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

- Débouté le syndicat Plastalliance de sa demande tendant à voir déclarer les syndicats CFE CGC CHIMIE et Polyvia irrecevables en leur fin de non-recevoir ;

- Déclaré irrecevable comme atteinte de forclusion l'action en nullité du syndicat Plastalliance;

- Condamné le syndicat Plastalliance aux dépens et à payer à la Fédération Chimie Energie de la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, au syndicat Polyvia, chacun, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat Plastalliance a interjeté appel de la décision le 06 octobre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 12 avril 2024, le syndicat Plastalliance demande à la cour de :

INFIRMER l'ordonnance du 26 septembre 2023 du juge de la mise en état en ce qu'elle a :

- Déclaré irrecevable comme atteinte de forclusion l'action en nullité du syndicat

Plastalliance ;

- Condamné le syndicat Plastalliance aux dépens et à payer à la Fédération Chimie Energie de la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, au syndicat Polyvia, chacun, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

JUGER que l'action en nullité du syndicat Plastalliance n'est pas atteinte de forclusion,

Et par conséquent,

JUGER recevable l'action en nullité du syndicat Plastalliance,

REJETER les demandes des syndicats FCE CFDT, CFE CGC et POLYVIA tendant à voir l'action du syndicat Plastalliance jugée irrecevable,

CONDAMNER la Fédération Chimie Energie de la Confédération Française Démocratique du Travail (FCE-CFDT), Fédération Nationale du Personnel d'Encadrement de la chimie CFE-CGC et POLYVIA à régler chacun la somme de 2.500 euros à Plastalliance au titre des frais engagés pour la procédure de première instance et d'appel.

CONDAMNER la Fédération Chimie Energie de la Confédération Française Démocratique du Travail (FCE-CFDT), Fédération Nationale du Personnel d'Encadrement de la chimie CFE-CGC et POLYVIA aux entiers dépens dont distraction auprès de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 22 novembre 2023, la FCE-CFDT demande à la cour de :

- CONFIRMER en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état,

- CONDAMNER le syndicat PLASTALLIANCE à verser à la FCE-CFDT la somme de 1.500 euros

au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 30 novembre 2023, le syndicat POLYVIA, demande à la cour de :

- CONFIRMER l'ordonnance rendue par le Juge de la Mise en Etat du 26 septembre 2023 qui a :

o Débouté le syndicat Plastalliance de sa demande tendant à voir déclarer les syndicats CFE CGC Chimie et Polyvia irrecevables en leur fin de non-recevoir ;

o Déclaré irrecevable comme atteinte de forclusion l'action en nullité du syndicat Plastalliance ;

o Condamné le syndicat Plastalliance aux dépens et à payer à la Fédération Chimie Energie de la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération nationale des syndicats du personnel d'encadrement des industries chimiques et connexes, au syndicat Polyvia, chacun la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence,

- DECLARER prescrite et donc irrecevable l'action en nullité de l'accord du 16 mars 2022 relatif au barème des salaires minimaux diligentée par l'organisation patronale Plastalliance ;

En tout état de cause,

- CONDAMNER l'organisation patronale Plastalliance au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par dernières conclusions reçues au greffe le 29 novembre 2023, la FÉDÉRATION NATIONALE DES SYNDICATS DU PERSONNEL D'ENCADREMENT DES INDUSTRIES CHIMIQUES ET CONNEXES (CFE-CGC CHIMIE) demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance du juge de la mise en état du 26 septembre 2023 du tribunal judiciaire de Paris ;

- Condamner le syndicat Plastalliance au paiement de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le syndicat Fédéchimie FO n'a pas conclu.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2024.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Le syndicat Plastalliance fait valoir que le Bulletin Officiel des Conventions Collectives (BOCC) est certes "daté" du 30 avril 2022 mais qu'il a été mis en ligne le 07 juillet 2022 sur le site Legifrance qui le publie exclusivement, que la date à laquelle les informations qu'il contient sont rendues publiques est nécessairement la date à laquelle le bulletin peut être consulté sur le site legifrance, qu'il ne peut donc s'agir que de la date de mise en ligne du bulletin sur le site legifrance et que celle-ci était en décalage avec celle figurant au BOCC.

Les intimés opposent que la publication est intervenue le 30 avril 2022 au Bulletin officiel des conventions collectives n° 2022-16 contenant le texte de l'accord en cause et que la contestation de l'accord a été introduite tardivement au regard du délai légal de deux mois par le syndicat Plastalliance.

Le syndicat Polyvia fait valoir qu'à la suite de la publication de l'accord, une version a été créée sur le site de la diffusion du droit en ligne Légifrance et estime que la date adverse du 07 juillet 2022 est en incohérence manifeste avec les autres éléments du dossier versés aux débats y compris de la publication sur le site de diffusion du droit légifrance le 1er juin 2022, ajoutant que la publication au bulletin officiel est nécessairement intervenue avant cette dernière date, la publication d'un accord d'entreprise intervenant avant son dépôt dans la base de données "Kali".

La FCE-CFDT fait valoir qu'il n'y a pas lieu de tenir compte de la publication spécifique sur internet

via légifrance. Elle ajoute que la mauvaise foi de Plastalliance est patente dès lors que l'organisation patronale avait annoncé dès le 23 mars 2022 qu'elle ne signerait pas l'avenant litigieux et qu'elle envisageait de saisir les juridictions, et qu'elle ne peut donc pas se prévaloir de son ignorance de l'accord pour justifier son inertie à saisir effectivement les juridictions compétentes.

Sur ce,

L'article 122 du code de procédure civile dispose que :

"Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."

Selon l'article L. 2262-14 du code du travail :

"Toute action en nullité de tout ou partie d'une convention ou d'un accord collectif doit, à peine d'irrecevabilité, être engagée dans un délai de deux mois à compter :

1° De la notification de l'accord d'entreprise prévue à l'article L. 2231-5, pour les organisations disposant d'une section syndicale dans l'entreprise ;

2° De la publication de l'accord prévue à l'article L. 2231-5-1 dans tous les autres cas.

Ce délai s'applique sans préjudice des articles L. 1233-24, L. 1235-7-1 et L. 1237-19-8 du code du travail."

L'article L. 2231-5-1 du code du travail prévoit que :

"Les conventions et accords de branche, de groupe, interentreprises, d'entreprise et d'établissement sont rendus publics et versés dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable. Ils sont publiés dans une version ne comportant pas les noms et prénoms des négociateurs et des signataires.(...)".

La Cour de cassation a jugé que :

" Il résulte de ces dispositions que le délai de forclusion pour agir en nullité d'un accord de branche court à compter de la date à laquelle l'accord de branche a été rendu public par sa publication au bulletin officiel des conventions collectives qui, en conférant date certaine, répond à l'objectif de sécurité juridique. Le versement dans une base de données nationale, dont le contenu est publié en ligne dans un standard ouvert aisément réutilisable, n'est qu'une mesure complémentaire répondant à l'objectif d'accessibilité de la norme de droit." (Cass. soc. 21 septembre 2022, n°20-23.500).

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le ministère du travail a publié le 30 avril 2022 le fascicule 2022/16 au bulletin officiel des conventions collectives, comportant en pages 23 à 25 l'accord du 16 mars 2022 relatif au barème des salaires minimaux.

Par actes des 28 et 29 juillet 2022, le syndicat Plastalliance a assigné les syndicats signataires Polyvia, FCE CFDT, Fédéchimie FO et CFE CGC devant le tribunal judiciaire de Paris en nullité de cet accord.

Dès lors qu'il est constaté que l'accord « relatif au barème des salaires minimaux», conclu le 16 mars 2022, est paru et a été publié le 30 avril 2022 au fascicule 2022/16 du bulletin officiel des conventions collectives, il y a lieu de retenir que le délai de forclusion de deux mois courait à compter de cette publication.

Les développements du syndicat Plastalliance sur la date de mise en ligne de l'accord sur le site Legifrance ne peuvent prospérer dans la mesure où le point de départ court ainsi de la publication officielle de l'accord, effectuée au bulletin officiel des conventions collectives, qui a répondu aux exigences posées par la loi en matière de publicité, la publication complémentaire en ligne sur le site legifrance ne servant qu'un objectif secondaire de facilité d'accès au droit conventionnel y compris pour le grand public.

Au surplus, si le syndicat Plastalliance affirme qu'il est inexact que le courriel qu'elle avait déjà produit en première instance en réponse à son interrogation adressée au site légifrance n'aurait pas de caractère officiel, ce courriel, qui faisait état d'une mise en ligne le 07 juillet 2022, émanait d'une personne dont le premier juge a justement observé que les qualités n'étaient pas précisées, et que ce syndicat verse un second courriel en réponse émanant du même site et se référant à nouveau à cette date, il est relevé que ce second courriel, dont l'auteur ne précise pas non plus ses qualités, indique d'abord ne pas être en capacité de délivrer le document officiel concernant la date de diffusion du BOCC.

En tout état de cause, le syndicat intimé CFE-CFDT fait justement observer que dès le 27 mai 2022, le syndicat Plastalliance annonçait sur son site internet qu'il avait refusé de signer l'accord régularisé le 16 mars 2022 et préparait un recours en annulation contre cet accord, précisant alors estimer que "les conditions de négociations n'ont pas été loyales" et qu' "un recours va être engagé imminemment devant le tribunal judiciaire compétent", mais encore que "un avis relatif à l'extension de cet accord a été publié au JO du 6 mai 2022. Cet avis n'est pas un Arrêté d'extension, il permet notamment aux organisations et toute personne intéressée de faire connaître leurs observations et avis au sujet de l'extension envisagée", de sorte qu'il avait déjà eu connaissance effective de l'accord à cette date.

Il s'ensuit que l'action en nullité à l'encontre de cet accord exercée les 28 et 29 juillet 2022 est tardive et irrecevable.

En conséquence, l'ordonnance du juge de la mise en état sera confirmée.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Compte tenu de la solution du litige, la décision entreprise sera confirmée de ces deux chefs et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge du syndicat Plastalliance, qui sera débouté en sa demande en cause d'appel fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera fait droit aux demandes formées en cause d'appel par les syndicats FCE-CFDT, CFE-CGC-Chimie et Polyvia en application de cet article à hauteur pour chacun d'entre eux de la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

CONFIRME l'ordonnance du 26 septembre 2023 du juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris ;

CONDAMNE le syndicat Plastalliance aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE le syndicat Plastalliance à payer au syndicat FCE-CFDT, au syndicat CFE-CGC-Chimie et au syndicat Polyvia la même somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre.

La Greffière La Présidente