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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 5 septembre 2024, n° 23/00116

BOURGES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Clement

Conseillers :

M. Perinetti, Mme Ciabrini

Avocats :

Me Gerigny & Associes, Me Rouaud & Associes

TJ Bourges, du 1 déc. 2022, n° 23/00116

1 décembre 2022

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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EXPOSE

Le 20 août 2019, l'entreprise [Localité 2] Espaces verts JTE a établi un devis d'un montant total de 42.984,50 euros TTC pour la construction d'un garage et l'aménagement des extérieurs d'une maison située [Adresse 1] à [Localité 4], appartenant à M. [K] [G].

M. [G] a effectué deux versements à titre d'acomptes par virements bancaires, les 1er octobre et 9 décembre 2019, d'un montant respectif de 3.183,95 euros suivant facture n° 00001182 et de 18.000,40 euros suivant facture n° 00001176.

Le 25 janvier 2021, M. [G] a adressé à l'entreprise [Localité 2] Espaces verts JTE une mise en demeure de commencer les travaux, réitérée par courrier recommandé du 23 juin 2021.

Suivant acte d'huissier en date du 1er octobre 2021, M. [G] a fait assigner M. [W] [Z] exerçant sous l'enseigne [Localité 2] Espaces verts JTE devant le tribunal judiciaire de Bourges aux fins de voir, en l'état de ses dernières demandes,

ordonner par application de l'article 1217 du code civil la résolution du contrat d'entreprise liant les parties aux torts de M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE,

en conséquence,

condamner M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE à restituer à M. [G] la somme de 21.184,35 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 25 mai 2021,

condamner M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE à régler à M. [G] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens comprenant le coût du procès-verbal de constat établi par Me [R], huissier de justice, le 22 juillet 2021.

M. [W] [Z] exerçant sous l'enseigne [Localité 2] Espaces verts JTE n'a pas comparu ni été représenté devant le tribunal.

Par jugement contradictoire du 1er décembre 2022, le tribunal judiciaire de Bourges a :

ordonné la résolution du contrat d'entreprise conclu entre M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE et M. [K] [G] le 20 août 2019 ;

condamné M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE à payer à M. [K] [G] la somme de 21.184,35 euros outre intérêts au taux légal à compter de la décision ;

condamné M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE à payer à M. [K] [G] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE aux entiers dépens comprenant le coût du procès-verbal de constat établi par Me [R], huissier de justice, le 22 juillet 2021 ;

constaté l'exécution provisoire de droit de la décision.

Le tribunal a notamment retenu que le devis du 20 août 2019 attestait de la conclusion d'un contrat entre les parties ayant pour objets divers travaux de construction et d'aménagement, que M. [G] avait réalisé deux premiers versements conformément à ce devis, que le procès-verbal de constat versé aux débats démontrait que M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE n'avait pour sa part exécuté aucune des obligations lui incombant à ce titre, que cette inexécution autorisait M. [G] à demander la résolution judiciaire du contrat et que le prononcé de cette résolution devait avoir pour effet de remettre les parties en l'état antérieur à la formation dudit contrat.

M. [Z], exerçant sous le nom commercial [Localité 2] Espaces verts JTE, a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 31 janvier 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 avril 2024, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, M. [Z], exerçant sous le nom commercial [Localité 2] Espaces verts JTE demande à la Cour de :

Dire recevable et bien fondé l'appel de M. [Z], exerçant sous le nom commercial [Localité 2] Espaces verts JTE.

Réformant le jugement rendu le 1er décembre 2022,

Débouter M. [K] [G] de sa demande de résolution du contrat d'entreprise conclu le 20 août 2019.

Débouter M. [K] [G] de sa demande de versement d'une somme de 21 184,35 €.

Débouter M. [K] [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. [Z], exerçant sous le nom commercial [Localité 2] Espaces verts JTE.

Condamner M. [K] [G] à verser à M. [Z], exerçant sous le nom commercial [Localité 2] Espaces verts JTE la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 12 juillet 2023, auxquelles il conviendra de se reporter pour un exposé détaillé et exhaustif des prétentions et moyens qu'il développe, M. [G] demande à la Cour de :

Voir confirmer le jugement de première instance en date du 01/12/2022.

Ordonner, par application de l'article 1217 du Code Civil, la résolution du contrat d'entreprise liant les parties aux torts de M. [W] [Z] ' [Localité 2] Espaces verts - JTE

Par conséquent, condamner M. [W] [Z] ' [Localité 2] Espaces verts - JTE à restituer à M. [K] [G] la somme de 21184,35 €, outre intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure du 25/01/2021.

Condamner M. [W] [Z] ' [Localité 2] Espaces verts - JTE à régler à M. [K] [G] la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens comprenant le coût du procès-verbal de constat établi par Maître [R], huissier de justice, le 22/07/2021 et ceux du référé compris.

Condamner en plus M. [W] [Z] ' [Localité 2] Espaces verts - JTE à régler à M. [K] [G] la somme de 3000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais irrépétibles exposés devant la Cour d'Appel de Bourges.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.

MOTIFS

Sur la demande en résolution du contrat présentée par M. [G] :

Les articles 1103 et 1104 du code civil posent pour principe que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

L'article 1217 du même code prévoit que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :

- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;

- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;

- obtenir une réduction du prix ;

- provoquer la résolution du contrat ;

- demander réparation des conséquences de l'inexécution.

Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.

L'article 1231 du même code énonce qu'à moins que l'inexécution soit définitive, les dommages et intérêts ne sont dus que si le débiteur a préalablement été mis en demeure de s'exécuter dans un délai raisonnable.

Aux termes de l'article L216-1 du code de la consommation, le professionnel délivre le bien ou fournit le service à la date ou dans le délai indiqué au consommateur, conformément au 3° de l'article L. 111-1, sauf si les parties en conviennent autrement.

Pour l'application du présent titre, on entend par délivrance d'un bien, le transfert au consommateur de la possession physique ou du contrôle du bien. Dans le cas d'un bien comportant des éléments numériques, la délivrance inclut également la fourniture de ces éléments au sens de l'article L. 224-25-4.

A défaut d'indication ou d'accord quant à la date de délivrance ou de fourniture, le professionnel délivre le bien ou fournit le service sans retard injustifié et au plus tard trente jours après la conclusion du contrat.

Le présent chapitre s'applique également à la fourniture d'un contenu numérique sur un support matériel servant exclusivement à son transport.

En l'espèce, les parties en présence conviennent toutes deux de l'existence d'un contrat d'entreprise, matérialisé par le devis établi le 20 août 2019 pour un montant de 42.984,50 euros, comportant des prestations de construction d'un garage et d'aménagement des extérieurs de la maison de M. [G], ayant donné lieu au versement par ce dernier de deux acomptes d'un montant global de 21.184,65 euros par virements bancaires en date des 1er octobre et 9 décembre 2019.

Le procès-verbal de constat versé aux débats par M. [G], établi le 22 juillet 2021 (soit 23 mois après le devis) par Me [R], huissier de justice, ne laisse apparaître aucun commencement des travaux commandés à M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE. L'huissier évoque l'état de friche de l'ensemble des terrains dont l'aménagement était prévu, et ne relève la présence que de deux décaissements d'environ 30 cm à l'emplacement supposé accueillir le garage et entre les deux ailes de la maison.

Il peut d'ores et déjà être relevé que M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, ne soutient nullement en ses écritures avoir amorcé les travaux, notamment en procédant à ces décaissements. L'appelant se borne en effet, pour justifier de l'exécution de ses obligations contractuelles, à indiquer avoir commandé et réglé des matériaux destinés au chantier litigieux, pour un montant global de 4.658,30 euros. Il sera observé, concernant ces matériaux, que l'appelant ne démontre nullement qu'ils ne puissent être réutilisés par ses soins dans le cadre d'autres chantiers.

M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, affirme avoir été empêché de commencer les travaux en raison de la survenance de l'épidémie de Covid 19 puis d'une défaillance de son sous-traitant, victime d'une déchirure musculaire. Il ne produit toutefois aucun justificatif sur ce dernier point, y compris quant aux solutions de remplacement qu'il affirme avoir recherchées.

Par ailleurs, il convient de rappeler que les mesures gouvernementales de confinement sanitaire n'ont suspendu l'activité des entreprises du secteur bâtiment et travaux publics qu'entre le 17 mars et le 11 mai 2020, les confinements ultérieurement ordonnés n'ayant pas affecté ce secteur. Ces mesures ne peuvent ainsi justifier, au mieux, qu'un retard de deux mois dans l'exécution des travaux commandés par M. [G].

M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, prétend ensuite qu'un retard supplémentaire serait dû aux changements décidés par M. [G] dans les travaux prévus. L'appelant ne verse néanmoins aux débats aucun justificatif de nature à étayer son affirmation.

Aucun des arguments ni des pièces produits par l'appelant ne permet ainsi de justifier que les travaux commandés par M. [G] n'aient pas encore reçu le moindre commencement d'exécution, cinq ans après l'établissement du devis. Le fait que le devis litigieux n'ait mentionné aucun délai d'exécution des travaux ne peut suffire à justifier un tel délai, excédant le délai de 30 jours prévu par l'article L216-1 du code de la consommation précité, et particulièrement démesuré en soi, au vu de la consistance des travaux commandés.

M. [G] peut ainsi légitimement se prévaloir de l'inexécution totale par M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, des travaux objet du contrat conclu entre eux, et se trouve bien fondé à solliciter pour ce motif la résolution judiciaire de celui-ci.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a ordonné la résolution du contrat d'entreprise conclu entre M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE et M. [K] [G] le 20 août 2019 et condamné M. [W] [Z] [Localité 2] Espaces verts JTE à payer à M. [K] [G] la somme de 21.184,35 euros outre intérêts au taux légal à compter du jugement.

Sur l'article 700 et les dépens :

L'équité et la prise en considération de l'issue du litige commandent de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, qui succombe en l'intégralité de ses prétentions, à verser à M. [G] la somme de 1.000 euros au titre des frais qu'il aura exposés en cause d'appel qui ne seraient pas compris dans les dépens.

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. Au vu de l'issue du litige déterminée par la présente décision, il convient de condamner M. [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, à supporter la charge des dépens de l'instance d'appel, sans que ceux-ci puissent comprendre les dépens d'une instance de référé dont il n'est nullement justifié par l'intimé.

Le jugement entrepris sera enfin confirmé de ces chefs.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement rendu le 1er décembre 2022 par le tribunal judiciaire de Bourges en l'intégralité de ses dispositions ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE M. [W] [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, à verser à M. [K] [G] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [W] [Z], exerçant sous l'enseigne [Localité 2] espaces verts JTE, aux entiers dépens de l'instance d'appel.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Présidente, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.