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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 5 septembre 2024, n° 22/00934

CHAMBÉRY

Autre

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Époux

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fouchard

Conseillers :

M. Therolle, M. Gauvin

Avocats :

Me Forquin, SELARL Cabinet Merotto, SELARL AC Avocats

TJ [Localité 9], du 11 avr. 2022, n° 17/…

11 avril 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [V] [R] a fait construire sur un terrain dont elle était alors propriétaire, situé [Adresse 1] à [Localité 12] (Haute-Savoie), une maison à usage d'habitation selon contrat de construction de maison individuelle conclu avec la SARL A Carreaux le 5 juillet 2011. Par avenant en date du 5 avril 2012, la SARL Batiprom est venue aux droits de la précédente société.

Un procès-verbal de réception a été établi le 1er septembre 2013, avec réserves.

Par acte notarié signé le 23 septembre 2015, Mme [R] a vendu ce bien à Mme [X] [Z] et M. [C] [G] pour le prix de 410 000 euros.

Soupçonnant des problèmes de construction au niveau de la dalle et de la stabilité des madriers, les acquéreurs ont sollicité une consultation technique qui a donné lieu à l'établissement d'un rapport le 9 janvier 2017 par M. [M], lequel a relevé des défauts de conception et des non-conformités, portant atteinte à la solidité de l'ouvrage, et sans mesure de réparation possible.

Par acte du 30 mai 2017, Mme [Z] et M. [G] ont dénoncé à Mme [R] le dépôt d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire qu'ils ont été autorisés à inscrire sur les parcelles section A [Cadastre 3], A [Cadastre 4], A [Cadastre 5], A [Cadastre 6] et A [Cadastre 7] portant sur les lots 20, 300 et 3016 situés [Adresse 13] à [Localité 11] constituant la résidence principale de Mme [R].

Parallèlement, par acte délivré le 14 juin 2017, Mme [Z] et M. [G] ont fait assigner Mme [R] devant le tribunal de grande instance de Bonneville aux fins d'annulation du contrat de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés, avec restitution du prix de vente, soit la somme de 410 000 euros, ainsi que le paiement des sommes de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi, 20 000 euros au titre du remboursement de la commission d'agence et 30 217,40 euros au titre du remboursement des frais de notaire, outre une indemnité au titre des frais irrépétibles et les entiers dépens de l'instance.

Par ordonnance du 1er octobre 2018, le juge de la mise en état du tribunal de Bonneville a ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [J].

Par actes délivrés les 3 août et 25 septembre 2018, Mme [R] a fait appeler en cause la société Batiprom et son assureur de responsabilité décennale, la société Elite insurance Company Limited, afin que l'expertise leur soit déclarée commune et opposable.

Le juge de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures le 20 décembre 2018 puis, suivant ordonnance rendue le 4 février 2019, a déclaré communes et opposables les opérations d'expertise à la SARL Batiprom et à son assureur la société Elite insurance Company Limited.

L'expert a déposé son rapport le 21 janvier 2021.

Au fond, Mme [R] s'est opposée aux demandes de Mme [Z] et M. [G], en invoquant la clause d'exonération de la garantie des vices cachés stipulée au contrat de vente, dans la mesure où elle ignorait l'existence du vice affectant l'immeuble. Elle a sollicité la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire.

Les sociétés Batiprom et Elite insurance company limited n'ont pas comparu devant le tribunal.

Par jugement réputé contradictoire du 11 avril 2022, le tribunal judiciaire de Bonneville a :

déclaré recevable l'action de Mme [Z] et M. [G],

rejeté la demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire,

débouté M. [G] et Mme [Z] de toutes leurs demandes,

ordonné la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite en vertu dune ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Bonneville agissant en qualité de juge de l'exécution en date du 25 avril 2017 au profit de Mme [Z] née le 23 juillet 1986 à Ambilly, de nationalité française, et M. [G] né le 30 septembre 1986 à Chambéry, de nationalité française, demeurant et domiciliés tous deux [Adresse 1] à [Localité 12], contre Mme [R], née le 16 septembre 1972 à Nantes, de nationalité française, demeurant et domiciliée [Adresse 13] à [Localité 11], dont Mme [R] est propriétaire, et ce, pour sûreté de la somme de 470 000 euros, publiée le 24 mai 2017 au service de la publicité foncière de Bonneville sous le numéro de volume 2017 V 1931, de même que celle à nouveau inscrite le 15 avril 2021, suite au dépôt du même jour, et enregistrée sous le numéro volume 2021 V n°1549, et dépôt n°6179, tel que dénoncé à Mme [R] par exploit d'huissier du 20 avril 2021,

condamné Mme [Z] et M. [G] in solidum à payer à Mme [R] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision,

condamné Mme [Z] et M. [G] in solidum aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Par déclaration du 27 mai 2022, Mme [Z] et M. [G] ont interjeté appel de cette décision, en intimant Mme [R] seule.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [Z] et M. [G] demandent à la cour de :

réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Et statuant à nouveau, à titre principal,

Vu les articles 1792 et suivants du code civil,

Vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile,

condamner sur le fondement de la garantie décennale, Mme [R] à indemniser Mme [Z] et M. [G] du coût de la démolition et de la reconstruction de la villa qu'ils ont acquise aux termes de l'acte authentique reçu le 23 septembre 2015, outre tous préjudices matériels et immatériels connexes et consécutifs qui ne seront pas payées comme nouvelles en cause d'appel, évalués provisionnellement à la somme de 450 000 euros sauf à parfaire.

en conséquence, sur le montant des préjudices et avant dire droit,

surseoir à statuer et,

désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec pour mission de,

- après avoir convoqué les parties et leurs conseils, se rendre sur place au [Adresse 1] à [Localité 12],

- visiter les lieux litigieux, les décrire,

- chiffrer le coût des travaux de démolition et de reconstruction à l'identique du bien selon les règles et normes en vigueur en intégrant le coût de la confection d'un nouveau dossier de permis de construire ; évaluer la durée prévisible d'exécution de ces travaux,

- définir et estimer sur l'ensemble des préjudices de toutes natures induits par cette opération de démolition/reconstruction tant d'un point de vue matériel (déménagement, relogement') qu'immatériels et notamment de jouissance subis par Mme [Z] et M. [G],

- soumettre aux parties un pré-rapport avant le dépôt de son rapport définitif pour que les parties puissent formuler toute observation utile sur les constations et les conclusions ; entendre au besoin tout sachant,

condamner Mme [R] à payer à Mme [Z] et M. [G] une provision ad litem à valoir sur les frais et honoraires de l'expert, de 10 000 euros,

A titre subsidiaire,

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

prononcer la résolution de la vente intervenue par acte authentique du 23 septembre 2015 entre Mme [R], d'une part, et Mme [Z] et M. [G], d'autre part, aux torts de Mme [R],

en conséquence,

condamner Mme [R] à payer à Mme [Z] et M. [G] les sommes suivantes, à savoir :

- 410 000 euros à titre de restitution du prix de vente,

- 20 000 euros à titre de remboursement de la commission d'agence,

- 30 217,40 euros au titre des frais, droits et émoluments réglés lors de l'acte de vente,

- 51 464 euros au titre des intérêts d'emprunt et des frais exposés dans le cadre du financement du bien, sauf à parfaire,

dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du 14 juin 2017, date de l'assignation, avec capitalisation et ce jusqu'à parfait paiement,

En tout état de cause,

condamner Mme [R] à payer à Mme [Z] et M. [G] les sommes suivantes, à savoir 30 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice d'angoisse et moral, et en remboursement des frais de leur technicien,

débouter Mme [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

condamner Mme [R] à payer à Mme [Z] et M. [G] la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais et honoraires de M. [J], expert judiciaire, selon ordonnance de taxe ainsi que les frais de l'hypothèque provisoire dont distraction au profit de Me Forquin, avocat, selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 1er mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [R] demande à la cour de :

Vu les articles 564, 565 et 566 du code de procédure civile,

Vu les article 1642 et 1643 alinéa 1 du code civil,

déclarer irrecevables les demandes principales et avant-dire droit faites par Mme [Z] et M. [G], comme étant nouvelles en cause d'appel,

en tout état de cause, les déclarer mal fondées et débouter Mme [Z] et M. [G] de ces demandes,

En conséquence, et en tout état de cause,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

- rejeté la demande d'homologation du rapport d'expertise judiciaire,

- débouté M. [G] et Mme [Z] de toutes leurs demandes,

- ordonné la radiation de l'hypothèque judiciaire provisoire inscrite en vertu dune ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Bonneville agissant en qualité de juge de l'exécution en date du 25 avril 2017 au profit de Mme [Z] née le 23 juillet 1986 à Ambilly, de nationalité française, et M. [G] né le 30 septembre 1986 à Chambéry, de nationalité française, demeurant et domiciliés tous deux [Adresse 1] à [Localité 12], contre Mme [R], née le 16 septembre 1972 à Nantes, de nationalité française, demeurant et domiciliée [Adresse 13] à [Localité 11], dont Mme [R] est propriétaire, et ce, pour sûreté de la somme de 470 000 euros, publiée le 24 mai 2017 au service de la publicité foncière de Bonneville sous le numéro de volume 2017 V 1931, de même que celle à nouveau inscrite le 15 avril 2021, suite au dépôt du même jour, et enregistrée sous le numéro volume 2021 V n°1549, et dépôt n°6179, tel que dénoncé à Mme [R] par exploit d'huissier du 20 avril 2021,

- condamné Mme [Z] et M. [G] in solidum à payer à Mme [R] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [Z] et M. [G] in solidum aux entiers dépens de l'instance,

Y ajoutant,

condamner solidairement Mme [Z] et M. [G] à payer à Mme [R], la somme complémentaire de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en indemnisation de ses frais irrépétibles d'appel, et les condamner sous la même solidarité, aux entiers dépens de première instance, et d'appel,

Subsidiairement, et pour le cas où la cour infirmerait le jugement rendu et prononcerait la résolution de la vente,

débouter Mme [Z] et M. [G] de leurs demandes complémentaires et accessoires, qu'il s'agisse de leur demande de dommages-intérêts, de remboursement des frais d'agence ou de remboursement de leurs frais de notaires (droits de mutation et d'enregistrement payés à l'administration fiscale) et des intérêts d'emprunt formulée à l'encontre de Mme [R],

En toutes hypothèses,

condamner in solidum la SARL Batiprom et la société Elite insurance Company Limited à relever et garantir Mme [R] de l'intégralité des condamnations qui pourraient être mises à sa charge, tant en principal qu'en intérêts, frais et accessoires,

condamner Mme [Z] et M. [G] à payer à Mme [R] une somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner Mme [Z] et M. [G] aux entiers dépens de l'instance.

L'affaire a été clôturée à la date du 25 mars 2024 et renvoyée à l'audience du 7 mai 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 5 septembre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de la demande fondée sur la garantie décennale :

Mme [R] soutient que la demande principale formée désormais par les appelants en réparation des désordres de nature décennale affectant le bien vendu est irrecevable comme nouvelle en appel, puisqu'elle ne tend pas aux mêmes fins que l'action en annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés engagée devant le tribunal.

Mme [Z] et M. [G] soutiennent que leurs demandes en appel tendent aux mêmes fins que celles présentées en première instance, à savoir l'indemnisation de leurs préjudices.

Sur ce, la cour,

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les question nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

En l'espèce, devant le premier juge, Mme [Z] et M. [G] ont exclusivement fondé leur action contre Mme [R] sur la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil en demandant l'annulation de la vente intervenue le 23 septembre 2015.

En cause d'appel ils sollicitent désormais à titre principal la condamnation de leur venderesse au paiement de dommages et intérêts, avec expertise préalable, en réparation des désordres de nature décennale affectant le bien vendu, sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil.

Une telle demande ne tend pas aux mêmes fins que celle soumise au premier juge puisqu'elle ne vise pas à l'anéantissement de la vente, avec restitutions réciproques, mais à la réparation des dommages subis par l'ouvrage. La garantie décennale due par le vendeur d'un immeuble dont il a assuré la construction, si elle est retenue, ne peut aboutir ni à une annulation, ni à une résolution de la vente.

Le but poursuivi n'est ainsi à l'évidence pas le même, à tel point d'ailleurs que les appelants sollicitent une nouvelle expertise destinée à déterminer le coût de la démolition/reconstruction de l'ouvrage, ainsi que les préjudices induits par cette opération.

Il s'agit d'un autre procès que celui soumis au tribunal.

En conséquence, les demandes principales formées par Mme [Z] et M. [G] devant la cour sont irrecevables comme nouvelles en appel.

Sur la garantie des vices cachés :

Mme [Z] et M. [G] font grief au jugement déféré d'avoir rejeté leur demande fondée sur la garantie des vices cachés alors, selon eux, que Mme [R] avait une parfaite connaissance du vice affectant le sol ayant un impact sur la construction avant la vente compte tenu des termes de l'étude de sol préalable à la construction qu'elle n'a pas fournie à ses acquéreurs.

Mme [R] sollicite la confirmation du jugement déféré en soutenant que les vices étaient apparents lors de la vente et que les acquéreurs pouvaient s'en convaincre eux-mêmes, à tout le moins en procédant à des investigations complémentaires pour en connaître l'ampleur exacte. Elle soutient également que, n'ayant aucune compétence en matière de construction, elle ignorait elle-même l'absence de conformité de l'ouvrage aux normes parasismiques. Elle invoque la clause d'exonération de la garantie des vices cachés figurant dans le contrat de vente.

Sur ce, la cour,

Il convient de souligner que la recevabilité de l'action des appelants sur ce fondement n'est pas discutée, de sorte que le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il l'a déclarée recevable.

En application de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

L'article 1642 dispose que le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même.

Enfin, l'article 1643 du même code dispose qu'il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie.

En l'espèce, c'est à juste titre et par des motifs que la cour approuve, que le tribunal a retenu que la maison vendue par Mme [R] à Mme [Z] et M. [G] est affectée de vices cachés antérieurs à la vente au sens de l'article 1641 du code civil.

En effet, l'expert judiciaire conclut à des non conformités majeures de l'ouvrage, qui le rendent impropre à sa destination, résultant d'une conception inadéquate et d'une réalisation non conforme de la construction. Il précise que l'immeuble, impropre à l'habitation, est frappé d'un risque de ruine possible et préconise son évacuation « en raison d'une incapacité à résister à des phénomènes climatiques tels que coup de vent ou forte chute de neige », sans compter l'absence de respect des normes parasismiques.

Ces défauts existaient antérieurement à la vente puisqu'ils résultent de la réalisation de la construction elle-même qui présente de très nombreux défauts de conception et de structure.

C'est en vain que Mme [R] prétend que Mme [Z] et M. [G] auraient pu se convaincre eux-mêmes de ces vices par un simple examen du bâti lors de la vente.

En effet, si l'absence de contreventement de la charpente était apparente, et que certains indices des défauts de stabilité de l'ouvrage étaient apparus antérieurement à la vente ( déformations des madriers empilables, défauts d'aplomb, fissures), l'expert judiciaire précise dans ses conclusions définitives que la réalité de la situation ne pouvait être appréhendée lors de l'achat du bien, seul un audit technique ayant permis de juger de la situation critique du bâti (pages 59 et 63).

L'existence d'un vice caché rendant l'immeuble impropre à sa destination est donc établie.

Pour autant, le contrat de vente de l'immeuble litigieux stipule (pièce n° 1 des appelants, page 9), dans la clause relative à l'état du bien, que :

« L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison :

' des vices apparents,

' des vices cachés.

S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :

' si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel,

' s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur. »

Il appartient donc à Mme [Z] et M. [G] de rapporter la preuve de la connaissance par Mme [R] de l'existence des vices de l'ouvrage avant la vente, ou de sa qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction.

Or ainsi que l'ont justement relevé le tribunal et l'expert judiciaire, Mme [R] ne peut être considérée comme un professionnel de l'immobilier ou de la construction, aucun des éléments produits ne permettant de l'établir, étant rappelé que l'intimée exerce la profession d'infirmière, et avait confié la construction à une entreprise générale.

Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte expressément que le tribunal, après avoir procédé à une complète analyse des pièces produites et du rapport d'expertise, a retenu que :

- Mme [R] n'avait pas davantage que ses acquéreurs connaissance de l'ampleur et de la gravité des désordres dont les signes étaient apparus avant la vente, les vices de construction ne pouvant être détectés que par des professionnels de la construction,

- l'absence de production de l'étude de sol du 16 avril 2010 lors de la vente n'est pas de nature à établir la mauvaise foi de la venderesse, qui avait par ailleurs transmis les documents relatifs au contrat de construction de maison individuelle qui avait été conclu par elle pour la construction de l'ouvrage,

- l'absence de production intégrale du procès-verbal de réception de l'ouvrage n'est pas non plus de nature à établir la mauvaise foi de la venderesse et son intention de dissimuler l'existence de vices dont elle aurait alors eu connaissance.

En effet, l'étude de sol, réalisée en avril 2010 (pièce n° 10 de l'intimée) souligne divers problèmes de stabilité du sol, mais émet un avis géotechnique positif sous condition, c'est-à-dire que la construction alors projetée est considérée comme réalisable avec respect de certaines préconisations d'implantation et de réalisation. La lecture de cet avis n'aurait donc permis ni aux acquéreurs, ni à la venderesse, de déceler que l'ouvrage réalisé ne respectait en réalité pas ces recommandations, alors qu'ils ne sont pas professionnels du bâtiment. L'expert souligne d'ailleurs à ce propos (page 60) que « ni les acquéreurs, ni même un professionnel de la transaction n'auraient pu déceler les désordres rencontrés ».

Concernant l'incomplétude du procès-verbal de réception, les appelants n'établissent aucunement que Mme [R] leur aurait délibérément dissimulé les vices affectant l'immeuble, dont rien ne permet de dire qu'ils auraient été visibles à l'achèvement de la construction, à l'exception de l'absence de contreventement de la charpente, défaut dont les conséquences ne pouvaient être appréhendées par la venderesse, non professionnelle de la construction.

Quant aux questions d'assurance, elles sont sans rapport avec la connaissance des vices par Mme [R], étant toutefois souligné que le constructeur avait bien souscrit une assurance de responsabilité décennale et avait la charge de l'assurance dommages-ouvrage.

Il résulte de ce qui précède que Mme [Z] et M. [G] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de la connaissance par Mme [R], antérieurement à la vente, des vices affectant l'immeuble vendu et le rendant impropre à sa destination, de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes.

Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a ordonné la mainlevée de l'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire sur les biens appartenant à Mme [R], celle-ci étant fondée sur l'action dont les appelants ont été déboutés.

Sur les autres demandes :

Mme [Z] et M. [G], qui succombent en leur appel, en supporteront les entiers dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] la totalité des frais exposés en appel, et non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de lui allouer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare irrecevables comme nouvelles en appels les demandes principales formées par Mme [X] [Z] et M. [C] [G] pour la première fois devant la cour sur le fondement des dispositions de l'article 1792 du code civil et tendant à obtenir l'indemnisation du coût de la démolition et de la reconstruction de la maison acquise le 23 septembre 2015, outre tous préjudices connexes et consécutifs, avec expertise préalable,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bonneville le 11 avril 2022,

Y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [X] [Z] et M. [C] [G] aux entiers dépens de l'appel,

Condamne in solidum Mme [X] [Z] et M. [C] [G] à payer à Mme [V] [R] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

Ainsi prononcé publiquement le 05 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.