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Décisions

CA Limoges, ch. civ., 5 septembre 2024, n° 23/00411

LIMOGES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Constructions Métalliques Dumas & Fils (SARL), Thélem Assurances (SAM)

Défendeur :

Spa Edilfibro (Sté), Unipolsai Assicurazioni (SPA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Balian

Conseillers :

M. Soury, Mme Seguin

Avocats :

Me Touraille, Me Caron, Me Brousse, Me Durand-Marquet, Me Colani

TJ Guéret, du 28 mars 2023, n° 23/00411

28 mars 2023

FAITS et PROCÉDURE

Selon devis accepté du 3 août 2007, Mme [V] [B] a confié à la société Constructions métalliques Dumas et fils (la société CMD) la construction d'une stabulation dont la couverture était constituée de plaques de fibrociment commandées auprès de la société de droit italien Edilfibro.

Se plaignant de désordres, Mme [B] a assigné la société CMD devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Guéret pour obtenir une provision à valoir sur la réparation de son préjudice.

La société CMD a appelé en garantie la société Edilfibro et l'assureur de cette dernière, la société Milano assicurazioni, devenue la société Unipolsai.

Par ordonnance du 24 février 2015, le juge des référés, après jonction des instances, a condamné la société CMD à payer à Mme [B] une provision de 37 922,96 euros.

La société CMD a relevé appel de cette ordonnance

Par arrêt du 7 juin 2016, la cour d'appel a ordonné une expertise confiée à M. [Z] [O] qui a déposé son rapport le 13 mars 2017 dans lequel il fait état de fissurations traversantes affectant les plaques de fibrociment.

La société CMD et son assureur, la société Thelem assurances, ont indemnisé Mme [B] puis ont assigné devant le tribunal judiciaire de Guéret la société Edilfibro le 25 octobre 2019 et la société Unipolsai le 2 octobre 2020 en remboursement des indemnités versées.

Par jugement du 28 mars 2023, le tribunal judiciaire a déclaré irrecevables les demandes des sociétés CMD et Thelem, l'action ayant été engagée après l'expiration du délai de deux ans prévu à l'article 1648, alinéa 1er, du code civil.

La société CMD et la société Thelem ont relevé appel de ce jugement.

MOYENS et PRÉTENTIONS

La société CMD et la société Thelem concluent à l'irrecevabilité de trois des jeux d'écritures de la société Edilfibro. Sur le fond, ces sociétés, subrogées dans les droits de Mme [B] qu'elles ont indemnisée, soutiennent la recevabilité de leur action récursoire, fondée sur les articles L.121-12 et L.124-3 du code des assurances, ainsi que les articles 1104, 1346 et 1240 du code civil, à l'encontre de la société Edilfibro et de son assureur. Elles exposent que cette action n'est pas prescrite, contrairement à ce qui a été jugé par le tribunal judiciaire, et sollicitent le remboursement des sommes qu'elles ont été amenées à payer à Mme [B].

La société Edilfibro conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle demande à être garantie de toutes condamnations par son assureur.

La société Unipolsai, assureur de la société Edilfibro, conclut à la confirmation du jugement. Subsidiairement, elle dénie sa garantie en soutenant que la police souscrite ne couvre pas les travaux réalisés en France.

MOTIFS

Sur la demande des sociétés CMD et Thelem tendant à voir déclarer irrecevables trois des jeux de conclusions de la société Edilfibro sur le fondement de l'article 909 du code de procédure civile.

Il résulte de l'article 914 du code de procédure civile que le conseiller de la mise en état est seul compétent pour déclarer des conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 du même code.

Sur le fond.

Il résulte du rapport d'expertise judiciaire de M. [O] (p. 11, 13 et 14) que les plaques de fibrociment utilisées pour la couverture de la stabulation de Mme [B] sont affectées d'un vice de fabrication tenant à l'instabilité des matériaux les composant, ce vice étant à l'origine d'infiltrations rendant l'ouvrage impropre à sa destination.

Il est constant que le 19 mars 2015, Mme [B] a été indemnisée de son préjudice en lien avec le vice affectant les plaques de fibrociment à concurrence:

- de la somme de 31 338,37 euros par la société Thelem, assureur de la société CMD,

- de la somme de 7 584,59 euros, correspondant à la franchise, par la société CMD.

L'action récursoire engagée par la société CMD et son assureur, subrogés dans les droits de Mme [B], à l'encontre de la société Edilfibro et de la société Unipolsai est fondée y compris sur la responsabilité délictuelle puisque les appelants visent expressément l'article 1240 du code civil.

Or, la société CMD, sous-acquéreur des plaques de fibrociment viciées, qui dispose à ce titre d'une action contractuelle directe contre son fournisseur, la société Edilfibro, ne peut rechercher la responsabilité de cette dernière sur un fondement délictuel.

Les plaques de fibrociment viciées ont été acquises par la société CMD auprès de la société Edilfibro les 26 septembre, 9 octobre et 21 octobre 2008 (rapport d'expertise judiciaire de M. [O] p. 5), soit postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, la preuve n'étant pas rapportée d'une acquisition à une date antérieure.

Il résulte des articles 1648, 2232 alinéa 1er et 2224 du code civil et L.110,4,I du code de commerce que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice (premier alinéa de l'article 1648 du code civil), ou en matière récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (Cass civ3ème 7 décembre 2023 n° 2219839).

Le délai butoir de vingt ans, qui court à compter du jour de la vente des plaques viciées par la société Edilfibro, n'est pas expiré à ce jour. Cependant, il convient de vérifier si la société CMD a effectivement engagé son action récursoire à l'encontre de ce fournisseur dans le délai de deux ans de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil.

Le 29 octobre 2014, Mme [B] a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Guéret pour obtenir la condamnation de la société CMD à lui payer une provision à valoir sur son préjudice consécutif au vice affectant les plaques de couverture. Cette assignation constitue le point de départ du délai de deux ans applicable à l'action récursoire de la société CMD.

Par assignation en référé du 10 décembre 2014, la société CMD a appelé en cause la société la société Edilfibro et son assureur pour les voir condamner in solidum à la garantir intégralement de toutes condamnations. Cette assignation, qui s'accompagne d'une demande de reconnaissance d'un droit à garantie, a interrompu le délai biennal précité.

Par ordonnance du 24 février 2015, le juge des référés, après jonction des instances, a condamné la société CMD à payer une provision à Mme [B].

Cette ordonnance a été frappée d'appel par la société CMD et par arrêt du 7 juin 2016, la cour d'appel l'a partiellement réformée pour ordonner une expertise confiée à M. [O]. Cet arrêt a suspendu la prescription jusqu'au 13 mars 2017, date du dépôt du rapport d'expertise (article 2239 du code civil).

Or, la société CMD et son assureur ont engagé leur action récursoire à l'encontre de la société Edilfibro le 25 octobre 2019 et à l'encontre de l'assureur de cette dernière le 2 octobre 2020, soit dans tous les cas après l'expiration du délai biennal de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil. Il s'ensuit que c'est à juste titre que le tribunal judiciaire a déclaré irrecevable cette action récursoire.

PAR CES MOTIFS

La Cour d' appel statuant publiquement, par décision Contradictoire, rendue par mise à disposition au greffe, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement rendu le 28 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Guéret ;

Vu l'équité, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Constructions métalliques Dumas et fils et la société Thelem assurances aux dépens.