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Décisions

CA Chambéry, 2e ch., 5 septembre 2024, n° 22/00891

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 22/00891

5 septembre 2024

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 05 Septembre 2024

N° RG 22/00891 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G7YK

Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 24 Mars 2022, RG 17/01819

Appelant

M. [Y] [C] [I], né le 07 juillet 1942 à [Localité 6], demeurant [Adresse 3]

Représenté par la SCP LE RAY BELLINA DOYEN, avocat au barreau de CHAMBERY

Intimés

M. [H], [X], [K], [Z] [T]

né le 30 Mai 1951 à [Localité 8],

et

Mme [P], [D] [U] épouse [T]

née le 06 Novembre 1962 à [Localité 2] demeurant ensemble [Adresse 1]

Représentés par la SELARL JURISOPHIA SAVOIE, avocat au barreau de CHAMBERY

-=-=-=-=-=-=-=-=-

COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 07 mai 2024 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré ,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

- Madame Elsa LAVERGNE, Conseiller,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique reçu le 10 novembre 2015 par Me [S], notaire, M. [Y] [I] et Mme [A] [M] épouse [I] ont acquis en indivision de M. [H] [T] et Mme [P] [U] épouse [T] une maison d'habitation sise [Adresse 3] à [Localité 5].

A la fin de l'année 2015, les époux [I] ont constaté la présence d'infiltrations dans le local situé en dessous de la terrasse de leur maison d'habitation et ont déclaré un sinistre auprès de leur assureur, la société Maif. Une expertise amiable a été organisée le 19 septembre 2016 à l'initiative de l'assureur.

Toutefois, par acte du 9 novembre 2017, les époux [I] ont fait assigner les époux [T] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry afin de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance en date du 27 février 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chambéry a ordonné une expertise judiciaire contradictoire pour l'ensemble des parties. L'expert a déposé son rapport définitif le 21 janvier 2019. Il conclut au fait que :

- la terrasse comporte plusieurs anomalies permettant à un professionnel de penser qu'elle ne peut pas être étanche ;

- les infiltrations se produisent ou se sont produites depuis de nombreuses années,

- la spontanéité des infiltrations au cours d'une mise en eau montre que la terrasse ne comporte aucune étanchéité et n'en a jamais comporté,

- l'importance des infiltrations n'a pas pu subitement s'aggraver en quelques mois, les infiltrations étant bien présentes au moment de l'achat du bien,

- la pose d'un carrelage sur une nappe de désolidarisation peut diminuer, un tout petit peu, l'importance des infiltrations et amener une très petite amélioration pour un local à usage de dépendance mais ne peut constituer une étanchéité pour un local habitable,

- les travaux nécessaires s'élèvent à la somme de 16 661 euros TTC.

C'est dans ces conditions que par acte du 9 novembre 2017, les époux [I] ont fait assigner les époux [T] devant le tribunal de grande instance de Chambéry.

Par jugement contradictoire du 24 mars 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry a :

- prononcé la mise hors cause de Mme [A] [M], pour défaut de qualité et intérêt à agir,

- dit que le vice dont est affecté le bien sis [Adresse 3] à [Localité 5] était apparent lors de la vente et que M. [Y] [I] a été en outre informé de son existence dans toute son ampleur et ses conséquences,

- débouté en conséquence M. [Y] [I] de ses demandes indemnitaires,

- condamné M. [Y] [I] à payer aux époux [T] la somme totale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [Y] [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [Y] [I] aux entiers dépens de l'instance,

- débouté les époux [T] de leur demande tendant à ce que les frais de l'instance de référé soient inclus dans les dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Par déclaration du 19 mai 2022, M. [Y] [I] a interjeté appel de la décision.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 août 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [Y] [I] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il :

a dit que le vice dont est affecté le bien sis [Adresse 3] à [Localité 5] était apparent lors de la vente et qu'il a été en outre informé de son existence dans toute son ampleur et ses conséquences,

l'a débouté en conséquence de ses demandes indemnitaires,

l'a condamné à payer aux époux [T] la somme totale de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a condamné aux entiers dépens de l'instance,

a rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties,

Et statuant à nouveau,

- voir condamner in solidum les époux [T] à lui payer la somme de 16 661 euros au titre de la réparation des désordres,

- voir condamner les époux [T] à lui payer une somme de 3 000 euros au titre du préjudice de jouissance,

- ordonner l'exécution provisoire de ladite décision à intervenir par application de l'article 515 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens de l'instance en ce compris de référé, outre les frais d'expertise avec distraction pour les premiers au profit de la SCP Le Ray Bellina par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions adressées par voie électronique le 9 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, les époux [T] demandent à la cour de :

- juger recevable mais mal fondé l'appel interjeté par M. [I] contre le jugement déféré,

A titre principal,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

A titre infiniment subsidiaire,

- limiter la réclamation de M. [I] au titre de la réfection de l'étanchéité à la somme de 8 144,42 euros,

- débouter M. [I] du surplus de ses prétentions,

Recevant leur appel incident,

- condamner M. [I] à leur verser la somme complémentaire de 2 500 euros au titre des disposions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- le condamner aux entiers dépens de l'instance en ce compris ceux de la procédure de référé.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la connaissance par l'acquéreur du vice affectant le bien acquis

M. [Y] [I] expose que le rapport d'expertise judiciaire est sans ambiguïté sur le fait que l'importance des infiltrations constatées n'a pas pu s'aggraver subitement en quelques mois au moment de l'acquisition et qu'elles étaient donc présentes avant. Il indique que la clause élusive de responsabilité ne joue pas lorsque le vendeur avait connaissance du vice, ce qui est le cas en l'espèce selon lui. Il estime en revanche ne pas avoir eu lui-même connaissance du vice au moment de l'acquisition comme n'ayant pas constaté d'infiltrations lors de ses visites. Il dit n'avoir vu que des traces d'humidité insusceptibles à elles seules de laisser supposer l'existence d'infiltrations importantes et d'un défaut d'étanchéité de la terrasse. Il reproche au contraire au vendeur et à l'agent immobilier, ayant connaissance du problème, de ne pas lui en avoir parlé, notamment dans les déclarations faites dans l'acte notarié. Il indique que les déclarations du notaire, comme celles de l'agent immobilier, trop imprécises, ne permettent pas de conclure qu'il avait été informé du problème lors de la vente. Il dit que leur propre notaire ayant visité la maison avant la vente n'a pas entendu parler de problème d'infiltration. Il ajoute que, selon son assureur, celui des vendeurs a affirmé que ses sociétaires étaient informés des infiltrations, lesquelles n'étaient pas apparentes lors de la vente, ni mentionnées dans l'acte notarié.

M. [H] [T] et Mme [P] [U] exposent pour leur part qu'il est formellement établi que la question des infiltrations a été évoquée lors de la vente de sorte que le vice était apparent. Ils disent qu'à ce titre, l'attestation de leur notaire est sans ambiguïté. Il en serait de même pour l'agent immobilier lequel aurait également informé les acquéreurs. Ils soulignent que M. [Y] [I] n'a rien objecté à ce que mention soit portée, au procès-verbal d'expertise amiable, de ce que les infiltrations étaient connues de lui, qu'il l'a confirmé en cours d'expertise judiciaire en disant toutefois en pas avoir été informé de l'importance du problème. Ils ajoutent que le défaut d'étanchéité de la terrasse n'est pas la seule cause d'infiltration dès lors que certaines ont été constatées au droit du trou percé dans le mur pour assurer le passage du conduit de la chaudière, travaux entrepris après la vente. Ils indiquent encore que les traces sur les photographies présentées aux acquéreurs par l'agent immobilier sont édifiantes et qu'ils ont visité le bien plusieurs fois.

Sur ce,

L'article 1641 du code civil dispose que le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il est constant que la garantie des vices cachés suppose, pour être mise en oeuvre, que l'acheteur démontre l'existence :

- d'un vice rendant la chose impropre à son usage ou qui en diminue tellement l'usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise ou alors à moindre prix,

- d'un vice caché, c'est-à-dire dont l'acquéreur non professionnel n'a pu se convaincre lui-même par un examen normal de la chose,

- d'un vice antérieur à la vente.

S'agissant, en l'espèce, du caractère caché du vice que représenteraient les infiltrations, la cour relève que M. [Y] [I], au soutien de ses prétentions, verse aux débats

- l'acte de vente,

- le rapport d'expertise amiable fait à la diligence de la société Maif,

- le devis des travaux,

- l'attestation de son notaire,

- des photographies de seaux, de ce qui semble être le plafond de la pièce sous terrasse et une photographie illisible ; l'ensemble des images n'a pas de date certaine ni de lieu identifié avec certitude,

- l'expertise judiciaire.

Parmi ces pièces, seules peuvent être utiles au soutien du caractère caché du vice, les rapports d'expertise et l'attestation du notaire de M. [Y] [I].

Le rapport d'expertise amiable (pièce appelant n°2), contradictoirement établi, indique que 'selon les déclarations des époux [T], Mr [I] et Mme [M] ces infiltrations d'eaux avaient été spécifiées à l'oral et non par écrit dans l'acte notarié'.

Selon le notaire de M. [Y] [I] (pièce appelant n°4), ce dernier s'est 'rendu dans cette maison avant la signature de l'acte d'acquisition, par très beau temps, et il n'a jamais été question avec les vendeurs de l'étanchéité de la terrasse, alors que dès les premières pluies, cette terrasse s'est avérée totalement fuyante ; par ailleurs, le jour de la vente, il n'a jamais été évoqué par les vendeurs, le problème des infiltrations dans le local sous la terrasse'.

Le rapport d'expertise judiciaire (pièce appelant n°6) indique que, selon les acquéreurs, 'il n'a jamais été question d'infiltrations aussi importantes que celles constatées'.

Face à ces éléments, les vendeurs produisent :

- des photographies de la pièce sous terrasse, telles que l'agent immobilier a pu les présenter aux acquéreurs (pièces intimé n°2, 5 et 6),

- l'attestation de leur notaire (pièce intimé n°3) qui précise : 'suite à mon dernier entretien téléphonique avec Madame [N] de l'Agence Parlez Moi d'Immo concernant la vente de la maison de [Localité 4], au profit de Monsieur [I] -Madame [M] signé en mon étude, le 10 novembre 2015 en présence de mon confrère Maître [G], Notaire à [Localité 7], représentant l'acquéreur, Je vous confirme qu'avait été évoqué verbalement le problème des infiltrations dans le local sous la terrasse de votre maison',

- l'attestation de l'agent immobilier (pièce intimé n°4) selon laquelle elle a 'informé Mr [I] de la fuite d'eau sur la terrasse lors de la visite du bien situé [Adresse 3]',

- le procès verbal de constatations rédigé lors de l'expertise amiable et signé notamment par M. [Y] [I] (pièce intimé n°9), dont il résulte que 'lors des déclarations des époux [T], M. [I] et Mme [M] : ces infiltrations d'eaux avaient été spécifiées à l'oral et non par écrit sur l'acte notarié'.

Il résulte de l'examen des photographies produites par M. [H] [T] et Mme [P] [U], notamment de la pièce n°5, qu'au temps de l'acquisition, de très nombreuses et importante tâches d'humidité sont parfaitement visibles sur le plafond de la pièce, sur le mur du fond et le mur au dessus de l'atelier à gauche. Il y a également diverses traces au sol. Par leur nombre et leur nature de telles traces ne peuvent qu'attirer l'attention de l'acquéreur sur l'existence d'un problème important de fuite. A cet élément s'ajoute qu'il résulte des déclarations de tous lors de l'expertise amiable que la question des infiltrations a été évoquée oralement lors de la vente. Cela est corroboré par l'attestation de l'agent immobilier et celle du notaire des vendeurs. Ces éléments vont à l'encontre de l'attestation du notaire de M. [Y] [I]. Quant à la déclaration de M. [Y] [I] lors de l'expertise judiciaire elle ne tend pas à montrer qu'il n'avait pas connaissance du problème mais qu'il ne pouvait pas de douter de son importance, ce qui est contredit par les photographies comme souligné ci-dessus.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. [Y] [I] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de démontrer le caractère caché du vice dont il se plaint. Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en toutes ses dispositions.

2. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, M. [Y] [I] qui succombe sera tenu aux dépens de première instance et d'appel. Il sera, dans le même temps, débouté de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [H] [T] et Mme [P] [U] de mettre à la charge de M. [Y] [I] les dépens de la procédure de référé laquelle est, comme l'a souligné le tribunal, une instance autonome.

Il n'est pas inéquitable de faire supporter par M. [Y] [I] tout ou partie des frais irrépétibles exposés par M. [H] [T] et Mme [P] [U] en première instance et en cause d'appel. Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il l'a condamné à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en outre condamné à leur verser la somme globale de 1 500 euros au même titre en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision contradictoire,

Confirme le jugement déféré,

Y ajoutant,

Condamne M. [Y] [I] aux dépens d'appel,

Déboute M. [Y] [I] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [Y] [I] à payer à M. [H] [T] et Mme [P] [U] la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Ainsi prononcé publiquement le 05 septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente