CA Bordeaux, 2e ch. civ., 5 septembre 2024, n° 21/01480
BORDEAUX
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
DBF Bordeaux Rive Droite (SA), CA Consumer Finance (SA), Volkswagen Group France (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Boudy
Conseillers :
M. Desalbres, M. Figerou
Avocats :
Me Raimbault, Me Barea, Me Maxwell, Me Puybaraud, Me Vogel
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé, daté du 20 juin 2015, monsieur [K] [L] a commandé auprès de la société Audi BDF Bordeaux Premium un véhicule Audi A5 Sportback 2.0 TDI 177 Avus Multitronic, au prix TTC de 40 900,00 €. Ce véhicule a été financé à l'aide d'un contrat de location avec option d'achat, en date du 20 juin 2015, auprès de Viaxel département de la société CA Consumer Finance, prévoyant un remboursement en 37 mensualités.
Considérant que le véhicule était non-conforme en ce que le moteur annoncé comme peu polluant était en réalité hautement polluant, monsieur [L] a sollicité, en vain, la reprise du véhicule par le concessionnaire, le 25 septembre 2015.
Par acte des 16 et 19 juin 2017, monsieur [K] [L] a assigné, devant le tribunal d'instance, devenu le pôle protection et proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux, la SA CA Consumer Finance département Viaxel et Audi BDF Bordeaux Premium aux fins de résiliation du contrat de vente aux torts exclusifs des défenderesses, et ce pour défaut de délivrance conforme et vices cachés.
Par acte du 07 septembre 2017, la société BDF Bordeaux Premium a appelé en intervention forcée la société Volkswagen Group France aux fins d'être relevée indemne des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, au profit de monsieur [L].
Par jugement en date du 3 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
- déclaré irrecevable l'action de monsieur [K] [L] pour défaut d'intérêt et de qualité à agir ;
- rejeté les demandes monsieur [K] [L] en nullité pour dol et erreur sur les qualités substantielles du contrat de vente du véhicule ;
- condamné monsieur [K] [L] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 31 778,32 €, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision, sous déduction de la valeur vénale du véhicule Audi A5, immatriculé DE 819 BZ. ;
- ordonné la restitution par monsieur [K] [L] du véhicule Audi A5, immatriculé DE 819 BL, à la société CA Consumer Finance ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- condamné monsieur [K] [L] à payer à :
- la société CA Consumer Finance une indemnité de 500,00 € ;
- la société Audi BDF Bordeaux Premium une indemnité de 500,00 € ;
- la société Volkswagen Group France une indemnité de 500,00 € ;
- en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamné monsieur [K] [L] au paiement des entiers dépens ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision sur le tout ;
Par déclarations électroniques en dates des 10 et 11 mars 2021, monsieur [K] [L] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 4 août 2022, monsieur [K] [L] demande à la cour de :
- infirmer le jugement rendu le 3 décembre 2020 en toutes ses dispositions ;
- prononcer la résolution du contrat de vente du véhicule aux torts exclusifs de la SA CA Consumer Finance-Département Viaxel et la société Audi DBF Bordeaux Premium, et consécutivement celle du contrat de LOA en date du 20 juin 2015, sur le fondement de la garantie de conformité, ou subsidiairement, de la garantie des vices cachés ;
- prononcer au surplus la nullité du contrat de vente du véhicule aux torts exclusifs de la SA CA Consumer Finance-Département Viaxel et la société Audi DBF Bordeaux Premium, et consécutivement celle du contrat de LOA en date du 20 juin 2015, sur le fondement du dol, et subsidiairement celui de l'erreur sur les qualités substantielles ;
- ordonner la reprise du véhicule Audi A5 Sportback 2.0 TDI 175 Avus Mtro 09 CV, aux frais des vendeurs ;
- condamner solidairement la SA CA Consumer Finance-Département Viaxel, la société Audi DBF Bordeaux Premium et la Société Volkswagen Group France à lui rembourser :
- l'acompte versé à hauteur de 2 090 € ;
- la valeur de reprise de son ancien véhicule à hauteur de 18 500 € ;
- le premier loyer versé à Viaxel à hauteur de 4 090 € ;
- les autres loyers versés à Viaxel arrêtés au 08/02/2016 à hauteur de 5 031,65€;
- ainsi que les trois loyers suivants pour un montant total de 2 124,63 € ;
- soit la somme totale de 31 836,28 € ;
- ordonner la levée du fichier ICP, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;
- condamner solidairement la SA CA Consumer Finance-Département Viaxel, la société Audi DBF Bordeaux Premium et Société Volkswagen Group France à lui payer la somme de 8 000 € de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices ;
- condamner solidairement la SA CA Consumer Finance-Département Viaxel, la société Audi DBF Bordeaux Premium et la société Volkswagen Group France à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens ;
À titre subsidiaire, en cas de confirmation totale ou partielle du jugement rendu,
- statuer ce que de droit sur les loyers à restituer ;
- évaluer la valeur vénale du véhicule à déduire à hauteur de 18 000 € ;
- débouter les intimées du surplus de leurs demandes.
Dans ses dernières conclusions du 23 mai 2024, la société Volkswagen Group France demande à la cour de :
- constater que la société Volkswagen Group France (R.C.S. de Soissons n° 832 277 370) vient aux droits de la société Volkswagen Group Automotive Retail France (R.C.S. de Soissons n° 602 025 538) suite à l'opération d'apport partiel d'actif intervenue ;
- confirmer le jugement rendu le 3 décembre 2020 par le juge des contentieux de la protection du pôle protection et proximité du tribunal judiciaire de Bordeaux ;
- juger que le contrat de location avec option d'achat, conclu le 20 juin 2015, par monsieur [L] a été résilié de plein droit le 27 janvier 2017 et que monsieur [L] n'est plus subrogé dans les droits du crédit bailleur du véhicule ;
- déclarer les demandes de monsieur [L] au titre de ce contrat irrecevables ;
- débouter monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
En toute hypothèse,
- juger que toute action fondée sur l'obligation légale de conformité du Code de la consommation est irrecevable à son égard car elle est étrangère au contrat de vente et au contrat de location avec option d'achat conclus par la société CA Consumer Finance département Viaxel et monsieur [L] ;
- juger, en tout état de cause, que les conditions de la garantie légale de conformité et de la délivrance conforme ne sont pas réunies ;
- juger que les conditions de la garantie légale des vices cachés ne sont pas réunies ;
- juger que les conditions légales du dol et de l'erreur ne sont pas davantage réunies, le dol lui étant en tout état de cause inopposable car tierce aux contrats ;
- déclarer que les demandes de monsieur [L] au titre de ses prétendus préjudices ne sont justifiées ni dans leur principe ni dans leur montant ;
- déclarer irrecevable toute action fondée sur l'obligation légale de conformité prévue par l'ancien article L 211-4 du Code de la consommation (devenu article L 217-4) et sur le dol à son égard ;
- débouter, en toute hypothèse, monsieur [L], dont le contrat de LOA est résilié depuis le 27 janvier 2017, de ses demandes de résolution et de nullité du contrat de vente du véhicule Audi A5 objet du présent litige, et du contrat de LOA ;
- débouter monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes et rejeter en l'état la demande en garantie à son encontre, dès lors, sans objet ;
- déclarer irrecevable toute action fondée sur l'obligation légale de conformité prévue par l'ancien article L 211-4 du Code de la consommation (devenu article L 217-4) et sur le dol à l'égard de la société VGF ;
- débouter toutes parties de toutes demandes à l'encontre de la société VGF ;
En tout état de cause,
- condamner monsieur [L] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner monsieur [L] aux dépens, dont distraction au profit de Me Michel Puybaraud, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions du 3 septembre 2021, la société CA Consumer Finance demande à la cour de :
- débouter monsieur [L] de l'ensemble de ses demandes et conclusions ;
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- condamner monsieur [L] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de la procédure d'appel.
Dans ses dernières conclusions du 25 août 2021, la société Audi DBF Bordeaux Rive Droite demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris ;
- dire et juger monsieur [L] irrecevable en ses demandes ;
- l'en dire à défaut, mal fondé et l'en débouter intégralement ;
- dire en toutes hypothèses que les conditions d'une action en conformité ou en garantie des vices cachés ne sont pas satisfaites ni démontrées ;
- dire en toutes hypothèses que la preuve d'un vice du consentement n'est pas établie;
- écarter toute action en résolution de la vente et/ou résiliation du contrat de leasing à l'initiative de monsieur [L] ;
- écarter toute action en nullité de la vente et/ou du contrat de leasing à l'initiative de monsieur [L] ;
Si par extraordinaire les prétentions principales de l'appelant venaient à être accueillies,
- faire droit à son appel en garantie vis-à-vis de la société Volkswagen Group France en sa qualité de fournisseur du véhicule par application des dispositions de l'article L 217-14 du Code de la consommation ;
- dire en ce cas qu'elle serait relevée indemne de toute condamnation éventuelle à son encontre ;
- lui allouer une indemnité de 2.500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner en outre monsieur [L] aux entiers dépens avec distraction au bénéfice de Me Auger.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2024.
Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt et de qualité à agir de M. [L]
Le tribunal après avoir relevé que M. [L] était aux termes du contrat qu'il avait souscrit locataire du véhicule litigieux et qu'il ne démontrait pas avoir été subrogé dans les droits du bailleur, la société Viaxel, si bien qu'il n'avait ainsi ni qualité ni intérêt à agir en résolution de la vente du bien, et qu'à supposer même il démontrerait une telle subrogation contractuelle, le bailleur avait résilié le contrat de location antérieurement à l'introduction de l'instance, si bien que l'appelant ne se trouverait plus investi dans les droits de son ancien bailleur.
M. [L] conteste l'existence d'une telle fin de non recevoir. Il fait en effet valoir qu'antérieurement à la résolution du contrat il avait écrit au vendeur et au loueur pour voir prononcer la résolution judiciaire des contrats pour défaut de délivrance conforme ou à défaut pour dol et erreur sur les qualités substantielles. En conséquence, en raison de ce défaut de conformité de la chose louée, le contrat de vente doit être résolu, ce qui entraîne la caducité du contrat de crédit.
La société CA Consumer Finance sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que M. [L] n'avait ni qualité ni intérêt pour agir. Elle fait notamment valoir que le contrat de location conclu par ce dernier a été résilié antérieurement à l'introduction de son action si bien qu'il a perdu la qualité de locataire alors qu'en toute hypothèse, il ne démontre pas avoir été antérieurement subrogé dans les droits de son bailleur.
La société DBF Bordeaux Rive Droite sollicite également le confirmation du jugement pour les mêmes motifs . Elle ajoute que M. [L] ne peut pas solliciter la résolution d'une vente auquel il n'est pas partie.
La Société Volkswagen Group France Sollicite encore la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré M. [L] irrecevable en son action. Elle considère que celui-ci n'apporte aucune
critique au jugement déféré en ce qu'il l'a reconnu dépourvu de qualité pour agir
***
L'article 32 du code de procédure civile dispose': «' Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.'»
En l'espèce, la cour d'appel constate que M. [L] a souscrit un contrat de location avec option d'achat (LOA) le 20 juin 2015, portant sur un véhicule AUDI A5, d'une durée de 37 mois (du 06 juillet 2015 au 06 août 2018), auprès de la Société VIAXEL ( qui est une filiale de la Société CA Consumer Finance) et qu'au mois d'avril 2016, l'appelant a cessé de payer ses mensualités de loyer si bien que ce contrat de location avec option d'achat a été résilié le 27 janvier 2017, par son bailleur, dans les termes du contrat.
Pour ce faire le bailleur a fait jouer la clause résolutoire prévue au contrat de location avec option d'achat.
La cour d'appel constate également que M. [L] a cessé de payer ses loyers sans solliciter la suspension de son contrat ce que prévoyait l'ancien article L 311-32 du code de la consommation, applicable au présent litige, ce qui aurait alors permis au juge de suspendre effectivement l'application du contrat le temps de la procédure.
M. [L] n'a pas davantage sollicité la résolution de son contrat en application des dispositions anciennes de l'article 1184 du code civil, applicable aux faits de l'espèce.
En effet, les lettres adressées par l'appelant pour se plaindre d'une pollution plus importante de son véhicule sont sans effet sur l'exécution de son contrat alors que sa résolution ne pouvait être demandée qu'en justice. Or, M. [L] n'a saisi aucune juridiction d'une telle prétention.
En conséquence, la clause résolutoire contenue dans le contrat a été acquise de plein droit par le bailleur et ce antérieurement à l'introduction de son action par M. [L].
Aussi, ainsi que le premier juge l'a parfaitement retenu au jour de son action M. [L] n'avait plus aucune qualité pour solliciter la résolution d'un contrat de vente auquel il n'était pas partie et alors qu'il n'avait plus aucun droit sur l'objet de celui-ci.
Dès lors, même si l'appelant avait bénéficié dans le cadre de ce contrat, avant qu'il ne soit résolu, d'une subrogation du bailleur pour agir contre le vendeur en résolution de la vente, une telle subrogation aurait nécessairement disparu avec le contrat lui même.
En conséquence, les prétentions de M. [L] sont irrecevables puisque l' extinction du contrat de location met fin, à défaut de stipulation contraire expresse, au mandat et à la subrogation du locataire dans les droits de son bailleur. En l'espèce, l'appelant ne justifie pas qu'il aurait été toujours subrogé dans les droits de son bailleur après la résiliation de son contrat.
Dès lors, M. [L] n'avait plus intérêt et qualité à agir pour solliciter la résolution de la vente du véhicule litigieux.
En conséquence, le jugement entrepris est confirmé au visa de l'article 122 du code de procédure civile.
Par ailleurs, si l'appelant tente devant la cour d'appel de rattacher son action à la théorie du caractère indivisible de son contrat de location avec le contrat de vente, ce moyen est inopérant alors que M. [L] n'était pas partie au contrat de vente et seule la nullité obtenue d'un contrat de vente peut entraîner, par réaction, la nullité des contrats de financement ayant permis cette vente.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
M. [L] succombant en son appel, il supportera les dépens qui ont été exposés devant le cour d'appel et versera à chaque intimée la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne M. [K] [L] à payer à la SA DBF Rive Droite d'une part, à la SA CA Consumer Finance d'autre part et à la SA Volkswagen Group France de dernière part la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [K] [L] aux dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jacques BOUDY, président, et par Madame Audrey COLLIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.