Décisions
CA Rennes, ch. etrangers/hsc, 5 septembre 2024, n° 24/00412
RENNES
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL DE RENNES
N° 24/205
N° RG 24/00412 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VE4B
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Sébastien PLANTADE, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,
Statuant sur l'appel formé le 03 Septembre 2024 à 19H04 par :
M. [T] [O]
né le 16 Mars 2001 à [Localité 3] (SENEGAL) (00000)
de nationalité Sénégalaise
ayant pour avocat Me Nicolas KERRIEN, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 02 Septembre 2024 à 17H55 notifiée à 20H10 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [T] [O] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 02 Septembre 2024;
En l'absence de représentant du préfet de l'Orne, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 04 Septembre 2024, lequel a été mis à disposition des parties,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le04 Septembre, lequel a été mis à disposition des parties,
En présence de [T] [O], assisté de Me Nicolas KERRIEN, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 04 Septembre 2024 à 14 H 00 l'appelant assisté de son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et le 05 Septembre 2024 à 11H00, avons statué comme suit :
Monsieur [T] [O] a fait l'objet d'un arrêté du Préfet de l'Orne en date du 05 avril 2024, notifié le 08 avril 2024, portant obligation d'avoir à quitter le territoire français sans délai.
Le 03 août 2024, M. [O] s'est vu notifier par le Préfet de l'Orne une décision de placement en rétention administrative, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 4] pour une durée de quatre jours, aux motifs que l'intéressé avait été écroué à compter du 10 avril 2021 et condamné à plusieurs reprises, notamment le 10 septembre 2021 par arrêt de la cour d'assises des mineurs des Yvelines à une peine de 5 ans d'emprisonnement dont 3 ans avec sursis, pour des faits de viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle imposée à mineur de 15 ans et corruption de mineur, représentant ainsi par son comportement une menace réelle et actuelle pour l'ordre public, qu'il était par ailleurs dépourvu de document d'identité ou de voyage valide et ne justifiait pas suffisamment d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, tandis qu'aucun élément de la procédure ne tendait à démontrer un état de vulnérabilité de l'intéressé contre-indiquant son placement en rétention administrative.
Par requête, Monsieur [T] [O] a contesté l'arrêté de placement en rétention administrative. Par requête motivée en date du 06 août 2024, reçue le 06 août 2024 à 11h 54 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de l'Orne a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [O].
Par ordonnance rendue le 07 août 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [T] [O] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours. Statuant sur appel de l'intéressé, la Cour d'Appel de Rennes a confirmé le 09 août 2024 la décision du juge des libertés et de la détention.
Par requête motivée en date du 01er septembre 2024, reçue le 01er septembre 2024 à 18h 03 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de l'Orne a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une nouvelle demande de prolongation pour une durée de 30 jours de la rétention administrative de Monsieur [O].
Par ordonnance rendue le 02 septembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [T] [O] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 03 septembre 2024 à 19h 04, Monsieur [T] [O] a formé appel de cette ordonnance.
L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, qu'il dispose d'un hébergement et sollicite une assignation à résidence.
Le procureur général, suivant avis écrit du 04 septembre 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.
Comparant à l'audience, Monsieur [T] [O] expose les démarches entreprises en détention pour préparer sa sortie et chercher à régulariser sa situation administrative, précisant, pièces versées à l'appui, pouvoir être hébergé au domicile de sa mère à [Localité 2]. Son conseil a soutenu le moyen tiré de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement à bref délai faute depuis plusieurs mois de réponses des autorités consulaires saisies.
Dans son mémoire écrit en réponse, le représentant de la Préfecture de l'Orne sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en rappelant le parcours pénal de Monsieur [O], l'absence de documents de voyage et d'identité en cours de validité et en indiquant qu'en l'absence de ressources et de projet professionnel stable, l'intéressé ne saurait bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence, d'autant plus que ce dernier n'aurait pas remis préalablement un passeport original valide.
SUR QUOI :
L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture et de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement
Le conseil de Monsieur [T] [O] soutient le moyen tiré de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement à bref délai faute depuis plusieurs mois de réponses des autorités consulaires saisies.
Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et l'administration exerce toute diligence à cet effet. L'administration doit justifier de l'accomplissement des diligences réalisées en vue de la mise à exécution de la mesure d'éloignement.
Aux termes de l'article 15 §1 de la Directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 dite Directive retour qu'"à moins que d'autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement". L'article 15 §4 de cette même directive dispose que "lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté".
Cette directive est d'application directe en droit français. Il ressort de l'arrêt rendu par la CJCE le 30 novembre 2009 que l'article 15 §4 précité doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l'éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes 5 et 6 correspond à une perspective raisonnable d'éloignement et que cette dernière n'existe pas lorsqu'il paraît peu probable que l'intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais".
Selon le Tribunal des Conflit (Décision du 9 février 2015) : "Il appartient au juge judiciaire de mettre fin à tout moment à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ; qu'il résulte de ce qui précède que le juge judiciaire est seul compétent pour mettre fin à la rétention lorsqu'elle ne se justifie plus pour quelque motif que ce soit".
Cette position du Tribunal des Conflits est conforme à celle du Conseil Constitutionnel qui, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, publiée au Journal officiel du 10 septembre 2018, rappelle que "L'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient".
La Cour de Cassation a précisé, aux visas de l'article 88-1 de la Constitution, du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (Civ. 1ère 09 novembre 2016) "qu'il incombe au juge des libertés et de la détention, saisi en application de l'article L552-1 du CESEDA de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque des circonstances de droit ou de fait le justifient, résultant, notamment, de la recherche de la conformité au droit de l'Union de la mesure de rétention" ;
En l'espèce, si les autorités consulaires du Sénégal et du Bénin, saisies aux fins d'identification de l'intéressé le 27 mai 2024 et relancées le 02 août 2024, n'ont pas encore répondu aux sollicitations de l'administration, il ne peut déjà être argué d'une absence de perspectives d'éloignement de l'étranger, dès lors qu'il est rappelé comme l'a fait la Cour d'Appel de RENNES (RG 21/141 en date du 28 mars 2021) que les Etats ont l'obligation d'accepter le retour de leurs ressortissants et doivent mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour leur rapatriement. Au surplus, il sera fait remarquer que l'éloignement à bref délai de l'intéressé est envisageable, dans la mesure où les autorités consulaires saisies peuvent répondre à tout moment, d'autant plus qu'il ressort de l'examen de la procédure que M. [O] a disposé d'un passeport délivré par le Bénin, désormais périmé et a produit un extrait d'acte de naissance sénégalais.
Le moyen sera ainsi rejeté.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.
En l'espèce, il doit être constaté que toutes les diligences ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement. En effet, une demande d'identification et de délivrance des documents de voyage ayant été effectuée avant même le placement en rétention de Monsieur [T] [O] auprès des pays dont l'intéressé serait ressortissant, il ne saurait être reproché à la Préfecture de ne pas avoir relancé suffisamment les autorités consulaires, puisqu'il est établi que l'administration Préfectorale ne peut être tenue pour responsable du temps jugé nécessaire par les autorités consulaires pour répondre à ses sollicitations, le principe de souveraineté des Etats faisant en effet obstacle au contrôle d'une autorité étrangère par une institution française, et qu'en tout état de cause, une relance est effectivement intervenue le 02 août 2024 ainsi qu'une transmission de pièces complémentaires le 05 août 2024.
Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, toutes les diligences nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale qui est légitime à solliciter une nouvelle prolongation du maintien en rétention administrative de M. [T] [O] au motif que la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Concernant la demande d'assignation à résidence :
Subsidiairement, M. [O] demande une assignation à résidence au domicile de sa mère à [Localité 2] (60), [Adresse 1].
L'article L.743-13 du CESEDA prévoit que 'le magistrat du siège peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale'.
Or, il ressort de l'examen de la procédure que les conditions formelles ne sont pas remplies, M. [O] n'étant pas en possession d'un passeport valide qui aurait été remis préalablement.
Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'assignation à résidence.
En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 02 septembre 2024, pour une période d'un délai maximum de trente jours dans des locaux non pénitentiaires.
La décision dont appel est donc confirmée.
La demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 02 septembre 2024,
Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
Laissons les dépens à la charge du trésor public,
Fait à Rennes, le 05 Septembre 2024 à 11H00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [T] [O], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier
N° 24/205
N° RG 24/00412 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VE4B
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Nous, Sébastien PLANTADE, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Eric LOISELEUR, greffier placé,
Statuant sur l'appel formé le 03 Septembre 2024 à 19H04 par :
M. [T] [O]
né le 16 Mars 2001 à [Localité 3] (SENEGAL) (00000)
de nationalité Sénégalaise
ayant pour avocat Me Nicolas KERRIEN, avocat au barreau de RENNES
d'une ordonnance rendue le 02 Septembre 2024 à 17H55 notifiée à 20H10 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [T] [O] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 02 Septembre 2024;
En l'absence de représentant du préfet de l'Orne, dûment convoqué, ayant adressé un mémoire le 04 Septembre 2024, lequel a été mis à disposition des parties,
En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait connaître son avis par écrit déposé le04 Septembre, lequel a été mis à disposition des parties,
En présence de [T] [O], assisté de Me Nicolas KERRIEN, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 04 Septembre 2024 à 14 H 00 l'appelant assisté de son avocat en leurs observations,
Avons mis l'affaire en délibéré et le 05 Septembre 2024 à 11H00, avons statué comme suit :
Monsieur [T] [O] a fait l'objet d'un arrêté du Préfet de l'Orne en date du 05 avril 2024, notifié le 08 avril 2024, portant obligation d'avoir à quitter le territoire français sans délai.
Le 03 août 2024, M. [O] s'est vu notifier par le Préfet de l'Orne une décision de placement en rétention administrative, au centre de rétention administrative (CRA) de [Localité 4] pour une durée de quatre jours, aux motifs que l'intéressé avait été écroué à compter du 10 avril 2021 et condamné à plusieurs reprises, notamment le 10 septembre 2021 par arrêt de la cour d'assises des mineurs des Yvelines à une peine de 5 ans d'emprisonnement dont 3 ans avec sursis, pour des faits de viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle imposée à mineur de 15 ans et corruption de mineur, représentant ainsi par son comportement une menace réelle et actuelle pour l'ordre public, qu'il était par ailleurs dépourvu de document d'identité ou de voyage valide et ne justifiait pas suffisamment d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale, tandis qu'aucun élément de la procédure ne tendait à démontrer un état de vulnérabilité de l'intéressé contre-indiquant son placement en rétention administrative.
Par requête, Monsieur [T] [O] a contesté l'arrêté de placement en rétention administrative. Par requête motivée en date du 06 août 2024, reçue le 06 août 2024 à 11h 54 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de l'Orne a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation pour une durée de 26 jours de la rétention administrative de Monsieur [O].
Par ordonnance rendue le 07 août 2024, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [T] [O] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 26 jours. Statuant sur appel de l'intéressé, la Cour d'Appel de Rennes a confirmé le 09 août 2024 la décision du juge des libertés et de la détention.
Par requête motivée en date du 01er septembre 2024, reçue le 01er septembre 2024 à 18h 03 au greffe du tribunal de Rennes, le représentant du préfet de l'Orne a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes d'une nouvelle demande de prolongation pour une durée de 30 jours de la rétention administrative de Monsieur [O].
Par ordonnance rendue le 02 septembre 2024, le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes a ordonné la prolongation du maintien de Monsieur [T] [O] en rétention dans les locaux non pénitentiaires pour un délai maximum de 30 jours.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 03 septembre 2024 à 19h 04, Monsieur [T] [O] a formé appel de cette ordonnance.
L'appelant fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise, qu'il dispose d'un hébergement et sollicite une assignation à résidence.
Le procureur général, suivant avis écrit du 04 septembre 2024 sollicite la confirmation de la décision entreprise.
Comparant à l'audience, Monsieur [T] [O] expose les démarches entreprises en détention pour préparer sa sortie et chercher à régulariser sa situation administrative, précisant, pièces versées à l'appui, pouvoir être hébergé au domicile de sa mère à [Localité 2]. Son conseil a soutenu le moyen tiré de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement à bref délai faute depuis plusieurs mois de réponses des autorités consulaires saisies.
Dans son mémoire écrit en réponse, le représentant de la Préfecture de l'Orne sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise en rappelant le parcours pénal de Monsieur [O], l'absence de documents de voyage et d'identité en cours de validité et en indiquant qu'en l'absence de ressources et de projet professionnel stable, l'intéressé ne saurait bénéficier d'une mesure d'assignation à résidence, d'autant plus que ce dernier n'aurait pas remis préalablement un passeport original valide.
SUR QUOI :
L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.
Sur le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de la préfecture et de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement
Le conseil de Monsieur [T] [O] soutient le moyen tiré de l'absence de perspectives raisonnables d'éloignement à bref délai faute depuis plusieurs mois de réponses des autorités consulaires saisies.
Aux termes de l'article L741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), un étranger ne peut être placé en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ et l'administration exerce toute diligence à cet effet. L'administration doit justifier de l'accomplissement des diligences réalisées en vue de la mise à exécution de la mesure d'éloignement.
Aux termes de l'article 15 §1 de la Directive 2008/115/CE du parlement européen et du conseil du 16 décembre 2008 dite Directive retour qu'"à moins que d'autres mesures suffisantes mais moins coercitives puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les Etats membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement". L'article 15 §4 de cette même directive dispose que "lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté".
Cette directive est d'application directe en droit français. Il ressort de l'arrêt rendu par la CJCE le 30 novembre 2009 que l'article 15 §4 précité doit être interprété en ce sens que seule une réelle perspective que l'éloignement puisse être mené à bien eu égard aux délais fixés aux paragraphes 5 et 6 correspond à une perspective raisonnable d'éloignement et que cette dernière n'existe pas lorsqu'il paraît peu probable que l'intéressé soit accueilli dans un pays tiers eu égard auxdits délais".
Selon le Tribunal des Conflit (Décision du 9 février 2015) : "Il appartient au juge judiciaire de mettre fin à tout moment à la rétention administrative lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ; qu'il résulte de ce qui précède que le juge judiciaire est seul compétent pour mettre fin à la rétention lorsqu'elle ne se justifie plus pour quelque motif que ce soit".
Cette position du Tribunal des Conflits est conforme à celle du Conseil Constitutionnel qui, dans sa décision n° 2018-770 DC du 6 septembre 2018, publiée au Journal officiel du 10 septembre 2018, rappelle que "L'autorité judiciaire conserve la possibilité d'interrompre à tout moment la prolongation du maintien en rétention, de sa propre initiative ou à la demande de l'étranger, lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient".
La Cour de Cassation a précisé, aux visas de l'article 88-1 de la Constitution, du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (Civ. 1ère 09 novembre 2016) "qu'il incombe au juge des libertés et de la détention, saisi en application de l'article L552-1 du CESEDA de mettre fin, à tout moment, à la rétention administrative, lorsque des circonstances de droit ou de fait le justifient, résultant, notamment, de la recherche de la conformité au droit de l'Union de la mesure de rétention" ;
En l'espèce, si les autorités consulaires du Sénégal et du Bénin, saisies aux fins d'identification de l'intéressé le 27 mai 2024 et relancées le 02 août 2024, n'ont pas encore répondu aux sollicitations de l'administration, il ne peut déjà être argué d'une absence de perspectives d'éloignement de l'étranger, dès lors qu'il est rappelé comme l'a fait la Cour d'Appel de RENNES (RG 21/141 en date du 28 mars 2021) que les Etats ont l'obligation d'accepter le retour de leurs ressortissants et doivent mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour leur rapatriement. Au surplus, il sera fait remarquer que l'éloignement à bref délai de l'intéressé est envisageable, dans la mesure où les autorités consulaires saisies peuvent répondre à tout moment, d'autant plus qu'il ressort de l'examen de la procédure que M. [O] a disposé d'un passeport délivré par le Bénin, désormais périmé et a produit un extrait d'acte de naissance sénégalais.
Le moyen sera ainsi rejeté.
Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article L 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, dans les cas suivants :
1° En cas d'urgence absolue ou de menace pour l'ordre public ;
2° Lorsque l'impossibilité d'exécuter la décision d'éloignement résulte de la perte ou de la destruction des documents de voyage de l'intéressé, de la dissimulation par celui-ci de son identité ou de l'obstruction volontaire faite à son éloignement ;
3° Lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison :
a) du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
b) de l'absence de moyens de transport.
L'étranger peut être maintenu à disposition de la justice dans les conditions prévues à l'article L. 742-2.
Si le juge ordonne la prolongation de la rétention, celle-ci court à compter de l'expiration de la précédente période de rétention et pour une nouvelle période d'une durée maximale de trente jours. La durée maximale de la rétention n'excède alors pas soixante jours.
En l'espèce, il doit être constaté que toutes les diligences ont bien été effectuées par la préfecture dans la mise en oeuvre de la mesure d'éloignement. En effet, une demande d'identification et de délivrance des documents de voyage ayant été effectuée avant même le placement en rétention de Monsieur [T] [O] auprès des pays dont l'intéressé serait ressortissant, il ne saurait être reproché à la Préfecture de ne pas avoir relancé suffisamment les autorités consulaires, puisqu'il est établi que l'administration Préfectorale ne peut être tenue pour responsable du temps jugé nécessaire par les autorités consulaires pour répondre à ses sollicitations, le principe de souveraineté des Etats faisant en effet obstacle au contrôle d'une autorité étrangère par une institution française, et qu'en tout état de cause, une relance est effectivement intervenue le 02 août 2024 ainsi qu'une transmission de pièces complémentaires le 05 août 2024.
Dans ces circonstances, conformément aux prescriptions de l'article L 741-3, toutes les diligences nécessaires ont été réalisées par l'autorité préfectorale qui est légitime à solliciter une nouvelle prolongation du maintien en rétention administrative de M. [T] [O] au motif que la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé.
Concernant la demande d'assignation à résidence :
Subsidiairement, M. [O] demande une assignation à résidence au domicile de sa mère à [Localité 2] (60), [Adresse 1].
L'article L.743-13 du CESEDA prévoit que 'le magistrat du siège peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives.
L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.
Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale'.
Or, il ressort de l'examen de la procédure que les conditions formelles ne sont pas remplies, M. [O] n'étant pas en possession d'un passeport valide qui aurait été remis préalablement.
Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'assignation à résidence.
En conséquence, c'est à bon droit que la requête entreprise a été accueillie par le premier juge et il y a lieu d'ordonner la prolongation de la rétention, à compter du 02 septembre 2024, pour une période d'un délai maximum de trente jours dans des locaux non pénitentiaires.
La décision dont appel est donc confirmée.
La demande sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement,
Déclarons l'appel recevable,
Confirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Rennes en date du 02 septembre 2024,
Rejetons la demande titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,
Laissons les dépens à la charge du trésor public,
Fait à Rennes, le 05 Septembre 2024 à 11H00
LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [T] [O], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier