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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-2, 5 septembre 2024, n° 24/00923

VERSAILLES

Ordonnance

Autre

CA Versailles n° 24/00923

5 septembre 2024

COUR D'APPEL

DE VERSAILLES

Chambre sociale 4-2

Prud'Hommes

Minute n°

N° RG 24/00923 - N° Portalis DBV3-V-B7I-WNQS

AFFAIRE : S.A.R.L. ALDI MARCHE ABLIS C/ [K],

ORDONNANCE D'INCIDENT

Rendu publiquement par mise à disposition de la décision au greffe le CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

Nous, Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, présidente de la Chambre sociale 4-2, avons rendu l'ordonnance suivante, après que la cause en a été débattue en notre audience, le deux juillet deux mille vingt-quatre,

assisté lors de l'audience de Madame Stéphanie HEMERY, greffière et lors de la mise à disposition, de Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, greffière,

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DANS L'AFFAIRE ENTRE :

S.A.R.L. ALDI MARCHE ABLIS

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés au siège social

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Gilles SOREL, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 137

Plaidant : Me Nelly MORICE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS,

Substitué par : Me Julie Burkhart, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

DEFENDERESSE A L'INCIDENT

C/

Madame [W] [K]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : M. [B] [J], délégué syndical ouvrier

INTIMEE

DEMANDERESSE A L'INCIDENT

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Expéditions exécutoires et certifiées conformes délivrées aux avocats le ---------------

Vu l'ordonnance rendue le 12 mars 2024 par le conseil de prud'hommes de Rambouillet,

Vu les déclarations d'appel de la société Aldi marché Ablis du 19 mars 2024 enregistrées sous les n° RG 24/00912 et 24/00923,

Vu l'ordonnance de jonction du 3 avril 2024,

Vu l'avis de fixation à bref délai du 4 avril 2024,

Vu les dernières conclusions d'incident de Mme [W] [K] du 28 juin 2024,

Vu les conclusions d'incident en réponse de la société Aldi marché Ablis du 18 juin 2024.

EXPOSE DU LITIGE

La société Aldi marché Ablis, dont le siège social est situé [Adresse 5] à [Localité 2], est spécialisée dans le commerce de gros et de détail en alimentation générale et articles de ménage, et le commerce de détail à départements multiples. Elle emploie plus de dix salariés.

La convention collective nationale applicable est celle du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Mme [W] [K], née le 24 avril 1984, a été engagée par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel par la société Aldi marché Ablis, à effet au 10 novembre 2003.

Depuis le ler février 2013, elle occupait le poste de manager de magasin.

Le 5 juin 2019, Mme [K] a été élue membre suppléant du comité social et économique (CSE).

A la suite d'un accident du travail survenu le 26 mars 2019, Mme [K] a été placée en arrêt de travail puis déclarée inapte à reprendre le travail par le médecin de travail dans son avis du 19 novembre 2019.

La société Aldi marché Ablis a saisi l'inspection de travail en vue de demander l'autorisation de licenciement qui sera refusée le 3 avril 2020.

A la suite du recours hiérarchique formulé par la société Aldi marché Ablis, le ministre du travail a annulé le 20 octobre 2020 la décision de l'inspection du travail et autorisé le licenciement de Mme [K].

Mme [K] a été licenciée le 28 octobre 2020.

Mme [K] a saisi le tribunal administratif de Poitiers le 22 décembre 2020 pour voir annuler l'autorisation de licenciement formulée par le ministre du Travail.

Par jugement du 20 mai 2022, le tribunal administratif a annulé la décision d'autorisation de licenciement de Mme [K].

Aucun recours n'a été formé contre cette décision.

Mme [K] a saisi au fond le conseil de prud'hommes de Rambouillet, par requête reçue au greffe le 19 octobre 2021, de demandes relatives à l'exécution de son contrat de travail, et par requête du 18 janvier 2023 pour d'autres demandes. Les deux dossiers ont été renvoyés à l'audience du 25 mars 2024 devant le conseil de prud'hommes de Rambouillet.

Par une nouvelle requête du 19 janvier 2024, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes en formation de référé de s demandes suivantes :

- ordonner le paiement d'une provision de la somme de 15 000 euros au titre de rappel de salaire sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- ordonner le paiement d'une provision de la somme de 10 570,73 euros au titre de salaire des congés payés sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- ordonner le paiement d'une provision de la somme de 11 280 euros au titre du rappel de salaire du préavis sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- ordonner le paiement d'une provision de la somme de 1 128 euros au titre du rappel de salaire sur congés payés du préavis sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- ordonner la délivrance d'une nouvelle attestation Pôle emploi sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- ordonner la délivrance des bulletins de paie courant sur la période du 1er novembre 2020 au 29 juillet 2022 sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- ordonner la délivrance du certificat de travail conforme à la date de rupture effective sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter d'un mois après la décision à intervenir, le conseil liquidant l'astreinte sur simple requête,

- condamner la société Aldi marché Ablis à payer à Mme [K] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Aldi marché Ablis avait, quant à elle, demandé à ce que Mme [K] soit déboutée de ses demandes et sollicité sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire rendue le 12 mars 2024, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Rambouillet a :

- ordonné à la société Aldi marché Ablis de verser à Mme [K] une provision de 15 000 euros bruts sur l'indemnité due au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail correspondant au préjudice sur la perte de salaires pour la période du 29 octobre 2020 au 19 juillet 2022, sous astreinte de 100 euros par jour à compter d'un mois après la présente ordonnance,

- ordonné à la société Aldi marché Ablis de verser à Mme [K] une provision d'un montant de 8 000 euros bruts sur l'indemnité due au titre de l'article L. 2422-4 du code du travail correspondant au préjudice portant sur les congés payés pour la période du 29 octobre 2020 au 19 juillet 2022, sous astreinte de 100 euros par jour à compter d'un mois après la présente ordonnance,

- rejeté la demande de Mme [K] du paiement d'une provision de 11 280 euros au titre de rappel de salaire de préavis et d'une provision de 1 128 euros au titre de rappel de salaire sur congés payés du préavis, sous astreinte de 200 euros par jour à compter d'un mois après la présente ordonnance,

- ordonné la remise de documents sociaux et des bulletins de salaire conformes à la présente ordonnance, sous astreinte de 100 euros par jour et par document à compter d'un mois après la présente décision,

- réservé le droit de connaître de la liquidation des astreintes sur le versement des provisions et la remise des documents, conformément à l'article 36 de la loi n°91-650 du 19 juillet 1991,

- ordonné à la société Aldi marché Ablis de verser à Mme [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande de la société Aldi marché Ablis portant sur sa demande de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

- laissé les entiers dépens et frais éventuels à la charge de chacune des parties.

Par déclaration du 19 mars 2024, la société Aldi marché Ablis a interjeté appel de ce jugement. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 24/00912.Par déclaration du 19 mars 2024, la société Aldi marché Ablis a de nouveau interjeté appel. L'affaire a été enregistrée sous le n° RG 24/00923.

Par ordonnance du 3 avril 2024, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures sous le numéro RG 24/00923.

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 11 octobre 2024 avec une clôture prévue au 18 septembre 2024.

La société Aldi marché Ablis a procédé à la signification de la déclaration d'appel à Mme [K] par acte du 4 avril 2024.

Mme [K] a constitué un défenseur syndical par courrier du 10 avril 2024, reçu au greffe le 15 avril 2024.

La société Aldi marché Ablis a conclu le 30 avril 2024 et Mme [W] [K] le 7 juin 2024.

Mme [K] a soulevé un incident auprès du président de chambre le 7 juin 2024.

Aux termes de ses dernières conclusions d'incident adressées au greffe par voie postale et reçues en date du 28 juin 2024, Mme [W] [K] demande à la cour de :

- déclarer caduc l'appel de la société Aldi marché Ablis,

- condamner la société Aldi marché Ablis au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions d'incident en date du 18 juin 2024, la société Aldi marché Ablis demande à la cour de :

- écarter l'incident de caducité soulevée par Mme [K],

- la condamner au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens du présent incident.

Le 14 juin 2024, les parties ont été convoquées à l'audience d'incident du 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'intimée soutient que la déclaration d'appel de l'appelante est caduque au motif que, au visa de l'article 901 du code de procédure civile, l'acte de signification présente une déclaration qui n'est pas datée et signée et sans copie de la décision dont appel. Elle expose qu'elle n'a pas été informée ni n'a consenti à l'utilisation de la voie électronique au visa des articles 748-1 et 748-2 du code de procédure civile, que le défenseur syndical qui la représente n'est pas autorisé à utiliser le RPVA et agit sur un support matériel nécessitant que son acte d'appel soit daté et signé. Elle estime qu'il y a rupture d'égalité au sens de l'article 6-1 de la CEDH (Convention européenne des droits de l'Homme).

L'appelante fait valoir que la déclaration d'appel a été faite conformément aux dispositions de l'article 930-1 du code de procédure civile, la transmission se faisant obligatoirement pour l'avocat par voie électronique au moyen d'une clé cryptée valant signature de l'acte. Elle souligne que les dispositions des articles 905 et suivants du code de procédure civile ainsi que la jurisprudence imposent à l'avocat d'annexer le récépissé et l'acte d'appel lui-même mais aucune disposition ne prévoit à peine de caducité d'annexer le jugement ou de signer l'acte d'appel annexé à l'exploit destiné à l'intimé défaillant, dans la mesure où l'acte est signé par le biais d'une clé cryptée.

L'article 901 du code de procédure civile prévoit notamment que la déclaration d'appel, signée par l'avocat constitué, est accompagnée d'une copie de la décision.

Les requis de l'article 901 à la charge de l'appelant sont destinés cependant au greffe de la cour, lequel ne dispose pas de la décision dont appel.

Conformément à l'article 930-1 du code de procédure civile, les actes de procédure sont remis, à peine d'irrecevabilité, à la juridiction par voie électronique dans les procédures avec représentation obligatoire. Il en résulte que l'avocat qui interjette appel, adresse par voie électronique via sa clé RPVA (réseau privé virtuel des avocats) sa déclaration d'appel signée électroniquement et la décision dont appel.

Lorsque l'intimé ne constitue pas après l'envoi d'un exemplaire de la déclaration d'appel par le greffe conformément à l'article 902 du code de procédure civile, l'appelant est avisé par ce dernier de ce qu'en l'absence de constitution de l'intimé, il doit procéder par voie de signification.

En l'espèce, il est établi que l'appelante a procédé à la signification de sa déclaration d'appel à l'intimée dans les délais impartis.

Aucun texte ne prévoit que la décision dont appel doit être jointe à la signification de l'acte d'appel à l'intimée, et ce d'autant que celle-ci s'est vu notifier l'ordonnance de référé par le conseil de prud'hommes le 12 mars 2024, avec copie à son représentant, défenseur syndical le même jour.

Contrairement à ce qu'affirme l'intimée au visa des articles 748-1 et 748-2 du code de procédure civile, Mme [K], qui est représentée par un défenseur syndical dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire, n'a pas à être informée personnellement ni à consentir à l'utilisation de la voie électronique.

Comme précédemment, aucun texte ne prévoit que la copie de la déclaration d'appel signifiée à l'intimée doit être signée et datée.

La différence dans l'accomplissement des démarches à accomplir lors de l'appel d'une décision, entre l'avocat et le défenseur syndical, ne crée pas de rupture dans l'égalité des armes, les dispositions du code du travail relatives au défenseur syndical étant destinées à offrir au justiciable représenté par celui-ci des garanties équivalentes à celles du justiciable représenté par un avocat quant au respect des droits de la défense et de l'équilibre des droits des parties.

Elle n'est pas de nature à porter atteinte au droit d'accès au juge garanti par l'article 6-1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (Soc., 8 décembre 2022 n°21-16.186).

En conséquence, l'appelante ayant respecté la procédure telle que prévue aux articles 901, 902, 905-1, 905-2 et 930-1 du code de procédure civile, sa déclaration d'appel n'encourt pas la caducité.

Le moyen sera rejeté.

Les parties seront déboutées de leurs demandes respectives au titre des frais irrépétibles.

L'intimée, demanderesse à l'incident, sera condamnée aux dépens de celui-ci.

PAR CES MOTIFS

La Présidente,

Rejette le moyen de caducité de la déclaration d'appel formée par la société Aldi marché Ablis à l'encontre de l'ordonnance de référé rendue le 12 mars 2024 par le conseil de prud'hommes de Rambouillet,

Condamne Mme [W] [K] aux dépens de l'incident,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelle que la présente ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les 15 jours de sa date, par application de l'article 916 du code de procédure civile.

Ordonnance prononcée publiquement à la date indiquée par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Catherine BOLTEAU-SERRE, président, et par Madame Angeline SZEWCZIKOWSKI, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière, La présidente,