CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 5 septembre 2024, n° 21/05223
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Société Civile Immobilière Solène (SCI)
Défendeur :
Société Générale (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Recoules
Conseillers :
Mme Leroy, Mme Girousse
Avocats :
Me Bellaiche, Me Arles, Me Cheviller, Me Garzon-de-Claviere
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 30 novembre 2006, la SCI Solène a consenti un bail commercial à la société Crédit du Nord portant sur des locaux situés [Adresse 1] (91) pour exercer son activité d'établissement bancaire, moyennant un loyer annuel indexé de 46.000 €, HT et HC et pour une durée de dix ans à compter du 1er février 2007.
Par acte d'huissier du 19 janvier 2017, la locataire a notifié une offre de renouvellement du bail moyennant un loyer annuel de 35.000 € HT et HC à compter du 1er février 2017.
Elle a adressé à la propriétaire un mémoire préalable en révision du loyer par courrier recommandé avec accusé de réception du 21 avril 2017, puis a saisi le juge des loyers du tribunal judiciaire d'Evry par assignation du 22 juin 2017. Par jugement avant dire droit du 15 décembre 2017, le juge des loyers a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur locative des locaux.
L'expert judiciaire, Mme [I] [B], a déposé son rapport le 6 janvier 2020.
Par jugement du 19 février 2021, le tribunal judiciaire d'Évry a :
- fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre la SCI Solène et la société Crédit du Nord portant sur des locaux situés [Adresse 1] (91) à la somme de 44.095,81 €/an, HT et HC, à compter du 1er février 2017 ;
- dit que la SCI Solène devra rembourser à la société Crédit du Nord la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 1er février 2017 ;
- dit que ce différentiel portera intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2017 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
- dit que les intérêts produits depuis cette date seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- rejeté le surplus des demandes ;
- dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposés et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles.
Par déclaration du 18 mars 2021, la SCI Solène a interjeté appel du jugement.
A la suite d'une opération de fusion par voie d'absorption devenue définitive le 1er janvier 2023, la Société Générale a absorbé la société Crédit du Nord qui s'est trouvée dissoute. La Société Générale, venue aux droits et obligations de cette dernière, est intervenue volontairement dans la procédure d'appel par conclusions signifiées le 20 octobre 2023.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 22 novembre 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 21 novembre 2023, la SCI Solène, appelante, demande à la cour de :
- déclarer la SCI Solène recevable et bien fondée en son appel et en ses prétentions ;
- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Evry le 19 février 2021 en ce qu'il a :
' fixé le montant du loyer du bail renouvelé entre la SCI Solène et la société Crédit du nord portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 10] (91) à la somme de quarante-quatre mille quatre-vingt-quinze euros et quatre-vingt-un centimes par an, hors taxes et hors charges (44.095,81 € / an, HT et HC), à compter du 1er février 2017 ;
' dit que la SCI Solène devra rembourser à la société Crédit du nord la différence entre les loyers prévisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 1er février 2017 ;
' dit que ce différentiel portera intérêts au taux légal à compter du 22 juin 2017 et de la date d'exigibilité de chaque échéance ;
' dit que les intérêts produits depuis cette date seront capitalisés dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
' ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
' rejeté le surplus des demandes ;
' dit que chacune des parties gardera la charge définitive des dépens qu'elle a exposés et que les frais de l'expertise judiciaire seront supportés par moitié entre elles ;
Et, statuant à nouveau :
- fixer la valeur locative en renouvellement au 1er février 2017 à la somme annuelle en principal de 89 007,65 euros hors charges et hors taxes ;
- condamner la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, à verser à la SCI Solène la différence entre les loyers provisionnels payés et les loyers effectivement dus depuis le 1er février 2017 avec intérêt au taux légal à compter du 22 juin 2017, et de la date d'exigibilité de chaque échéance avec capitalisation des intérêts dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'un an ;
- débouter la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, de sa demande de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé à 109 m²B la surface pondérée ;
- débouter la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, de sa demande de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu un prix unitaire de 389 € outre 2% de minoration pour les charges exorbitantes et la déduction du foncier pour son montant nominal ;
- déclarer l'appel incident de la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, irrecevable ;
- déclarer la demande de réformation de la décision entreprise en ce qu'elle a appliqué une majoration de 15 % sur le prix de marché de 389 euros, formée par la Société générale venant aux droits de la société Crédit du nord, irrecevable ;
- débouter la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, de sa demande de fixer le loyer au 1er février 2017 à la somme annuelle HT/HC de 35.463 € ;
- débouter la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, à verser à la SCI Solène la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la Société générale, venant aux droits de la société Crédit du nord, aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise.
Par conclusions déposées le 20 novembre 2023, la Société Générale, intimée, demande à la cour de :
- recevoir la Société Générale en son intervention volontaire et la dire bien fondée ;
- donner acte à la Société Générale que la fusion-absorption intervenue au 1er janvier 2023 entre la société Crédit du Nord et la Société Générale implique que cette dernière acquiert, de plein droit, en sa qualité d'ayant-cause universel de la société Crédit du Nord, société absorbée en dernier lieu, la qualité de partie à l'instance en qualité d'intimée aux lieu et place de la société Crédit du nord, dissoute ;
- constater la poursuite de l'instance de plein droit entre la Société Générale et la SCI Solène ;
- déclarer l'appel de la SCI Solène mal fondé.
- juger que le Tribunal a légitimé de façon objective et fondée le total des surfaces réelles à prendre en compte, les pondérations effectuées par l'expert judiciaire et confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé à 109 m²B la surface pondérée.
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu un prix unitaire de 389 € outre 2 % de minoration pour les charges exorbitantes et la déduction du foncier pour son montant nominal.
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a appliqué une majoration de 15 % sur le prix de marché de 389 € ;
- accueillir la Société générale en son appel incident et l'y déclarer fondée.
- juger dépourvue de pertinence la majoration de 15 % pratiquée sur le prix de marché de 389 € ;
- en conséquence, fixer le loyer au 1er février 2017 à la somme annuelle HT/HC de 35.463 €.
- débouter la société bailleresse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- juger que les frais d'expertise seront partagés par moitié.
- juger n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner la SCI Solène aux entiers dépens d'appel.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L'ARRET
1. Sur la recevabilité de l'appel incident :
L'appel incident de la société Crédit du Nord, aux droits de laquelle se trouve la Société Générale, est recevable puisque dès ses conclusions initiales du 14 septembre 2021, elle demandait la confirmation de la décision déférée seulement « en ce qu'elle a retenu un prix unitaire de 389 € outre 2 % de minoration pour les charges exorbitantes et la déduction du foncier pour son montant nominal » puis demandait de la recevoir en son « appel incident », de ne pas appliquer la majoration de 15 % et de « fixer le loyer au 1er février 2017 à la somme annuelle HT/HC de 35.463 € ». Il est donc inopérant de faire valoir que le terme « réformer » n'a été utilisé que dans ses dernières conclusions récapitulatives puisque le sens du dispositif était le même dès les premières conclusions.
2. Sur le montant du loyer renouvelé :
Ainsi que l'a rappelé le jugement déféré auquel il est renvoyé sur ce point, selon l'article L. 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés doit correspondre à la valeur locative déterminée, à défaut d'accord, en fonction des éléments énumérés par ce texte, lequel renvoie au décret précisant leur consistance aux articles R. 145-2 à R. 145-8 du code de commerce.
L'article R. 145-11 prévoyant une dérogation aux règles de plafonnement des loyers résultant de l'article L. 145-34, dispose que le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigé en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence, les dispositions de l'article R. 145-7 étant alors applicables.
L'article R. 145-11 est applicable aux locaux à usage de banque, le critère de l'usage exclusif de bureau étant la nature intellectuelle de l'activité, par opposition aux locaux où sont exercées des activités supposant une manipulation de marchandises ou une intervention manuelle.
Sur les caractéristiques des locaux
Par des motifs pertinents et détaillés, que la cour adopte et auxquels il est renvoyé, le tribunal a rappelé les constats opérés par l'expert concernant les caractéristiques des locaux et leur situation.
Les locaux dépendent d'un immeuble d'aspect récent en façade sur rue et donnant sur une cour à l'arrière accessible par un passage sur le côté de l'agence. L'entrée s'effectue par un sas de sécurité vitré donnant sur un espace de vente en rez-de-chaussée distribuant à droite un accueil et un espace clos sécurisé pour la maintenance du DAB, à gauche un espace d'attente jouxtant un bureau cloisonné, un peu plus loin une chambre forte et des sanitaires, au centre un escalier en bois accédant à la mezzanine où une passerelle dessert deux bureaux éclairés en second jour sur la cour. Au fond du rez-de-chaussée haut, se trouvent, en dénivelé de quelques marches, un rez-de-chaussée bas avec une salle de réunion à gauche, à droite des sanitaires, une petite cuisine, une salle réservée à la maintenance, au fond un local technique de climatisation. Au sous-sol accessible depuis l'agence une seule pièce est dévolue au rangement. Il ressort de leur description et des photographies produites que les lieux sont en bon état d'usage, les aménagements de bonne qualité et la configuration adaptée à l'activité exercée.
L'expert relève notamment une bonne situation des locaux dans une ville bénéficiant du développement du pôle technologique [Localité 11]-[Localité 14] et de la création d'un campus étudiant, une bonne accessibilité par les transports en commun et une assez bonne accessibilité en voiture en raison du sens unique et du faible nombre de stationnements au regard des besoins générés par la rue. Il observe que ces locaux sont situés sur la meilleure partie de la rue principale commerçante de [Localité 10] dans un secteur de « commercialité de proximité » où sont implantés de nombreuses agences bancaires (10 banques dont 8 [Adresse 13]).
Sur la surface des locaux
La SCI Solène reproche au jugement déféré d'avoir approuvé le rapport d'expertise se fondant sur un relevé de surface établi non contradictoirement par un géomètre expert mandaté par la locataire, alors que ce relevé n'est pas conforme aux surfaces indiquées dans le contrat de bail qui s'imposent aux parties.
Par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents, auxquels il convient de renvoyer, le premier juge a rejeté ce moyen.
En effet, il résulte des dispositions combinées des articles L. 145-33 et R. 145-2 et suivants du code de commerce que la valeur locative prise en compte pour déterminer le montant des loyers des baux renouvelés dépend notamment de la surface des locaux et des prix couramment pratiqués dans le voisinage par unités de surfaces concernant des locaux équivalents. C'est donc la surface réelle des locaux qui doit être prise en considération pour déterminer leur valeur locative et non la surface approximative mentionnée dans le contrat de bail, lequel souligne, d'ailleurs le caractère indicatif et non contractuel des surfaces mentionnées en précisant qu'une différence entre ces surfaces mentionnées et les surfaces réelles ne peuvent justifier ni réduction ni augmentation du loyer. Il est donc inopérant de la part de l'appelante de reprocher au jugement déféré de ne pas s'en être tenu aux surfaces indiquées dans le contrat de bail.
Dès lors que le relevé de surface établi par l'expert géomètre mandaté par la locataire a été soumis au contradictoire des parties, il peut être pris en considération. Il ressort des pièces produites et du tableau situé en page 18 des conclusions de l'appelante que les surfaces apparaissant dans le relevé du géomètre expert, reprises par Mme [B], et celles figurant dans le bail ainsi que sur un plan établi le 17 février 2006, sont voisines excepté pour le rez-de-chaussée bas et le sous-sol. Pour ce dernier, le contrat de bail mentionnait « environ 50 m2 » et l'expert géomètre relève 46,60 m2, soit une différence de 3,40 m2. La différence observée avec le plan du 17 février 2006 est plus importante (23,93 m2) puisque ce plan, contrairement aux autres pièces produites, mentionne 70,53 m2 pour le sous-sol. Or, aucun élément ne permet de confirmer cette mesure très différente des autres. Pour le rez-de-chaussée bas, l'appelante calcule une différence de 11,78 m2 entre le contrat de bail et le rapport du géomètre expert.
Dès lors que l'expert judiciaire, Mme [B], a estimé fiable et justifié le rapport établi par le géomètre expert sur la base d'éléments objectifs et précis fondés sur un plan, que le plan du 17 février 2006 porte la mention qu'il est indicatif et ne peut être utilisé pour la réalisation de travaux, que les surfaces figurant au bail sont indicatives et que la SCI Solène n'a pas jugé utile de produire un rapport établi par un autre géomètre expert de nature à contredire l'exactitude des surfaces relevées par l'expert-géomètre, en particulier pour le sous-sol et le plancher bas, il convient de se référer aux surfaces établies par géomètre-expert le 28 mai 2019 reprises par l'expert judiciaire Mme [B], soit une surface totale de 207,46 m2, étant rappelé que les aménagements effectués par la locataire ont fait accession en fin de bail de sorte que pour fixer la valeur du nouveau bail, il convient de prendre la configuration actuelle des lieux.
Les considérations d'ordre général effectuées par l'appelante pour soutenir notamment que de nouveaux modes d'exploitation permettraient de s'exonérer des effets pénalisant liés à la présence de différents niveaux et rendraient injustifiée l'application de coefficient de pondération distincts dans les différentes parties des locaux, ne sont pas applicables en l'espèce.
En effet, le local en cause étant un « bureau-boutique » situé en centre-ville, recevant du public, ayant l'activité habituelle d'une agence bancaire, c'est à juste titre que le jugement déféré a approuvé la proposition de l'expert de pondérer la surface réelle conformément à la Charte de l'expertise en évaluation immobilière, en considération notamment de la proximité de la façade, du niveau, de l'accessibilité et de l'usage des différentes parties de ce local.
La SCI Solène soutient que la distribution des lieux, en particulier l'emplacement des sanitaires et d'un coffre au rez-de-chaussée, effectuée par la locataire sans son accord, aurait un impact pénalisant sur le coefficient de pondération applicable. Les aménagements nécessaires à l'activité ont été autorisés par la bailleresse dans le bail mettant à la charge de la locataire la mise en conformité des locaux à son activité, aux exigences de sécurité pour les transferts de fonds et d'accessibilité. C'est dans ces conditions que la locataire a fait installer au fond à gauche du rez-de-chaussée haut, seule partie des locaux de plein-pieds avec la rue, des WC et la salle du coffre. Ce choix apparaît justifié par des contraintes de sécurité et d'accessibilité aux personnes à mobilité réduite ainsi que par l'existence d'un troisième niveau en mezzanine, la présence de sanitaires au rez-de-chaussée bas accessible par un escalier n'étant pas de nature à rendre superflus ceux du rez-de-chaussée. C'est donc à juste titre que le jugement déféré a considéré que le choix rationnel de distribution des lieux effectué par la locataire avec l'autorisation de la bailleresse ne pénalise pas cette dernière et qu'il convenait de retenir un coefficient de pondération de 0,40 pour les annexes sanitaires situées au fond du rez-de-chaussée haut.
Il ressort du bail et du plan établi le 17 février 2006 que les bureaux en mezzanine accessibles par une passerelle existaient déjà et ne résultent pas des aménagements de la locataire entrée dans les lieux le 1er février 2007, de sorte que la bailleresse ne peut soutenir que le caractère peu fonctionnel des locaux serait le résultat des aménagements de la locataire. C'est à juste titre que le jugement déféré approuvant le rapport d'expertise a affecté d'un coefficient 0,5 les bureaux en mezzanine accessibles par un escalier et éclairés en second jour sur la cour. Le coefficient de 0,90 proposé par la bailleresse n'est pas adapté à des bureaux accessibles par escalier et ne disposant pas de fenêtres. De même, c'est à juste titre que le jugement retient 0,5 pour les bureaux du rez-de-chaussée bas en dénivelé de quelques marches et éclairés en second jour. Les coefficients proposés par l'expert et repris par le jugement pour le rez-de-chaussée bas et le sous-sol, non discutés par les parties seront retenus.
Le coefficient de 0,30 appliqué à la passerelle permettant d'accéder à la mezzanine est justifié, la bailleresse n'étant pas fondée à solliciter le coefficient 1 pour ce dégagement nécessité par la configuration compliquée des locaux.
La surface pondérée fixée à 109 m2B par le jugement sera retenue.
Sur les prix pratiqués dans le voisinage
S'agissant d'une activité assimilable à une activité de bureau, le loyer du bail renouvelé échappe aux règles du plafonnement, de sorte que le prix du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative conformément à l'article R. 145-11 du code de commerce, c'est à dire ' par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux en référence', les dispositions de l'article R. 145-7 alinéa 2 et 3 selon lesquelles à défaut d'équivalence, les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface « peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence » étant applicables. Les références proposées doivent donc porter sur plusieurs locaux et être corrigées à raison des différences de situation relatives notamment à l'activité exercée, l'emplacement, la date de fixation des prix et le contexte de cette fixation.
Il ressort de ces textes que des références de comparaison ne portant pas sur des banques ni sur des bureaux mais sur différents commerces peuvent être utilisées en appliquant les correctifs nécessaires et que l'absence de références portant sur un établissement bancaire n'est pas de nature à invalider les conclusions de l'expert judiciaire.
L'affirmation réitérée de la bailleresse selon laquelle Mme [B] se serait contentée de reprendre les références présentées dans l'expertise amiable non contradictoire effectuée par M. [J] pour le compte de la locataire n'est pas démontrée, l'expert judiciaire ayant déjà expliqué qu'il y a peu de mouvements dans le secteur, les offres locatives ou cessions de baux étant rares, que faisant partie de la même association d'experts que M. [J], elle dispose des mêmes références qu'elle a pu vérifier personnellement.
De plus, l'expert indique s'être rapproché des agences immobilières du secteur lui ayant confirmé que le marché locatif commercial du centre-ville est restreint ; avoir observé que les offres de locaux commerciaux à [Localité 10] présentées étaient anciennes car à des prix trop élevés, qu'en particulier l'offre EVOLIS pour un loyer décapitalisé de 593 €/m2 n'ayant pas trouvé de preneur depuis un an révèle que ce prix est trop élevé et ne doit pas être retenu, contrairement à ce que soutient l'appelante. Il précise que la valeur présentée de 209 €/m2P en 2010 s'agissant d'un renouvellement de bail consenti à la Société Générale pour un local situé dans une [Adresse 12] à très faible commercialité justifie de retenir le double de ce montant pour un local situé dans la rue commerçante du centre-ville.
S'agissant de la référence au bail de La Fée Café présentée par la bailleresse, le tribunal a refusé à juste titre de la prendre en considération puisque le contrat de bail, simplement évoqué dans un dire, n'a pas été remis à l'expert et que la date de celui-ci n'a pas été communiquée.
Ainsi, l'expert judiciaire a retenu neuf éléments de comparaison sur la période de mai 2013 à octobre 2016 présentant une fourchette de prix locatifs compris entre 228 € et 389 €, détaillés dans le jugement déféré auquel il est renvoyé sur ce point. En considération de ces éléments, de l'absence de références récentes portant sur des activités comparables et sur des fixations judiciaires, des caractéristiques des locaux en cause, énumérées en page 39 de son rapport, l'expert s'est basé à juste titre sur une valeur locative de 389 €/m2 correspondant à la fourchette haute des éléments de référence, compte tenu des éléments favorables (bonne qualité et adaptation des locaux, bon état, emplacement attrayant pour l'activité). A cette valeur, il a appliqué des correctifs conformément à l'article R. 145-11 précité en raison des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.
C'est à juste titre que le jugement déféré a approuvé la majoration de 15 % proposée par l'expert à titre de correctif pour tenir compte de l'ancienneté des références considérées, de la surface recherchée peu commune au centre-ville, de la qualité d'enseigne nationale du preneur par rapport aux commerces de proximité dont les loyers se situent généralement dans la fourchette basse, et de l'activité bancaire très présente dans la rue.
En application de l'article L. 145-33 du code de commerce selon lequel la valeur locative doit être déterminée notamment au regard des obligations respectives des parties et de l'article R. 145-8 du même code selon lequel les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci s'est déchargé sur le locataire constituent un facteur de diminution de la valeur locative. L'affirmation, au demeurant non établie, selon laquelle il serait d'usage notamment dans les valeurs de référence de mettre à la charge du locataire les travaux de mise en conformité et la taxe foncière est inopérante, dès lors que, sauf disposition expresse, ces charges incombent au bailleur en exécution de son obligation de délivrance et en ce qu'il est redevable fiscalement de la charge foncière. Il en résulte que les clauses du bail selon lesquelles il se décharge de ces obligations seront prises en compte comme un facteur de diminution de la valeur locative.
Le bail stipule que le loyer doit être net de toutes charges afférentes à l'immeuble sauf les grosses réparations de l'article 606 du code civil et comporte à ce titre des charges exorbitantes telles que celles du coût de l'assurance de l'immeuble et des travaux de mise aux normes de l'immeuble (hors les grosses réparations). La minoration de 2 % appliquée par l'expert est justifiée dans son montant au regard des charges exorbitantes dont les effets perdurent tout au long du bail, mais aussi du fait que l'établissement livré brut de décoffrage a fait l'objet de travaux d'aménagements spécifiques comprenant la mise aux normes par la locataire dès l'entrée dans les lieux moyennant une franchise de deux mois de loyers. La perception d'un droit d'entrée par le bailleur n'est pas de droit, de sorte que la SCI Solène ne peut soutenir que l'absence de droit d'entrée serait la contrepartie des charges exorbitantes contenues dans le bail. De même, la faculté donnée à la locataire de réserver les locaux et d'obtenir la possibilité de soumettre à l'assemblée générale des copropriétaires son projet de travaux d'aménagement avant la conclusion du bail, ne peut être prise en compte comme une contrepartie des clauses exorbitantes s'appliquant de façon continue lors de l'exécution du bail conclu ensuite, de sorte que ces clauses exorbitantes doivent être prises en compte dans la valeur locative.
Le jugement déféré sera donc approuvé en ce qu'il a appliqué la minoration de 2 %.
Par ailleurs, c'est à juste titre qu'outre cette minoration appliquée au titre des charges exorbitantes visées ci-dessus, la valeur de la taxe foncière annuelle, supportée par la locataire plutôt que la bailleresse aux termes du bail, a été déduite du montant de la valeur locative estimée par le jugement déféré approuvant l'expertise sur ce point (6.090,12 €).
C'est à juste titre également que le jugement déféré a pris en compte le loyer des deux places de parking incluses dans le bail pour un montant total non discuté de 2.400 €.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement déféré, auquel il est renvoyé pour le détail de son calcul, en ce qu'il a fixé à 44.095,81 €/an HT, HC le loyer dû à compter du 1er février 2017.
Compte tenu de l'existence du droit d'option, il convient de fixer le loyer sans prononcer de condamnation en paiement, étant précisé que le présent arrêt pourra néanmoins valoir titre exécutoire.
Le jugement déféré observe à juste titre que la bailleresse devra rembourser à la locataire la différence entre les loyers provisionnels payés par cette dernière et les loyers effectivement dus depuis la date d'effet du congé avec offre de renouvellement, soit le 1er février 2017.
Il résulte de l'article 1352-7 du code civil, que celui qui doit restitution mais a reçu de bonne foi ne doit les intérêts qu'à compter du jour de la demande. En conséquence, les intérêts au taux légal sont dus sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû à compter de l'assignation délivrée le 22 juin 2017 par la locataire pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus après cette date. Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point. De même qu'en ce qui concerne la capitalisation des intérêts.
3.Sur les autres demandes :
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes aux fins de voir 'juger' ou 'constater', lorsqu'elles ne constituent pas des prétentions visant à conférer un droit à la partie qui les requiert et ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives à l'exécution provisoire aux dépens et frais irrépétibles de première instance et en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes.
Il convient de condamner la SCI Solène qui succombe aux dépens de la procédure d'appel et de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles relatives à la procédure d'appel. La SCI Solène sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel incident formée par la Société Crédit du Nord, aux droits de laquelle se trouve la Société Générale,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 19 février 2021 par le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'Evry (RG n° 20/5285),
Y ajoutant,
Déboute la SCI Solène de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les autres demandes,
Condamne la SCI Solène aux dépens de la procédure d'appel.