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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 5 septembre 2024, n° 24/02750

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/02750

5 septembre 2024

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

N° RG 24/02750 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CI4M3

Nature de l'acte de saisine : Assignation - procédure au fond

Date de l'acte de saisine : 30 Janvier 2024

Date de saisine : 13 Février 2024

Nature de l'affaire : Demande en nullité du bail commercial

Décision attaquée : n° 19/03568 rendue par le Cour d'Appel de PARIS le 17 Mars 2021

Appelantes :

S.A. MMA IARD Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 - N° du dossier 20240019

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES Société d'Assurances Mutuelles

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 - N° du dossier 20240019

S.E.L.A.R.L. CSR Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés audit siège en cette qualité, représentée par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34 - N° du dossier 20240019

Intimés :

Madame [E] [S] épouse [Z]

Monsieur [Y] [O]

S.A.R.L. L.C.B.G, représentée par Me Louis LACAMP, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. 9 NEUF GRAND VAL

ORDONNANCE SUR INCIDENT

DEVANT LE MAGISTRAT CHARGÉ DE LA MISE EN ÉTAT

3 pages

Nous, Nathalie RECOULES, magistrat en charge de la mise en état,

Assistée de Sandrine Alice LEAUTAUD, adjoint faisant fonction de greffier,

Par acte du 13 mars 2015, la société Vienne, aux droits de laquelle vient la société LCBG, a consenti un bail commercial à la société 9 Neuf [Localité 1], en cours d'immatriculation, représentée par Monsieur [O], gérant, et Madame [S], associée.

Par ordonnance du 4 mars 2016, sur assignation de la société Vienne, le juge des référés a :

' constaté la résiliation du bail au 30 janvier 2016 ;

' ordonné l'expulsion de Mme [S] et de la société 9 Neuf Grand Val ;

' condamné solidairement celles-ci au paiement d'une somme de 20.898 euros au titre de la

participation aux travaux, ainsi qu'à une somme de 12.481 euros par mois à titre d'indemnité d'occupation à compter du 30 janvier 2016.

Par deux décisions rendues le 20 décembre 2018, le tribunal de grande d'Evry a en substance, aux termes du premier jugement, condamné solidairement Madame [S], Monsieur [O] et la société 9 Neuf Grand Val à payer à la société LCBG la somme de 55.728 euros à titre d'indemnité d'immobilisation et à payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société LCBG et, aux termes du second jugement, débouté Madame [S] et la société 9 Neuf Grand Val de leurs demandes d'annulation du bail commercial du 13 mars 2015 et de condamnation de la SCCV Vienne à leur rembourser l'intégralité des sommes perçues en vertu du bail annulé, soit en l'état 116.875,14 euros.

Par arrêt du 17 mars 2021, la cour d'appel de Paris a infirmé les deux jugements rendus et annulé le contrat de bail commercial du 13 mars 2015 motif pris que ledit bail a été conclu avec une société qui n'avait pas la personnalité juridique, condamné la société Vienne à verser Madame [S] et la société 9 Neuf Grand Val la somme de 27.864

euros, au titre du dépôt de garantie et à rembourser à la société 9 Neuf Grand Val les sommes de 52.594,31 euros et de 27.864 euros, qui lui ont été versées en vertu de deux saisies-attribution. Par arrêt rectificatif du 5 mai 2021, la cour d'appel de Paris a corrigé l'erreur matérielle de son dispositif en ce que celui-ci avait mis ces condamnations, prononcées contre la société LCBG, à la charge de la société Vienne.

La société LCBG a exécuté l'arrêt et introduit une instance au fond en responsabilité professionnelle à l'encontre de la société CSR.

Les sociétés MMA et la société CSR ont assigné la société LCBG, Madame [S], Monsieur [O], et la société 9 Neuf Grand Val en tierce opposition devant la cour d'appel de Paris, afin de voir rétracter l'arrêt du 17 mars 2021.

Par conclusions signifiées le 10 avril 2024 et conclusions en réplique en date du 25 mai 2024, la société LCGB soulève l'irrecevabilité de la tierce opposition, à titre principal, pour défaut d'intérêt à agir de la société CSR et de ses assureurs les sociétés MMA Iard, MMA Mutuelles Iard, à titre subsidiaire, pour défaut de qualité à agir et, en tout état de cause, pour les voir condamner à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions signifiées le 21 mai 2024, les sociétés MMA Iard, MMA Mutuelles Iard et la SELARL CSR concluent, à titre principal, à l'incompétence du conseiller de la mise en état à connaître de ces demandes, à titre subsidiaire, au rejet des fin de non-recevoir soulevées et à se voir déclarer recevables en leur l'intervention volontaire, en tout état de cause, à la condamnation de la société Vienne à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

SUR CE,

Sur la compétence du conseiller de la mise en état

L'article 587 du code de procédure civile dispose que la tierce opposition formée à titre principal est portée devant la juridiction dont émane le jugement attaqué et est instruite et jugée selon les règles de la procédure contentieuse.

L'article 907 du code de procédure civile prévoit qu'en procédure ordinaire, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 763 à 787.

L'article 914 du même code énonce que le conseiller de la mise en état est seul compétent, depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, pour statuer sur les conclusions, qui lui sont spécialement adressées et qui tendent notamment à déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toutes questions ayant trait à sa recevabilité.

Il se déduit de la lecture combinée de ces articles que, contrairement à ce que soutiennent la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard, MMA Mutuelles Iard, le conseiller de la mise en état est compétent pour connaître des questions relatives à la recevabilité de la tierce-opposition laquelle suit les règles de la procédure ordinaire.

L'exception d'incompétence soulevée sera, en conséquence, rejetée.

Sur les fin de non-recevoir

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Aux termes de l'article 582 du code de procédure civile, « La tierce opposition tend à faire rétracter ou réformer un jugement au profit du tiers qui l'attaque.

Elle remet en question relativement à son auteur les points jugés qu'elle critique, pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit. »

L'article 583 du même code prévoit qu' « Est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. »

Au cas d'espèce, la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard, MMA Mutuelles Iard soutiennent qu'elles ont intérêt

à agir contre l'arrêt susvisé en ce qu'il leur est opposable et qu'il leur fait grief.

Cependant, la tierce opposition n'est ouverte que contre le dispositif des décisions de justice et non contre les motifs. Or, si l'arrêt a évoqué, dans ses motifs, la responsabilité du rédacteur de l'acte, lequel est tenu de s'assurer en sa qualité de professionnel de son efficacité, l'arrêt a rappelé que « le contrat conclu par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité juridique, est nul et l'article L.210-6 alinéa 2 du code de commerce ne peut trouver à s'appliquer ; qu'il s'agit d'une nullité absolue et que le contrat n'est pas susceptible de confirmation ou de ratification ; que son irrégularité ne peut être couverte par des actes d'exécution postérieurs à l'immatriculation ». L'arrêt a ensuite caractérisé que l'acte avait bien été passé par la société 9 Neuf [Localité 1] en cours d'immatriculation et non par ses représentants légaux en son nom ou pour son compte dans l'attente de son immatriculation.

De sorte que la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles ne justifient pas d'un intérêt à agir en rétractation ou réformation du dispositif de la décision qui, tirant les conséquences de droit des constatations ainsi opérées, ne pouvait que prononcer l'annulation de l'acte s'agissant d'une nullité absolue.

Surabondamment, le tierce-opposition formée par le représentant en justice de l'une des parties n'est pas recevable, l'auxiliaire de justice intervenu au procès n'ayant pas la qualité de tiers au sens de l'article susvisé, pas plus que son assureur à qui il appartient de couvrir la réalisation du risque pour lequel son assuré a souscrit son contrat.

Il s'en déduit que la tierce-opposition formée par la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles n'est pas recevable.

Sur les demandes accessoires

La SELARL CSR et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles seront condamnées à payer à la société Vienne la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens du présent incident.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller de la mise en état,

Nous déclarons compétent pour connaître des demandes présentées ;

Déclarons irrecevables la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles en leur tierce-opposition ;

Condamnons la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles à payer à la société Vienne la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SELARL CSR et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Mutuelles à supporter la charge des dépens du présent incident.

Paris, le 05 septembre 2024

L'adjointe administrative

faisant fonction de greffier, Le magistrat en charge de la mise en état

Copie au dossier

Copie aux avocats