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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 5 septembre 2024, n° 23/01839

PARIS

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Elite D&B (SAS)

Défendeur :

Elite D&B (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Leroy

Avocats :

Me Etévenard, Me Lallement

TJ Evry, du 21 oct. 2022, n° 22/02791

21 octobre 2022

Rappelé que la décision est exécutoire à titre provisoire en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile.

Vu la déclaration reçue au greffe le 13 janvier 2023 par laquelle la SAS ELITE D&B a relevé appel de cette décision ;

Vu les conclusions notifiées le 06 avril 2023 par lesquelles la SAS ELITE D&B a conclu au fond ;

Vu les conclusions déposées le 06 avril 2023, par lesquelles la SAS ELITE D&B a également saisi le conseiller de la mise en état aux fins de :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes.

- reconnaître et constater la fin de non-recevoir invoquée,

- déclarer prescrite la SAS M45 en son action,

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la SAS M45 pour les périodes 2016 à 2019 relatives à la régularisation des charges,

- condamner la SAS M45 à verser à la SAS ELITE D&B la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens du présent incident.

Vu les dernières conclusions d'incident de la SAS ELITE D&B notifiées le 18 juin 2024 et tendant à :

- la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes,

- déclarer la SELARL AXYME prise en la personne de Maître [G], es qualité de mandataire judiciaire, recevable en son intervention volontaire aux fins de régularisation de la procédure et noter sa présence en la cause,

- reconnaître et constater la fin de non-recevoir invoquée,

- déclarer prescrite la SAS M45 en son action,

- déclarer irrecevables les demandes présentées par la SAS M45 pour les périodes 2016 à 2019 et 1er trimestre 2022 relatives à la régularisation des charges,

- condamner la SAS M45 à verser à la SAS ELITE D&B en la présence de la SELARL AXYME prise en la personne de Maître [G], es qualité de mandataire judiciaire, la somme de 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens du présent incident ;

Vu les dernières conclusions d'incident de la SAS M45 notifiées par RPVA le 17 juin 2024 et tendant à :

- recevoir la SAS M45 en en toutes ses moyens, fins et prétentions, et l'en déclarer bien fondée,

- déclarer irrecevable la SAS ELITE D&B en son incident,

- débouter la SAS ELITE D&B en son incident tirée d'une fin de non-recevoir au titre de la prescription, car mal fondé en fait et en droit,

- débouter la SAS ELITE D&B du surplus de ses demandes,

- condamner la SAS ELITE D&B à payer à la SAS M 45 la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles de procédure,

- condamner, enfin, la Société ELITE D & B aux entiers dépens du présent incident.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la SAS ELITE D&B en son incident

Aux termes de ses dernières conclusions d'incident en réponse, la SAS M45 soulève l'irrecevabilité de la SAS ELITE D&B en son incident, dans la mesure où ce dernier n'est présenté qu'en son nom, sans que la SELARL AXYME, prise en la personne de M°[G], ès qualités de mandataire judiciaire, n'apparaisse, alors même que par jugement du 03 avril 2024 du tribunal de commerce de Paris, ce dernier a été maintenu dans ses fonctions pendant la durée du plan de redressement de la SAS ELITE D&B.

Cependant, l'absence d'intervention à la procédure d'incident de la SELARL AXYME, prise en la personne de M°[G], ès qualités de mandataire judiciaire ne saurait rendre ce dernier irrecevable, alors même que Maître [G], partie intervenante à la procédure au fond, occupe la seule fonction de mandataire judiciaire de la SAS ELITE D&B, pour la vérification des créances et l'établissement de l'état des créances, et n'a donc pas qualité pour la représenter à la procédure.

En conséquence, la SAS ELITE D&B apparaît recevable en son incident.

Sur la prescription de l'action de la SAS M45

Aux termes de l'article 789 6° du Code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.

Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.

Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

En vertu de l'article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Aux termes de l'article L145-60 du Code de commerce, toutes les actions exercées en vertu du statut des baux commerciaux se prescrivent par deux ans.

La SAS ELITE D&B soulève l'irrecevabilité des demandes présentées par la SAS M45 pour les périodes 2016 à 2019 et au titre du 1er trimestre 2022 relatives à la régularisation de charges, en faisant valoir pour l'essentiel au visa des articles L145-40-2 et R145-6 du Code de commerce qu'un état récapitulatif annuel incluant la liquidation et la régularisation des comptes de charges est imposé pour tous les contrats conclus ou renouvelés à compter du 03 novembre 2016, et ce, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel.

Elle souligne que la combinaison de ces dispositions avec l'article L145-60 du Code de commerce induit que l'action en régularisation de charges, du bailleur-copropriétaire, se prescrit par deux ans à compter de l'expiration du délai de trois mois de la reddition des charges de copropriété.

Or, la SAS ELITE D&B relève que la SAS M45 n'a jamais transmis la moindre information à sa preneuse concernant la nature des travaux décidés par la copropriété avant la prise à bail, et n'a pas davantage procédé à la régularisation des charges annuelles alors que sa demande en paiement tend justement à obtenir le remboursement de travaux votés par l'assemblée générale des copropriétaires entre 2015 et 2017, de sorte que la SAS M45 a laissé passer plus de deux ans entre le moment où le syndicat des copropriétaires a appelé les fonds nécessaires aux travaux votés et sa demande judiciaire tendant à répercuter cette charge sur sa preneuse.

Elle observe que l'application combinée de ces dispositions implique nécessairement que la régularisation de charges par le bailleur, d'un bail commercial, est bien d'ordre public et échappe au droit commun de la prescription et que l'action en régularisation des charges du bailleur-copropriétaire se prescrit par deux ans à compter de l'expiration du délai de trois mois de la reddition des charges de copropriété.

La SAS M45 s'oppose à cette argumentation en excipant de l'application d'une prescription quinquennale à ses demandes, qui ne mettent pas en cause le statut des baux commerciaux, mais s'inscrivent dans le cadre du paiement d'une dette locative et donc dans le cadre d'une action en recouvrement.

Elle ajoute que l'article R145-36 du Code de commerce ne prévoit aucune sanction en cas de régularisation hors délai.

Au cas d'espèce, il convient de relever que si l'article R145-36 du Code de commerce instaure une obligation de régularisation annuelle de charges, aucune sanction spécifique n'est prévue par ce texte.

Par ailleurs, il est constant que les demandes en paiement de la SAS M45 à l'encontre de la SAS ELITE D&B portent sur une régularisation de charges pour les années 2016 à 2019 et pour le 1er trimestre 2022, que la SAS M45 souhaite répercuter sur sa preneuse, en application des stipulations contractuelles.

Ces demandes ne relèvent donc pas, de par leur nature, du statut des baux commerciaux, mais de l'application pure et simple du droit des contrats et notamment de l'obligation de tout preneur de payer les loyers et charges contractuellement mis à sa charge.

Dès lors, les demandes en paiement formées par la SAS M45 sont soumises à la prescription quinquennale de droit commun de l'article 2240 du Code civil.

Or, la SAS M45 ayant formulé ses demandes en paiement de régularisation de charges pour les années 2016 à 2019 et 1er trimestre 2022 par assignation délivrée le 13 mai 2022, elles ne sont dès lors pas atteintes par la prescription.

La SAS ELITE D&B sera par conséquent déboutée de sa fin de non recevoir.

Sur les demandes accessoires

L'équité commande de débouter la SAS ELITE D&B de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner de ce chef à verser à la SAS M45 la somme de 2.000 €.

La SAS ELITE D&B supportera les entiers dépens de l'incident.

PAR CES MOTIFS

Nous, Sandra LEROY, conseiller de la mise en état, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance susceptible de déféré,

Déclarons la SAS ELITE D&B recevable en son incident ;

Déboutons la SAS ELITE D&B de sa demande tendant à voir déclarer irrecevables les demandes de la SAS M45 pour les périodes 2016 à 2019 et 1er trimestre 2022 relatives à la régularisation des charges ;

Condamnons la SAS ELITE D&B à verser à la SAS M45 la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboutons la SAS ELITE D&B de sa demande sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamnons la SAS ELITE D&B aux dépens de l'incident ;

Disons que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du aux fins de clôture de la procédure.

Paris, le 05 septembre 2024

L'adjointe administrative

faisant fonction de greffier, Le magistrat en charge de la mise en état

Copie au dossier

Copie aux avocats