Décisions
CA Amiens, ch. baux ruraux, 5 septembre 2024, n° 23/00640
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°
[Z]
C/
[Y]
VD
COUR D'APPEL D'AMIENS
Chambre BAUX RURAUX
ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2024
*************************************************************
N° RG 23/00640 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVOO
JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE SOISSONS EN DATE DU 09 DÉCEMBRE 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [W] [C] [T] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Comparant
Représenté par Me Carine LORENTE de l'ASSOCIATION AA DUFOUR LORENTE, avocat au barreau de LAON jusqu'au 7 septembre 2023, date à laquelle il a dégagé sa responssabilité
ET :
INTIME
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Non comparant
Représenté par Me Jean-françois DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON
DEBATS :
A l'audience publique du 12 Mars 2024 devant Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 805 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Charlotte RODRIGUES, assistée de Mme [P] [J], greffière stagiaire
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Valérie DUBAELE en a rendu compte à la Cour composée en outre de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 05 Septembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.
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* *
DECISION
Suivant acte authentique du 30 juillet 2001, [R] [Y] agriculteur (le bailleur) a donné à bail rural à [W] [Z] producteur de foie gras (le preneur) des immeubles situés commune de [Localité 9] (dans l'Aisne) dépendants de la ferme des granges (exploitée par la SCEA [Y]) comprenant :
* un ancien magasin à huiles fermé par une porte en bois, dans l'angle suivant un appentis de deux travées, derrière un autre appentis de trois travées
*à l'équerre un bâtiment en pierres charpente en bois et toiture en ardoises avec deux baies vitrées,
* une parcelle de pâture cadastrée section [Cadastre 6], lieudit [Localité 8] d'une surface de 1 ha 48 a 10 ca,
le tout pour une durée de 12 ans à compter du 1er août 2001, moyennant un fermage mensuel de 537,38 euros soit 26 quintaux de blé, représentant la valeur de 20 ,67 euros le quintal, ce fermage étant actualisé chaque année compte tenu de la variation de l'indice des fermages défini à l'échelon du département de l'Aisne par le préfet après avis de la commission consultative paritaire des baux ruraux, l'indice de référence étant celui en vigueur le 11 novembre de chaque année, les loyers étant portables d'avance pour la première fois le 1er août 2001 puis avant le 5 de chaque mois.
Le bail prévoyait que si le preneur est, ou devient, membre d'une société dont l'objet est principalement agricole, il pourra mettre à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens loués, à condition d'en aviser préalablement le bailleur.
Le 1er octobre 2004 M. [W] [Z] a mis ces immeubles à disposition de l'EURL Le foie gras de [Localité 9] alors en cours d'immatriculation, dont il est devenu le gérant.
A la suite d'une action judiciaire engagée par M. [Z] du fait du refus de M. [Y] de l'autoriser à effectuer des travaux, les parties se sont rapprochées et ont signé une convention le 8 novembre 2006 par laquelle M. [Y] a autorisé M. [W] [Z], éleveur de volailles, à aménager les lieux loués en vue de l'installation et de l'ouverture d'une ferme auberge suivant le projet établi par M. [U], architecte.
Par acte d'huissier du 28 juin 2012, le bailleur a donné congé au preneur pour le 31 décembre 2013 sur le fondement d'une renonciation amiable au renouvellement et de la reprise pour exploiter par son épouse, congé annulé judiciairement par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux le 6 février 2015 confirmé par la cour d'appel le 4 mai 2017.
Le bail a donc été renouvelé le 1er août 2013 pour une nouvelle période de 9 ans, jusqu'au 1er août 2022.
Le 17 septembre 2013, un sinistre est intervenu sur une partie de la toiture des lieux loués, à la suite d'un incendie ayant pris naissance dans la zone de stockage de pomme de terres exploitée par la SCEA [Y] [R] situé à la suite de la zone de laboratoire et de la zone des ventes louées à M. [Z] sous la dénomination « bâtiment en pierres charpente en bois et toiture en ardoises avec deux baies vitrées ».
Les loyers n'étant plus réglés depuis le sinistre, le bailleur a fait délivrer au preneur des commandements de payer les 4 août 2016 et 17 novembre 2016 sollicitant le paiement des loyers depuis janvier 2016.
L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire a été prononcée le 17 mars 2017 par le tribunal de commerce de Soissons au profit de la SARL Le foie gras de [Localité 9] immatriculée au RCS de Soissons sous le numéro 479033185 pour une activité d'élevage agricole d'animaux principalement de volailles, production de foie gras, boucherie, charcuterie, dont M. [Z] est le gérant, et M. [Y] a déclaré une créance de fermage impayés entre les mains du liquidateur Me [M] [K], créance admise au passif de la société à hauteur de 13.630,80 euros à titre privilégié après abandon d'une partie de la créance du fait de l'indisponibilité du bâtiment durant plusieurs mois suite à l'incendie de septembre 2013 et d'une réduction des loyers jusqu'en juin 2016.
Le 22 décembre 2020, le bailleur a fait délivrer deux congés par acte d'huissier à effet au 1er août 2022, un congé pour reprise de l'exploitation au profit de son fils [X] [Y] et un second congé pour manquements du preneur à ses obligations.
Par jugement rendu le 9 décembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Soissons, saisi le 22 avril 2021 par M. [Z] d'une contestation des deux congés, a :
Déclaré irrecevable la note en délibéré de M. [W] [Z] en date du 7 novembre 2022,
Validé les deux congés délivrés le 22 décembre 2020, avec effet au 1er août 2022,
Enjoint à M. [Z] et à tous occupants de son chef de libérer au plus tard le 10 janvier 2023 les immeubles situés commune de [Localité 9] dépendants de la ferme des granges comprenant :
* un ancien magasin à huiles fermé par une porte en bois, dans l'angle suivant un appentis de deux travées, derrière un autre appentis de trois travées
*à l'équerre un bâtiment en pierres charpente en bois et toiture en ardoises avec deux baies vitrées,
* une parcelle de pâture cadastrée section [Cadastre 6], lieudit [Localité 8] d'une surface de 1 ha 48 a 10 ca,
- Dit qu'à défaut par [W] [Z] et tout occupant de son chef d'avoir libéré ces biens au plus tard à cette date, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique si besoin est, et ce, à peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard mis à déguerpir,
- Condamné [W] [Z] à verser à [R] [Y], à compter du 2 août 2022, une indemnité d'occupation dont le montant sera équivalent à deux fois celui du fermage normalement dû si le bail s'était poursuivi, et ce jusqu'à la date de libération effective des immeubles,
- Condamné [W] [Z] à payer à [R] [Y] 59.790,35 euros au titre des fermages impayés et de sa part sur la taxe foncière arrêtés au 30 mars 2022,
- Débouté [W] [Z] de sa demande reconventionnelle (sic),
- Condamné [W] [Z] aux entiers dépens et à verser à [R] [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3000 euros,
- Rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Par déclaration du 23 janvier 2023, M. [W] [Z] a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Il a libéré les lieux le 6 mars 2023 en remettant les clés du bâti au commissaire de justice chargé de l'exécution.
Devant la présente cour, les parties se sont échangées leurs conclusions et leurs pièces, l'appelant a fait signifier ses conclusions n°3 à l'intimé le 14 décembre 2023 et lui a communiqué ses 31 pièces par mail le 11 janvier 2024 et l'intimé a notifié ses conclusions et 20 pièces le 17 juillet 2023 à l'avocat constitué de l'intimé avant qu'il ne dégage sa responsabilité le 7 septembre 2023.
A l'audience du 12 mars 2024, les conclusions et pièces ainsi échangées ont été dûment déposées contradictoirement et les parties s'y sont référées oralement sans rien n'y ajouter ni retrancher.
L'appelant, qui se présente comme boucher charcutier producteur de foie gras soulève in limine litis l'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux en faisant valoir que le bail doit être requalifié en bail commercial, sollicite à titre subsidiaire une révision du loyer en le réduisant de 40% compte tenu de l'impossibilité d'exploiter le grenier et encore plus subsidiairement sollicite la condamnation de M. [Y] à remettre en état la charpente et le grenier dans leur état d'origine et communiquer le permis autorisant les travaux de la toiture détruite par l'incendie ainsi que la facture du plancher installé entre l'ancienne salle de restaurant prolongeant le laboratoire et à l'étage son grenier, et demande à la cour, au terme du dispositif de ses conclusions, de :
A titre principal prononcer la nullité de la décision entreprise,
A titre subsidiaire infirmer cette décision en toutes ses dispositions,
Dans tous les cas statuant de nouveau :
- Déclarer recevable la note en délibéré du 7 novembre 2022,
- Prononcer l'incompétence de la cour d'appel statuant en matière de baux ruraux au profit du tribunal de commerce de Soissons,
- Annuler les deux congés,
- Requalifier le bail en date du 30 juillet 2001 ou son renouvellement en date du 1er août 2013 en bail commercial,
- Constater que les fermages réclamés sont prescrits,
- Constater que Me [K] [M] n'a été délivré aucune signification de congé (sic)
- Condamner M. [Y] à lui verser 60000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice économique subi,
- Constater que M. [Y] dans le cadre de la SCEA [Y] [R] n'exploite pas la pâture ni les bâtiments depuis la remise des clés le 6 mars 2023,
En conséquence,
- Condamner M. [R] [Y] à lui verser 1000 euros de dommages et intérêts par mois, depuis la remise des clés le 6 mars 2023, pour reprise sans exploitation de la pâture et des bâtiments repris, en violation de l'article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime,
- Débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- A titre infiniment subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise judiciaire avant dire droit et désigner tel expert qu'il conviendra à la juridiction de nommer afin d'évaluer le montant de l'indemnité de sortie qui lui est due portant sur les parcelles et bâtiments donnés à bail, et plus précisément en examinant et chiffrant les travaux d'embellissements qu'il a effectués, constater qu'il n'a plus accès au grenier par la cour sud devant la boutique, que le seul accès au grenier se fait par le pignon nord qui est fermé par une cloison avec une porte fermant à clé, dire si les travaux de charpente et de couverture réalisés par M. [Y] sont identiques à l'ancienne toiture,
- Fixer la date à laquelle le dossier sera de nouveau appelé après expertise afin de statuer sur la demande indemnitaire,
- Condamner dans tous les cas M. [Y] à lui payer 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles et le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
L'intimé qui se présente comme retraité soulève l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence par application de l'article 74 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée pour la première fois en cause d'appel en méconnaissance de l'article 564 du code de procédure civile, et pour le surplus, aux termes du dispositif de ses conclusions, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [Z] de toutes ses demandes plus amples ou contraires et de condamner ce dernier à lui verser 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
A titre liminaire, la cour constate que le premier juge qui indique dans le dispositif « déboute entièrement [W] [Z] de sa demande reconventionnelle » a en réalité débouté M. [W] [Z] des demandes additionnelles ainsi formulées :
- déclarer irrecevable la demande en paiement des loyers dus de 2013 à 2016 qui ont été admis au passif de la procédure de l'EURL Le foie gras de [Localité 9],
- ordonner une révision du fermage en réduisant de 40% le montant du fermage à compter du 1er août 2016,
- annuler les fermages dus à partir du mois de juillet 2021 jusqu'au jour où les locaux seront nettoyés par le bailleur,
- lui rembourser 15.614 euros en réparation de la perte de l'indemnité de vétusté qu'il aurait dû percevoir de la compagnie d'assurance au titre des embellissements,
- lui rembourser les améliorations apportées au bâtiment, évaluées à la somme de 80.000 euros,
- subsidiairement, condamner le bailleur à :
- fournir le permis de construire de la nouvelle toiture, sous astreinte,
- lui fournir une indemnité d'éviction de 15000 euros,
Sur la demande d'annulation de la décision entreprise :
Il s'évince des conclusions de M. [Z] qu'il reproche au premier juge d'avoir écarté sa note en délibéré du 7 novembre 2022 par laquelle d'une part il demandait de voir requalifier le bail en bail commercial et d'autre part il soulevait une exception d'incompétence au profit du juge commercial.
L'article 445 du code de procédure civile dispose qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
Il en résulte qu'un juge n'a pas à répondre à une note en délibéré remise après clôture des débats sur la seule initiative d'une partie et c'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré la note en délibéré, dont il n'avait pas autorisé la production, irrecevable.
M. [Z] doit par conséquent être débouté de sa demande d'annulation du jugement entrepris.
Sur l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Soissons :
Aux termes de l'article 74 alinéa 1er du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
En application de ces dispositions, une partie qui a conclu sur le fond est irrecevable à présenter une exception d'incompétence en cause d'appel et celle qui a saisi un tribunal est irrecevable à en soulever l'incompétence.
M. [Z] ayant conclu sur le fond en première instance, l'exception d'incompétence soulevée en appel sera donc déclarée irrecevable.
Sur la demande de requalification en bail commercial du bail rural en date du 30 juillet 2001 ou son renouvellement en date du 1er août 2013 :
Le preneur fait valoir qu'il n'a jamais exercé d'activité agricole, que les immeubles ont été loués en vue d'y exercer une activité commerciale de vente de foie gras et de restauration, sans aucun élevage, les canards étant achetés uniquement pour fabriquer son foie gras, que tous ses comptes de la SARL qu'il gérait en font foi, qu'il a d'ailleurs mis les immeubles loués à la disposition de son entreprise commerciale, qu'il a développé à partir de novembre 2011 une activité de boucherie-charcuterie-traiteur à la ferme sans élever les animaux d'espèces différentes dont il se bornait à acheter les carcasses, que cette activité commerciale était parfaitement connue du bailleur qui en profitait pour vendre sa production de St-Emilion, que ce dernier a par conséquent consenti à l'abandon de toute activité agricole au profit d'une activité commerciale, que l'activité de restauration était auberge à la ferme et non pas ferme-auberge ce qui montre bien que l'activité de la société était commerciale et non pas agricole.
L'intimé fait valoir que le bail avait bien pour objet une activité agricole, qu'il en est de même du bail renouvelé, que M. [Z] était éleveur de volailles et producteur de foie gras, l'activité d'aubergiste ne devant constituer qu'une activité annexe pour commercialiser une partie de sa production, et que si M. [Z] a abandonné la partie agricole de son activité c'est uniquement de son propre chef, lui n'ayant jamais consenti à cet abandon, et qu'enfin la mise à disposition au profit d'une société commerciale n'est pas interdite dès lors que son objet est principalement agricole (article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime).
La cour rappelle que le statut du fermage s'applique à toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L.311-1.
L'usage agricole de la pâture et des bâtiments donnés à bail n'est pas discuté, seule la nature agricole de l'activité qui y est exercée à titre principal est discutée par le preneur qui prétend que l'activité principale était commerciale (achat pour transformation, vente, restauration), qu'il n'a jamais exploité d'activité agricole puisqu'il ne faisait pas d'élevage, que le bailleur a autorisé des travaux pour réaliser une auberge à la ferme et qu'à partir de novembre 2011 il a ouvert une boucherie-charcuterie à la ferme et qu'il dispose d'un bac professionnel de restauration pour exercer l'activité de restauration.
La cour rappelle que l'activité d'élevage est agricole par nature aux termes de l'article L.311-1 du code rural. Par ailleurs aux termes de ce même article sont réputées activités agricoles par destination les activités de transformation des produits de l'exploitation, leur vente mais également l'agrotourisme (découverte de spécialités artisanales ou culinaires), qui, même commerciales, ne font pas perdre au preneur le bénéfice du statut du fermage tant qu'elles restent accessoires à son activité principale agricole par nature.
Or la cour constate qu'aucun élément produit par M. [Z] ne justifie que le bail aurait été conclu en vue d'exploiter une activité commerciale à titre principal. Au contraire les pièces produites démontrent que c'est bien une activité agricole à titre principal que M. [Z] a prétendu développer dans les biens immobiliers objets du bail initial et du bail renouvelé :
- dans la convention de mise à disposition à l'EURL Le foie gras de [Localité 9] signée par ses soins, datée du 1er octobre 2004, M. [Z] se désigne comme exploitant agricole à [Localité 9] qui s'engage à mettre à disposition de l'EURL Le foie gras de [Localité 9] dont il est le gérant le domaine agricole (bâtiment et parcelles de terres) dont il est locataire, les textes du statut du fermage étant cités tout au long de cette convention et le terme bail rural repris à plusieurs reprises,
- dans sa plaquette « portes ouvertes des 11, 12 et 13 novembre 2011-bon de commande » ainsi que dans sa plaquette tarif septembre 2010 dans laquelle il rappelle ses distinctions de 2002 à 2008, il se présente comme éleveur producteur;
- la convention que le preneur produit en pièce 2 signée des deux parties, non datée, rappelle l'autorisation donnée par le bailleur de développer une activité agricole annexe au sens défini par l'article L.311-1 du code rural, consistant en l'exploitation d'une auberge à la ferme conforme au cahier des charges du réseau « bienvenue à la ferme » de la chambre d'agriculture de l'Aisne ; au demeurant dans cette convention le preneur se présente comme producteur de foie gras et éleveur de volailles ;
- dans le chiffrage de ses dommages présenté à son assureur il est fait état de couveuses et abreuvoirs, dans ses conclusions il parle d'abattoir à volailles, d'alimentation en eau des cinq poulaillers et de grillage de deux mètres de haut entourant la pâture à volaille, ce qui fait présumer qu'il maîtrisait toute la chaîne de production.
- dans l'ordonnance du 14 mai 2018 qui admet la créance de loyers de M. [Y], le juge-commissaire rappelle la mise à disposition dont jouit la SARL le foie gras de [Localité 9] immatriculée « pour une activité d'élevage agricole d'animaux principalement de volailles, production de foie gras, boucherie, charcuterie sise [Adresse 2] « suivant courrier du 29 octobre 2004 et attestation de M. [Y] du 16 novembre 2004 » (mise à disposition pour y établir son siège et y exercer une activité agricole), ce dont il s'infère que cette société a une vocation principalement agricole nonobstant la «situation au répertoire Sirene à la date du 9 septembre 2023 » faisant apparaître la SARL Le foie gras de [Localité 9] comme ayant pour activité principale « le commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisée », cet avis n'ayant aucune valeur juridique selon l'avertissement rappelé en pied.
Au demeurant, il ressort de la lettre datée du 25 septembre 2021 adressée à M. [Y], qu'il a produit devant le premier juge, que « Vous indiquez aussi que depuis 2016 les lieux sont livrés à l'abandon. Je crois que vous avez la mémoire courte et avez oublié les quelques 2200 volailles élevées en 2019 et abattues dans les locaux'Si 2200 volailles n'ont pas éveillé vos oreilles, il suffit de me le dire et je pourrais en mettre en place un nombre bien plus important qui vous alertera. » Même après le renouvellement de 2013 il se présentait donc comme exploitant les biens loués à des fins agricoles.
Dès lors le preneur, qui au demeurant ne produit pas les statuts de l'EURL ni de la SARL, ne justifie pas de la nature commerciale du bail, ni de la renonciation expresse du bailleur à la nature agricole du bail ou du bail renouvelé dont les clauses et conditions sont, aux termes de l'article L.411-50 du code rural, celles du bail initial à défaut de convention contraire.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la demande d'annulation des deux congés pour vice de forme :
Le preneur veut faire constater qu'en violation de l'article L.641-9 du code de commerce applicable à la liquidation des exploitations agricoles en vertu de l'article L.351-8 du code rural et de la pêche maritime, Me [K] [M] n'a reçu aucune signification des congés alors qu'il gère la mise à disposition des terres louées en ses lieu et place et veut faire juger que cette omission entraîne un vice de procédure conduisant à l'annulation des congés.
Cependant la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Le foie gras de [Localité 9] n'ayant pas été étendue à M. [Z] personnellement, le fait que les congés n'aient été délivrés qu'à M. [Z], seul titulaire du bail et qui reste tenu de toutes les obligations du bail malgré la mise à disposition, n'entraîne pas leur nullité pour vice de forme.
Sur la demande d'annulation du congé délivré pour défaut de paiement des loyers, pour défaut d'entretien et pour défaut d'exploitation :
Les motifs du congé du 22 décembre 2020 à effet au 1er août 2022 sont ainsi exposés :
« Ce congé vous est donné en application des articles L.411-31, L.411-53 et L.411-46 du code rural et de la pêche maritime et 1729 du code civil aux motifs suivants :
- Vous n'êtes pas à jour des fermages dus, malgré deux mises en demeure et commandement de payer des 4 août et 17 novembre 2016, et vous restez devoir comptes arrêtés à décembre 2020 la somme totale de 34139,25 euros à ce titre,
- Il a été constaté que les biens loués ne sont plus occupés depuis 2016, et sont livrés à l'abandon :
* la partie louée à usage de magasin est inoccupée et encombrée de divers objets,
* la vitre de la porte-fenêtre desservant la pièce située à la suite de la cuisine est brisée,
* les immeubles bâtis sont encombrés d'objets divers et hors d'usage et n'ont fait l'objet d'aucun nettoyage depuis de nombreux mois,
* la parcelle de pâture louée est à l'état de savart et la clôture en très mauvais état,
* cinq petits baraquements ont été installés sans autorisation du propriétaire et depuis sont totalement abandonnés,
* de nombreux cageots et containers poubelles sont laissés à l'abandon derrière le magasin,
Ces agissements du preneur sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds,
- Monsieur [Z] a mis le bail dont s'agit à disposition de la société EURL Le foie gras de [Localité 9], aujourd'hui en liquidation judiciaire, conformément à l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime qui autorise le preneur associé à une société à objet principalement agricole à mettre à disposition de celle-ci pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire. M. [Z] a néanmoins depuis abandonné toute activité agricole de sorte que les conditions de l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime ne sont plus remplies. M. [Z] ne peut prétendre au droit au renouvellement visé à l'article L.411-46 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'il ne réunit plus les mêmes conditions d'exploitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail à l'article L.411-59 dudit code. »
Aux termes de l'article L.411-46 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, « Le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L.411-31 ou n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux parties L.411-57 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67. »
Aux termes de l'article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime, (') « le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail que s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l'article L.411-31 et dans les conditions prévues audit article.
Sur le défaut de paiement des loyers :
Il résulte de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance et que ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
Le 4 août 2016, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer dans lequel il rappelle que les bâtiments qui lui sont loués par le preneur ont brûlé le 17 septembre 2013, que le bailleur a alors procédé à la réfection de la toiture, que depuis janvier 2016, lesdits bâtiments s'avèrent être fonctionnels et qu'en conséquence il le met en demeure de payer les fermages de janvier à août 2016 (614 euros par mois) outre les frais de l'acte, soit 5098,36 euros en tout.
Le 30 août 2016, le bailleur a fait délivrer au preneur un itératif commandement de payer les fermages à compter de janvier 2016 outre les taxes foncières 2016 soit 443,49 euros outre les frais d'acte, le total dû étant de 7477,43 euros.
Malgré ces deux commandements, aucun règlement n'est intervenu et les loyers postérieurs à novembre 2016 sont également restés impayés.
Le preneur estime qu'il avait des raisons sérieuses et légitimes pour ne pas régler les loyers puisque le bailleur n'a pas effectué les travaux de remise en état durant 3 ans après l'incendie si bien qu'il n'a pu reprendre l'activité de restauration et n'a pu jouir paisiblement des lieux loués du fait du bailleur, que si les travaux de toiture ont été effectués en janvier 2016 en revanche les travaux de réfection du plancher du grenier n'ont été finis qu'en août 2016 et que le grenier qui lui servait de lieu de stockage et qu'il envisageait d'aménager en salle de réception n'est désormais plus accessible ni exploitable du fait de la nouvelle architecture de la charpente, ce qui justifie une réfaction du loyer de 40%.
Cependant la cour estime qu'il n'invoque pas de motifs sérieux et légitimes de s'être abstenu de régler les loyers à compter de janvier 2016.
En effet dans ses conclusions de première instance il affirmait avoir fait poser une charpente et une toiture provisoires pour un montant de 7912,81 euros pour reprendre son activité fin novembre 2013 si bien qu'il y a lieu de présumer qu'il a repris ou pu reprendre son activité à cette date et en tout état de cause il ne justifie pas que les bâtiments loués n'étaient pas fonctionnels en janvier 2016 après la réfection de la charpente et de la toiture, le fait qu'il ne puisse pas mener à bien son projet d'aménagement d'une salle de réception dans le grenier du fait notamment de l'absence de plancher avant août 2016 étant indifférent à cet égard.
Sur le défaut d'entretien :
Il résulte de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
Il ressort du procès-verbal de constat du 26 novembre 2020 dressé par Me [D] commissaire de justice, que les biens loués ne sont plus occupés par M. [Z] qui les a laissés complètement à l'abandon tant à l'extérieur qu'à l'intérieur depuis de nombreux mois.
Cependant c'est à juste titre que le preneur fait valoir que le procès-verbal de constat du défaut d'entretien doit être écarté comme ayant été dressé à son insu sans autorisation judiciaire en pénétrant dans les lieux loués puisque contrairement à ce qu'affirme M. [Y] les photographies de l'intérieur des locaux loués situés 1 bis ferme de la grange ne peuvent être prises ni de la voie publique ni de son domicile situé au [Adresse 3].
En effet, le bailleur ne peut établir la preuve avec des constats et photographies opérés en pénétrant dans les lieux loués hors présence du preneur sans son autorisation ni autorisation judiciaire. (Civ.3e, 19 février 2003)
Dès lors il y a lieu d'écarter des débats le procès-verbal de constat susvisé par application du principe de loyauté dans l'administration de la preuve et de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le défaut d'exploitation des lieux loués conformément au bail:
Il résulte de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et que ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
Aux termes de ses écritures aux termes desquelles il revendique la reconnaissance d'un bail commercial le preneur affirme n'avoir jamais pratiqué l'activité d'élevage depuis au-moins 2011 et n'avoir eu qu'une activité commerciale dans les lieux loués au travers de la société EURL Le foie gras de [Localité 9].
Or aucun cas de force majeure ou motif légitime ne faisait obstacle à l'élevage des canards notamment en vue de leur transformation depuis la conclusion du bail ni après son renouvellement en août 2013.
Par ailleurs ni le fait que le preneur aurait été privé de reprendre l'activité d'auberge à la ferme après l'incendie de septembre 2013, ce qui n'est au demeurant pas démontré à partir du moment où il a pu faire réaliser une charpente et toiture provisoires dès novembre 2013 pour reprendre son activité de transformation et qu'il affirme avoir pu reprendre complètement son activité à compter d'août 2016, ni le fait qu'il aurait été privé de la possibilité d'aménager le grenier en salle de réception après le mois d'août 2016, ne justifiait la cessation de l'activité d'élevage.
Dès lors qu'au-moins deux manquements sur les trois visés par le congé sont établis, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a validé ce congé sans qu'il y ait lieu de contrôler des manquements du preneur qui ne sont pas reprochés dans le congé.
Sur la demande d'annulation du congé pour reprise par M. [X] [Y] fils du bailleur :
Le preneur fait valoir qu'il n'est pas justifié que le fils du bailleur peut se consacrer durant au-moins 9 ans à l'exploitation des lieux loués de façon effective et permanente. Il affirme de première part que le bénéficiaire de la reprise n'a pas les moyens matériels et financiers suffisants puisqu'il ne dispose ni du cheptel ni du matériel dont lui-même disposait et qu'il ne justifie pas avoir reçu l'autorisation d'exploiter à titre personnel quand il est devenu associé de la SCEA [Y] [R] le 21 février 2020 alors qu'il est double actif comme travaillant à plein temps comme commercial dans la société Germicopa et qu'il doit disposer d'une autorisation d'exploiter par application de l'article L.331-2 du code rural dès lors que ses revenus dépassaient 3120 x le taux horaire du SMIC, si bien qu'il ne peut bénéficier des éléments matériels et financiers de la société. D'autre part il fait valoir que ni le bénéficiaire ni la SCEA [Y] [R] ne sont en règle avec le contrôle des structures puisque [X] [Y] n'a pas d'autorisation d'exploiter à titre personnel et que la SCEA [Y] [R] qui exploite déjà 321 ha 61 a 50 ca n'a pas obtenu au 1er août 2022, date d'effet du congé, l'autorisation d'exploiter les biens repris.
Le bailleur rétorque que son fils remplit toutes les conditions puisqu'il est majeur comme étant âgé de 31 ans, qu'il est titulaire d'un diplôme de master d'une école d'ingénieur en agriculteur, agriculteur et commercial et exploitera les immeubles repris dans le cadre de la SCEA [Y] [R] à la ferme de [Adresse 7] à [Localité 9] dont il est associé depuis 2020, qui dispose des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation des biens repris et qui a obtenu une autorisation implicite de les exploiter 6 mois à compter de l'avis de réception du 16 novembre 2021 de la demande complète, et qu'en application de l'article L.411-58 alinéa 7 du code rural et de la pêche maritime seule la SCEA, exploitante des terres reprises, doit justifier d'une autorisation administrative et non le bénéficiaire de la reprise dont l'appelant ne précise pas à quel titre il devait solliciter une autorisation administrative d'exploiter à la date d'entrée de la SCEA.
La cour rappelle qu'aux termes des articles L.411-58 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé.
Le bénéficiaire de la reprise doit remplir les conditions prévues à l'article L.411-59 du même code.
Les motifs du congé délivré le 20 août 2020 à effet au 1er août 2022 sont ainsi exposés : « Ce congé vous est donné en application de l'article L.411-58 du code rural et de la pêche maritime au motif que le requérant entend exercer le droit de reprise au profit de son fils M. [X] [Y]. Il précise à cet effet que, né le 20 décembre 1990 à [Localité 10] il est âgé de 30 ans ; il demeure et demeurera après la reprise [Adresse 5] à [Localité 9]. Il est agriculteur et commercial, il exploite et exploitera les biens immobiliers repris dans le cadre de la SCEA [Y] [R] dont le siège se situe [Adresse 7] à [Localité 9]. Il dispose de la capacité professionnelle et des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation des biens repris. Il s'engage à se consacrer à l'exploitation des biens repris pendant au moins neuf ans et possède le cheptel et le matériel nécessaire conformément à l'article L.411-59 du code rural. »
La cour rappelle que c'est à la date d'effet du congé soit au 1er août 2022 que le juge doit se placer pour examiner la situation du bénéficiaire de la reprise notamment au regard du contrôle des structures et des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation des biens repris.
Les biens repris ont vocation à être exploités au sein de la SCEA [Y] [R], si bien que par application de l'article L.411-58 alinéa 7 du code rural et de la pêche maritime seule la société doit obtenir l'autorisation lorsque l'opération y est soumise. Or force est de constater qu'elle l'a obtenue de façon implicite à compter du 16 mai 2022 ce dont justifie l'attestation délivrée le 17 mai 2022 par la DDT de l'Aisne.
Par ailleurs il n'est pas discuté que la SCEA [Y] [R], à la disposition de laquelle seront mis les biens repris par [X] [Y] qui est l'un de ses associés, dispose des moyens matériels et financiers pour exploiter les bâtiments repris ainsi que la parcelle reprise d'une surface de 1 ha 48 a 10 ca alors même qu'elle exploite déjà une superficie de plus de 320 hectares.
C'est par conséquent à juste titre que le premier juge, constatant que les autres conditions, non contestées, étaient également remplies, a validé ce congé, toutes les conditions exigées par l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime étant réunies.
Sur les demandes accessoires d'indemnités d'occupation et d'expulsion :
Ces dispositions ne sont pas discutées par le preneur même à titre subsidiaire.
Sur la demande en paiement des fermages impayés et de la quote-part sur la taxe foncière :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription extinctive :
Le preneur fait valoir que les loyers sont prescrits par cinq ans. Le bailleur réplique que ce moyen ne peut prospérer dès lors qu'il est soulevé pour la première fois en appel et que les commandements de payer délivrés les 4 août et 17 novembre 2016 ont interrompu le délai de prescription par application de l'article 2244 du code civil.
La cour rappelle que la prescription qui s'analyse en une fin de non-recevoir peut être soulevée pour la première fois en appel par application de l'article 123 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il résulte des articles 2241 alinéa 1er et 2242 du code civil que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Si l'article 2244 du code civil dispose que le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée, cependant un commandement de payer qui n'engage aucune saisie n'a pas d'effet interruptif (Civ.2e, 22 juin 2017, n°16-17277).
Les simples commandements de payer des 4 août et 17 novembre 2016 n'entrant pas dans les prévisions de l'article 2244 du code civil n'ont eu aucun effet interruptif de prescription.
L'action en justice aux fins de paiement des loyers n'ayant été introduite que par la demande reconventionnelle formulée devant le premier juge à l'audience des plaidoiries du 23 septembre 2022, les loyers échus avant le 23 septembre 2017 sont prescrits et la demande en paiement est en partie irrecevable.
Sur le montant des loyers et taxes foncières dues au 30 mars 2022 :
M. [Z] ne saurait s'exonérer de tout ou partie du paiement des loyers à compter d'octobre 2017 au motif que le bailleur n'a pas nettoyé le local commercial après l'incendie de 2013 (nettoyage au titre duquel le preneur a perçu une indemnité de la part de son assureur) ni après une coulée de boue provenant de ses terres le 19 juin 2021 (n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration ni mise en demeure) sans mettre en évidence que le bailleur a manqué à ses obligations. Le constat d'huissier du 2 janvier 2023 constatant la présence de boue séchée sur les sols de plusieurs pièces et la lettre de mise en demeure adressée au bailleur le 15 juillet 2013 de nettoyer le caniveau à l'entrée de l'abattoir et de modifier ce caniveau pour qu'il ne déborde plus en cas d'orage et pas seulement mettre une planche, ne saurait suffire à cet égard, étant observé au demeurant que le preneur au gré des pages de conclusions date le sinistre relatif à la coulée de boue du 19 juin 2019.
M. [Z] sollicite également une réduction de 40% du fermage à compter d'août 2016 en faisant valoir que les travaux de réfection du plancher du grenier l'ont privé de 40% de la surface totale des locaux puisqu'il ne peut plus exploiter le grenier de 240 m² situé au- dessus de l'ancienne salle de restaurant, qu'il utilisait comme espace de stockage et qu'il envisageait d'aménager en salle de réception.
Cependant il ne démontre pas, par le seul constat d'huissier qu'il produit, en date du 2 janvier 2023, avoir été privé de la jouissance de 240 m² de grenier à usage de stockage du fait de la modification de la charpente et de l'implantation d'une cloison avec une porte fermant à clé puisque d'une part il a pu pénétrer dans le grenier avec l'huissier, que d'autre part il ne produit aucun état des lieux d'entrée permettant de mettre en évidence la perte de jouissance alléguée et qu'enfin l'huissier indique que l'implantation des fermes de la charpente à 0,80 cm de haut du sol limite fortement toute circulation mais non qu'elle l'empêcherait, étant observé à cet égard que le preneur indique dans ses conclusions et dans sa lettre recommandée du 29 janvier 2017 que les poutres des fermes sont installées à 1,20 mètre du sol, le fait qu'il ne puisse y établir une salle de réception étant indifférent à cet égard puisque le grenier n'a pas cet usage dans le bail et que M. [Z] n'avait pas obtenu l'autorisation d'en aménager une.
Il ressort du décompte produit que les sommes échues au titre du bail et restées impayées sont les suivantes :
- Au titre des fermages échus d'octobre 2017 au 31 juillet 2018 : 6473,20 euros
- Au titre des fermages échus du 1eraoût 2018 au 31 juillet 2019 : 7533,12 euros
- Au titre des fermages échus du 1er août 2019 au 31 juillet 2020 : 7304,28 euros,
- Au titre des fermages échus du 1er août 2020 au 31 juillet 2021 : 7425,48 euros,
- Au titre des fermages échus du 1er août 2021 au 30 mars 2022 : 5004,28 euros,
- Au titre de la part sur les taxes foncières échues de 2017 à 2021 : 2258,37 euros,
Soit un total de 35.998,73 euros.
Le jugement sera réformé dans cette mesure.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 60000 euros :
Sur la demande d'indemnisation au titre de la perte d'une partie de l'indemnité d'assurance :
M. [Z] fait valoir comme en première instance qu'il a perdu la possibilité de percevoir de sa compagnie d'assurance 15.614 euros au titre de l'indemnité de vétusté sur le montant des travaux d'aménagements et embellissements à réaliser du fait de l'incendie dans l'abattoir, la salle de découpe, la conserverie, la chambres froide et la boutique.
Il explique qu'il n'a pas pu toucher cette indemnité résiduelle sur les aménagements et embellissement puisque les travaux de charpente et de toiture n'étaient pas terminés au 17 décembre 2015, le preneur ayant tardé à faire réaliser les travaux afin de le pousser à quitter les lieux de son propre chef.
Cependant il ressort de ses propres écritures et de ses pièces que la toiture provisoire lui permettait de faire les travaux nécessaires à la remise en état de son abattoir, salle de découpe, conserverie, chambres froides et boutique et que s'il n'a pas perçu l'indemnité résiduelle valeur à neuf sur les embellissements et aménagements (15614 euros sur 67005 euros) c'est parce qu'il n'a pas justifié auprès de l'assureur des factures afférentes à ces travaux dans le délai de 2 ans et trois mois n'ayant fait aucun des travaux évalués par l'expert d'assuré à hauteur de 67005 hors taxes valeur neuve (aménagements, embellissements, électricité-chauffage et aménagements frigorifiques) pour lesquels il a pourtant perçu l'indemnité de 50086 euros vétusté déduite.
Dès lors c'est à juste titre que le premier juge l'a débouté de cette demande et il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation au titre des travaux de charpente et toiture provisoire et sur la demande d'indemnisation de son préjudice économique :
M. [Z] sollicite 7912,81 euros au titre des frais de charpente et toiture provisoires pour lesquels il a perçu une indemnité de son assureur, estimant que ce n'était pas à l'assureur de supporter ces frais mais au bailleur ce que ce dernier a refusé. Il sollicite au surplus l'indemnisation d'un préjudice économique en réparation de son arrêt d'activité durant trois ans, qu'il ne chiffre pas explicitement.
Cependant c'est à juste titre que M. [Y] soulève l'irrecevabilité de ces demandes comme étant nouvelles en appel.
La cour considère en effet que ces demandes indemnitaires nouvelles en appel ne constituent pas un accessoire, une conséquence ou un complément nécessaire des demandes formulées en première instance, si bien qu'elles doivent être déclarées irrecevables par application des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Sur la demande indemnitaire pour défaut d'exploitation après reprise :
Le preneur sollicite des dommages et intérêts en se prévalant de l'article L.411-66 du code rural et de la pêche maritime selon lequel le preneur évincé a droit notamment à des dommages et intérêts si le propriétaire n'a exercé la reprise que dans le but de faire fraude à ses droits, en faisant valoir que le bénéficiaire n'exploite pas la pâture ni les bâtiments repris depuis la remise des clés le 6 mars 2023 en violation de l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime.
Il en veut pour preuve deux constats d'huissier des 9 juin 2023 et 6 septembre 2023 d'où il ressort que la parcelle est envahie de mauvaises herbes, que l'accès à l'ancienne boutique est recouvert en partie de végétation, que de l'extérieur et à proximité des bâtiments aucune publicité pour une quelconque activité à l'emplacement de l'ancien local n'est visible.
Cependant c'est à juste titre que M. [Y] soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel.
La cour considère en effet que cette demande indemnitaire nouvelle en appel ne constitue pas un accessoire, une conséquence ou un complément nécessaire des demandes que le preneur a formulées en première instance, si bien qu'elle doit être déclarée irrecevable par application des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Sur la demande d'expertise avant dire droit sur l'indemnité de sortie :
M. [Z] sollicite une mesure d'expertise judiciaire avant dire droit sur le montant de l'indemnité de sortie pour chiffrer les travaux d'embellissements qu'il a effectués.
Il fait valoir qu'il a effectué de nombreux travaux d'amélioration des immeubles loués :
- création d'une boutique avec chambre froide à la place de l'appentis de deux travées avec pose de baies vitrées, porte, isolation, jointement des murs('.)
- création d'une réserve et bureau à la place de l'appentis de trois travées avec création d'un mur de fermeture, pose de deux fenêtres, isolation par placoplâtre ('.)
- création d'un abattoir, salle de découpe, chambre froide et cuisine d'une surface de 80 m² aux normes sanitaires ;
- création de toilettes homme et femme, d'une salle de restaurant à deux niveaux d'une surface de 80 m²(').
- pose d'un compteur EDF
- déjointage et pose de nouveaux joints des pierres du mur de façade du bâtiment abritant cuisine et salle de restaurant,
- pose d'un compteur d'eau depuis la route'ainsi que l'alimentation des 5 poulaillers,
- pose d'un grillage de 2 mètres de haut entourant la pâture à volailles.
Le bailleur s'y oppose faute de preuve de l'existence des améliorations culturales et en présence au contraire de dégradations du fonds et des bâtiments totalement abandonnés depuis plusieurs années.
Les dispositions issues des alinéa 1 à 3 de l'article L.411-69 du code rural et de la pêche maritime prévoient que le preneur qui par son travail ou par ses investissements apporte des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. Sont assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour assurer l'exploitation du bien loué ou l'habitation du preneur, effectuées avec l'accord du bailleur par le preneur et excédant les obligations légales de ce dernier. Il en est même des travaux ayant pour objet d'exploiter le bien loué en conformité avec la législation ou la réglementation.
Le principe du droit à indemnisation suppose que le preneur rapporte la preuve d'améliorations du fonds réelles et autorisées.
Il ressort de l'article 146 du code de procédure civile qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Or d'une part M. [Z] ne produit aucun état des lieux d'entrée tel que le prescrit l'article L.411-4 du code rural et de la pêche maritime, d'autre part il ne produit aucune facture des travaux d'amélioration pour lesquels il sollicite une indemnité de sortie alors même qu'il a reçu une indemnisation de la part de sa compagnie d'assurance pour les embellissements et aménagements vétusté déduite et qu'il indique ne pas avoir engagé ces travaux.
Par ailleurs le défaut d'entretien et de réparation des lieux par le preneur est établi non seulement par le preneur lui-même qui indique que les sols n'ont pas été nettoyés à la suite de différents sinistres (dont au demeurant un seul, l'incendie, a donné lieu à déclaration, pour lequel il a reçu des indemnisations de la part de sa compagnie d'assurance notamment pour les frais annexes comprenant le nettoyage) mais encore par le procès-verbal de constat réalisé à sa demande le 2 janvier 2023 dont il ressort que la parcelle, entourée d'une clôture qui est dégradée à certains endroits, est envahie de mauvaises herbes et que les sols du laboratoire, la chambre froide et la salle de réception sont jonchés d'une croûte terreuse, une trace d'eau boueuse étant visible sur les murs du laboratoire et de la chambre froide voisine, enfin que la cour notamment au niveau de l'accès à son ancienne boutique est recouvert en partie de végétation.
Dès lors M.[Z] sera débouté de cette demande d'expertise avant dire-droit sur l'indemnisation de sortie et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté de la demande d'indemnisation de ce chef.
Sur les autres chefs du jugement :
La cour constate que le preneur ne formule plus aucune prétention relative à l'indemnité d'éviction. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Il y a également lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de communication du permis autorisant les travaux de la toiture détruite par l'incendie, qui n'a plus d'objet, en ce qu'il a rejeté la demande de révision du fermage à compter du 1er août 2016 et d'annulation des fermages à compter de juillet 2021.
Sur les autres demandes :
Les demandes de condamnation de M. [Y] à remettre en état la charpente et le grenier dans leur état d'origine et de produire la facture du plancher installé dans le grenier doivent être rejetées comme n'ayant plus d'objet puisque le bail n'a pas été renouvelé le 1er août 2022.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Compte tenu de la solution donnée au litige il y a lieu de dire que chaque partie supportera la charge de ses dépens et frais hors dépens en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement,
Déboute M. [Z] de sa demande d'annulation du jugement entrepris,
Déclare irrecevable l'exception d'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux au profit du tribunal de commerce,
Rejette la demande de requalification du bail rural en bail commercial,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] à payer à M. [Y] 59790,35 euros au titre des fermages et de sa part sur la taxe foncière arrêtés au 30 mars 2022, et,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare prescrite l'action en paiement des loyers échus avant le 23 septembre 2017,
Condamne M. [W] [Z] à verser à M. [R] [Y] 35.998,73 euros en paiement des fermages échus et impayés du 1er octobre 2017 au 30 mars 2022 et en paiement de sa part sur les taxes foncières échues de 2017 à 2021,
Y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de dommages et intérêts de M. [Z] nouvelles en appel au titre des travaux de charpente et toiture provisoires, de son préjudice économique, et du défaut d'exploitation par le bénéficiaire après reprise,
Déboute M. [Z] de ses demandes de :
- expertise avant dire-droit sur l'indemnité de sortie,
- remise en état de la charpente et du grenier dans leur état d'origine,
- production de la facture du plancher installé dans le grenier,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel et frais hors dépens en appel.
Le Greffier, La Présidente,
N°
[Z]
C/
[Y]
VD
COUR D'APPEL D'AMIENS
Chambre BAUX RURAUX
ARRET DU 05 SEPTEMBRE 2024
*************************************************************
N° RG 23/00640 - N° Portalis DBV4-V-B7H-IVOO
JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE SOISSONS EN DATE DU 09 DÉCEMBRE 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [W] [C] [T] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Comparant
Représenté par Me Carine LORENTE de l'ASSOCIATION AA DUFOUR LORENTE, avocat au barreau de LAON jusqu'au 7 septembre 2023, date à laquelle il a dégagé sa responssabilité
ET :
INTIME
Monsieur [R] [Y]
[Adresse 7]
[Localité 9]
Non comparant
Représenté par Me Jean-françois DEJAS de la SCP MATHIEU-DEJAS-LOIZEAUX-LETISSIER, avocat au barreau de LAON
DEBATS :
A l'audience publique du 12 Mars 2024 devant Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 805 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 05 Septembre 2024.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Charlotte RODRIGUES, assistée de Mme [P] [J], greffière stagiaire
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Valérie DUBAELE en a rendu compte à la Cour composée en outre de :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 05 Septembre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.
*
* *
DECISION
Suivant acte authentique du 30 juillet 2001, [R] [Y] agriculteur (le bailleur) a donné à bail rural à [W] [Z] producteur de foie gras (le preneur) des immeubles situés commune de [Localité 9] (dans l'Aisne) dépendants de la ferme des granges (exploitée par la SCEA [Y]) comprenant :
* un ancien magasin à huiles fermé par une porte en bois, dans l'angle suivant un appentis de deux travées, derrière un autre appentis de trois travées
*à l'équerre un bâtiment en pierres charpente en bois et toiture en ardoises avec deux baies vitrées,
* une parcelle de pâture cadastrée section [Cadastre 6], lieudit [Localité 8] d'une surface de 1 ha 48 a 10 ca,
le tout pour une durée de 12 ans à compter du 1er août 2001, moyennant un fermage mensuel de 537,38 euros soit 26 quintaux de blé, représentant la valeur de 20 ,67 euros le quintal, ce fermage étant actualisé chaque année compte tenu de la variation de l'indice des fermages défini à l'échelon du département de l'Aisne par le préfet après avis de la commission consultative paritaire des baux ruraux, l'indice de référence étant celui en vigueur le 11 novembre de chaque année, les loyers étant portables d'avance pour la première fois le 1er août 2001 puis avant le 5 de chaque mois.
Le bail prévoyait que si le preneur est, ou devient, membre d'une société dont l'objet est principalement agricole, il pourra mettre à la disposition de celle-ci tout ou partie des biens loués, à condition d'en aviser préalablement le bailleur.
Le 1er octobre 2004 M. [W] [Z] a mis ces immeubles à disposition de l'EURL Le foie gras de [Localité 9] alors en cours d'immatriculation, dont il est devenu le gérant.
A la suite d'une action judiciaire engagée par M. [Z] du fait du refus de M. [Y] de l'autoriser à effectuer des travaux, les parties se sont rapprochées et ont signé une convention le 8 novembre 2006 par laquelle M. [Y] a autorisé M. [W] [Z], éleveur de volailles, à aménager les lieux loués en vue de l'installation et de l'ouverture d'une ferme auberge suivant le projet établi par M. [U], architecte.
Par acte d'huissier du 28 juin 2012, le bailleur a donné congé au preneur pour le 31 décembre 2013 sur le fondement d'une renonciation amiable au renouvellement et de la reprise pour exploiter par son épouse, congé annulé judiciairement par jugement du tribunal paritaire des baux ruraux le 6 février 2015 confirmé par la cour d'appel le 4 mai 2017.
Le bail a donc été renouvelé le 1er août 2013 pour une nouvelle période de 9 ans, jusqu'au 1er août 2022.
Le 17 septembre 2013, un sinistre est intervenu sur une partie de la toiture des lieux loués, à la suite d'un incendie ayant pris naissance dans la zone de stockage de pomme de terres exploitée par la SCEA [Y] [R] situé à la suite de la zone de laboratoire et de la zone des ventes louées à M. [Z] sous la dénomination « bâtiment en pierres charpente en bois et toiture en ardoises avec deux baies vitrées ».
Les loyers n'étant plus réglés depuis le sinistre, le bailleur a fait délivrer au preneur des commandements de payer les 4 août 2016 et 17 novembre 2016 sollicitant le paiement des loyers depuis janvier 2016.
L'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire a été prononcée le 17 mars 2017 par le tribunal de commerce de Soissons au profit de la SARL Le foie gras de [Localité 9] immatriculée au RCS de Soissons sous le numéro 479033185 pour une activité d'élevage agricole d'animaux principalement de volailles, production de foie gras, boucherie, charcuterie, dont M. [Z] est le gérant, et M. [Y] a déclaré une créance de fermage impayés entre les mains du liquidateur Me [M] [K], créance admise au passif de la société à hauteur de 13.630,80 euros à titre privilégié après abandon d'une partie de la créance du fait de l'indisponibilité du bâtiment durant plusieurs mois suite à l'incendie de septembre 2013 et d'une réduction des loyers jusqu'en juin 2016.
Le 22 décembre 2020, le bailleur a fait délivrer deux congés par acte d'huissier à effet au 1er août 2022, un congé pour reprise de l'exploitation au profit de son fils [X] [Y] et un second congé pour manquements du preneur à ses obligations.
Par jugement rendu le 9 décembre 2022, le tribunal paritaire des baux ruraux de Soissons, saisi le 22 avril 2021 par M. [Z] d'une contestation des deux congés, a :
Déclaré irrecevable la note en délibéré de M. [W] [Z] en date du 7 novembre 2022,
Validé les deux congés délivrés le 22 décembre 2020, avec effet au 1er août 2022,
Enjoint à M. [Z] et à tous occupants de son chef de libérer au plus tard le 10 janvier 2023 les immeubles situés commune de [Localité 9] dépendants de la ferme des granges comprenant :
* un ancien magasin à huiles fermé par une porte en bois, dans l'angle suivant un appentis de deux travées, derrière un autre appentis de trois travées
*à l'équerre un bâtiment en pierres charpente en bois et toiture en ardoises avec deux baies vitrées,
* une parcelle de pâture cadastrée section [Cadastre 6], lieudit [Localité 8] d'une surface de 1 ha 48 a 10 ca,
- Dit qu'à défaut par [W] [Z] et tout occupant de son chef d'avoir libéré ces biens au plus tard à cette date, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef, avec l'assistance de la force publique si besoin est, et ce, à peine d'une astreinte de 150 euros par jour de retard mis à déguerpir,
- Condamné [W] [Z] à verser à [R] [Y], à compter du 2 août 2022, une indemnité d'occupation dont le montant sera équivalent à deux fois celui du fermage normalement dû si le bail s'était poursuivi, et ce jusqu'à la date de libération effective des immeubles,
- Condamné [W] [Z] à payer à [R] [Y] 59.790,35 euros au titre des fermages impayés et de sa part sur la taxe foncière arrêtés au 30 mars 2022,
- Débouté [W] [Z] de sa demande reconventionnelle (sic),
- Condamné [W] [Z] aux entiers dépens et à verser à [R] [Y], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, une indemnité de 3000 euros,
- Rappelé que l'exécution provisoire du jugement est de droit.
Par déclaration du 23 janvier 2023, M. [W] [Z] a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions.
Il a libéré les lieux le 6 mars 2023 en remettant les clés du bâti au commissaire de justice chargé de l'exécution.
Devant la présente cour, les parties se sont échangées leurs conclusions et leurs pièces, l'appelant a fait signifier ses conclusions n°3 à l'intimé le 14 décembre 2023 et lui a communiqué ses 31 pièces par mail le 11 janvier 2024 et l'intimé a notifié ses conclusions et 20 pièces le 17 juillet 2023 à l'avocat constitué de l'intimé avant qu'il ne dégage sa responsabilité le 7 septembre 2023.
A l'audience du 12 mars 2024, les conclusions et pièces ainsi échangées ont été dûment déposées contradictoirement et les parties s'y sont référées oralement sans rien n'y ajouter ni retrancher.
L'appelant, qui se présente comme boucher charcutier producteur de foie gras soulève in limine litis l'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux en faisant valoir que le bail doit être requalifié en bail commercial, sollicite à titre subsidiaire une révision du loyer en le réduisant de 40% compte tenu de l'impossibilité d'exploiter le grenier et encore plus subsidiairement sollicite la condamnation de M. [Y] à remettre en état la charpente et le grenier dans leur état d'origine et communiquer le permis autorisant les travaux de la toiture détruite par l'incendie ainsi que la facture du plancher installé entre l'ancienne salle de restaurant prolongeant le laboratoire et à l'étage son grenier, et demande à la cour, au terme du dispositif de ses conclusions, de :
A titre principal prononcer la nullité de la décision entreprise,
A titre subsidiaire infirmer cette décision en toutes ses dispositions,
Dans tous les cas statuant de nouveau :
- Déclarer recevable la note en délibéré du 7 novembre 2022,
- Prononcer l'incompétence de la cour d'appel statuant en matière de baux ruraux au profit du tribunal de commerce de Soissons,
- Annuler les deux congés,
- Requalifier le bail en date du 30 juillet 2001 ou son renouvellement en date du 1er août 2013 en bail commercial,
- Constater que les fermages réclamés sont prescrits,
- Constater que Me [K] [M] n'a été délivré aucune signification de congé (sic)
- Condamner M. [Y] à lui verser 60000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice économique subi,
- Constater que M. [Y] dans le cadre de la SCEA [Y] [R] n'exploite pas la pâture ni les bâtiments depuis la remise des clés le 6 mars 2023,
En conséquence,
- Condamner M. [R] [Y] à lui verser 1000 euros de dommages et intérêts par mois, depuis la remise des clés le 6 mars 2023, pour reprise sans exploitation de la pâture et des bâtiments repris, en violation de l'article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime,
- Débouter M. [Y] de l'ensemble de ses demandes,
- A titre infiniment subsidiaire, ordonner une mesure d'expertise judiciaire avant dire droit et désigner tel expert qu'il conviendra à la juridiction de nommer afin d'évaluer le montant de l'indemnité de sortie qui lui est due portant sur les parcelles et bâtiments donnés à bail, et plus précisément en examinant et chiffrant les travaux d'embellissements qu'il a effectués, constater qu'il n'a plus accès au grenier par la cour sud devant la boutique, que le seul accès au grenier se fait par le pignon nord qui est fermé par une cloison avec une porte fermant à clé, dire si les travaux de charpente et de couverture réalisés par M. [Y] sont identiques à l'ancienne toiture,
- Fixer la date à laquelle le dossier sera de nouveau appelé après expertise afin de statuer sur la demande indemnitaire,
- Condamner dans tous les cas M. [Y] à lui payer 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles et le condamner aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.
L'intimé qui se présente comme retraité soulève l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence par application de l'article 74 du code de procédure civile, l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts formée pour la première fois en cause d'appel en méconnaissance de l'article 564 du code de procédure civile, et pour le surplus, aux termes du dispositif de ses conclusions, demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de débouter M. [Z] de toutes ses demandes plus amples ou contraires et de condamner ce dernier à lui verser 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
A titre liminaire, la cour constate que le premier juge qui indique dans le dispositif « déboute entièrement [W] [Z] de sa demande reconventionnelle » a en réalité débouté M. [W] [Z] des demandes additionnelles ainsi formulées :
- déclarer irrecevable la demande en paiement des loyers dus de 2013 à 2016 qui ont été admis au passif de la procédure de l'EURL Le foie gras de [Localité 9],
- ordonner une révision du fermage en réduisant de 40% le montant du fermage à compter du 1er août 2016,
- annuler les fermages dus à partir du mois de juillet 2021 jusqu'au jour où les locaux seront nettoyés par le bailleur,
- lui rembourser 15.614 euros en réparation de la perte de l'indemnité de vétusté qu'il aurait dû percevoir de la compagnie d'assurance au titre des embellissements,
- lui rembourser les améliorations apportées au bâtiment, évaluées à la somme de 80.000 euros,
- subsidiairement, condamner le bailleur à :
- fournir le permis de construire de la nouvelle toiture, sous astreinte,
- lui fournir une indemnité d'éviction de 15000 euros,
Sur la demande d'annulation de la décision entreprise :
Il s'évince des conclusions de M. [Z] qu'il reproche au premier juge d'avoir écarté sa note en délibéré du 7 novembre 2022 par laquelle d'une part il demandait de voir requalifier le bail en bail commercial et d'autre part il soulevait une exception d'incompétence au profit du juge commercial.
L'article 445 du code de procédure civile dispose qu'après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444.
Il en résulte qu'un juge n'a pas à répondre à une note en délibéré remise après clôture des débats sur la seule initiative d'une partie et c'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré la note en délibéré, dont il n'avait pas autorisé la production, irrecevable.
M. [Z] doit par conséquent être débouté de sa demande d'annulation du jugement entrepris.
Sur l'exception d'incompétence au profit du tribunal de commerce de Soissons :
Aux termes de l'article 74 alinéa 1er du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevée simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.
En application de ces dispositions, une partie qui a conclu sur le fond est irrecevable à présenter une exception d'incompétence en cause d'appel et celle qui a saisi un tribunal est irrecevable à en soulever l'incompétence.
M. [Z] ayant conclu sur le fond en première instance, l'exception d'incompétence soulevée en appel sera donc déclarée irrecevable.
Sur la demande de requalification en bail commercial du bail rural en date du 30 juillet 2001 ou son renouvellement en date du 1er août 2013 :
Le preneur fait valoir qu'il n'a jamais exercé d'activité agricole, que les immeubles ont été loués en vue d'y exercer une activité commerciale de vente de foie gras et de restauration, sans aucun élevage, les canards étant achetés uniquement pour fabriquer son foie gras, que tous ses comptes de la SARL qu'il gérait en font foi, qu'il a d'ailleurs mis les immeubles loués à la disposition de son entreprise commerciale, qu'il a développé à partir de novembre 2011 une activité de boucherie-charcuterie-traiteur à la ferme sans élever les animaux d'espèces différentes dont il se bornait à acheter les carcasses, que cette activité commerciale était parfaitement connue du bailleur qui en profitait pour vendre sa production de St-Emilion, que ce dernier a par conséquent consenti à l'abandon de toute activité agricole au profit d'une activité commerciale, que l'activité de restauration était auberge à la ferme et non pas ferme-auberge ce qui montre bien que l'activité de la société était commerciale et non pas agricole.
L'intimé fait valoir que le bail avait bien pour objet une activité agricole, qu'il en est de même du bail renouvelé, que M. [Z] était éleveur de volailles et producteur de foie gras, l'activité d'aubergiste ne devant constituer qu'une activité annexe pour commercialiser une partie de sa production, et que si M. [Z] a abandonné la partie agricole de son activité c'est uniquement de son propre chef, lui n'ayant jamais consenti à cet abandon, et qu'enfin la mise à disposition au profit d'une société commerciale n'est pas interdite dès lors que son objet est principalement agricole (article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime).
La cour rappelle que le statut du fermage s'applique à toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L.311-1.
L'usage agricole de la pâture et des bâtiments donnés à bail n'est pas discuté, seule la nature agricole de l'activité qui y est exercée à titre principal est discutée par le preneur qui prétend que l'activité principale était commerciale (achat pour transformation, vente, restauration), qu'il n'a jamais exploité d'activité agricole puisqu'il ne faisait pas d'élevage, que le bailleur a autorisé des travaux pour réaliser une auberge à la ferme et qu'à partir de novembre 2011 il a ouvert une boucherie-charcuterie à la ferme et qu'il dispose d'un bac professionnel de restauration pour exercer l'activité de restauration.
La cour rappelle que l'activité d'élevage est agricole par nature aux termes de l'article L.311-1 du code rural. Par ailleurs aux termes de ce même article sont réputées activités agricoles par destination les activités de transformation des produits de l'exploitation, leur vente mais également l'agrotourisme (découverte de spécialités artisanales ou culinaires), qui, même commerciales, ne font pas perdre au preneur le bénéfice du statut du fermage tant qu'elles restent accessoires à son activité principale agricole par nature.
Or la cour constate qu'aucun élément produit par M. [Z] ne justifie que le bail aurait été conclu en vue d'exploiter une activité commerciale à titre principal. Au contraire les pièces produites démontrent que c'est bien une activité agricole à titre principal que M. [Z] a prétendu développer dans les biens immobiliers objets du bail initial et du bail renouvelé :
- dans la convention de mise à disposition à l'EURL Le foie gras de [Localité 9] signée par ses soins, datée du 1er octobre 2004, M. [Z] se désigne comme exploitant agricole à [Localité 9] qui s'engage à mettre à disposition de l'EURL Le foie gras de [Localité 9] dont il est le gérant le domaine agricole (bâtiment et parcelles de terres) dont il est locataire, les textes du statut du fermage étant cités tout au long de cette convention et le terme bail rural repris à plusieurs reprises,
- dans sa plaquette « portes ouvertes des 11, 12 et 13 novembre 2011-bon de commande » ainsi que dans sa plaquette tarif septembre 2010 dans laquelle il rappelle ses distinctions de 2002 à 2008, il se présente comme éleveur producteur;
- la convention que le preneur produit en pièce 2 signée des deux parties, non datée, rappelle l'autorisation donnée par le bailleur de développer une activité agricole annexe au sens défini par l'article L.311-1 du code rural, consistant en l'exploitation d'une auberge à la ferme conforme au cahier des charges du réseau « bienvenue à la ferme » de la chambre d'agriculture de l'Aisne ; au demeurant dans cette convention le preneur se présente comme producteur de foie gras et éleveur de volailles ;
- dans le chiffrage de ses dommages présenté à son assureur il est fait état de couveuses et abreuvoirs, dans ses conclusions il parle d'abattoir à volailles, d'alimentation en eau des cinq poulaillers et de grillage de deux mètres de haut entourant la pâture à volaille, ce qui fait présumer qu'il maîtrisait toute la chaîne de production.
- dans l'ordonnance du 14 mai 2018 qui admet la créance de loyers de M. [Y], le juge-commissaire rappelle la mise à disposition dont jouit la SARL le foie gras de [Localité 9] immatriculée « pour une activité d'élevage agricole d'animaux principalement de volailles, production de foie gras, boucherie, charcuterie sise [Adresse 2] « suivant courrier du 29 octobre 2004 et attestation de M. [Y] du 16 novembre 2004 » (mise à disposition pour y établir son siège et y exercer une activité agricole), ce dont il s'infère que cette société a une vocation principalement agricole nonobstant la «situation au répertoire Sirene à la date du 9 septembre 2023 » faisant apparaître la SARL Le foie gras de [Localité 9] comme ayant pour activité principale « le commerce de détail de viandes et de produits à base de viande en magasin spécialisée », cet avis n'ayant aucune valeur juridique selon l'avertissement rappelé en pied.
Au demeurant, il ressort de la lettre datée du 25 septembre 2021 adressée à M. [Y], qu'il a produit devant le premier juge, que « Vous indiquez aussi que depuis 2016 les lieux sont livrés à l'abandon. Je crois que vous avez la mémoire courte et avez oublié les quelques 2200 volailles élevées en 2019 et abattues dans les locaux'Si 2200 volailles n'ont pas éveillé vos oreilles, il suffit de me le dire et je pourrais en mettre en place un nombre bien plus important qui vous alertera. » Même après le renouvellement de 2013 il se présentait donc comme exploitant les biens loués à des fins agricoles.
Dès lors le preneur, qui au demeurant ne produit pas les statuts de l'EURL ni de la SARL, ne justifie pas de la nature commerciale du bail, ni de la renonciation expresse du bailleur à la nature agricole du bail ou du bail renouvelé dont les clauses et conditions sont, aux termes de l'article L.411-50 du code rural, celles du bail initial à défaut de convention contraire.
Cette demande sera donc rejetée.
Sur la demande d'annulation des deux congés pour vice de forme :
Le preneur veut faire constater qu'en violation de l'article L.641-9 du code de commerce applicable à la liquidation des exploitations agricoles en vertu de l'article L.351-8 du code rural et de la pêche maritime, Me [K] [M] n'a reçu aucune signification des congés alors qu'il gère la mise à disposition des terres louées en ses lieu et place et veut faire juger que cette omission entraîne un vice de procédure conduisant à l'annulation des congés.
Cependant la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Le foie gras de [Localité 9] n'ayant pas été étendue à M. [Z] personnellement, le fait que les congés n'aient été délivrés qu'à M. [Z], seul titulaire du bail et qui reste tenu de toutes les obligations du bail malgré la mise à disposition, n'entraîne pas leur nullité pour vice de forme.
Sur la demande d'annulation du congé délivré pour défaut de paiement des loyers, pour défaut d'entretien et pour défaut d'exploitation :
Les motifs du congé du 22 décembre 2020 à effet au 1er août 2022 sont ainsi exposés :
« Ce congé vous est donné en application des articles L.411-31, L.411-53 et L.411-46 du code rural et de la pêche maritime et 1729 du code civil aux motifs suivants :
- Vous n'êtes pas à jour des fermages dus, malgré deux mises en demeure et commandement de payer des 4 août et 17 novembre 2016, et vous restez devoir comptes arrêtés à décembre 2020 la somme totale de 34139,25 euros à ce titre,
- Il a été constaté que les biens loués ne sont plus occupés depuis 2016, et sont livrés à l'abandon :
* la partie louée à usage de magasin est inoccupée et encombrée de divers objets,
* la vitre de la porte-fenêtre desservant la pièce située à la suite de la cuisine est brisée,
* les immeubles bâtis sont encombrés d'objets divers et hors d'usage et n'ont fait l'objet d'aucun nettoyage depuis de nombreux mois,
* la parcelle de pâture louée est à l'état de savart et la clôture en très mauvais état,
* cinq petits baraquements ont été installés sans autorisation du propriétaire et depuis sont totalement abandonnés,
* de nombreux cageots et containers poubelles sont laissés à l'abandon derrière le magasin,
Ces agissements du preneur sont de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds,
- Monsieur [Z] a mis le bail dont s'agit à disposition de la société EURL Le foie gras de [Localité 9], aujourd'hui en liquidation judiciaire, conformément à l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime qui autorise le preneur associé à une société à objet principalement agricole à mettre à disposition de celle-ci pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire. M. [Z] a néanmoins depuis abandonné toute activité agricole de sorte que les conditions de l'article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime ne sont plus remplies. M. [Z] ne peut prétendre au droit au renouvellement visé à l'article L.411-46 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'il ne réunit plus les mêmes conditions d'exploitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail à l'article L.411-59 dudit code. »
Aux termes de l'article L.411-46 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, « Le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l'un des motifs graves et légitimes mentionnés à l'article L.411-31 ou n'invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux parties L.411-57 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67. »
Aux termes de l'article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime, (') « le bailleur ne peut s'opposer au renouvellement du bail que s'il justifie de l'un des motifs mentionnés à l'article L.411-31 et dans les conditions prévues audit article.
Sur le défaut de paiement des loyers :
Il résulte de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance et que ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
Le 4 août 2016, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer dans lequel il rappelle que les bâtiments qui lui sont loués par le preneur ont brûlé le 17 septembre 2013, que le bailleur a alors procédé à la réfection de la toiture, que depuis janvier 2016, lesdits bâtiments s'avèrent être fonctionnels et qu'en conséquence il le met en demeure de payer les fermages de janvier à août 2016 (614 euros par mois) outre les frais de l'acte, soit 5098,36 euros en tout.
Le 30 août 2016, le bailleur a fait délivrer au preneur un itératif commandement de payer les fermages à compter de janvier 2016 outre les taxes foncières 2016 soit 443,49 euros outre les frais d'acte, le total dû étant de 7477,43 euros.
Malgré ces deux commandements, aucun règlement n'est intervenu et les loyers postérieurs à novembre 2016 sont également restés impayés.
Le preneur estime qu'il avait des raisons sérieuses et légitimes pour ne pas régler les loyers puisque le bailleur n'a pas effectué les travaux de remise en état durant 3 ans après l'incendie si bien qu'il n'a pu reprendre l'activité de restauration et n'a pu jouir paisiblement des lieux loués du fait du bailleur, que si les travaux de toiture ont été effectués en janvier 2016 en revanche les travaux de réfection du plancher du grenier n'ont été finis qu'en août 2016 et que le grenier qui lui servait de lieu de stockage et qu'il envisageait d'aménager en salle de réception n'est désormais plus accessible ni exploitable du fait de la nouvelle architecture de la charpente, ce qui justifie une réfaction du loyer de 40%.
Cependant la cour estime qu'il n'invoque pas de motifs sérieux et légitimes de s'être abstenu de régler les loyers à compter de janvier 2016.
En effet dans ses conclusions de première instance il affirmait avoir fait poser une charpente et une toiture provisoires pour un montant de 7912,81 euros pour reprendre son activité fin novembre 2013 si bien qu'il y a lieu de présumer qu'il a repris ou pu reprendre son activité à cette date et en tout état de cause il ne justifie pas que les bâtiments loués n'étaient pas fonctionnels en janvier 2016 après la réfection de la charpente et de la toiture, le fait qu'il ne puisse pas mener à bien son projet d'aménagement d'une salle de réception dans le grenier du fait notamment de l'absence de plancher avant août 2016 étant indifférent à cet égard.
Sur le défaut d'entretien :
Il résulte de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. Ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
Il ressort du procès-verbal de constat du 26 novembre 2020 dressé par Me [D] commissaire de justice, que les biens loués ne sont plus occupés par M. [Z] qui les a laissés complètement à l'abandon tant à l'extérieur qu'à l'intérieur depuis de nombreux mois.
Cependant c'est à juste titre que le preneur fait valoir que le procès-verbal de constat du défaut d'entretien doit être écarté comme ayant été dressé à son insu sans autorisation judiciaire en pénétrant dans les lieux loués puisque contrairement à ce qu'affirme M. [Y] les photographies de l'intérieur des locaux loués situés 1 bis ferme de la grange ne peuvent être prises ni de la voie publique ni de son domicile situé au [Adresse 3].
En effet, le bailleur ne peut établir la preuve avec des constats et photographies opérés en pénétrant dans les lieux loués hors présence du preneur sans son autorisation ni autorisation judiciaire. (Civ.3e, 19 février 2003)
Dès lors il y a lieu d'écarter des débats le procès-verbal de constat susvisé par application du principe de loyauté dans l'administration de la preuve et de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur le défaut d'exploitation des lieux loués conformément au bail:
Il résulte de l'article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime que le bailleur peut s'opposer au renouvellement du bail s'il justifie d'agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds et que ce motif ne peut être invoqué en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes.
Aux termes de ses écritures aux termes desquelles il revendique la reconnaissance d'un bail commercial le preneur affirme n'avoir jamais pratiqué l'activité d'élevage depuis au-moins 2011 et n'avoir eu qu'une activité commerciale dans les lieux loués au travers de la société EURL Le foie gras de [Localité 9].
Or aucun cas de force majeure ou motif légitime ne faisait obstacle à l'élevage des canards notamment en vue de leur transformation depuis la conclusion du bail ni après son renouvellement en août 2013.
Par ailleurs ni le fait que le preneur aurait été privé de reprendre l'activité d'auberge à la ferme après l'incendie de septembre 2013, ce qui n'est au demeurant pas démontré à partir du moment où il a pu faire réaliser une charpente et toiture provisoires dès novembre 2013 pour reprendre son activité de transformation et qu'il affirme avoir pu reprendre complètement son activité à compter d'août 2016, ni le fait qu'il aurait été privé de la possibilité d'aménager le grenier en salle de réception après le mois d'août 2016, ne justifiait la cessation de l'activité d'élevage.
Dès lors qu'au-moins deux manquements sur les trois visés par le congé sont établis, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a validé ce congé sans qu'il y ait lieu de contrôler des manquements du preneur qui ne sont pas reprochés dans le congé.
Sur la demande d'annulation du congé pour reprise par M. [X] [Y] fils du bailleur :
Le preneur fait valoir qu'il n'est pas justifié que le fils du bailleur peut se consacrer durant au-moins 9 ans à l'exploitation des lieux loués de façon effective et permanente. Il affirme de première part que le bénéficiaire de la reprise n'a pas les moyens matériels et financiers suffisants puisqu'il ne dispose ni du cheptel ni du matériel dont lui-même disposait et qu'il ne justifie pas avoir reçu l'autorisation d'exploiter à titre personnel quand il est devenu associé de la SCEA [Y] [R] le 21 février 2020 alors qu'il est double actif comme travaillant à plein temps comme commercial dans la société Germicopa et qu'il doit disposer d'une autorisation d'exploiter par application de l'article L.331-2 du code rural dès lors que ses revenus dépassaient 3120 x le taux horaire du SMIC, si bien qu'il ne peut bénéficier des éléments matériels et financiers de la société. D'autre part il fait valoir que ni le bénéficiaire ni la SCEA [Y] [R] ne sont en règle avec le contrôle des structures puisque [X] [Y] n'a pas d'autorisation d'exploiter à titre personnel et que la SCEA [Y] [R] qui exploite déjà 321 ha 61 a 50 ca n'a pas obtenu au 1er août 2022, date d'effet du congé, l'autorisation d'exploiter les biens repris.
Le bailleur rétorque que son fils remplit toutes les conditions puisqu'il est majeur comme étant âgé de 31 ans, qu'il est titulaire d'un diplôme de master d'une école d'ingénieur en agriculteur, agriculteur et commercial et exploitera les immeubles repris dans le cadre de la SCEA [Y] [R] à la ferme de [Adresse 7] à [Localité 9] dont il est associé depuis 2020, qui dispose des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation des biens repris et qui a obtenu une autorisation implicite de les exploiter 6 mois à compter de l'avis de réception du 16 novembre 2021 de la demande complète, et qu'en application de l'article L.411-58 alinéa 7 du code rural et de la pêche maritime seule la SCEA, exploitante des terres reprises, doit justifier d'une autorisation administrative et non le bénéficiaire de la reprise dont l'appelant ne précise pas à quel titre il devait solliciter une autorisation administrative d'exploiter à la date d'entrée de la SCEA.
La cour rappelle qu'aux termes des articles L.411-58 alinéa 1er du code rural et de la pêche maritime, le bailleur a le droit de refuser le renouvellement du bail s'il veut reprendre le bien loué pour lui-même ou au profit de son conjoint, du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou d'un descendant majeur ou mineur émancipé.
Le bénéficiaire de la reprise doit remplir les conditions prévues à l'article L.411-59 du même code.
Les motifs du congé délivré le 20 août 2020 à effet au 1er août 2022 sont ainsi exposés : « Ce congé vous est donné en application de l'article L.411-58 du code rural et de la pêche maritime au motif que le requérant entend exercer le droit de reprise au profit de son fils M. [X] [Y]. Il précise à cet effet que, né le 20 décembre 1990 à [Localité 10] il est âgé de 30 ans ; il demeure et demeurera après la reprise [Adresse 5] à [Localité 9]. Il est agriculteur et commercial, il exploite et exploitera les biens immobiliers repris dans le cadre de la SCEA [Y] [R] dont le siège se situe [Adresse 7] à [Localité 9]. Il dispose de la capacité professionnelle et des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation des biens repris. Il s'engage à se consacrer à l'exploitation des biens repris pendant au moins neuf ans et possède le cheptel et le matériel nécessaire conformément à l'article L.411-59 du code rural. »
La cour rappelle que c'est à la date d'effet du congé soit au 1er août 2022 que le juge doit se placer pour examiner la situation du bénéficiaire de la reprise notamment au regard du contrôle des structures et des moyens matériels et financiers nécessaires à l'exploitation des biens repris.
Les biens repris ont vocation à être exploités au sein de la SCEA [Y] [R], si bien que par application de l'article L.411-58 alinéa 7 du code rural et de la pêche maritime seule la société doit obtenir l'autorisation lorsque l'opération y est soumise. Or force est de constater qu'elle l'a obtenue de façon implicite à compter du 16 mai 2022 ce dont justifie l'attestation délivrée le 17 mai 2022 par la DDT de l'Aisne.
Par ailleurs il n'est pas discuté que la SCEA [Y] [R], à la disposition de laquelle seront mis les biens repris par [X] [Y] qui est l'un de ses associés, dispose des moyens matériels et financiers pour exploiter les bâtiments repris ainsi que la parcelle reprise d'une surface de 1 ha 48 a 10 ca alors même qu'elle exploite déjà une superficie de plus de 320 hectares.
C'est par conséquent à juste titre que le premier juge, constatant que les autres conditions, non contestées, étaient également remplies, a validé ce congé, toutes les conditions exigées par l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime étant réunies.
Sur les demandes accessoires d'indemnités d'occupation et d'expulsion :
Ces dispositions ne sont pas discutées par le preneur même à titre subsidiaire.
Sur la demande en paiement des fermages impayés et de la quote-part sur la taxe foncière :
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription extinctive :
Le preneur fait valoir que les loyers sont prescrits par cinq ans. Le bailleur réplique que ce moyen ne peut prospérer dès lors qu'il est soulevé pour la première fois en appel et que les commandements de payer délivrés les 4 août et 17 novembre 2016 ont interrompu le délai de prescription par application de l'article 2244 du code civil.
La cour rappelle que la prescription qui s'analyse en une fin de non-recevoir peut être soulevée pour la première fois en appel par application de l'article 123 du code de procédure civile.
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il résulte des articles 2241 alinéa 1er et 2242 du code civil que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et que l'interruption résultant de la demande en justice produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.
Si l'article 2244 du code civil dispose que le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée, cependant un commandement de payer qui n'engage aucune saisie n'a pas d'effet interruptif (Civ.2e, 22 juin 2017, n°16-17277).
Les simples commandements de payer des 4 août et 17 novembre 2016 n'entrant pas dans les prévisions de l'article 2244 du code civil n'ont eu aucun effet interruptif de prescription.
L'action en justice aux fins de paiement des loyers n'ayant été introduite que par la demande reconventionnelle formulée devant le premier juge à l'audience des plaidoiries du 23 septembre 2022, les loyers échus avant le 23 septembre 2017 sont prescrits et la demande en paiement est en partie irrecevable.
Sur le montant des loyers et taxes foncières dues au 30 mars 2022 :
M. [Z] ne saurait s'exonérer de tout ou partie du paiement des loyers à compter d'octobre 2017 au motif que le bailleur n'a pas nettoyé le local commercial après l'incendie de 2013 (nettoyage au titre duquel le preneur a perçu une indemnité de la part de son assureur) ni après une coulée de boue provenant de ses terres le 19 juin 2021 (n'ayant fait l'objet d'aucune déclaration ni mise en demeure) sans mettre en évidence que le bailleur a manqué à ses obligations. Le constat d'huissier du 2 janvier 2023 constatant la présence de boue séchée sur les sols de plusieurs pièces et la lettre de mise en demeure adressée au bailleur le 15 juillet 2013 de nettoyer le caniveau à l'entrée de l'abattoir et de modifier ce caniveau pour qu'il ne déborde plus en cas d'orage et pas seulement mettre une planche, ne saurait suffire à cet égard, étant observé au demeurant que le preneur au gré des pages de conclusions date le sinistre relatif à la coulée de boue du 19 juin 2019.
M. [Z] sollicite également une réduction de 40% du fermage à compter d'août 2016 en faisant valoir que les travaux de réfection du plancher du grenier l'ont privé de 40% de la surface totale des locaux puisqu'il ne peut plus exploiter le grenier de 240 m² situé au- dessus de l'ancienne salle de restaurant, qu'il utilisait comme espace de stockage et qu'il envisageait d'aménager en salle de réception.
Cependant il ne démontre pas, par le seul constat d'huissier qu'il produit, en date du 2 janvier 2023, avoir été privé de la jouissance de 240 m² de grenier à usage de stockage du fait de la modification de la charpente et de l'implantation d'une cloison avec une porte fermant à clé puisque d'une part il a pu pénétrer dans le grenier avec l'huissier, que d'autre part il ne produit aucun état des lieux d'entrée permettant de mettre en évidence la perte de jouissance alléguée et qu'enfin l'huissier indique que l'implantation des fermes de la charpente à 0,80 cm de haut du sol limite fortement toute circulation mais non qu'elle l'empêcherait, étant observé à cet égard que le preneur indique dans ses conclusions et dans sa lettre recommandée du 29 janvier 2017 que les poutres des fermes sont installées à 1,20 mètre du sol, le fait qu'il ne puisse y établir une salle de réception étant indifférent à cet égard puisque le grenier n'a pas cet usage dans le bail et que M. [Z] n'avait pas obtenu l'autorisation d'en aménager une.
Il ressort du décompte produit que les sommes échues au titre du bail et restées impayées sont les suivantes :
- Au titre des fermages échus d'octobre 2017 au 31 juillet 2018 : 6473,20 euros
- Au titre des fermages échus du 1eraoût 2018 au 31 juillet 2019 : 7533,12 euros
- Au titre des fermages échus du 1er août 2019 au 31 juillet 2020 : 7304,28 euros,
- Au titre des fermages échus du 1er août 2020 au 31 juillet 2021 : 7425,48 euros,
- Au titre des fermages échus du 1er août 2021 au 30 mars 2022 : 5004,28 euros,
- Au titre de la part sur les taxes foncières échues de 2017 à 2021 : 2258,37 euros,
Soit un total de 35.998,73 euros.
Le jugement sera réformé dans cette mesure.
Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à hauteur de 60000 euros :
Sur la demande d'indemnisation au titre de la perte d'une partie de l'indemnité d'assurance :
M. [Z] fait valoir comme en première instance qu'il a perdu la possibilité de percevoir de sa compagnie d'assurance 15.614 euros au titre de l'indemnité de vétusté sur le montant des travaux d'aménagements et embellissements à réaliser du fait de l'incendie dans l'abattoir, la salle de découpe, la conserverie, la chambres froide et la boutique.
Il explique qu'il n'a pas pu toucher cette indemnité résiduelle sur les aménagements et embellissement puisque les travaux de charpente et de toiture n'étaient pas terminés au 17 décembre 2015, le preneur ayant tardé à faire réaliser les travaux afin de le pousser à quitter les lieux de son propre chef.
Cependant il ressort de ses propres écritures et de ses pièces que la toiture provisoire lui permettait de faire les travaux nécessaires à la remise en état de son abattoir, salle de découpe, conserverie, chambres froides et boutique et que s'il n'a pas perçu l'indemnité résiduelle valeur à neuf sur les embellissements et aménagements (15614 euros sur 67005 euros) c'est parce qu'il n'a pas justifié auprès de l'assureur des factures afférentes à ces travaux dans le délai de 2 ans et trois mois n'ayant fait aucun des travaux évalués par l'expert d'assuré à hauteur de 67005 hors taxes valeur neuve (aménagements, embellissements, électricité-chauffage et aménagements frigorifiques) pour lesquels il a pourtant perçu l'indemnité de 50086 euros vétusté déduite.
Dès lors c'est à juste titre que le premier juge l'a débouté de cette demande et il convient de confirmer le jugement de ce chef.
Sur la demande d'indemnisation au titre des travaux de charpente et toiture provisoire et sur la demande d'indemnisation de son préjudice économique :
M. [Z] sollicite 7912,81 euros au titre des frais de charpente et toiture provisoires pour lesquels il a perçu une indemnité de son assureur, estimant que ce n'était pas à l'assureur de supporter ces frais mais au bailleur ce que ce dernier a refusé. Il sollicite au surplus l'indemnisation d'un préjudice économique en réparation de son arrêt d'activité durant trois ans, qu'il ne chiffre pas explicitement.
Cependant c'est à juste titre que M. [Y] soulève l'irrecevabilité de ces demandes comme étant nouvelles en appel.
La cour considère en effet que ces demandes indemnitaires nouvelles en appel ne constituent pas un accessoire, une conséquence ou un complément nécessaire des demandes formulées en première instance, si bien qu'elles doivent être déclarées irrecevables par application des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Sur la demande indemnitaire pour défaut d'exploitation après reprise :
Le preneur sollicite des dommages et intérêts en se prévalant de l'article L.411-66 du code rural et de la pêche maritime selon lequel le preneur évincé a droit notamment à des dommages et intérêts si le propriétaire n'a exercé la reprise que dans le but de faire fraude à ses droits, en faisant valoir que le bénéficiaire n'exploite pas la pâture ni les bâtiments repris depuis la remise des clés le 6 mars 2023 en violation de l'article L.411-59 du code rural et de la pêche maritime.
Il en veut pour preuve deux constats d'huissier des 9 juin 2023 et 6 septembre 2023 d'où il ressort que la parcelle est envahie de mauvaises herbes, que l'accès à l'ancienne boutique est recouvert en partie de végétation, que de l'extérieur et à proximité des bâtiments aucune publicité pour une quelconque activité à l'emplacement de l'ancien local n'est visible.
Cependant c'est à juste titre que M. [Y] soulève l'irrecevabilité de cette demande comme étant nouvelle en appel.
La cour considère en effet que cette demande indemnitaire nouvelle en appel ne constitue pas un accessoire, une conséquence ou un complément nécessaire des demandes que le preneur a formulées en première instance, si bien qu'elle doit être déclarée irrecevable par application des articles 564 et suivants du code de procédure civile.
Sur la demande d'expertise avant dire droit sur l'indemnité de sortie :
M. [Z] sollicite une mesure d'expertise judiciaire avant dire droit sur le montant de l'indemnité de sortie pour chiffrer les travaux d'embellissements qu'il a effectués.
Il fait valoir qu'il a effectué de nombreux travaux d'amélioration des immeubles loués :
- création d'une boutique avec chambre froide à la place de l'appentis de deux travées avec pose de baies vitrées, porte, isolation, jointement des murs('.)
- création d'une réserve et bureau à la place de l'appentis de trois travées avec création d'un mur de fermeture, pose de deux fenêtres, isolation par placoplâtre ('.)
- création d'un abattoir, salle de découpe, chambre froide et cuisine d'une surface de 80 m² aux normes sanitaires ;
- création de toilettes homme et femme, d'une salle de restaurant à deux niveaux d'une surface de 80 m²(').
- pose d'un compteur EDF
- déjointage et pose de nouveaux joints des pierres du mur de façade du bâtiment abritant cuisine et salle de restaurant,
- pose d'un compteur d'eau depuis la route'ainsi que l'alimentation des 5 poulaillers,
- pose d'un grillage de 2 mètres de haut entourant la pâture à volailles.
Le bailleur s'y oppose faute de preuve de l'existence des améliorations culturales et en présence au contraire de dégradations du fonds et des bâtiments totalement abandonnés depuis plusieurs années.
Les dispositions issues des alinéa 1 à 3 de l'article L.411-69 du code rural et de la pêche maritime prévoient que le preneur qui par son travail ou par ses investissements apporte des améliorations au fonds loué a droit, à l'expiration du bail, à une indemnité due par le bailleur quelle que soit la cause qui a mis fin au bail. Sont assimilées aux améliorations les réparations nécessaires à la conservation d'un bâtiment indispensable pour assurer l'exploitation du bien loué ou l'habitation du preneur, effectuées avec l'accord du bailleur par le preneur et excédant les obligations légales de ce dernier. Il en est même des travaux ayant pour objet d'exploiter le bien loué en conformité avec la législation ou la réglementation.
Le principe du droit à indemnisation suppose que le preneur rapporte la preuve d'améliorations du fonds réelles et autorisées.
Il ressort de l'article 146 du code de procédure civile qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Or d'une part M. [Z] ne produit aucun état des lieux d'entrée tel que le prescrit l'article L.411-4 du code rural et de la pêche maritime, d'autre part il ne produit aucune facture des travaux d'amélioration pour lesquels il sollicite une indemnité de sortie alors même qu'il a reçu une indemnisation de la part de sa compagnie d'assurance pour les embellissements et aménagements vétusté déduite et qu'il indique ne pas avoir engagé ces travaux.
Par ailleurs le défaut d'entretien et de réparation des lieux par le preneur est établi non seulement par le preneur lui-même qui indique que les sols n'ont pas été nettoyés à la suite de différents sinistres (dont au demeurant un seul, l'incendie, a donné lieu à déclaration, pour lequel il a reçu des indemnisations de la part de sa compagnie d'assurance notamment pour les frais annexes comprenant le nettoyage) mais encore par le procès-verbal de constat réalisé à sa demande le 2 janvier 2023 dont il ressort que la parcelle, entourée d'une clôture qui est dégradée à certains endroits, est envahie de mauvaises herbes et que les sols du laboratoire, la chambre froide et la salle de réception sont jonchés d'une croûte terreuse, une trace d'eau boueuse étant visible sur les murs du laboratoire et de la chambre froide voisine, enfin que la cour notamment au niveau de l'accès à son ancienne boutique est recouvert en partie de végétation.
Dès lors M.[Z] sera débouté de cette demande d'expertise avant dire-droit sur l'indemnisation de sortie et le jugement confirmé en ce qu'il l'a débouté de la demande d'indemnisation de ce chef.
Sur les autres chefs du jugement :
La cour constate que le preneur ne formule plus aucune prétention relative à l'indemnité d'éviction. Le jugement sera donc confirmé de ce chef.
Il y a également lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de communication du permis autorisant les travaux de la toiture détruite par l'incendie, qui n'a plus d'objet, en ce qu'il a rejeté la demande de révision du fermage à compter du 1er août 2016 et d'annulation des fermages à compter de juillet 2021.
Sur les autres demandes :
Les demandes de condamnation de M. [Y] à remettre en état la charpente et le grenier dans leur état d'origine et de produire la facture du plancher installé dans le grenier doivent être rejetées comme n'ayant plus d'objet puisque le bail n'a pas été renouvelé le 1er août 2022.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Compte tenu de la solution donnée au litige il y a lieu de dire que chaque partie supportera la charge de ses dépens et frais hors dépens en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe et contradictoirement,
Déboute M. [Z] de sa demande d'annulation du jugement entrepris,
Déclare irrecevable l'exception d'incompétence du tribunal paritaire des baux ruraux au profit du tribunal de commerce,
Rejette la demande de requalification du bail rural en bail commercial,
Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné M. [Z] à payer à M. [Y] 59790,35 euros au titre des fermages et de sa part sur la taxe foncière arrêtés au 30 mars 2022, et,
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare prescrite l'action en paiement des loyers échus avant le 23 septembre 2017,
Condamne M. [W] [Z] à verser à M. [R] [Y] 35.998,73 euros en paiement des fermages échus et impayés du 1er octobre 2017 au 30 mars 2022 et en paiement de sa part sur les taxes foncières échues de 2017 à 2021,
Y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de dommages et intérêts de M. [Z] nouvelles en appel au titre des travaux de charpente et toiture provisoires, de son préjudice économique, et du défaut d'exploitation par le bénéficiaire après reprise,
Déboute M. [Z] de ses demandes de :
- expertise avant dire-droit sur l'indemnité de sortie,
- remise en état de la charpente et du grenier dans leur état d'origine,
- production de la facture du plancher installé dans le grenier,
Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens d'appel et frais hors dépens en appel.
Le Greffier, La Présidente,