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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 5 septembre 2024, n° 22/08224

PARIS

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Recoules

Conseillers :

Mme Leroy, Mme Lebée

Avocats :

Me Aknin, Me Boccon Gibod, Me Boulmelh

TJ Paris, 18e ch. sect. 2, du 8 mars 202…

8 mars 2022

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat en date du 15 octobre 2004, la société [A] Stratégies (la société [A]) a pris à bail auprès de la société civile immobilière [Adresse 4] un local commercial situé au [Adresse 4], d'une surface de 95 m² pour une durée de 9 ans. À la suite du congé donné par la bailleresse, les parties sont convenues, aux termes d'un protocole en date du 1er juin 2018, du paiement d'une indemnité ainsi que de la relocalisation de la société [A] au [Adresse 2], cet immeuble appartenant à la société civile immobilière [Adresse 2], du même groupe que la précédente bailleresse, un bail dérogatoire étant conclu le même jour.

L'annexe 2 du bail prévoyait une liste des travaux à la charge du bailleur, conformes au standing de l'immeuble, les locaux devant être livrés au plus tard le 21 août 2018.

Le 27 juillet 2018, les parties ont signé un avenant prévoyant une prise de possession des lieux après l'achèvement des travaux et la signature d'un procès-verbal d'achèvement des travaux qui fixera la date de prise de possession des locaux au premier jour ouvré suivant.

Le bailleur s'engageait à payer à la société [A] une indemnité d'un montant de 650 euros HT par jour calendaire de retard dans l'achèvement des travaux et ce jusqu'à la date de prise d'effet du bail (article 2.1.2 du bail modifié par l'avenant). Entre temps, les locaux étaient gratuitement mis à disposition du preneur.

Le loyer stipulé, dû à compter de la prise d'effet du bail dérogatoire, était d'un montant de 60 000 euros hors taxes et hors charges par an, payable en une fois pour les trois années à courir, soit une somme totale de 180 000 euros hors taxes et hors charges, conformément aux articles 6.1 et 6.3 du bail dérogatoire.

La société [A] s'est également engagée à verser en une seule fois une somme forfaitaire pour charges, impôts, taxes et autres accessoires pour toute la durée du bail d'un montant total de 57 000 euros hors taxes et hors charges, conformément à l'article 9.3 dudit bail.

Le 4 septembre 2018, la société [A] est entrée dans les lieux et a fait publier au registre du commerce et des sociétés la modification de son siège social.

Le 17 septembre 2018, l'huissier de justice mandaté par le bailleur a procédé aux constatations en la présence de M. [A], de son architecte et du gestionnaire du bailleur, et a fait la liste des quinze réserves de M. [A] :

« trace de dégât des eaux sur un mur de la cuisine ;

- le chambranle d'une porte des sanitaires n'est pas peint ;

- quelques éléments de plinthe manquent dans la cuisine ;

- des traces de coups et épaufrures sont observées en partie basse des ventilo convecteurs ;

- une absence d'alimentation en eau chaude temporaire, uniquement due aux interventions sur le dégât des eaux (conformément d'ailleurs aux termes de l'article 10.4 du Bail dérogatoire) ;

- dans la salle de réunion, la moquette aurait été pour moitié posée à l'envers (ce qui n'entraîne des conséquences qu'esthétiques mineures) ;

- à l'entrée et en zone archives, deux découpes de la moquette sont légèrement visibles (là encore, ce qui n'entraîne des conséquences qu'esthétiques parfaitement mineures et à peine perceptible) ;

- un nettoyage du sol imparfait s'agissant du sol de la cuisine ;

- des traces d'oxydation dans les sanitaires ;

- une différence d'interprétation des plans par les parties s'agissant de l'existence d'une cloison entre le secrétariat et la salle de réunion ;

- absence d'alimentation pour la gâche électrique ;

- une réserve sur le meuble vasque des sanitaires dont le remplacement est sollicité ;

- deux stores tâchés et présence de quelques plis lors de leur remontée électrique ;

- bruit d'un ventilo convecteur dans la salle de réunion, qui n'est au demeurant pas considéré comme anormal ;

- constatation que l'interphone sur rue ne permet pas l'ouverture de la porte en dehors des heures d'ouverture du bâtiment pour des raisons de sécurité. »

Après différents échanges et sommations infructueuses, la société [A], par acte du 11 avril 2019, a fait assigner le bailleur devant le tribunal de grande instance de Paris afin de voir déclarer nulle la mise en demeure du 21 mars 2019 de signer le procès-verbal de constat du 17 septembre 2018 et de régler les loyers et charges et afin de voir condamner le bailleur à lui verser la somme de 149 500 euros au titre des indemnités de retard.

Le 2 mai 2019, le bailleur a fait pratiquer une saisie bancaire, dénoncée le 10 mai 2019, portant sur une somme de 267 500 euros et, par acte du 31 mai 2019, a fait assigner la société [A] aux fins principales de la voir condamnée à lui payer la somme de 274 610 euros au titre des loyers et charges.

Les deux instances au fond ont été jointes.

La médiation ordonnée par le juge de la mise en état n'a pas abouti.

Le juge de l'exécution a ordonné la main-levée de la saisie conservatoire par jugement en date du 15 juillet 2019.

Le tribunal judiciaire de Paris, par jugement en date du 8 mars 2022, a débouté la société [A] de ses demandes, dit que le bail dérogatoire avait pris effet au 18 septembre 2018, condamné la société [A] à payer à la société civile immobilière [Adresse 2] la somme de 267 500 euros au titre de loyers, charges, taxes et impôts avec intérêt au taux légal à compter du 18 septembre 2018, la somme de 7 110 euros au titre de la clause pénale avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2018, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, a débouté la société civile immobilière [Adresse 2] de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive et ordonné l'exécution provisoire.

La société [A] a interjeté appel de cette décision par déclaration en date du 22 avril 2022.

Une ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, en date du 17 octobre 2022, a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes en expulsion et en paiement d'indemnités d'occupation formées par le bailleur.

MOYENS ET PRÉTENTIONS EN CAUSE D'APPEL

Pour leur exposé complet, il est fait renvoi aux écritures visées ci-dessous :

Vu les conclusions récapitulatives de la société [A], en date du 14 juillet 2023, tendant à voir la cour infirmer le jugement attaqué, juger irrecevables comme nouvelles, la demande d'expulsion de la société [A] et la demande d'indemnités d'occupation, à titre principal, juger que le bail en date du 1er juin 2018 et son avenant n'ont pas pris effet, débouter la société civile immobilière [Adresse 2] de ses demandes visant à voir fixer la date de début du bail au 18 septembre 2018 et la date de fin du bail au 17 septembre 2021, ordonner en tant que de besoin une mesure d'instruction, avec mission, en substance, de donner son avis sur les manquements et défauts allégués, dire s'ils sont dus à un non-respect des obligations contractuelles liant les parties ou un non-respect des dispositions légales et réglementaires applicables, ou plus généralement aux règles et s'ils sont de nature à rendre l'immeuble impropre à sa destination de bureaux de grand standing, et donner son avis sur les travaux nécessaires à remettre les lieux en état, au vu des devis qui lui seront fournis par les parties, débouter la société civile immobilière [Adresse 2] de ses demandes au titre des loyers et charges et indemnités de toute nature, la condamner à lui rembourser les sommes versées en exécution du jugement outre les intérêts au taux légal à compter de leur date de paiement et jusqu'à parfait remboursement, la condamner au paiement de la somme de 650 euros HT par jour à partir du 22 août 2018 à titre d'indemnité de retard, à parfaire à la date de prise d'effet du bail, la somme 98 062,15 euros HT au titre des travaux à réaliser, à titre subsidiaire, déclarer que le bail a une durée de neuf ans à compter de sa date de prise d'effet fixée par la décision à intervenir, à titre très subsidiaire, débouter la société civile immobilière [Adresse 2] de ses demandes au titre des majorations de loyer et de charges, à tout le moins, fixer le montant des loyers majorés et des charges qui serait dû à compter de l'arrêt à intervenir à une somme qui ne saurait être supérieure à 390 euros HT par jour, en toute hypothèse, condamner la société civile immobilière [Adresse 2] à lui payer la somme de 50 000 euros HT à titre de dommages-intérêts pour mauvaise foi et résistance abusive, la somme de 40 000 euros HT, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont la distraction est demandée ;

Vu les conclusions récapitulatives de la société civile immobilière [Adresse 2], en date du 8 mars 2023, tendant à voir la cour, à titre liminaire, déclarer irrecevables, comme nouvelles, la demande au titre des travaux, pour un montant de 98 962,15 euros HT, la demande au titre de la requalification du bail dérogatoire en bail commercial de neuf ans, la demande de mesure d'instruction et la demande visant à faire déclarer irrecevables les demandes d'expulsion et de paiement de l'indemnité d'occupation, sur le fond, à titre principal, confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et l'infirmer de ce chef, statuant à nouveau, débouter la société [A] de ses demandes, fins et conclusions, déclarer que le bail dérogatoire du 1er juin 2018 a pris fin de plein droit le 17 septembre 2021, ordonner l'expulsion de la société [A] ainsi que de tous occupants de son chef des lieux, et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier s'il y a lieu, sous astreinte de 5 000 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours qui suit la date de signification de l'arrêt à intervenir, la condamner à lui payer au titre de l'indemnité d'occupation, la somme de 432 euros HT par jour calendaire jusqu'à la date de restitution effective des locaux, au titre de l'indemnité d'occupation due entre le 18 septembre 2021 et le 28 février 2023, la somme de 114 039 euros HT euros HT, TVA en sus, avec intérêts au taux contractuel de 2,5 % par an à compter du dépôt des conclusions et à compter de la date de l'arrêt à intervenir pour le surplus, à titre subsidiaire, débouter la société [A] de sa demande de condamnation à lui verser la somme de 98 062,15 euros HT sur le fondement de la responsabilité contractuelle et de sa demande de requalification du bail dérogatoire du 1er juin 2018 , en toute hypothèse, la condamner à lui verser la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive à l'exécution du bail dérogatoire, la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance en date du 22 mai 2023, le conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent au profit de la cour pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par la société [A], tirée de la nouveauté de la demande d'expulsion.

DISCUSSION

Sur la date de prise d'effet du bail dérogatoire :

A l'appui de sa demande tendant à faire juger que le bail n'a pas pris effet, l'appelante expose, de première part, que le procès-verbal de constat d'achèvement des travaux du 17 septembre 2018 n'a pas été signé par le bailleur, qu'aux termes du bail, celui-ci ne pouvait prendre effet qu'après constatation de l'achèvement des travaux par le bailleur, matérialisée par la signature par les deux parties du procès-verbal d'achèvement des travaux établi par huissier de justice, que ce procès-verbal mentionnait des réserves, qu'il n'a pas été signé par le bailleur et n'a été transmis que le 21 mars 2019 aux fins de sa signature par le preneur et ne pouvait donc constituer le procès-verbal de constat d'achèvement des travaux contractuellement prévu pour fixer le point de départ du bail.

Elle expose, de seconde part, que les réserves n'étaient pas mineures, qu'elles étaient incompatibles avec le grand standing de l'immeuble, qu'elles n'ont jamais été levées, que son occupation des lieux à titre gratuit avant la réception des travaux était contractuellement prévue et ne peut en elle-même établir la prise d'effet du bail. Elle en déduit que les loyers et charges ne sont pas exigibles et qu'elle a droit au paiement des indemnités de retard contractuellement prévues.

Cependant, comme l'a relevé le premier juge, l'article 2.1.2 de l'avenant prévoit que les travaux du bailleur seront considérés comme achevés lorsque le bailleur aura achevé les travaux décrits en annexe 2 du bail et que les locaux loués seront en état de propreté, libres de toute occupation du chef du bailleur et permettant au preneur de s'y installer et d'y exercer son activité conformément au standing de l'immeuble. Il en résulte, sauf à dénaturer le contrat, que l'appelante ne peut soutenir que la prise d'effet du bail était subordonnée à l'achèvement pur et simple des travaux et à l'établissement d'un procès-verbal de constat comportant la signature des deux parties. En effet, celui-ci n'était que la constatation formelle de cet achèvement puisque le bail dérogatoire du 1er juin 2018 précise que, pour l'appréciation de celui-ci, ne seront pas pris en considération les réserves et malfaçons mineures qui ne rendent pas les ouvrages ou éléments d'équipement impropres à leur destination et que ces réserves et malfaçons mineures feront, le cas échéant, l'objet de réserves de la part du preneur.

II ressort de la liste exhaustive établie contradictoirement par l'huissier de justice, tout comme du constat établi non contradictoirement à la requête de l'appelante le 10 juin 2019, transmis le 15 décembre 2020, que les désordres ainsi relevés présentaient un caractère mineur en ce qu'ils visaient des malfaçons, des non-finitions et non-respect des règles de l'art insusceptibles de rendre les ouvrages et éléments d'équipement impropres à leur destination contractuelle ou contraires au standing de l'immeuble.

Comme le rappelle le bailleur, les lieux sont exploités conformément à leur destination depuis leur prise de possession par l'appelante le 4 septembre 2018, de sorte que c'est à bon droit que le premier juge a fixé au lendemain du constat du 17 septembre 2018, la prise d'effet du bail, peu important à cet égard, contrairement à ce que soutient le preneur, que le diagnostic technique relatif à l'amiante ait été communiqué tardivement et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la mesure d'instruction sollicitée par le preneur en cause d'appel.

Sur la demande en requalification du bail dérogatoire, formée à titre subsidiaire :

Sur la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté de la demande :

Le bailleur soutient que la demande en requalification est irrecevable comme nouvelle, qu'elle aurait pu être formée devant le tribunal, qu'elle a un autre objet que la demande initiale du preneur en paiement d'indemnités de retard et que la sienne en paiement du loyer.

Cependant, dès lors qu'elle tend, comme le soutient l'appelante, à faire écarter les prétentions adverses tendant à voir ordonner son expulsion comme occupant sans droit ni titre, la demande est recevable.

Au fond, sur la requalification :

L'appelante soutient qu'elle a été laissée en possession des locaux à l'expiration du bail, sans que le bailleur ne lui demande avant l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, délai prévu à l'article L. 145-5, alinéa 2, du code de commerce, de restituer les lieux et sans qu'il demande au tribunal saisi d'ordonner la restitution des lieux, de sorte que conformément à ce même article, il s'est opéré un nouveau bail qui prendra fin, selon elle, le 17 septembre 2027.

Cependant, ainsi que le soutient le bailleur, celui-ci a fait connaître au preneur, par lettre du 28 mai 2021, soit avant l'expiration du délai susvisé, que le bail prendrait fin le 18 septembre 2021, la mention « sous réserve de toute décision judicaire » ne pouvant s'analyser comme le fait de laisser le preneur en possession des lieux, mais comme le respect dû à toute décision de justice, de sorte que son intention de ne pas renouveler le bail dérogatoire était claire et non équivoque et qu'aucun nouveau bail ne s'est formé à l'issue du bail dérogatoire.

Au surplus, le bailleur a confirmé sa volonté ultérieurement par sommation du 18 avril 2022, signifiée cinq jours après celle du jugement du 8 mars 2022.

Sur la demande en paiement de travaux à réaliser :

Le preneur a fait procéder à un devis des sommes à engager pour procéder aux « travaux nécessaires », qui s'établit, selon un devis du 9 juin 2022, à la somme de 98 062,15 euros HT au paiement de laquelle il demande à la cour de condamner le bailleur.

Contrairement à ce que soutient celui-ci, cette demande est recevable dès lors qu'elle est le complément de la demande initiale invoquant l'inachèvement des travaux.

Cependant, outre que le preneur, comme le relève le bailleur, n'a pas usé de la faculté prévue, aux termes de l'article 2.1.2. du bail dérogatoire, tel que modifié par l'avenant n° 1, de formuler des réserves additionnelles sur les locaux loués jusqu'à trois semaines après la date d'achèvement des travaux, il résulte de ce qu'il a été dit plus haut, à savoir de l'expiration du bail dérogatoire et du rejet de la demande subsidiaire de requalification qu'elle est sans objet.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la nouveauté de la demande d'expulsion et des demandes subséquentes :

A l'appui de cette prétention, l'appelante soutient que sont seuls compétents pour juger de ces demandes, soit la cour comme juridiction d'appel de l'ordonnance de référé, soit le tribunal judiciaire de Paris statuant au fond.

Elle ajoute, au visa des articles 564 à 566 du code de procédure civile, que ces demandes sont nouvelles, qu'elles n'ont pas le même objet et ne sont pas la conséquence des demandes faites au premier juge et qu'elles ne sont pas nées de la survenance d'un fait nouveau, le bail dérogatoire ayant pris fin, selon le bailleur, le 18 septembre 2021, soit antérieurement au jugement attaqué.

Cependant, comme le soutient à bon droit le bailleur, le prononcé du jugement attaqué fixant la date de prise d'effet du bail et donc celle de son expiration, constitue la survenance d'un fait nouveau prévue à l'article 564 du code de procédure civile et la demande d'expulsion et de paiement d'indemnités d'occupation constitue la conséquence nécessaire, prévue à l'article 566 du même code, de l'expiration du bail et du maintien dans les lieux de l'appelante.

La cour rappelle par ailleurs, comme le bailleur, que telle était la position de l'appelante, dans la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 17 octobre 2022.

Ces demandes sont donc recevables.

Au fond, sur la demande d'expulsion :

Dès lors que le bail dérogatoire a pris fin le 17 septembre 2018 et qu'il n'a pas été opéré de nouveau bail, l'appelante est occupante sans droit ni titre et il convient de faire droit à la demande d'expulsion, sans pour autant l'assortir d'une astreinte.

Sur les indemnités d'occupation :

Aux termes de l'article 18.5 du bail dérogatoire, "si postérieurement à la date de résiliation du bail telle que constatée dans la décision de justice définitive ordonnant l'expulsion ou à la date d'expiration du bail consécutive à un congé donné par le preneur dans les conditions du bail, le preneur se maintient provisoirement dans les locaux loués, il sera tenu de verser au bailleur une indemnité d'occupation égale au double du loyer (plus le montant des charges et taxes), exigible pour la période comprise entre la date prévue pour la libération des locaux loués dans la décision de justice ordonnant l'expulsion et celle du départ effectif des locaux loués du preneur, sans que le bailleur soit tenu de justifier d'un préjudice quelconque".

Le bailleur sollicite la condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 228 528 euros HT au titre de l'indemnité d'occupation sur la base de l'indemnité journalière de 432 euros HT, correspondant au double du loyer et des charges, pour la période du 18 septembre 2021 au 28 février 2023, dont elle déduit les sommes versées pour la même période, soit un solde de 114 039 euros HT, augmentée des intérêts de retard au taux contractuel annuel de 2,5 %.

Comme le fait observer à juste titre l'appelante, l'article 18.5 n'est pas applicable pendant la période considérée en raison de l'absence de décision de justice définitive ordonnant l'expulsion. En outre, cette clause ne prévoit pas le doublement du loyer et des charges, mais uniquement celui du loyer.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 1231-5 du code civil et de modérer cette pénalité.

En conséquence, la clause pénale sera applicable au seul montant du loyer à compter du jour où la décision ordonnant l'expulsion sera définitive.

Sur les demandes accessoires :

Sur les dommages-intérêts :

La cour adopte les motifs du premier juge ayant rejeté les demandes de dommages-intérêts pour résistance et procédure abusives formée par les parties.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Le jugement entrepris sera confirmé sur l'indemnité de procédure allouée.

L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens, déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à l'intimée, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu contradictoirement et en dernier ressort ;

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a condamné la société [A] Stratégies à payer à la société civile immobilière [Adresse 2] la somme de 267 500 euros au titre des loyers, charges, impôts et taxes avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2018 ;

Y ajoutant,

Déclare recevables les demandes en requalification du bail et en paiement de travaux formées par la société [A] Stratégies ;

Déboute la société [A] Stratégies de sa demande de requalification du bail et rejette sa demande en paiement de travaux ;

Déclare recevables la demande en expulsion formée par la société civile immobilière [Adresse 2] et les demandes subséquentes ;

Ordonne l'expulsion de la société [A] Stratégies et de tout occupant de son chef des locaux loués, [Adresse 2] à [Localité 5], avec assistance de la force publique, si besoin est ;

Statuant à nouveau du chef infirmé du jugement :

Condamne la société [A] Stratégies au paiement d'une indemnité d'occupation équivalente au dernier loyer contractuel outre les charges jusqu'à la remise des clés ;

Condamne la société [A] Stratégies, à défaut d'une remise des clés antérieure à la date où la présente décision sera définitive, à payer une indemnité d'occupation égale au double du montant du loyer, outre les charges ;

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux contractuel de 2,5 % par an à compter des conclusions du 8 mars 2023 ;

Condamne la société [A] Stratégies à payer à la société civile immobilière [Adresse 2] la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.