Livv
Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 5 septembre 2024, n° 23/10481

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Le Veniqui (SAS)

Défendeur :

Le Veniqui (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Perraut

Conseillers :

Mme Leydier, Mme Neto

Avocats :

Me Lacour, Me Silve

TJ Nice, du 28 juill. 2023, n° 22/02267

28 juillet 2023

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par acte sous seing privé en date du 14 novembre 2017, monsieur [X] [S] a consenti à la société par actions simplifiées (SAS) Le Veniqui, un bail commercial portant sur des locaux comprenant un local commercial d'une surface de 84 m² environ, un bloc sanitaire ainsi qu'une petite pièce à office de bureau et un grenier, sis [Adresse 2] à [Localité 3] (06).

Le bail a été conclu pour une durée de 9 ans, à effet au 1er juillet 2017 pour se terminer le 30 juin 2026, moyennant un loyer annuel de 12 000 euros, hors charges.

Faisant valoir que les loyers n'avaient pas été réglés, M. [S] a, par acte d'huissier du 4 août 2022, fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire à la SAS Le Veniqui, aux fins d'obtenir le paiement de la somme de 2 935,90 euros au principal.

Le même jour, M. [S] a fait délivrer un commandement de faire visant la clause résolutoire, afin que la SAS Le Veniqui justifie d'une assurance.

Par acte de commissaire de justice du 13 décembre 2022, M. [S] a fait assigner la SAS Le Veniqui, devant le président du tribunal judiciaire de Nice, statuant en référé afin d'obtenir :

- le constat de la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, à effet au 5 septembre 2022 ;

- l'expulsion de la SAS Le Veniqui et celle de tous occupants de son chef, des lieux loués, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier ;

- l'enlèvement et le dépôt des meubles garnissant les lieux loués en un lieu approprié, aux risques et périls de la partie défenderesse ;

- la condamnation du locataire au paiement provisionnel de la somme de 5 879,25 euros due au titre des loyers et charges impayés arrêtés au mois de novembre 2022, échéance du mois de novembre 2022 inclus ;

- la condamnation du locataire au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer majoré des charges, jusqu'à parfaite libération des lieux, soit 1550 euros, à compter du 5 septembre 2022 et jusqu'à libération effective des lieux ;

- la condamnation du locataire au paiement de la somme de 2 500 euros au titre l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, incluant le coût du commandement de payer du 4 août 2022.

Par ordonnance contradictoire en date du 28 juillet 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Nice, a :

- constaté la résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, au 5 septembre 2022 ;

- déclaré la décision opposable à la SA Monte Paschi ;

- ordonné l'expulsion du locataire et celle de tous occupants de son chef du local susvisé, et ce, dès la signification de l'ordonnance avec le concours de la force publique si nécessaire ;

- condamné la SAS Le Veniqui à payer à M. [S], à titre provisionnel, une indemnité d'occupation mensuelle de 1550 euros par mois, à compter de la résiliation du bail jusqu'à la libération complète des lieux ;

- condamné la SAS Le Veniqui au paiement de la somme provisionnelle de 2 863,90 euros dus au titre de la dette locative arrêtée au 15 juin 2023 ;

- condamné la SAS Le Veniqui à payer à M. [S] la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS Le Veniqui aux dépens, incluant le coût du commandement de payer du 4 août 2022.

Selon déclaration reçue au greffe le 4 août 2023, la SAS Le Veniqui a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes ses dispositions dûment reprises.

Par ordonnance d'incident du 8 février 2023, la conseillère de la chambre 1-2 de la cour d'appel d'Aix en Provence a débouté M. [S] de sa demande visant à voir prononcer la caducité de la déclaration d'appel.

Par dernières conclusions transmises le 30 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS Veniqui sollicite de la cour qu'elle réforme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, et statuant à nouveau :

- lui octroie un moratoire de 48 mois afin de régler sa dette locative, en sus du loyer courant ;

- juge que la somme d'un montant de 14 478,90 euros, prélevée par M. [S] sur la garantie à première demande soit imputer à la dette locative globale ;

- condamne M. [S] au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

Par dernières conclusions transmises le 15 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [S] sollicite de la cour, qu'elle :

- confirme l'ordonnance déférée en toutes ces dispositions ;

- déboute la SAS Le Veniqui de ses demandes ;

- condamne la SAS Le Veniqui à payer à M. [S] la somme de 13 950 euros correspondant à la somme due sur la période du 1er août 2023 au 30 avril 2024 ;

- condamne la SAS Le Veniqui à payer à M. [S] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 16 mai 2024.

Par soit-transmis en date du 17 juillet 2024 la cour a informé les conseils des parties qu'elle entendait soulever d'office le caractère non provisionnel :

- de la demande en paiement formulée au titre de l'indemnité d'occupation par M. [S] ;

- de la demande en déduction sur sa dette locative de la somme de 14 478,90 euros formulée par la SAS Le Veniqui ;

et les a invités à lui faire parvenir ses éventuelles observations, avant le 25 juillet 2024, 17h00, par le truchement d'une note en délibéré.

Par note en délibéré reçue le 25 juillet 2024, le conseil de la SAS Le Veniqui a répondu qu'il s'agissait, d'une demande de compensation avec l'indemnité d'occupation sollicitée par le bailleur, et que cette dernière n'était pas une somme accordée à titre provisionnel. Il en a conclu que la compensation subséquente paraissait devoir être prononcée en l'état.

Par note en délibéré reçue le 25 juillet 2024, le conseil de M. [S] précisait que la SAS Le Veniqui occupait toujours les lieux et que les demandes formulées correspondaient à la créance locative au 30 avril 2024. Il estime que se maintenant dans les lieux, la SAS Le Veniqui reste redevable d'une indemnité d'occupation.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient de rappeler, à titre liminaire, que la cour n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constater', 'dire et juger' ou 'déclarer' qui, sauf dispositions légales spécifiques, ne sont pas des prétentions, en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques, mais des moyens qui ne figurent que par erreur dans le dispositif, plutôt que dans la partie discussion des conclusions d'appel.

Sur la demande en paiement au titre de l'indemnité d'occupation de M. [S] sur la période du 1er août 2023 au 30 avril 2024 et sur la demande en déduction de la dette locative de la somme de 14 478,90 euros de la SAS Le Veniqui :

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ... le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence ... peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution d'une obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

C'est sur le fondement des dispositions de ce texte, et donc à titre seulement provisionnel, que le juge des référés peut allouer à une partie une somme d'argent à valoir sur l'indemnisation d'un préjudice.

En l'espèce, dans le dispositif de ses conclusions, qui seules peuvent saisir la cour, par application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, M. [S] sollicite la condamnation de la SAS Le Veniqui à lui payer la somme de 13 950 euros, au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle, due sur la période du 1er août 2023 au 30 avril 2024.

De même, la SAS Le Veniqui sollicite la déduction de la somme de 14 478,90 euros prélevée par M. [S] sur la garantie à première demande.

Ces demandes, formulées à titre définitif et non provisionnel, doivent être déclarées irrecevables par application des dispositions, précitées, de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile.

Elles ne peuvent être modifiées, complétées ou amendées par le truchement d'une note en délibéré qui ne vise qu'à soumettre au contradictoire des parties un point de droit soulevé d'office et non à corriger des prétentions régulièrement formulées par voie de conclusions.

Sur la demande relative à l'acquisition de la clause résolutoire :

En vertu des dispositions de l'article 834 du Code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Aux termes de l'article 835 du même Code, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En application des dispositions de ces textes le juge des référés peut constater l'acquisition d'une clause résolutoire.

Aux termes de l'article L. 145-41 alinéa 1 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux : le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

L'alinéa 2 du même texte dispose que les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation des effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant l'autorité de chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas si locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En l'espèce, le contrat de bail signé par les parties le 10 janvier 2017 stipule en page 10 (au titre 'clause de résiliation'), qu'à défaut de paiement d'un seul terme à son échéance ou d'une seule de ces clauses, et un mois après un simple commandement de payer ou de faire, rappelant la présente clause et resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de former aucune demande en justice.

L'article 1353 du code civil précise que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la SAS Le Veniqui ne s'est pas acquitté des causes du commandement de payer dans le délai qui lui était imparti. Elle n'a ni réglé les sommes, ni justifié d'une assurance.

Dans ces conditions, c'est par des motifs pertinents que le premier juge a constaté la résiliation de plein droit du contrat de bail en application de la clause résolutoire.

L'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a constaté la résiliation du bail au 5 septembre 2022 et ordonné l'expulsion de la SAS le Veniqui et celle de tous occupants de son chef du local susvisé, et ce, dès la signification de l'ordonnance avec le concours de la force publique si nécessaire.

Sur la demande de provision portant sur les loyers, charges et indemnités d'occupation :

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister

un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Ainsi le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat de location constitue une obligation essentielle du locataire.

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce le premier juge a accordé une indemnité provisionnelle d'occupation mensuelle de 1 550 euros, à compter de la résiliation du bail jusqu'à parfaite libération des lieux. Ce montant n'est contesté par aucune des parties.

L'indemnité d'occupation dont la SAS Le Veniqui est redevable constitue une compensation financière pour le bailleur, qui se substitue de plein droit au loyer.

Elle a une nature mixte compensatoire et indemnitaire et a pour objet de réparer l'intégralité du préjudice subi par le bailleur du fait de la privation de son bien.

M. [S] verse aux débats un décompte de la dette locative arrêté au 10 novembre 2022.

La SAS le Veniqui poduit les relevés de compte à compter du 1er mars 2023 afin de justifier des paiements effectués.

Aucune des parties ne conteste le montant retenu par le premier juge au titre de la dette locative de 2 863,90 euros, arrêté au 15 juin 2023, montant non sérieusement contestable.

Il conviendra de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la SAS Le Veniqui au paiement provisionnel de la somme de 2 863,90 euros due au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 15 juin 2023, et au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer majoré des charges, jusqu'à parfaite libération des lieux, soit 1550 euros, à compter du 5 septembre 2022 et jusqu'à libération effectvie des lieux.

Sur la demande de délai de paiement :

L'article 1343-5 du code civil précise que le juge peut, compte tenu de la situation

du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner,dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l'espèce, la SAS le Veniqui sollicite des délais de paiement, voire un moratoire de 48 mois pour s'acquitter de sa dette.

Elle verse aux débats des relevés de compte desquels il ressort que les règlements effectués à compter du 1er mars 2023 proviennent de la caution, excepté un règlement effectué le 8 juin 2023 à hauteur de 1 404,45 euros.

Elle produit également le compromis de cession de fonds de commerce sous conditions suspensives conclu avec la société RMA Holding.

Cependant, elle ne justifie pas de la réalité de sa situation financière. Elle ne verse aucun justificatif au soutien de ses allégations, notamment aucun document comptable permettant de vérifier sa solvabilité et sa capacité en termes de trésorerie

Par conséquent, elle ne démontre pas avoir des revenus suffisants pour assumer régulièrement le paiement des loyers courants, et l'apurement de la dette.

Elle sera déboutée de sa demande de délais.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il convient de confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a condamné la SAS Veniqui à verser à M. [S] la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, incluant le coût du commandement de payer du 4 août 2022.

Succombant, la SAS Le Veniqui sera condamnée à supporter l'intégralité des dépens d'appel. Elle sera également condamnée à verser à M. [U] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Déclare irrecevable la demande de M. [S] visant à entendre condamner la SAS Le Veniqui à lui payer la somme de 13 950 euros, au titre de l'indemnité d'occupation mensuelle, sur la période du 1er août 2023 au 30 avril 2024 ;

Déclare irrecevable la demande de la SAS Le Veniqui visant à voir soustraire la somme de 14 478,90 euros prélevée par M. [S] sur la garantie bancaire de la dette locative globale ;

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déboute la SAS Le Veniqui de sa demande de délais de paiement ;

Condamne la SAS Le Veniqui à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SAS Le Veniqui de sa demande formulée sur le même fondement ;

Condamne la SAS Le Veniqui à supporter l'intégralité des dépens d'appel.