Décisions
CA Chambéry, chbre soc. prud'hommes, 5 septembre 2024, n° 23/00243
CHAMBÉRY
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/00243 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFWH
S.A.S. EPSYS prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
C/ [A] [J]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 12 Janvier 2023, RG F 20/00209
Appelante
S.A.S. EPSYS prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Cyprien PIALOUX de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Richard DAMIAN, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimé
M. [A] [J], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me François SIMON de la SELARL THEYMA, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Avril 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseillère,
qui en ont délibéré
Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
********
Exposé du litige':
M.[J] a été engagé en octobre 1994 par le groupe Schneider Electric.
Par Procès-Verbal du Conseil d'administration de la SAS Epsys en date du 24 février 2016, M.[J] a été désigné président du conseil d'administration de la SAS Epsys en remplacement de M. [T].
Par avenant au contrat de travail en date du 24 juin 2016, M.[J] a été nommé par le Groupe Schneider Electric France en qualité de PSS Activity Director à compter du 1er juillet 2016 exerçant ses fonctions dans l'établissement de [Localité 5] (EPSYS) en Savoie.
Par convention de mutation concertée en date du 24 juin 2016, M.[J] a été transféré au sein de la SAS Epsys en qualité de PSS Activity Director avec reprise intégrale d'ancienneté à compter du 1er juillet 2016.
Le 22 juin 2017, la SAS Epsys et M.[J] ont conclu un contrat à durée indéterminée aux termes duquel M.[J] était embauché en qualité de Directeur des opérations et Responsable achats sous l'autorité directe du président de la SAS à compter du 1er juillet 2017.
Par une note d'information du 25 novembre 2019, M. [M] [N], PDG du groupe Cahors, repreneur de la SAS Epsys, a informé les salariés d'une réorganisation du groupe Cahors, la direction industrielle de la division moyenne tension étant assurée par M.[J] qui conservait par ailleurs la direction opérationnelle de la SAS Epsys.
M.[J] a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry en date du'11 décembre 2020 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul en raison du harcèlement moral subi ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements graves de son employeur et obtenir les indemnités afférentes.
M.[J] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 4 mars 2021 et n'a pas repris le travail.
Le 29 juin 2021, M.[J] a été déclaré inapte à son poste de directeur des opérations EPSYS par le médecin du travail, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.
M.[J] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 août 2021.
Par jugement du'12 janvier 2023, le conseil des prud'hommes de Chambéry a':
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[J] aux torts exclusifs de la SAS Epsys
- Jugé que M.[J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur
- Jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul
- Jugé que l'ancienneté de M.[J] est reprise au 10 octobre 1994
- En conséquence, condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes':
* 60'433,56 € bruts outre 6043,35 € bruts au titre des congés payés afférents
* 150'085,08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 200'000 € nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes :
* 5192 € bruts au titre du bonus 2020 outre 519,20 € bruts au titre des congés payés afférents
* 15'000 € nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M.[J] de ses autres demandes
- Débouté la SAS Epsys de l'intégralité de ses demandes
- Condamné la SAS Epsys en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à pôle emploi les sommes versées à M.[J] par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnité soit 6X 10'072,24= 60'433,38 €
- Dit que les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail s'appliquent à la décision dans la limite de neuf mois de salaire
- Condamné la SAS Epsys aux éventuels dépens de l'instance.
La décision a été notifiée aux parties et la SAS Epsys en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 10 février 2023 et M.[J] appel incident par voie de conclusions.
Par conclusions du'23 octobre 2023, la SAS Epsys demande à la cour d'appel de':
- Juger recevable et bien fondée la société EPSYS en son appel de la décision rendue le 12 janvier 2023 par le Conseil de Prud'hommes de Chambéry ;
- Infirmer totalement le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 (RG n°20/00209) en ce qu'il a :
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] aux torts exclusifs de la société EPSYS ;
- Dit et Jugé que Monsieur [A] [J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur ;
- Dit et jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] produit les effets d'un licenciement nul ;
- Dit et jugé que l'ancienneté de Monsieur [A] [J] est reprise au 10 octobre 1994 ;
- En conséquence, condamné la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes : '
* 60 433,56 euros bruts outre 6.043,35 euros au titre de congés payés afférents ;
* 150 085,08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 200 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour un licenciement nul ;
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
* 5 192 euros bruts au titre du bonus 2020 outre 519,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 15 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la société EPSYS de l'intégralité de ses demandes, à savoir :
* Juger que la société EPSYS n'a commis aucun manquement de nature à justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J],
* Juger que Monsieur [J] n'a pas été victime d'un quelconque harcèlement moral,
* Juger que la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [J] est totalement infondée,
* Juger que le licenciement de Monsieur [J] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est parfaitement justifié et valable,
* Juger que le salaire mensuel de référence de Monsieur [J] est de 9.639,57
* Débouter Monsieur [J] de toutes ses demandes, fin et conclusions,
* Condamner Monsieur [J] à verser à la société EPSYS la somme de 4.000
* Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.
- Condamné la Société EPSYS, en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées à Monsieur [A] [J], par cet organisme, dans la limite de 6 mois d'indemnités soit 6 x 10 072,24 = 60 433,38 euros;
- Dit que les dispositions de l'article R1454-28 du Code du travail s'appliquent à la présente décision, dans la limite de 9 mois de salaire.
- Condamné la société EPSYS aux éventuels dépens de l'instance.
En conséquence et statuant de nouveau :
- Juger que la société EPSYS n'a commis aucun manquement de nature à justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J],
- Juger que Monsieur [J] n'a pas été victime d'un quelconque harcèlement moral,
- Juger que la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [J] est totalement infondée,
- Juger que le licenciement de Monsieur [J] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est parfaitement justifié et valable,
- Juger que le salaire mensuel de référence de Monsieur [J] est de 9.639,57 €,
- Prendre acte de ce que Monsieur [J] renonce à sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral à hauteur de 50.000 euros au titre du harcèlement moral (sur le fondement de l'article 1240 (ancien 1382) du Code civil),
En conséquence,
- Débouter Monsieur [J] de toutes ses demandes, fin et conclusions,
- Condamner Monsieur [J] à verser à la société EPSYS la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.
Par conclusions en réponse du 24 juillet 2023, M.[J] demande à la cour d'appel de':
A TITRE PRINCIPAL
CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 (RG n°20/00209) en ce qu'il a :
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] aux torts exclusifs de la société EPSYS,
- Dit et Jugé que Monsieur [A] [J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur,
- Dit et Jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] produit les effets d'un licenciement nul,
- Dit et Jugé que l'ancienneté de Monsieur [A] [J] est reprise au 10 octobre 1994,
En conséquence, condamné la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
' 60 433,56 euros bruts outre 6.043,35 euros au titre de congés payés afférents
' 150 085,08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
' 200 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour un licenciement nul
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
' 5 192 euros bruts au titre du bonus 2020 outre
' 519,20 euros au titre des congés payés afférents,
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Débouté la société EPSYS de l'intégralité de ses demandes
- Condamné la Société EPSYS, en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées à Monsieur [A] [J], par cet organisme, dans la limite de 6 mois d1indemnités, soit 6 x 10 072,24 = 60 433,38 euros
- Dit que les dispositions de l'article R1454-28 du Code du travail s'appliquent à la présente décision, dans la limite de 9 mois de salaire.
- Condamné la société EPSYS aux éventuels dépens de l'instance.
INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 (RG n°20/00209) en ce qu'il a :
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
' 15 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
- Débouté Monsieur [A] [J] de ses autres demandes
ET STATUANT DE NOUVEAU
' Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme suivante :
' 50 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
SUBSIDIAIREMENT
A défaut de résiliation judiciaire fondée sur le harcèlement
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] aux torts exclusifs de la société EPSYS en raison des fautes de l'employeur ;
JUGER que la résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence
CONDAMNER la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
- Au titre du préavis une somme de 60.433,56 bruts
- Au titre de congés payés sur préavis une somme de 6.043,35 €
- Au titre de la réparation du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages et intérêts une somme de 200 000 € 52
Subsidiairement si la Cour devait se prononcer sur le licenciement pour inaptitude
JUGER que l'inaptitude trouve son origine dans les actes et fautes de l'employeur
JUGER le licenciement intervenu postérieurement nul à raison du harcèlement subi par Monsieur [A] [J] comme étant à l'origine de l'inaptitude
Ou subsidiairement
JUGER le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse en raison des fautes de l'employeur
Dans les deux cas
CONDAMNER la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
- Au titre du préavis une somme de 60.433,56 bruts
- Au titre de congés payés sur préavis une somme de 6.043,35 €
- Au titre de la réparation du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages et intérêts une somme de 200 000 €
En tout état de cause
CONDAMNER la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'Appel ainsi qu'aux dépens ;
JUGER que les condamnations seront assorties des intérêts de droit ;
DEBOUTER EPSYS de toutes ses fins, moyens et prétentions ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le'20 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI':
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail':
- Moyens des parties :
M.[J] demande à titre principal à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du harcèlement moral qu'il argue avoir subi et que cette résiliation judiciaire produise les effets d'un licenciement nul et à titre subsidiaire que les manquements de l'employeur constatés fondent la résiliation judiciaire produisant dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Sur ce,
Sur le fondement des dispositions des articles 1226 et du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Lorsque la demande de résiliation judiciaire est fondée sur un harcèlement moral ou la discrimination, la rupture du contrat de travail produit alors les effets d'un licenciement nul.
Sur le harcèlement moral':
- M.[J] soutient à ce titre qu'il lui a été retiré une grande partie de ses responsabilités à la suite de sa résistance à valider des mouvements financiers à la demande de M. [N], président de la SAS Epsys':
Il expose qu'il occupait depuis la reprise par le groupe Cahors les fonctions de directeur des opérations- responsable des achats en application de son contrat de travail et que le premier président de la SAS Epsys (M. [C]) lui avait confié le 24 juillet 2017 une délégation de pouvoirs sur les usines de [Localité 5] et de [Localité 4], restreinte au domaine de l'hygiène, de la sécurité, de la prévention des risques et du respect des normes environnementales, domaines pour lesquels il va déployer son énergie au bon fonctionnement des unités dont il a la charge et les résultats obtenus seront supérieurs au prévisionnel. M. [C] sera par la suite évincé par M. [N] président du groupe Cahors. Ses qualités professionnelles devaient être appréciées ainsi que ses compétences techniques et managériales puisqu'il a été nommé en novembre 2019 la direction industrielle du groupe Cahors pour l'ensemble de la division moyenne tension et a conservé par ailleurs la direction de la SAS Epsys. M. [N], nouveau président lui a ensuite confié une délégation de pouvoir le 2 mars 2020 avec des missions étendues, puisqu'en plus d'une délégation de pouvoirs relative à la réglementation, à l'hygiène et la sécurité de travail, il lui était délégué la gestion du personnel, les relations avec les institutions représentatives du personnel et les actions syndicales. Il a accepté que sa responsabilité pénale personnelle puisse se trouver engagée en cas d'infraction aux prescriptions dont il était assuré de charger le respect (notamment dysfonctionnement des institutions représentatives du personnel et délit d'entrave). Il était donc placé au plus haut niveau des directions industrielles.
En avril 2020, M.[J] explique qu'il a contrarié M. [N] dans le seul but de préserver les intérêts de la SAS Epsys'; qu'il s'était vu confier la responsabilité de contresigner et d'approuver les virements émis par la SAS Epsys, qu'il avait la faculté de s'exprimer et de signer. À la suite de la pandémie Covid19, le 15 mars 2020, et compte tenu des doutes sur la santé économique de l'entreprise à la suite de l'arrêt brutal de la production, il va se montrer réticent à valider le virement d'une somme de 4'600 000 € de la SAS Epsys vers d'autres sociétés du groupe ou société mère dont chacune avait M. [N] comme président alors qu'un transfert d'une somme de 1'940 000 € avait déjà été opéré. M. [N] va sèchement le remettre en place par mail lui indiquant qu'il était contractuellement en charge de la production, de l'exploitation et logistique, de l'informatique, technique, qualité, sécurité environnement, achats, RH, mais pas de la finance et va exiger le paiement. Il lui a ainsi d'abord été retiré une des prérogatives auparavant dévolues à savoir la contre signature des sorties de trésorerie.
M.[J] indique avoir tenté à nouveau de résister mais avoir été contraint d'effectuer ces virements et que M. [N] lui a alors retiré immédiatement ses accès aux validations des virements bancaires.
Il a ensuite fait l'objet d'une reprise en mains plus étendue': le 20 avril 2020, M. [N] lui':
- Interdisant
* toute augmentation individuelle privée exceptionnelle
* Le versement des primes de 2019 payables en 2020 sans son accord
* Toutes les augmentations dans le cadre des négociations annuelles obligatoires ( retrait de la marge de man'uvre de négociation annuelle avec la délégation syndicale)
* La gestion de la paie (mail du 22 avril 2020)
- Retirait ses responsabilités s'agissant':
* de la sécurité, l'employeur lui refusant désormais les investissements nécessaires pour lesquelles il disposait pourtant d'une responsabilité pénale
* de la gestion du personnel et des IRP (mais du 22 avril 2020)
* ses attributions habituelles concernant l'opérationnel'(un salarié est transféré à une autre société du groupe par M. [N] en juillet 2020 sans concertation ni information..., il se voit interdire de communiquer une note d'organisation suite au départ d'un cadre le 4 septembre 2020).
- Le 1er octobre 2020, M. [N] indique qu'il veut tout valider et le 22 octobre 2020, lui sont retirés l'ensemble des maigres prérogatives qui lui restaient, lui adressant des mails harcelants avec le même objet à 6 reprises de manière répétitive et inutile
M. [N] a dénoncé les médailles du travail pour 2021 et lui a rappelé dans son mail du 10 avril 2020 tout en lui retirant la compétence finance, qu'il était contractuellement en charge des achats et ressources humaines tout en lui retirant tout un pan de la gestion des ressources humaines.
- M.[J] fait également valoir qu'il a été envoyé seul en réunion CSE dans un climat social tendu dans le cadre du plan de sauvegarde, M. [N] lui interdisant de donner une information claire et complète au CSE, lui intimant l'ordre de garder le silence s'agissant notamment de la liste des postes supprimés. M.[J] était réduit à une position de marionnette. Les décisions relatives au plan venaient de manière descendante du groupe sans concertation sans qu'il ne dispose d'aucune marge de man'uvre.
- il lui a été supprimé sa rémunération variable sur le mois de juin 2020 (comme à d'autres membres du personnel), finalement réglé en août 2020 et son remboursement de frais de février 2020 a été décalé de trois mois, ses notes de frais pour mars et avril ayant été remboursées un mois et demi plus tard et il a été mis en grande difficulté également à l'égard de ses équipes.
- Malgré l'alerte de la médecine du travail sur le stress et le mal-être des salariés et plus précisément dans des fonctions d'encadrement ou à des postes à responsabilité dont M.[J] lui-même, M. [N] ne réagissait pas et M.[J] était obligé de le relancer, indiquant ne pouvant exercer sa mission de présidence du CSE et de prévention des risques sans réponse de M. [N], en vain malgré la situation extrêmement tendue.
La gestion des ressources humaines est entièrement reprise par le groupe Cahors et M.[J] ne peut plus répondre aux salariés ni à l'inspection du travail'; M.[J] est écarté et ne peut plus répondre aux sollicitations pressantes des représentants du personnel, ni aux demandes d'explication du CSE.
- A son arrivée, le nouveau directeur général délégué, M. [E], se verra confier la direction générale de la division moyenne tension vidant encore ses attributions, M.[J] passant du statut de directeur industriel de l'ensemble de la moyenne tension du groupe à celui d'un pilote opérationnel d'Epsys au même rang que deux collaborateurs qu'il supervisait.
Son état de santé s'est rapidement dégradé sans que M. [N] ne puisse l'ignorer, constaté par la médecine du travail qui a alerté l'employeur sur la souffrance des cadres et directement M. [N] sur la situation personnelle de M.[J] et sa surcharge de travail sans réaction de la part de M. [N]. Il n'a même jamais bénéficié d'un entretien professionnel. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 4 mars 2021, s'est vu prescrire des antidépresseurs et a bénéficié d'un suivi psychologique et une psychothérapie pour faire face à ses difficultés professionnelles. Il a ensuite été déclaré inapte.
La SAS Epsys conteste pour sa part tout fait de harcèlement moral. Elle expose d'une part que les faits évoqués par M.[J] sont trop anciens pour être appréciés par la cour et n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail'; s'agissant des virements et contreseings, ils sont trop anciens (8 mois avant la demande de résiliation judiciaire)et ne peuvent justifier une demande de résiliation judiciaire, ces faits étant par ailleurs justifiés au regard de la situation économique de l'entreprise.
D'autre part que les différentes délégations de M.[J] ne couvraient pas le domaine de la finance et qu'il n' a pas hésité à bloquer des virements au profit des autres entités du groupe en contravention des termes de son contrat de travail. L'employeur ayant été contraint de rappeler M.[J] à ses obligations contractuelles. De la même manière M.[J] ne pouvait seul décider d'attribuer des augmentations ou des primes aux salariés sans l'accord du président et il avait connaissance de cette règle.
Sa part variable réclamée concerne l'exercice 2019 soit plus d'un an avant la saisine de la juridiction prud'homale et il a été rempli de ses droits. Pour la part variable de 2020 payable en 2021, il n'avait pas atteint ses objectifs et ne pouvait dès lors en bénéficier. De plus cette demande est intervenue postérieurement à la demande de résiliation judiciaire et ne peut dons être retenue à l'appui de cette demande.
M.[J] n'a pas perdu ses prérogatives dans la gestion des IRP puisqu'il assumait la présidence des réunions du CSE et effectuait les démarches nécessaires à la préparation des réunions et des échanges avec les représentants du personnel. Les prétentions sur les risques psychosociaux sont anciennes et n'ont plus lieu d'être eu égard à la mise en place d'un plan RPS ( dispositif «'Safety Walk'», réunions hebdomadaire et quotidienne avec le mangement pour exposer les réussites, problématiques et les échanges, une hotline RPS dès septembre 2020 alors que l'alerte de la médecine du travail date de juin 2020, un plan de gestion des RPS de juin 2020 mis en place par M.[J] lui-même communiqué à l'inspection du travail).
M.[J] a continué à travailler après la saisine du conseil des prud'hommes de telle sorte que les manquements invoqués au soutien de sa requête n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.
- Sur ce':
Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivants les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.
Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
Sur la matérialité des faits allégués par M.[J] au titre du harcèlement moral':
Sur la perte d'une partie de ses prérogatives par M.[J]':
Il ressort de la subdélégation de pouvoirs du 24 juillet 2017 que M.[J], en sa qualité de directeur des opérations et achats de la SAS Epsys et compte tenu de ses compétences techniques et professionnelles, se voit octroyer par M. [C] (ancien président de la SAS Epsys ) «'tous pouvoirs pour assurer la sécurité de l'ensemble des salariés du groupe intervenant sur ce périmètre, à savoir, d'une part coordonner et mettre en 'uvre au niveau des sites de [Localité 5] et [Localité 4], conformément aux règles édictées au niveau central, la politique d'hygiène et de sécurité et veiller à la bonne application des règles en la matière (mission d'identification et de traitement des risques, d'information et de formation des salariés et des tiers, ainsi que de contrôle permettant une prévention efficace et une amélioration continue des questions relatives à l'hygiène et la sécurité)... d'autre part coordonnait les mettre en 'uvre au niveau des sites des obligations légales et réglementaires ainsi que les politiques groupes associées relatives à l'environnement. M.[J] pouvant voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal'».
Par délégation de pouvoir de M. [N] en sa qualité de directeur général et représentant légal de la Epsys Holding, elle-même représentant légal de la SAS Epsys, en date du 2 mars 2020, M.[J] se voit octroyer les pouvoirs pour «'prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d'appliquer et de faire appliquer et respecter au sein des usines'/établissements de [Localité 5] et [Localité 4] les règles relatives à la règlementation en matière d'hygiène et de sécurité du travail, à la gestion du personnel et aux relations avec les institutions de représentatives du personnel et les organisations syndicales. M.[J] pouvant voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal en cas de non-respect de la réglementation'».
Il n'est pas contesté que M.[J] a refusé d'approuver des virements de sommes importantes de la SAS Epsys vers d'autres sociétés du groupe Cahors ou vers la société mère que M. [N], le président de la SAS Epsys, lui avait demandé d'opérer, M.[J] lui répondant par mail le 6 avril 2020 que «'comme indiqué oralement, je ne peux signer un tel virement (4,6M€) dans le contexte actuel. Il n'est pas envisageable d'affaiblir la trésorerie de l'entreprise en ce moment. Ne pouvons-nous pas utiliser ces fonds pour faciliter la trésorerie des autres sociétés du groupe dans la cadre de la convention en place'''».
M. [N] a répondu à M.[J] et Mme [Z] (responsable finance de la SAS Epsys) par mail du 10 avril 2020, qu'il était leur employeur, que M.[J] n'était contractuellement pas en charge de la finance mais en charge de la production, exploitation et logistique et de directeur des opérations et qu'il devait se concentrer sur son domaine de compétences, qu'il leur avait demandé à de nombreuses reprises de procéder au règlement de mangement Fees, honoraires de conseils, remboursement de comptes courants, qu'ils repoussaient ses demandes sans en justifier et qu'ils devaient se conformer aux instructions et à ses demandes et lui confirmer la bonne exécution du virement, le remboursement du compte courant, arguant ne pas appauvrir par ces mouvements financiers la SAS Epsys.
M.[J] a ensuite répliqué à M. [N] par mail du 15 avril 2020 qu'il respectait les consignes et était bien conscient de ses devoirs vis-à-vis de sa hiérarchie et de l'entreprise mais qu'il était toutefois amené jusqu'à présent dans le cadre du système de double signature à approuver les virements émis par la SAS Epsys et qu'il avait donc une responsabilité à ce titre s'agissant de sommes très importantes notamment. Le virement litigieux a finalement été effectué le 15 avril 2020.
Il est établi qu'à la suite de ce désaccord entre M.[J] et son supérieur M. [N], ce dernier a':
- Retiré à M.[J] ses accès informatiques à «'all my bank'» et notamment son pouvoir de validation dans l'outil comme il ressort des échanges de mails entre M. [N] et la responsable financière (Mme [Z]) en date du 23 avril 2020 et M. [N] a enjoint que tous les règlements fournisseurs lui soient désormais présentés chaque semaine en validation
- Indiqué à Mme [P] et M.[J] par mail du 20 avril 2020, qu'aucune augmentation individuelle ou prime exceptionnelle ne serait versée en 2019/2020, aucune prime de 2019 payable en 2020 ne serait versée sans son accord, aucune augmentations pour les Nao dans le groupe, les primes des N-1 devraient être soumises et validés pour les N+1, la dénonciation des médailles du travail et que toutes RCH ou négociation salariale devait être validé par lui
- Indiqué à M.[J] par mail du 22 avril 2020 que la délégation ne s'appliquait pas s'agissant des entrées/sorties par M. [N] le temps du structuring et que M.[J] n'avait pas l'autonomie, que la gestion de la paie était centralisée au niveau du groupe à [Localité 3], qu'il devait lui envoyer les rapports d'analyse risques et devis associés en matière de sécurité et d'engagement d'investissements afin de faire les choix ensemble et refusait également l'abondement et les dépenses exposées en matière de veille réglementaire sur la sécurité des équipements. Il lui précisait également que s'agissant de la gestion des risques psycho-sociaux liée à la période de transformation actuelle de l'entreprise, le manque de visibilité sur la stratégie et l'organisation, la suppression des délégations entrainant une dégradation du climat social, «'la communication est gérée par moi'».
- Demandé le 23 avril 2020 à Mme [P], responsable finance de lui confirmer que les accès allmybank avaient bien été enlevés à M.[J] et que toutes les factures hors productions soient soumises à sa validation, tous les virements sur allmybank devant être validés par lui.
- Enjoint le 28 mai 2020 par mail à M.[J] de ne rien annoncer au CSE auquel il allait assister s'agissant du changement de la liste des personnes pour PLE (listes des postes supprimés dans le cadre du PSE)
Il est ainsi établi que M. [N] a, de manière soudaine et immédiatement consécutive au différend de gestion financière de l'entreprise les ayant opposé, retiré de manière itérative et unilatérale par simples courriels, à M.[J] des fonctions dont il était délégataire notamment en matière de gestion des ressources humaines et de sécurité et santé des salariés, alors même qu'il engageait aux termes de sa délégation sa responsabilité pénale et qu'il était chargé d'être présent aux réunions avec le CSE dans le cadre du conflit social en cours au sein de la SAS Epsys du fait de la structuration et des décisions prises par M. [N] (retard de paiement des rémunérations variables...).
Sur la décision de non versement de la rémunération variable du mois de juin 2020 au titre de 2019':
M.[J] justifie que M. [N] a décidé de ne pas lui verser ainsi qu'à ses 5 collègues de l'équipe de direction la rémunération variable du mois de juin 2020 au titre de 2019, et que M.[J] a adressé à M. [N] une demande de régularisation les 26 juin et 14 juillet 2020 et 5 des personnes concernées ont signé un courrier de mise en demeure de régularisation de leur part variable le 9 juillet 2020 avec copie à l'inspection du travail invoquant une discrimination menaçant la SAS Epsys d'une saisine du conseil des prud'hommes. Le 12 juin 2020 le CSE a mis en demeure M. [N] s'agissant du paiement des parts variables de rémunération. Ces rémunérations variables ayant finalement été versées le 31 août 2020. Il est donc établi que la SAS Epsys a refusé dans un premier temps de verser à son équipe de direction, dont M.[J], leur rémunération variable du mois de juin 2020 au titre de 2019'et qu'il a fallu qu'ils se mobilisent et menacent d'un saisine du conseil des prud'hommes pour être réglés avec 3 mois de retard.
Sur l'impossibilité pour M.[J] d'exercer ses missions':
Le 4 juin 2020 la médecine du travail a adressé à M. [N] une alerte sur les risques psychosociaux ensuite d'un stress et mal-être évoqué par un nombre significatif de salariés et plus particulièrement dans les fonctions d'encadrement ou de postes à responsabilité et lui a enjoint d'y répondre dans le cade de l'article L.4624-9 du code du travail. Aucune réponse à ce courrier n'est versée par la SAS Epsys aux débats.
Par mail du 6 juillet 2020, M.[J] a rappelé à M. [N] que le courrier du 4 juin 2020 d'alerte du médecin du travail de Epsys [Localité 5] et celui des élus du CSE EPSYS du 20 mai 2020 appellaient une réponse écrite de sa part, que les élus attendaient une réunion avec lui le 10 juillet à [Localité 4], que les deux inspecteurs du travail s'étaient saisis de la situation, que la situation sociale était très tendue notamment en lien avec la transmission d'informations financières partielles. Il lui a précisé également qu'il attendait confirmation de sa part et de la direction financière filière groupe pour communiquer tous les LET , cette tension étant renforcée par l'ouverture d'une information CSE sur le plan PLE et que «' je ne peux exercer ma mission de présidence du CSE et de prévention des risques sans ces réponses de ta part'».
Le 26 juin 2020, l'inspection du travail rappelait à M. [N] par courriel qu'il avait été alerté par les représentants du personnels et la médecine du travail s'agissant de la souffrance au travail et des risques psychosociaux et qu'il souhaitait s'assurer de sa présence effective indispensable lors de la réunion du 30 juin 2020'; l'ordre du jour étant consacré aux risques psychosociaux qui semblent sévir à tous les niveaux de l'entreprise Epsys.
Par courrier du 31 juillet 2020, l'inspection du travail déplorait malgré le courrier susvisé, l'absence «'très remarquée de M. [N] à la réunion du CSE du 30 juin 2020'», ainsi que l'absence de réponse faite au médecin du travail, l'évocation au CSE de l'exposition des cadres et membres du CODIR aux risques psychosociaux rendant la présence de M. [N] indispensable dès lors qu'il sont placés directement en tant que salariés sous sa responsabilité et que la préservation de la sécurité lui échoit. L'inspecteur du travail indiquait également qu'il avait eu la surprise lors de la réunion CSE de voir éclater en sanglots un des membres du comité de direction en raison de la souffrance psychologique provoquée par les sujets évoqués et qu'il a eu la surprise, même s'il n'appartient pas au corps médical, de constater une évolution physique très inquiétante chez M.[J] rencontré deux années plus tôt et qu'il a presque eu du mal à reconnaitre tant il avait l'air «'au bout du rouleau'» portant jusque sur son visage les stigmates de sa souffrance et du stress auquel il est actuellement exposé, le Dr [X] (médecin du travail) indiquant qu'il ne faisait aucune doute que la dégradation de la santé des hauts responsables de l'entreprise était en lien direct avec une situation avérée de souffrance au travail. Il est rappelé à M. [N] ses devoirs en applications de l'article L.4121 du code du travail'pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Le CSE s'interrogeait lors de cette réunion sur les risques psychosociaux «'comment le directeur des opérations d'Epsys portant aussi le rôle de directeur des opérations de la MT (5 usines) et désigné dans le PLE comme nouveau superviseur des missions sécurité/env et maintenance pourra il porter toutes ses missions'' et tout cela sans équipe'''» «'nous sommes face à de nombreuses situations de les RPS , certains évoquent du harcèlement moral au travail'».
Il n'est produit aucune réponse de la SAS Epsys ou de M. [N].
Il est ainsi établi que M. [N] n'a pas donné à M.[J] malgré les multiples demandes et alertes ci-dessus exposées de différentes instances et du salarié, les réponses et moyens nécessaires pour faire face à la situation de souffrance au travail dénoncée dans l'entreprise alors que M.[J] était officiellement suivant délégation en charge de la santé et de la sécurité des salariés, M. [N] lui ayant par ailleurs signifié par mails d'avril 2020 de manière unilatérale qu'il devait désormais obtenir sa validation dans ces domaines.
Sur la suppression d'une nouvelle partie des tâches de M.[J] à compter du mois de septembre 2020':
Il ressort des éléments versés aux débats que M. [N] a procédé sans en aviser M.[J] en juillet 2020 au transfert d'un salarié de la SAS Epsys dans une société du groupe cahors.
Le 3 septembre 2020 M. [N] indique qu'il veut, compte tenu du contexte économique, désormais valider toutes les augmentations collectives ou individuelles, toutes les négociations salariales, toute fixation des objectifs, pour les primes ou parts variables individuelles des cadres, toute prime exceptionnelle individuelle ou collective, toute embauche (contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée ) dans le groupe et tout recours à l'intérim, toutes ruptures de contrat de travail , (pour faute ou non, pour motif non disciplinaire...)licenciement pour motifs économiques, ruptures conventionnelles, départs volontaires,... sauf les démissions.
Le 4 septembre 2020, M.[J] interdit à M.[J]'toute diffusion, email, note sur les changements d'organisation sans son accord écrit et lui interdit l'envoi d'une note d'organisation à la suite du départ de M. [S], relevé de ses fonctions.
Le 1er octobre 2020 et le 22 octobre 2020 M. [N] retransmet le mail du 3 septembre 2020 avec la volonté que tout lui soit soumis à validation. Il y ajoute l'obligation de lui faire valider tout solde de tout compte, toutes les modifications, évolutions de la durée du travail applicable, toute décision sur les congés payés afférents, RTT et jours de repos, toute négociation et toute signature d'un accord collectif y compris pour l'épargne salariale, les frais de santé ou la prévoyance, toute décision unilatérale ou mis en place d'un usage...de l'obligation de l'informer avant diffusion des informations communiquées au CSE, de lui indiquer les consultations des institutions représentatives du personnel (CSE) qui sont engagées
Le 29 octobre 2020, M. [N] demande individuellement à M.[J] de lui confirmer qu'il a bien reçu le mail déjà transmis à deux reprises.
Le 30 octobre 2020, le 3 novembre 2020, le 24 novembre 2020 et le 30 novembre 2020, M. [N] réitère l'envoi à M.[J] du même mail.
Il ressort des échanges de mails à compter du mois de septembre 2020 entre Mme [D] (gestionnaire ressources humaines du groupe Cahors) et M.[J] que le service RH du groupe cahors a repris en mains la gestion des ressources humaines de la SAS Epsys et que M.[J] n'est plus consulté dans les domaines pour lesquels il est délégataire.
Le 18 décembre 2020, M.[J] alerte M [G] et M. [E] qu'il ne dispose plus des moyens suffisants pour faire assurer la comptabilité fournisseur faute du renouvellement de la seule personne intérimaire qui réalisait les saisies et ses demandes en ce sens.
Par note d'information du 28 septembre 2020, est annoncée par M. [N] la nomination de M. [E] au sein du groupe cahors en qualité de directeur général délégué division moyenne tension France et international et avec la précision qu'il managera les unités de production Epsys, Transfix...avec M.[J] ...., ce dernier poursuivant sa mission de pilotage opérationnel industriel transverse de la MT (Epsys/Pommiers/Trasfix/QCE/Tranfix India), M.[J] étant passé du poste de directeur industriel de l'ensemble de la moyenne tension du groupe par note du 25 novembre 2019 à celui de poste opérationnel de la SAS Epsys à l'instar de Messieurs [W] et [U] qu'il supervisait.
Par mail du 11 février 2021, M.[J] alerte M. [E] que le départ de la gestionnaire RH de [Localité 5], renforce la situation déjà critique dans laquelle il se trouve et le reste de l'organisation de la SAS Epsys, que les équipes sont réduites, qu'il a n'a plus d'équipe sur laquelle s'appuyer, tout le comité de direction ayant été licencié, le poste de responsable du site de [Localité 4] n'ayant pas été remplacé. Il indique faire le back-up actuellement sur de nombreuses activités administratives pour tenter de maintenir une continuité de service mais'«'qu'il n'arrive plus à faire, ni à réorganiser et ne remplit plus son rôle'». Il notifie dans son mail du 18 février 2021 son refus de prise de la responsabilité d'une usine supplémentaire indiquant «'être déjà au four et au moulin'», subir une surcharge de travail chez Epsys pour pallier le manque d'effectif, subir «'un état de grande fatigue émotionnelle...'» expliquant qu'un logement régulier à [Localité 7] lui créerait de grandes difficultés humainement et techniquement insupportables.
M.[J] a fait ensuite l'objet d'un arrêt de travail à compter du 4 mars 2021 sans reprise du travail.
Il produit le courrier de son médecin traitant adressé à un confrère en date du 27 mai 2021 faisant état d'un syndrome anxio-dépressif depuis plusieurs mois «'probablement liées à des difficultés professionnelles'», d'un suivi psychologique et d'une prescription d'antidépresseurs. Le salarié justifie également d'un suivi psychologique depuis le 4 mai 2021 toujours en cours le 8 juin 2021 lié à des difficultés professionnelles qu'il dit avoir subies.
Le dossier médical de la médecine du travail produit aux débats fait état dès le 9 mars 2020 dans le cadre d'une demande de visite par le médecin du travail, de l'évocation par le salarié d'une surcharge de travail, d'une ambiance dégradée avec manque de moyens et de marge de man'uvre et des dysfonctionnements relationnels avec la hiérarchie générant des troubles de l'anxiété et de l'humeur et un sommeil perturbé. Le 27 janvier 2021, M.[J] indique au médecin du travail «'que c'est de plus en plus compliqué, qu'il se sent placardisé'», le médecin relève l'existence de troubles anxieux et de l'humeur avec perte d'élan vital et des troubles de la concentration avec poussée d'eczéma. Le 16 avril 2021, M.[J] est en arrêt maladie, et le médecin du travail constate qu'il présente des pensées obsessionnelles morbides, n'arrive plus à ses concentrer, M.[J] indiquant ne pas voir d'issue, ne plus parvenir à prendre du recul et «'se retrouver bloqué entre le marteau et l'enclume'».
M.[J] a été déclaré inapte le 29 juin 2021 en une seule visite sans reclassement possible.
Il ressort de ces constatations que le niveau de responsabilités de M.[J] dans l'entreprise ainsi que son poste et son statut ont été modifiés et que la majeure partie des missions lui incombant lui a été retirée à la suite d'un désaccord avec M. [N] sur le transfert des transferts de fond malgré les alertes sur sa santé et sa sécurité restées sans réponse et qu'il a notamment fait l'objet de nombreux mails répétitifs lui signifiant et rappelant le retrait de ses missions.
Il résulte de l'examen de l'ensemble des faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que M.[J] a subi des agissements répétés de la part de son employeur à savoir des méthodes de gestion managériales inadaptées et pouvant caractériser un harcèlement moral.
Le moyen développé par la SAS Epsys de l'ancienneté de certains faits allégués n'est pas pertinent, étant rappelé que le juge saisi d'une demande de reconnaissance de harcèlement moral et de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté et qu'en l'espèce M.[J] a établi des faits laissant présumer un harcèlement moral jusqu'à son départ en arrêt maladie.
S'agissant du retrait des prérogatives de M.[J] liées à l'approbation des virements, la question de savoir si les virement ordonnés par M. [N] portaient effectivement atteinte à l'intérêt de la société est dépourvue de pertinence. Il ressort en effet des éléments versés aux débats que M.[J] et notamment du mail du 15 avril 2020 que M.[J] était jusque-là amené à approuver les virements émis par la SAS Epsys dans le cadre d'un système de double signature et que M. [N] lui a d'ailleurs demandé par mail du 6 avril 2020 s'il avait bien fait les virements demandés pour le remboursement des comptes courant. M.[J] avait accès à la validation des virements par le système allmybank auquel M. [N] lui a immédiatement supprimé l'accès, suite aux remarques et réticences de M.[J] pour valider les virements litigieux demandés à des sociétés dont M. [N] était également président. Par conséquent la SAS Epsys ne démontre pas que M.[J] ne détenait pas de prérogatives en matière de finance.
Le fait pour M.[J] de tenter de continuer à exercer ses fonctions professionnelles et d'accomplir notamment les démarches nécessaires à la préparation des réunions CSE, de procéder à des échanges avec les représentants du personnel, d'être présent aux réunions du CSE, de continuer à travailler sur la gestion des risques psychosociaux ou d'être l'interlocuteur de salariés grévistes, comme conclu par la SAS Epsys, ne suffit pas à justifier qu'il disposait toujours des prérogatives découlant des délégations susvisées eu égard aux nombreuses interdictions, restrictions et validations à obtenir de la part de M. [N] pour exercer ses fonctions, rendant la tâche de M.[J] délicate et stressante puisque occupant de façade vis-à-vis des salariés de l'entreprise et des différents interlocuteurs, des responsabilités pour lesquelles dans les faits il n'avait plus les pouvoirs d'agir ou d'intervenir sans validation préalable.
La proposition faite à M.[J] par M. [E] au mois de février 2021 de prendre en charge pendant une durée de deux mois la direction de l'usine Transfix à [Localité 7] jusqu'à l'arrivée du remplaçant ne démontre pas que les prérogatives du salarié au sein de la SAS Epsys ne lui avaient pas été retirées et qu'il disposait de toute latitude pour exercer ses missions.
Si la délégation de pouvoirs de 2020 précisait que s'agissant du recrutement des salariés et de la signature des contrats de travail, M.[J] agirait par délégation «'en accord avec la politique applicable au sein de l'entreprise et du groupe'», M.[J] disposait du pouvoir d'agir et de signer les contrats de travail sans une validation préalable et systématique de M. [N] allant jusqu'au recrutement d'un simple intérimaire comme ensuite imposé. La SAS Epsys ne justifie par ailleurs pas que les restrictions mises en place et la suppression des prérogatives de M.[J] à partir d'avril 2020 seraient la conséquence comme conclu, des difficultés économiques et financières aggravées par la pandémie Covid 19, compte tenu de son statut dans l'entreprise.
Si la SAS Epsys soutient également que M.[J] a contrevenu aux règles mises en place à plusieurs reprises notamment en refusant la validation de virements et en allouant des parts variables sans validation préalable, qu'il est allé au-delà de ses fonctions et a multiplié les actes d'insubordination, il n'est justifié d'aucune procédure disciplinaire à ce titre qui auraient pu fonder le retrait en bonne et due forme de responsabilités et des missions de M.[J] ou sa rétrogradation. De la même façon, la SAS Epsys qui conclut que c'est M.[J] qui était délégataire s'agissant de la santé et la sécurité au travail et qu'il ne prenait pas en charge les sujet relatifs de la souffrance au travail, qu'elle a dus reprendre après son arrêt maladie, ne le démontrent pas, M.[J] ayant produit aux débats au contraire les alertes faites à M. [N] sur le sujet sans réponse de sa part et ayant justifié de l'absence de validation des investissements et moyens proposés et que sont produits par l'employeur le travail fait en amont par M.[J] pour préparer un plan d'action qui devait être validé par M. [N].
La dégradation de l'état de santé psychologique de M.[J], dont il a alerté son employeur en février 2021 (grande fatigue émotionnelle et surcharge de travail) et constaté visuellement par l'inspecteur du travail qui en a lui-aussi averti M. [N], confirmée par son médecin traitant et le médecin du travail à l'occasion de ses visites, est concomitante et la conséquence du retrait progressif de ses missions et responsabilités et du comportement managérial harcelant de M. [N] le plaçant dans une position difficilement soutenable entre les salariés, les institutions et M. [N] et le groupe Cahors, dans un climat social tendu du fait des restructurations et licenciements envisagés par l'employeur et à mettre en 'uvre.
Il convient dès lors de confirmer la décision déférée et de juger que M.[J] a subi des faits de harcèlement moral et de juger que ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul fixé à la date du 24 août 2021 (date du licenciement pour inaptitude de M.[J]).
Sur les demandes financières':
Sur la demande de rappel d'indemnité de licenciement ':
- Moyens des parties :
M.[J] soutient que son contrat de travail prévoit la reprise de son ancienneté à la date du 6 octobre 1994 et que sur ses bulletins de salaires son ancienneté évolue chaque mis à compter de cette date et porte la mention de sa date d'ancienneté (10.10.1994) mais que la SAS Epsys a écrasé son ancienneté en août 2021, date du solde de tout compte en modifiant son ancienneté sur son bulletin de salaire et par suite l'indemnité conventionnelle de licenciement due. Deux versions de fiches de paie pour le mois d'août 2021 avec deux anciennetés différentes lui ayant adressées.
Il soutient par ailleurs que le contrat de travail signé le 22 juin 2017 devait prendre effet au 1er juillet 2017 date à laquelle M. [C] était président de la SAS Epsys, qu'il pouvait donc signer ce document en prévision de la reprise de la société à condition qu'il prenne effet au 1er juillet. Les accords de cession datent de mars 2017 et M. [C] était un acteur des négociations appartenant au pool de rachat. L'actionnaire entrant souhaitant le conserver à son service a ainsi négocié le contrat de travail à droit constant et donc reprise d'ancienneté mentionnée dans le contrat de travail. Il ne peut être soutenu que la SAS Epsys aurait découvert le contrat de travail au moment du solde de tout compte s'agissant d'un directeur de filiale amené à diriger deux établissements et de nombreux salariés et M. [N] avait demandé dès février 2020 à la responsable des ressources humaines de la SAS Epsys de lui adresser les contrats de travail du CODIR d'Epsys et lui avait réclamé en avril 2020 s'agissant de M.[J] . De plus la reprise de son ancienneté apparait régulièrement chaque année sur les bulletins de salaires avant même sa délégation de pouvoirs en 2020.
La SAS Epsys conteste la reprise d'ancienneté de M.[J] à 1994 et le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Elle expose que la reprise d'ancienneté se fonde sur un document dénué de valeur juridique, c'est-à-dire un faux contrat de travail entaché de nullité et que M.[J] n'était pas employé de la SAS Epsys avant le 1er juillet 2017. Le contrat de travail a été signé par M. [C] en qualité de président d'Epsys le 22 juin 2017 alors qu'il n'a été nommé présidnet que le 30 juin 2017 et qu'il n'avait donc pas le pouvoir de représenter la SAS Epsys. M.[J] était titulaire du mandat de président à cette date et avait connaissance du défaut d'habilitation de M. [C]. M.[J] en charge de la validation des bulletins de salaires s'est octroyé une ancienneté de plus de 26 ans à l'insu de l'employeur.
La SAS Epsys conteste également le calcul erroné de l'indemnité de licenciement M.[J] ayant invoqué à tort un salaire e référence de 11'574,47 € au lieu de 9'639,57 €.
- Sur ce,
M.[J] justifie et il n'est pas contesté, que M. [N] a eu connaissance dès le 15 avril 2020, et à sa demande, de son contrat de travail du 22 juin 2017 mentionnant la reprise de son ancienneté au 6 octobre 1994, correspondant aux mentions figurant sur ses bulletins de salaires relatives à son ancienneté. Pourtant M. [N] n'a soulevé aucune contestation sur cette ancienneté ou le caractère prétendument irrégulier ou frauduleux du contrat de travail avant le calcul du solde de tout compte en août 2021 lors du licenciement de M.[J].
De plus, la SAS Epsys ne justifie pas des motifs de la production de deux fiches de paie pour le mois d'août 2021, l'une faisant figurer l'ancienneté du 10/10/94 et l'autre une ancienneté au 1er juillet 2017. La SAS Epsys ayant ainsi valablement considéré que le contrat de travail était valide et n'ayant manifestement discuté l'ancienneté que plus d'un an après, par pure opportunité financière. Il convient dès lors de confirmer la décision déférée s'agissant de la reprise de l'ancienneté de M.[J] au 10 octobre 1994.
S'agissant du salaire de référence, l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres dans les industries métallurgiques prévoit que l'indemnité est calculée sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont l'ingénieur ou le cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois précédant la notification du licenciement. Or il ressort des éléments versés aux débats que la moyenne mensuelle des salaires perçus par M.[J] entre août 2020 et août 2021 est de 9 639,57 €. De plus la convention collective prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut dépasser la valeur de 18 mois de traitement, soit 173'512,26 €. Il convient par conséquent par voie d'infirmation de la décision déférée de condamner la SAS Epsys à payer à M.[J] une indemnité d'un montant de 153'824,402 € dont il y aura lieu de déduire la somme déjà perçue de 10'643,70 €, soit un reliquat de 143'180,702 € à régler à M.[J] par la SAS Epsys.
Sur les dommages et intérêts pour nullité du licenciement':
- Moyens des parties :
M.[J] soutient qu'en présence d'un licenciement nul, doit être réparé l'intégralité du préjudice subi'; qu'il a été victime d'une brusque rupture de sa carrière professionnelle et qu'après avoir été allocataire de Pôle emploi, ne retrouvant pas d'emploi, il n'a eu d'autres choix que de se lancer dans des démarches complexes et risquées pour reprendre une entreprise. Il a été très affecté moralement et a eu des difficultés pour se projeter dans l'avenir avec 5 enfants à charge dont un enfant handicapé de 26 ans et divorcé. Il assume intégralement la charge des études et l'entretien de ses enfants, son ex épouse étant sans emploi. Il rembourse un emprunt pour son logement solidairement avec sa compagne à la recherche d'un emploi également.
La SAS Epsys conclut au visa de l'article L.1235-3-2 du code du travail que la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul est excessive et bien supérieure au montant des 6 derniers mois de salaires et que M.[J] ne justifie pas d'un préjudice supérieur à ses 6 derniers mois de salaire.
- Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail'l'article L. 1235-3 du code du travail''n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles'L. 1152-3'et'L. 1153-4';
M.[J] disposait d'une ancienneté de 26 ans 10 mois et 14 jours et avait 51 ans lors de son licenciement. Il a 5 enfants dont un enfant handicapé et il est divorcé. Il ne produit aux débats que le relevé de Pôle emploi du 28 octobre 2021 et le montant de la mensualité de remboursement de son crédit immobilier de 2180,26 € mensuel au 5 février 2022 pour un capital restant dû de 179365,22 €. Il ne justifie pas d'autres éléments s'agissant de son préjudice et notamment ne produit aucun Il ressort des éléments s'agissant de la société qu'il aurait créée et des revenus qu'il en retire.
Il convient dès lors d'évaluer son préjudice à la somme de 144'593,55 € (15 mois de salaires) par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur le bonus 2020':
- Moyens des parties :
M.[J] sollicite le versement de la prime variable sur résultat ou bonus 2020 non réglés alors que plusieurs de ses objectifs sont totalement ou partiellement atteints.
La SAS Epsys expose que ce bonus n'est pas dû, que le salarié n'apporta aucun commencement de preuve et a établi unilatéralement ses résultats. Il n'a pas atteint les objectifs fixés.
- Sur ce,
Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé et lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
Il est constant que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues par son contrat de travail et les avenants à celui-ci et que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire. Faute par conséquent pour l'employeur de communiquer les éléments permettant un débat contradictoire s'agissant du calcul des commissions... ou l'ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail de M.[J] qu'il percevait une rémunération constituée d'une part fixe à laquelle s'ajoute une part variable appelée Bonus déterminée comme suit':
«'votre Bonus est défini à partir d'une valeur cible de taux bonus cible en pourcentage, qui correspond à l'atteinte des objectifs préalablement fixés à la fois au niveau collectif et individuel. Il varie entre 0 et un pourcentage maximum, qui sera déterminé lors de la fixation de vos objectifs annuels. Par ailleurs, le pourcentage de votre bonus est appliqué à votre rémunération annuelle de base, calculée au prorata de votre temps de travail au cours de l'année précédente -année N-1), une fois connus les comptes de l'exercice écoulé. Ainsi dans l'hypothèse de l'atteinte des objectifs ci-dessus mentionnés votre rémunération annuelle sera de':
Rémunération annuelle de base': 113'000 €
Bonus cible': 24 %
Rémunération annuelle totale cible': 140'120 €»
M.[J] verse aux débats un tableau Bonus année 2020 dont il ressort que certains des objectifs fixés ont été atteints (objectif 1': Epsys réduction du point mort, objectif 3': Synergies verticales, objectif 4': marge sur coût variable direct MCVD 2020 > 2019).
La SAS Epsys qui se contente de verser aux débats un tableau indiquant que M.[J] a réalisé partiellement chacun de ses objectifs (de 0 à 50 %) et conclut qu'il n'a droit dès lors à aucun bonus sans permettre un débat contradictoire s'agissant de la réalisation de chacun des objectifs ni fournir l'ensemble des éléments nécessaires à la vérification, doit être condamné à verser à M.[J] la somme de 5'192 € au titre du bonus 2020 outre 519,20 € de congés payés afférents par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail et le manquement à l'obligation de prévention':
- Moyens des parties :
M.[J] soutient au visa de l'article L. 1152-4 du code du travail qu'il a subi un préjudice distinct du fait de l'exécution fautive de son contrat de travail qui doit être réparé, constitué par sa mise en danger et son absence de protection, la SAS Epsys ayant manqué à son obligation de prévention des risques professionnels, la SAS Epsys n'ayant pas empêché sa souffrance au travail. Même averti par l'inspection du travail, l'employeur n'a rien fait pour éviter de l'exposer à cette souffrance au travail.
La SAS Epsys soutient que le salarié ne démontre pas qu'elle n'aurait pas respecté ses obligations de sécurité et de prévention, qu'elle a mis en 'uvre des mesures de prévention dès fin 2019 dans l'ensemble des filiales pour prévenir les accidents du travail, que des négociation ont été entamées en septembre 2020 afin de mettre en place une hotline les risques psychosociaux , une présentation a été faite au CSE en juin 2020 et qu'un plan les les risques psychosociaux a été mis en place en septembre 2021. M.[J] ne démontrant pas avoir été mis en danger et n'a été victime d'aucun accident.
- Sur ce,
L'article L.'4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017, ces mesures comprennent':
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article'L. 4161-1';
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L.'4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en 'uvre ces mesures.
Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.
En l'espèce, il ressort des éléments d'ores et déjà exposés que M. [N] a été alerté dès le mois de juin 2020 par le médecin du travail, le CSE (le harcèlement moral étant évoqué par certains salariés et un cadre pleurant à l'évocation des faits) et l'inspection du travail de la souffrance et du mal être au travail des salariés de la SAS Epsys en ce compris M.[J] dont l'état physique est même décrit comme inquiétant et «'au bout du rouleau'» par l'inspecteur du travail présentant les stigmates de la souffrance au travail selon le médecin du travail. M.[J] a à plusieurs reprises également alerté son employeur sur les mesures de prévention à prendre et valider pour faire cesser cette situation et a également fait état de sa propre situation de surmenage et de souffrance au travail. Seul M.[J] a tenté de mettre en place la prévention des risques psychosociaux dans le cadre de sa délégation de pouvoirs mais a été placé dans l'impossibilité d'exécuter ses missions pour lesquelles il a avait une responsabilité pénale engendrant du stress, du fait du retrait de ses prérogatives et de l'inertie de l'employeur.
S'il est justifié de la mise en 'uvre de négociations en vue de la création d'une hot line d'écoute par le groupe Cahors en raison de la crise sanitaire le 30 septembre 2020, la procédure Safety Walks évoquée ne concerne que les accidents de travail et non les risques psychosociaux et il est constant que la prévention des risques psychosociaux n'a en réalité été mise en place qu'en septembre 2021, après des injonctions de l'inspection du travail. L'obligation légale de prévention des risques psychosociaux par la SAS Epsys n'ayant pas été respectée.
Par ailleurs la SAS Epsys ne justifie pas avoir respecté son obligation légale de sécurité à l'égard de M.[J] malgré les alertes sur sa santé et sa situation professionnelle dégradée non seulement compte tenu des manquements de l'employeur et du management harcelant de M. [N] mais également du contexte social de la société.
M.[J] justifie compte tenu des éléments médicaux versés aux débats déjà évoqués d'un préjudice à ces titres et il convient par voie d'infirmation du jugement déféré de condamner la SAS Epsys à lui verser 5'000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Sur le remboursement des allocations chômage :
Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés, soit la somme de 9 639,57 € X 6 = 57'837,42 € par voie d'infirmation du jugement déféré sur le quantum.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi (France Travail) à la diligence du greffe de la présente juridiction.
Sur les demandes accessoires':
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La SAS Epsys partie perdante qui sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M.[J] la somme au titre de ses frais irrépétibles engagés en appel la somme de 3500 €.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[J] aux torts exclusifs de la SAS Epsys
- Jugé que M.[J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur
- Jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul
- Jugé que l'ancienneté de M.[J] est reprise au 10 octobre 1994
- En conséquence, condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes':
* 60'433,56 € bruts outre 6043,35 € bruts au titre des congés payés afférents
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes :
* 5192 € bruts au titre du bonus 2020 outre 519,20 € bruts au titre des congés payés afférents
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M.[J] de ses autres demandes
- Débouté la SAS Epsys de l'intégralité de ses demandes
- Condamné la SAS Epsys en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à pôle emploi les sommes versées à M.[J] par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnité
- Dit que les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail s'appliquent à la décision dans la limite de neuf mois de salaire
- Condamné la SAS Epsys aux éventuels dépens de l'instance.
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
CONDAMNE la SAS Epsys à verser à M.[J] les sommes suivantes':
- Un reliquat à hauteur de 143'180,702 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- 144'593,55 € (15 mois de salaires) de dommages et intérêts pour licenciement nul
- 5000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
- 57'837,42 € au titre du remboursement France Travail en application de l'article L. 1235-4 du code du travail
ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois (57'837,42 €), Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi (devenu France Travail) à la diligence du greffe de la présente juridiction.
DIT qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à France Travail Rhône-Alpes - [Adresse 6], à la diligence du greffe de la présente juridiction,
Y Ajoutant,
CONDAMNE la SAS Epsys aux dépens d'appel,
CONDAMNE la SAS Epsys à payer la somme de 3 500 € à M.[J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 05 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
N° RG 23/00243 - N° Portalis DBVY-V-B7H-HFWH
S.A.S. EPSYS prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
C/ [A] [J]
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CHAMBERY en date du 12 Janvier 2023, RG F 20/00209
Appelante
S.A.S. EPSYS prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, demeurant [Adresse 2]
Représentée par Me Cyprien PIALOUX de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
Représentée par Me Richard DAMIAN, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimé
M. [A] [J], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Me François SIMON de la SELARL THEYMA, avocat au barreau de CHAMBERY
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 Avril 2024 en audience publique devant la Cour composée de :
Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente,
Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,
Monsieur Cyril GUYAT, Conseillère,
qui en ont délibéré
Assistés de Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
********
Exposé du litige':
M.[J] a été engagé en octobre 1994 par le groupe Schneider Electric.
Par Procès-Verbal du Conseil d'administration de la SAS Epsys en date du 24 février 2016, M.[J] a été désigné président du conseil d'administration de la SAS Epsys en remplacement de M. [T].
Par avenant au contrat de travail en date du 24 juin 2016, M.[J] a été nommé par le Groupe Schneider Electric France en qualité de PSS Activity Director à compter du 1er juillet 2016 exerçant ses fonctions dans l'établissement de [Localité 5] (EPSYS) en Savoie.
Par convention de mutation concertée en date du 24 juin 2016, M.[J] a été transféré au sein de la SAS Epsys en qualité de PSS Activity Director avec reprise intégrale d'ancienneté à compter du 1er juillet 2016.
Le 22 juin 2017, la SAS Epsys et M.[J] ont conclu un contrat à durée indéterminée aux termes duquel M.[J] était embauché en qualité de Directeur des opérations et Responsable achats sous l'autorité directe du président de la SAS à compter du 1er juillet 2017.
Par une note d'information du 25 novembre 2019, M. [M] [N], PDG du groupe Cahors, repreneur de la SAS Epsys, a informé les salariés d'une réorganisation du groupe Cahors, la direction industrielle de la division moyenne tension étant assurée par M.[J] qui conservait par ailleurs la direction opérationnelle de la SAS Epsys.
M.[J] a saisi le conseil des prud'hommes de Chambéry en date du'11 décembre 2020 aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul en raison du harcèlement moral subi ou subsidiairement dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison des manquements graves de son employeur et obtenir les indemnités afférentes.
M.[J] a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter du 4 mars 2021 et n'a pas repris le travail.
Le 29 juin 2021, M.[J] a été déclaré inapte à son poste de directeur des opérations EPSYS par le médecin du travail, son état de santé faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi.
M.[J] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 24 août 2021.
Par jugement du'12 janvier 2023, le conseil des prud'hommes de Chambéry a':
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[J] aux torts exclusifs de la SAS Epsys
- Jugé que M.[J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur
- Jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul
- Jugé que l'ancienneté de M.[J] est reprise au 10 octobre 1994
- En conséquence, condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes':
* 60'433,56 € bruts outre 6043,35 € bruts au titre des congés payés afférents
* 150'085,08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
* 200'000 € nets au titre des dommages et intérêts pour licenciement nul
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes :
* 5192 € bruts au titre du bonus 2020 outre 519,20 € bruts au titre des congés payés afférents
* 15'000 € nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M.[J] de ses autres demandes
- Débouté la SAS Epsys de l'intégralité de ses demandes
- Condamné la SAS Epsys en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à pôle emploi les sommes versées à M.[J] par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnité soit 6X 10'072,24= 60'433,38 €
- Dit que les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail s'appliquent à la décision dans la limite de neuf mois de salaire
- Condamné la SAS Epsys aux éventuels dépens de l'instance.
La décision a été notifiée aux parties et la SAS Epsys en a interjeté appel par le Réseau Privé Virtuel des Avocats le 10 février 2023 et M.[J] appel incident par voie de conclusions.
Par conclusions du'23 octobre 2023, la SAS Epsys demande à la cour d'appel de':
- Juger recevable et bien fondée la société EPSYS en son appel de la décision rendue le 12 janvier 2023 par le Conseil de Prud'hommes de Chambéry ;
- Infirmer totalement le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 (RG n°20/00209) en ce qu'il a :
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] aux torts exclusifs de la société EPSYS ;
- Dit et Jugé que Monsieur [A] [J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur ;
- Dit et jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] produit les effets d'un licenciement nul ;
- Dit et jugé que l'ancienneté de Monsieur [A] [J] est reprise au 10 octobre 1994 ;
- En conséquence, condamné la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes : '
* 60 433,56 euros bruts outre 6.043,35 euros au titre de congés payés afférents ;
* 150 085,08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 200 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour un licenciement nul ;
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
* 5 192 euros bruts au titre du bonus 2020 outre 519,20 euros au titre des congés payés afférents,
* 15 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Débouté la société EPSYS de l'intégralité de ses demandes, à savoir :
* Juger que la société EPSYS n'a commis aucun manquement de nature à justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J],
* Juger que Monsieur [J] n'a pas été victime d'un quelconque harcèlement moral,
* Juger que la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [J] est totalement infondée,
* Juger que le licenciement de Monsieur [J] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est parfaitement justifié et valable,
* Juger que le salaire mensuel de référence de Monsieur [J] est de 9.639,57
* Débouter Monsieur [J] de toutes ses demandes, fin et conclusions,
* Condamner Monsieur [J] à verser à la société EPSYS la somme de 4.000
* Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.
- Condamné la Société EPSYS, en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées à Monsieur [A] [J], par cet organisme, dans la limite de 6 mois d'indemnités soit 6 x 10 072,24 = 60 433,38 euros;
- Dit que les dispositions de l'article R1454-28 du Code du travail s'appliquent à la présente décision, dans la limite de 9 mois de salaire.
- Condamné la société EPSYS aux éventuels dépens de l'instance.
En conséquence et statuant de nouveau :
- Juger que la société EPSYS n'a commis aucun manquement de nature à justifier que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J],
- Juger que Monsieur [J] n'a pas été victime d'un quelconque harcèlement moral,
- Juger que la demande de résiliation judiciaire de Monsieur [J] est totalement infondée,
- Juger que le licenciement de Monsieur [J] pour inaptitude et impossibilité de reclassement est parfaitement justifié et valable,
- Juger que le salaire mensuel de référence de Monsieur [J] est de 9.639,57 €,
- Prendre acte de ce que Monsieur [J] renonce à sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral à hauteur de 50.000 euros au titre du harcèlement moral (sur le fondement de l'article 1240 (ancien 1382) du Code civil),
En conséquence,
- Débouter Monsieur [J] de toutes ses demandes, fin et conclusions,
- Condamner Monsieur [J] à verser à la société EPSYS la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner Monsieur [J] aux entiers dépens de la présente instance et de ses suites.
Par conclusions en réponse du 24 juillet 2023, M.[J] demande à la cour d'appel de':
A TITRE PRINCIPAL
CONFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 (RG n°20/00209) en ce qu'il a :
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] aux torts exclusifs de la société EPSYS,
- Dit et Jugé que Monsieur [A] [J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur,
- Dit et Jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] produit les effets d'un licenciement nul,
- Dit et Jugé que l'ancienneté de Monsieur [A] [J] est reprise au 10 octobre 1994,
En conséquence, condamné la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
' 60 433,56 euros bruts outre 6.043,35 euros au titre de congés payés afférents
' 150 085,08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
' 200 000 euros nets au titre de dommages et intérêts pour un licenciement nul
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
' 5 192 euros bruts au titre du bonus 2020 outre
' 519,20 euros au titre des congés payés afférents,
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile
- Débouté la société EPSYS de l'intégralité de ses demandes
- Condamné la Société EPSYS, en application de l'article L. 1235-4 du Code du travail, à rembourser à Pôle Emploi les sommes versées à Monsieur [A] [J], par cet organisme, dans la limite de 6 mois d1indemnités, soit 6 x 10 072,24 = 60 433,38 euros
- Dit que les dispositions de l'article R1454-28 du Code du travail s'appliquent à la présente décision, dans la limite de 9 mois de salaire.
- Condamné la société EPSYS aux éventuels dépens de l'instance.
INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Chambéry du 12 janvier 2023 (RG n°20/00209) en ce qu'il a :
- Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
' 15 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
- Débouté Monsieur [A] [J] de ses autres demandes
ET STATUANT DE NOUVEAU
' Condamné la Société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme suivante :
' 50 000 euros nets au titre des dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail ;
SUBSIDIAIREMENT
A défaut de résiliation judiciaire fondée sur le harcèlement
PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [A] [J] aux torts exclusifs de la société EPSYS en raison des fautes de l'employeur ;
JUGER que la résiliation doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse
En conséquence
CONDAMNER la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
- Au titre du préavis une somme de 60.433,56 bruts
- Au titre de congés payés sur préavis une somme de 6.043,35 €
- Au titre de la réparation du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages et intérêts une somme de 200 000 € 52
Subsidiairement si la Cour devait se prononcer sur le licenciement pour inaptitude
JUGER que l'inaptitude trouve son origine dans les actes et fautes de l'employeur
JUGER le licenciement intervenu postérieurement nul à raison du harcèlement subi par Monsieur [A] [J] comme étant à l'origine de l'inaptitude
Ou subsidiairement
JUGER le licenciement pour inaptitude sans cause réelle et sérieuse en raison des fautes de l'employeur
Dans les deux cas
CONDAMNER la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] les sommes suivantes :
- Au titre du préavis une somme de 60.433,56 bruts
- Au titre de congés payés sur préavis une somme de 6.043,35 €
- Au titre de la réparation du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, à titre de dommages et intérêts une somme de 200 000 €
En tout état de cause
CONDAMNER la société EPSYS à payer à Monsieur [A] [J] la somme de 4 000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'Appel ainsi qu'aux dépens ;
JUGER que les condamnations seront assorties des intérêts de droit ;
DEBOUTER EPSYS de toutes ses fins, moyens et prétentions ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le'20 mars 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI':
Sur la résiliation judiciaire du contrat de travail':
- Moyens des parties :
M.[J] demande à titre principal à la cour de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail en raison du harcèlement moral qu'il argue avoir subi et que cette résiliation judiciaire produise les effets d'un licenciement nul et à titre subsidiaire que les manquements de l'employeur constatés fondent la résiliation judiciaire produisant dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Sur ce,
Sur le fondement des dispositions des articles 1226 et du code civil, il relève du pouvoir souverain des juges du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des dispositions résultant d'un contrat synallagmatique présentent une gravité suffisante pour en justifier la résiliation. La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur. Dans l'hypothèse où la résiliation judiciaire est justifiée, celle-ci produit alors les effets d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse.
Lorsque la demande de résiliation judiciaire est fondée sur un harcèlement moral ou la discrimination, la rupture du contrat de travail produit alors les effets d'un licenciement nul.
Sur le harcèlement moral':
- M.[J] soutient à ce titre qu'il lui a été retiré une grande partie de ses responsabilités à la suite de sa résistance à valider des mouvements financiers à la demande de M. [N], président de la SAS Epsys':
Il expose qu'il occupait depuis la reprise par le groupe Cahors les fonctions de directeur des opérations- responsable des achats en application de son contrat de travail et que le premier président de la SAS Epsys (M. [C]) lui avait confié le 24 juillet 2017 une délégation de pouvoirs sur les usines de [Localité 5] et de [Localité 4], restreinte au domaine de l'hygiène, de la sécurité, de la prévention des risques et du respect des normes environnementales, domaines pour lesquels il va déployer son énergie au bon fonctionnement des unités dont il a la charge et les résultats obtenus seront supérieurs au prévisionnel. M. [C] sera par la suite évincé par M. [N] président du groupe Cahors. Ses qualités professionnelles devaient être appréciées ainsi que ses compétences techniques et managériales puisqu'il a été nommé en novembre 2019 la direction industrielle du groupe Cahors pour l'ensemble de la division moyenne tension et a conservé par ailleurs la direction de la SAS Epsys. M. [N], nouveau président lui a ensuite confié une délégation de pouvoir le 2 mars 2020 avec des missions étendues, puisqu'en plus d'une délégation de pouvoirs relative à la réglementation, à l'hygiène et la sécurité de travail, il lui était délégué la gestion du personnel, les relations avec les institutions représentatives du personnel et les actions syndicales. Il a accepté que sa responsabilité pénale personnelle puisse se trouver engagée en cas d'infraction aux prescriptions dont il était assuré de charger le respect (notamment dysfonctionnement des institutions représentatives du personnel et délit d'entrave). Il était donc placé au plus haut niveau des directions industrielles.
En avril 2020, M.[J] explique qu'il a contrarié M. [N] dans le seul but de préserver les intérêts de la SAS Epsys'; qu'il s'était vu confier la responsabilité de contresigner et d'approuver les virements émis par la SAS Epsys, qu'il avait la faculté de s'exprimer et de signer. À la suite de la pandémie Covid19, le 15 mars 2020, et compte tenu des doutes sur la santé économique de l'entreprise à la suite de l'arrêt brutal de la production, il va se montrer réticent à valider le virement d'une somme de 4'600 000 € de la SAS Epsys vers d'autres sociétés du groupe ou société mère dont chacune avait M. [N] comme président alors qu'un transfert d'une somme de 1'940 000 € avait déjà été opéré. M. [N] va sèchement le remettre en place par mail lui indiquant qu'il était contractuellement en charge de la production, de l'exploitation et logistique, de l'informatique, technique, qualité, sécurité environnement, achats, RH, mais pas de la finance et va exiger le paiement. Il lui a ainsi d'abord été retiré une des prérogatives auparavant dévolues à savoir la contre signature des sorties de trésorerie.
M.[J] indique avoir tenté à nouveau de résister mais avoir été contraint d'effectuer ces virements et que M. [N] lui a alors retiré immédiatement ses accès aux validations des virements bancaires.
Il a ensuite fait l'objet d'une reprise en mains plus étendue': le 20 avril 2020, M. [N] lui':
- Interdisant
* toute augmentation individuelle privée exceptionnelle
* Le versement des primes de 2019 payables en 2020 sans son accord
* Toutes les augmentations dans le cadre des négociations annuelles obligatoires ( retrait de la marge de man'uvre de négociation annuelle avec la délégation syndicale)
* La gestion de la paie (mail du 22 avril 2020)
- Retirait ses responsabilités s'agissant':
* de la sécurité, l'employeur lui refusant désormais les investissements nécessaires pour lesquelles il disposait pourtant d'une responsabilité pénale
* de la gestion du personnel et des IRP (mais du 22 avril 2020)
* ses attributions habituelles concernant l'opérationnel'(un salarié est transféré à une autre société du groupe par M. [N] en juillet 2020 sans concertation ni information..., il se voit interdire de communiquer une note d'organisation suite au départ d'un cadre le 4 septembre 2020).
- Le 1er octobre 2020, M. [N] indique qu'il veut tout valider et le 22 octobre 2020, lui sont retirés l'ensemble des maigres prérogatives qui lui restaient, lui adressant des mails harcelants avec le même objet à 6 reprises de manière répétitive et inutile
M. [N] a dénoncé les médailles du travail pour 2021 et lui a rappelé dans son mail du 10 avril 2020 tout en lui retirant la compétence finance, qu'il était contractuellement en charge des achats et ressources humaines tout en lui retirant tout un pan de la gestion des ressources humaines.
- M.[J] fait également valoir qu'il a été envoyé seul en réunion CSE dans un climat social tendu dans le cadre du plan de sauvegarde, M. [N] lui interdisant de donner une information claire et complète au CSE, lui intimant l'ordre de garder le silence s'agissant notamment de la liste des postes supprimés. M.[J] était réduit à une position de marionnette. Les décisions relatives au plan venaient de manière descendante du groupe sans concertation sans qu'il ne dispose d'aucune marge de man'uvre.
- il lui a été supprimé sa rémunération variable sur le mois de juin 2020 (comme à d'autres membres du personnel), finalement réglé en août 2020 et son remboursement de frais de février 2020 a été décalé de trois mois, ses notes de frais pour mars et avril ayant été remboursées un mois et demi plus tard et il a été mis en grande difficulté également à l'égard de ses équipes.
- Malgré l'alerte de la médecine du travail sur le stress et le mal-être des salariés et plus précisément dans des fonctions d'encadrement ou à des postes à responsabilité dont M.[J] lui-même, M. [N] ne réagissait pas et M.[J] était obligé de le relancer, indiquant ne pouvant exercer sa mission de présidence du CSE et de prévention des risques sans réponse de M. [N], en vain malgré la situation extrêmement tendue.
La gestion des ressources humaines est entièrement reprise par le groupe Cahors et M.[J] ne peut plus répondre aux salariés ni à l'inspection du travail'; M.[J] est écarté et ne peut plus répondre aux sollicitations pressantes des représentants du personnel, ni aux demandes d'explication du CSE.
- A son arrivée, le nouveau directeur général délégué, M. [E], se verra confier la direction générale de la division moyenne tension vidant encore ses attributions, M.[J] passant du statut de directeur industriel de l'ensemble de la moyenne tension du groupe à celui d'un pilote opérationnel d'Epsys au même rang que deux collaborateurs qu'il supervisait.
Son état de santé s'est rapidement dégradé sans que M. [N] ne puisse l'ignorer, constaté par la médecine du travail qui a alerté l'employeur sur la souffrance des cadres et directement M. [N] sur la situation personnelle de M.[J] et sa surcharge de travail sans réaction de la part de M. [N]. Il n'a même jamais bénéficié d'un entretien professionnel. Il a été placé en arrêt maladie à compter du 4 mars 2021, s'est vu prescrire des antidépresseurs et a bénéficié d'un suivi psychologique et une psychothérapie pour faire face à ses difficultés professionnelles. Il a ensuite été déclaré inapte.
La SAS Epsys conteste pour sa part tout fait de harcèlement moral. Elle expose d'une part que les faits évoqués par M.[J] sont trop anciens pour être appréciés par la cour et n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail'; s'agissant des virements et contreseings, ils sont trop anciens (8 mois avant la demande de résiliation judiciaire)et ne peuvent justifier une demande de résiliation judiciaire, ces faits étant par ailleurs justifiés au regard de la situation économique de l'entreprise.
D'autre part que les différentes délégations de M.[J] ne couvraient pas le domaine de la finance et qu'il n' a pas hésité à bloquer des virements au profit des autres entités du groupe en contravention des termes de son contrat de travail. L'employeur ayant été contraint de rappeler M.[J] à ses obligations contractuelles. De la même manière M.[J] ne pouvait seul décider d'attribuer des augmentations ou des primes aux salariés sans l'accord du président et il avait connaissance de cette règle.
Sa part variable réclamée concerne l'exercice 2019 soit plus d'un an avant la saisine de la juridiction prud'homale et il a été rempli de ses droits. Pour la part variable de 2020 payable en 2021, il n'avait pas atteint ses objectifs et ne pouvait dès lors en bénéficier. De plus cette demande est intervenue postérieurement à la demande de résiliation judiciaire et ne peut dons être retenue à l'appui de cette demande.
M.[J] n'a pas perdu ses prérogatives dans la gestion des IRP puisqu'il assumait la présidence des réunions du CSE et effectuait les démarches nécessaires à la préparation des réunions et des échanges avec les représentants du personnel. Les prétentions sur les risques psychosociaux sont anciennes et n'ont plus lieu d'être eu égard à la mise en place d'un plan RPS ( dispositif «'Safety Walk'», réunions hebdomadaire et quotidienne avec le mangement pour exposer les réussites, problématiques et les échanges, une hotline RPS dès septembre 2020 alors que l'alerte de la médecine du travail date de juin 2020, un plan de gestion des RPS de juin 2020 mis en place par M.[J] lui-même communiqué à l'inspection du travail).
M.[J] a continué à travailler après la saisine du conseil des prud'hommes de telle sorte que les manquements invoqués au soutien de sa requête n'ont pas empêché la poursuite du contrat de travail.
- Sur ce':
Aux termes des articles L.1152-1 et L. 1152- 2 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel et aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
Suivants les dispositions de l'article L 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral; dans l'affirmative, il appartient ensuite à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Le harcèlement moral n'est en soi, ni la pression, ni le surmenage, ni le conflit personnel ou non entre salariés, ni les contraintes de gestion ou le rappel à l'ordre voire le recadrage par un supérieur hiérarchique d'un salarié défaillant dans la mise en 'uvre de ses fonctions.
Les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse ne dispensent pas celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle elle subirait un harcèlement moral au travail.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits ainsi établis sont étrangers à tout harcèlement moral.
Sur la matérialité des faits allégués par M.[J] au titre du harcèlement moral':
Sur la perte d'une partie de ses prérogatives par M.[J]':
Il ressort de la subdélégation de pouvoirs du 24 juillet 2017 que M.[J], en sa qualité de directeur des opérations et achats de la SAS Epsys et compte tenu de ses compétences techniques et professionnelles, se voit octroyer par M. [C] (ancien président de la SAS Epsys ) «'tous pouvoirs pour assurer la sécurité de l'ensemble des salariés du groupe intervenant sur ce périmètre, à savoir, d'une part coordonner et mettre en 'uvre au niveau des sites de [Localité 5] et [Localité 4], conformément aux règles édictées au niveau central, la politique d'hygiène et de sécurité et veiller à la bonne application des règles en la matière (mission d'identification et de traitement des risques, d'information et de formation des salariés et des tiers, ainsi que de contrôle permettant une prévention efficace et une amélioration continue des questions relatives à l'hygiène et la sécurité)... d'autre part coordonnait les mettre en 'uvre au niveau des sites des obligations légales et réglementaires ainsi que les politiques groupes associées relatives à l'environnement. M.[J] pouvant voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal'».
Par délégation de pouvoir de M. [N] en sa qualité de directeur général et représentant légal de la Epsys Holding, elle-même représentant légal de la SAS Epsys, en date du 2 mars 2020, M.[J] se voit octroyer les pouvoirs pour «'prendre toutes mesures et toutes décisions en vue d'appliquer et de faire appliquer et respecter au sein des usines'/établissements de [Localité 5] et [Localité 4] les règles relatives à la règlementation en matière d'hygiène et de sécurité du travail, à la gestion du personnel et aux relations avec les institutions de représentatives du personnel et les organisations syndicales. M.[J] pouvant voir sa responsabilité engagée sur le plan pénal en cas de non-respect de la réglementation'».
Il n'est pas contesté que M.[J] a refusé d'approuver des virements de sommes importantes de la SAS Epsys vers d'autres sociétés du groupe Cahors ou vers la société mère que M. [N], le président de la SAS Epsys, lui avait demandé d'opérer, M.[J] lui répondant par mail le 6 avril 2020 que «'comme indiqué oralement, je ne peux signer un tel virement (4,6M€) dans le contexte actuel. Il n'est pas envisageable d'affaiblir la trésorerie de l'entreprise en ce moment. Ne pouvons-nous pas utiliser ces fonds pour faciliter la trésorerie des autres sociétés du groupe dans la cadre de la convention en place'''».
M. [N] a répondu à M.[J] et Mme [Z] (responsable finance de la SAS Epsys) par mail du 10 avril 2020, qu'il était leur employeur, que M.[J] n'était contractuellement pas en charge de la finance mais en charge de la production, exploitation et logistique et de directeur des opérations et qu'il devait se concentrer sur son domaine de compétences, qu'il leur avait demandé à de nombreuses reprises de procéder au règlement de mangement Fees, honoraires de conseils, remboursement de comptes courants, qu'ils repoussaient ses demandes sans en justifier et qu'ils devaient se conformer aux instructions et à ses demandes et lui confirmer la bonne exécution du virement, le remboursement du compte courant, arguant ne pas appauvrir par ces mouvements financiers la SAS Epsys.
M.[J] a ensuite répliqué à M. [N] par mail du 15 avril 2020 qu'il respectait les consignes et était bien conscient de ses devoirs vis-à-vis de sa hiérarchie et de l'entreprise mais qu'il était toutefois amené jusqu'à présent dans le cadre du système de double signature à approuver les virements émis par la SAS Epsys et qu'il avait donc une responsabilité à ce titre s'agissant de sommes très importantes notamment. Le virement litigieux a finalement été effectué le 15 avril 2020.
Il est établi qu'à la suite de ce désaccord entre M.[J] et son supérieur M. [N], ce dernier a':
- Retiré à M.[J] ses accès informatiques à «'all my bank'» et notamment son pouvoir de validation dans l'outil comme il ressort des échanges de mails entre M. [N] et la responsable financière (Mme [Z]) en date du 23 avril 2020 et M. [N] a enjoint que tous les règlements fournisseurs lui soient désormais présentés chaque semaine en validation
- Indiqué à Mme [P] et M.[J] par mail du 20 avril 2020, qu'aucune augmentation individuelle ou prime exceptionnelle ne serait versée en 2019/2020, aucune prime de 2019 payable en 2020 ne serait versée sans son accord, aucune augmentations pour les Nao dans le groupe, les primes des N-1 devraient être soumises et validés pour les N+1, la dénonciation des médailles du travail et que toutes RCH ou négociation salariale devait être validé par lui
- Indiqué à M.[J] par mail du 22 avril 2020 que la délégation ne s'appliquait pas s'agissant des entrées/sorties par M. [N] le temps du structuring et que M.[J] n'avait pas l'autonomie, que la gestion de la paie était centralisée au niveau du groupe à [Localité 3], qu'il devait lui envoyer les rapports d'analyse risques et devis associés en matière de sécurité et d'engagement d'investissements afin de faire les choix ensemble et refusait également l'abondement et les dépenses exposées en matière de veille réglementaire sur la sécurité des équipements. Il lui précisait également que s'agissant de la gestion des risques psycho-sociaux liée à la période de transformation actuelle de l'entreprise, le manque de visibilité sur la stratégie et l'organisation, la suppression des délégations entrainant une dégradation du climat social, «'la communication est gérée par moi'».
- Demandé le 23 avril 2020 à Mme [P], responsable finance de lui confirmer que les accès allmybank avaient bien été enlevés à M.[J] et que toutes les factures hors productions soient soumises à sa validation, tous les virements sur allmybank devant être validés par lui.
- Enjoint le 28 mai 2020 par mail à M.[J] de ne rien annoncer au CSE auquel il allait assister s'agissant du changement de la liste des personnes pour PLE (listes des postes supprimés dans le cadre du PSE)
Il est ainsi établi que M. [N] a, de manière soudaine et immédiatement consécutive au différend de gestion financière de l'entreprise les ayant opposé, retiré de manière itérative et unilatérale par simples courriels, à M.[J] des fonctions dont il était délégataire notamment en matière de gestion des ressources humaines et de sécurité et santé des salariés, alors même qu'il engageait aux termes de sa délégation sa responsabilité pénale et qu'il était chargé d'être présent aux réunions avec le CSE dans le cadre du conflit social en cours au sein de la SAS Epsys du fait de la structuration et des décisions prises par M. [N] (retard de paiement des rémunérations variables...).
Sur la décision de non versement de la rémunération variable du mois de juin 2020 au titre de 2019':
M.[J] justifie que M. [N] a décidé de ne pas lui verser ainsi qu'à ses 5 collègues de l'équipe de direction la rémunération variable du mois de juin 2020 au titre de 2019, et que M.[J] a adressé à M. [N] une demande de régularisation les 26 juin et 14 juillet 2020 et 5 des personnes concernées ont signé un courrier de mise en demeure de régularisation de leur part variable le 9 juillet 2020 avec copie à l'inspection du travail invoquant une discrimination menaçant la SAS Epsys d'une saisine du conseil des prud'hommes. Le 12 juin 2020 le CSE a mis en demeure M. [N] s'agissant du paiement des parts variables de rémunération. Ces rémunérations variables ayant finalement été versées le 31 août 2020. Il est donc établi que la SAS Epsys a refusé dans un premier temps de verser à son équipe de direction, dont M.[J], leur rémunération variable du mois de juin 2020 au titre de 2019'et qu'il a fallu qu'ils se mobilisent et menacent d'un saisine du conseil des prud'hommes pour être réglés avec 3 mois de retard.
Sur l'impossibilité pour M.[J] d'exercer ses missions':
Le 4 juin 2020 la médecine du travail a adressé à M. [N] une alerte sur les risques psychosociaux ensuite d'un stress et mal-être évoqué par un nombre significatif de salariés et plus particulièrement dans les fonctions d'encadrement ou de postes à responsabilité et lui a enjoint d'y répondre dans le cade de l'article L.4624-9 du code du travail. Aucune réponse à ce courrier n'est versée par la SAS Epsys aux débats.
Par mail du 6 juillet 2020, M.[J] a rappelé à M. [N] que le courrier du 4 juin 2020 d'alerte du médecin du travail de Epsys [Localité 5] et celui des élus du CSE EPSYS du 20 mai 2020 appellaient une réponse écrite de sa part, que les élus attendaient une réunion avec lui le 10 juillet à [Localité 4], que les deux inspecteurs du travail s'étaient saisis de la situation, que la situation sociale était très tendue notamment en lien avec la transmission d'informations financières partielles. Il lui a précisé également qu'il attendait confirmation de sa part et de la direction financière filière groupe pour communiquer tous les LET , cette tension étant renforcée par l'ouverture d'une information CSE sur le plan PLE et que «' je ne peux exercer ma mission de présidence du CSE et de prévention des risques sans ces réponses de ta part'».
Le 26 juin 2020, l'inspection du travail rappelait à M. [N] par courriel qu'il avait été alerté par les représentants du personnels et la médecine du travail s'agissant de la souffrance au travail et des risques psychosociaux et qu'il souhaitait s'assurer de sa présence effective indispensable lors de la réunion du 30 juin 2020'; l'ordre du jour étant consacré aux risques psychosociaux qui semblent sévir à tous les niveaux de l'entreprise Epsys.
Par courrier du 31 juillet 2020, l'inspection du travail déplorait malgré le courrier susvisé, l'absence «'très remarquée de M. [N] à la réunion du CSE du 30 juin 2020'», ainsi que l'absence de réponse faite au médecin du travail, l'évocation au CSE de l'exposition des cadres et membres du CODIR aux risques psychosociaux rendant la présence de M. [N] indispensable dès lors qu'il sont placés directement en tant que salariés sous sa responsabilité et que la préservation de la sécurité lui échoit. L'inspecteur du travail indiquait également qu'il avait eu la surprise lors de la réunion CSE de voir éclater en sanglots un des membres du comité de direction en raison de la souffrance psychologique provoquée par les sujets évoqués et qu'il a eu la surprise, même s'il n'appartient pas au corps médical, de constater une évolution physique très inquiétante chez M.[J] rencontré deux années plus tôt et qu'il a presque eu du mal à reconnaitre tant il avait l'air «'au bout du rouleau'» portant jusque sur son visage les stigmates de sa souffrance et du stress auquel il est actuellement exposé, le Dr [X] (médecin du travail) indiquant qu'il ne faisait aucune doute que la dégradation de la santé des hauts responsables de l'entreprise était en lien direct avec une situation avérée de souffrance au travail. Il est rappelé à M. [N] ses devoirs en applications de l'article L.4121 du code du travail'pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Le CSE s'interrogeait lors de cette réunion sur les risques psychosociaux «'comment le directeur des opérations d'Epsys portant aussi le rôle de directeur des opérations de la MT (5 usines) et désigné dans le PLE comme nouveau superviseur des missions sécurité/env et maintenance pourra il porter toutes ses missions'' et tout cela sans équipe'''» «'nous sommes face à de nombreuses situations de les RPS , certains évoquent du harcèlement moral au travail'».
Il n'est produit aucune réponse de la SAS Epsys ou de M. [N].
Il est ainsi établi que M. [N] n'a pas donné à M.[J] malgré les multiples demandes et alertes ci-dessus exposées de différentes instances et du salarié, les réponses et moyens nécessaires pour faire face à la situation de souffrance au travail dénoncée dans l'entreprise alors que M.[J] était officiellement suivant délégation en charge de la santé et de la sécurité des salariés, M. [N] lui ayant par ailleurs signifié par mails d'avril 2020 de manière unilatérale qu'il devait désormais obtenir sa validation dans ces domaines.
Sur la suppression d'une nouvelle partie des tâches de M.[J] à compter du mois de septembre 2020':
Il ressort des éléments versés aux débats que M. [N] a procédé sans en aviser M.[J] en juillet 2020 au transfert d'un salarié de la SAS Epsys dans une société du groupe cahors.
Le 3 septembre 2020 M. [N] indique qu'il veut, compte tenu du contexte économique, désormais valider toutes les augmentations collectives ou individuelles, toutes les négociations salariales, toute fixation des objectifs, pour les primes ou parts variables individuelles des cadres, toute prime exceptionnelle individuelle ou collective, toute embauche (contrat à durée déterminée ou contrat à durée indéterminée ) dans le groupe et tout recours à l'intérim, toutes ruptures de contrat de travail , (pour faute ou non, pour motif non disciplinaire...)licenciement pour motifs économiques, ruptures conventionnelles, départs volontaires,... sauf les démissions.
Le 4 septembre 2020, M.[J] interdit à M.[J]'toute diffusion, email, note sur les changements d'organisation sans son accord écrit et lui interdit l'envoi d'une note d'organisation à la suite du départ de M. [S], relevé de ses fonctions.
Le 1er octobre 2020 et le 22 octobre 2020 M. [N] retransmet le mail du 3 septembre 2020 avec la volonté que tout lui soit soumis à validation. Il y ajoute l'obligation de lui faire valider tout solde de tout compte, toutes les modifications, évolutions de la durée du travail applicable, toute décision sur les congés payés afférents, RTT et jours de repos, toute négociation et toute signature d'un accord collectif y compris pour l'épargne salariale, les frais de santé ou la prévoyance, toute décision unilatérale ou mis en place d'un usage...de l'obligation de l'informer avant diffusion des informations communiquées au CSE, de lui indiquer les consultations des institutions représentatives du personnel (CSE) qui sont engagées
Le 29 octobre 2020, M. [N] demande individuellement à M.[J] de lui confirmer qu'il a bien reçu le mail déjà transmis à deux reprises.
Le 30 octobre 2020, le 3 novembre 2020, le 24 novembre 2020 et le 30 novembre 2020, M. [N] réitère l'envoi à M.[J] du même mail.
Il ressort des échanges de mails à compter du mois de septembre 2020 entre Mme [D] (gestionnaire ressources humaines du groupe Cahors) et M.[J] que le service RH du groupe cahors a repris en mains la gestion des ressources humaines de la SAS Epsys et que M.[J] n'est plus consulté dans les domaines pour lesquels il est délégataire.
Le 18 décembre 2020, M.[J] alerte M [G] et M. [E] qu'il ne dispose plus des moyens suffisants pour faire assurer la comptabilité fournisseur faute du renouvellement de la seule personne intérimaire qui réalisait les saisies et ses demandes en ce sens.
Par note d'information du 28 septembre 2020, est annoncée par M. [N] la nomination de M. [E] au sein du groupe cahors en qualité de directeur général délégué division moyenne tension France et international et avec la précision qu'il managera les unités de production Epsys, Transfix...avec M.[J] ...., ce dernier poursuivant sa mission de pilotage opérationnel industriel transverse de la MT (Epsys/Pommiers/Trasfix/QCE/Tranfix India), M.[J] étant passé du poste de directeur industriel de l'ensemble de la moyenne tension du groupe par note du 25 novembre 2019 à celui de poste opérationnel de la SAS Epsys à l'instar de Messieurs [W] et [U] qu'il supervisait.
Par mail du 11 février 2021, M.[J] alerte M. [E] que le départ de la gestionnaire RH de [Localité 5], renforce la situation déjà critique dans laquelle il se trouve et le reste de l'organisation de la SAS Epsys, que les équipes sont réduites, qu'il a n'a plus d'équipe sur laquelle s'appuyer, tout le comité de direction ayant été licencié, le poste de responsable du site de [Localité 4] n'ayant pas été remplacé. Il indique faire le back-up actuellement sur de nombreuses activités administratives pour tenter de maintenir une continuité de service mais'«'qu'il n'arrive plus à faire, ni à réorganiser et ne remplit plus son rôle'». Il notifie dans son mail du 18 février 2021 son refus de prise de la responsabilité d'une usine supplémentaire indiquant «'être déjà au four et au moulin'», subir une surcharge de travail chez Epsys pour pallier le manque d'effectif, subir «'un état de grande fatigue émotionnelle...'» expliquant qu'un logement régulier à [Localité 7] lui créerait de grandes difficultés humainement et techniquement insupportables.
M.[J] a fait ensuite l'objet d'un arrêt de travail à compter du 4 mars 2021 sans reprise du travail.
Il produit le courrier de son médecin traitant adressé à un confrère en date du 27 mai 2021 faisant état d'un syndrome anxio-dépressif depuis plusieurs mois «'probablement liées à des difficultés professionnelles'», d'un suivi psychologique et d'une prescription d'antidépresseurs. Le salarié justifie également d'un suivi psychologique depuis le 4 mai 2021 toujours en cours le 8 juin 2021 lié à des difficultés professionnelles qu'il dit avoir subies.
Le dossier médical de la médecine du travail produit aux débats fait état dès le 9 mars 2020 dans le cadre d'une demande de visite par le médecin du travail, de l'évocation par le salarié d'une surcharge de travail, d'une ambiance dégradée avec manque de moyens et de marge de man'uvre et des dysfonctionnements relationnels avec la hiérarchie générant des troubles de l'anxiété et de l'humeur et un sommeil perturbé. Le 27 janvier 2021, M.[J] indique au médecin du travail «'que c'est de plus en plus compliqué, qu'il se sent placardisé'», le médecin relève l'existence de troubles anxieux et de l'humeur avec perte d'élan vital et des troubles de la concentration avec poussée d'eczéma. Le 16 avril 2021, M.[J] est en arrêt maladie, et le médecin du travail constate qu'il présente des pensées obsessionnelles morbides, n'arrive plus à ses concentrer, M.[J] indiquant ne pas voir d'issue, ne plus parvenir à prendre du recul et «'se retrouver bloqué entre le marteau et l'enclume'».
M.[J] a été déclaré inapte le 29 juin 2021 en une seule visite sans reclassement possible.
Il ressort de ces constatations que le niveau de responsabilités de M.[J] dans l'entreprise ainsi que son poste et son statut ont été modifiés et que la majeure partie des missions lui incombant lui a été retirée à la suite d'un désaccord avec M. [N] sur le transfert des transferts de fond malgré les alertes sur sa santé et sa sécurité restées sans réponse et qu'il a notamment fait l'objet de nombreux mails répétitifs lui signifiant et rappelant le retrait de ses missions.
Il résulte de l'examen de l'ensemble des faits établis susvisés pris dans leur ensemble, des éléments précis, concordants et répétés permettant de présumer que M.[J] a subi des agissements répétés de la part de son employeur à savoir des méthodes de gestion managériales inadaptées et pouvant caractériser un harcèlement moral.
Le moyen développé par la SAS Epsys de l'ancienneté de certains faits allégués n'est pas pertinent, étant rappelé que le juge saisi d'une demande de reconnaissance de harcèlement moral et de résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci quelle que soit leur ancienneté et qu'en l'espèce M.[J] a établi des faits laissant présumer un harcèlement moral jusqu'à son départ en arrêt maladie.
S'agissant du retrait des prérogatives de M.[J] liées à l'approbation des virements, la question de savoir si les virement ordonnés par M. [N] portaient effectivement atteinte à l'intérêt de la société est dépourvue de pertinence. Il ressort en effet des éléments versés aux débats que M.[J] et notamment du mail du 15 avril 2020 que M.[J] était jusque-là amené à approuver les virements émis par la SAS Epsys dans le cadre d'un système de double signature et que M. [N] lui a d'ailleurs demandé par mail du 6 avril 2020 s'il avait bien fait les virements demandés pour le remboursement des comptes courant. M.[J] avait accès à la validation des virements par le système allmybank auquel M. [N] lui a immédiatement supprimé l'accès, suite aux remarques et réticences de M.[J] pour valider les virements litigieux demandés à des sociétés dont M. [N] était également président. Par conséquent la SAS Epsys ne démontre pas que M.[J] ne détenait pas de prérogatives en matière de finance.
Le fait pour M.[J] de tenter de continuer à exercer ses fonctions professionnelles et d'accomplir notamment les démarches nécessaires à la préparation des réunions CSE, de procéder à des échanges avec les représentants du personnel, d'être présent aux réunions du CSE, de continuer à travailler sur la gestion des risques psychosociaux ou d'être l'interlocuteur de salariés grévistes, comme conclu par la SAS Epsys, ne suffit pas à justifier qu'il disposait toujours des prérogatives découlant des délégations susvisées eu égard aux nombreuses interdictions, restrictions et validations à obtenir de la part de M. [N] pour exercer ses fonctions, rendant la tâche de M.[J] délicate et stressante puisque occupant de façade vis-à-vis des salariés de l'entreprise et des différents interlocuteurs, des responsabilités pour lesquelles dans les faits il n'avait plus les pouvoirs d'agir ou d'intervenir sans validation préalable.
La proposition faite à M.[J] par M. [E] au mois de février 2021 de prendre en charge pendant une durée de deux mois la direction de l'usine Transfix à [Localité 7] jusqu'à l'arrivée du remplaçant ne démontre pas que les prérogatives du salarié au sein de la SAS Epsys ne lui avaient pas été retirées et qu'il disposait de toute latitude pour exercer ses missions.
Si la délégation de pouvoirs de 2020 précisait que s'agissant du recrutement des salariés et de la signature des contrats de travail, M.[J] agirait par délégation «'en accord avec la politique applicable au sein de l'entreprise et du groupe'», M.[J] disposait du pouvoir d'agir et de signer les contrats de travail sans une validation préalable et systématique de M. [N] allant jusqu'au recrutement d'un simple intérimaire comme ensuite imposé. La SAS Epsys ne justifie par ailleurs pas que les restrictions mises en place et la suppression des prérogatives de M.[J] à partir d'avril 2020 seraient la conséquence comme conclu, des difficultés économiques et financières aggravées par la pandémie Covid 19, compte tenu de son statut dans l'entreprise.
Si la SAS Epsys soutient également que M.[J] a contrevenu aux règles mises en place à plusieurs reprises notamment en refusant la validation de virements et en allouant des parts variables sans validation préalable, qu'il est allé au-delà de ses fonctions et a multiplié les actes d'insubordination, il n'est justifié d'aucune procédure disciplinaire à ce titre qui auraient pu fonder le retrait en bonne et due forme de responsabilités et des missions de M.[J] ou sa rétrogradation. De la même façon, la SAS Epsys qui conclut que c'est M.[J] qui était délégataire s'agissant de la santé et la sécurité au travail et qu'il ne prenait pas en charge les sujet relatifs de la souffrance au travail, qu'elle a dus reprendre après son arrêt maladie, ne le démontrent pas, M.[J] ayant produit aux débats au contraire les alertes faites à M. [N] sur le sujet sans réponse de sa part et ayant justifié de l'absence de validation des investissements et moyens proposés et que sont produits par l'employeur le travail fait en amont par M.[J] pour préparer un plan d'action qui devait être validé par M. [N].
La dégradation de l'état de santé psychologique de M.[J], dont il a alerté son employeur en février 2021 (grande fatigue émotionnelle et surcharge de travail) et constaté visuellement par l'inspecteur du travail qui en a lui-aussi averti M. [N], confirmée par son médecin traitant et le médecin du travail à l'occasion de ses visites, est concomitante et la conséquence du retrait progressif de ses missions et responsabilités et du comportement managérial harcelant de M. [N] le plaçant dans une position difficilement soutenable entre les salariés, les institutions et M. [N] et le groupe Cahors, dans un climat social tendu du fait des restructurations et licenciements envisagés par l'employeur et à mettre en 'uvre.
Il convient dès lors de confirmer la décision déférée et de juger que M.[J] a subi des faits de harcèlement moral et de juger que ces faits sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation judiciaire de son contrat de travail produisant les effets d'un licenciement nul fixé à la date du 24 août 2021 (date du licenciement pour inaptitude de M.[J]).
Sur les demandes financières':
Sur la demande de rappel d'indemnité de licenciement ':
- Moyens des parties :
M.[J] soutient que son contrat de travail prévoit la reprise de son ancienneté à la date du 6 octobre 1994 et que sur ses bulletins de salaires son ancienneté évolue chaque mis à compter de cette date et porte la mention de sa date d'ancienneté (10.10.1994) mais que la SAS Epsys a écrasé son ancienneté en août 2021, date du solde de tout compte en modifiant son ancienneté sur son bulletin de salaire et par suite l'indemnité conventionnelle de licenciement due. Deux versions de fiches de paie pour le mois d'août 2021 avec deux anciennetés différentes lui ayant adressées.
Il soutient par ailleurs que le contrat de travail signé le 22 juin 2017 devait prendre effet au 1er juillet 2017 date à laquelle M. [C] était président de la SAS Epsys, qu'il pouvait donc signer ce document en prévision de la reprise de la société à condition qu'il prenne effet au 1er juillet. Les accords de cession datent de mars 2017 et M. [C] était un acteur des négociations appartenant au pool de rachat. L'actionnaire entrant souhaitant le conserver à son service a ainsi négocié le contrat de travail à droit constant et donc reprise d'ancienneté mentionnée dans le contrat de travail. Il ne peut être soutenu que la SAS Epsys aurait découvert le contrat de travail au moment du solde de tout compte s'agissant d'un directeur de filiale amené à diriger deux établissements et de nombreux salariés et M. [N] avait demandé dès février 2020 à la responsable des ressources humaines de la SAS Epsys de lui adresser les contrats de travail du CODIR d'Epsys et lui avait réclamé en avril 2020 s'agissant de M.[J] . De plus la reprise de son ancienneté apparait régulièrement chaque année sur les bulletins de salaires avant même sa délégation de pouvoirs en 2020.
La SAS Epsys conteste la reprise d'ancienneté de M.[J] à 1994 et le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement. Elle expose que la reprise d'ancienneté se fonde sur un document dénué de valeur juridique, c'est-à-dire un faux contrat de travail entaché de nullité et que M.[J] n'était pas employé de la SAS Epsys avant le 1er juillet 2017. Le contrat de travail a été signé par M. [C] en qualité de président d'Epsys le 22 juin 2017 alors qu'il n'a été nommé présidnet que le 30 juin 2017 et qu'il n'avait donc pas le pouvoir de représenter la SAS Epsys. M.[J] était titulaire du mandat de président à cette date et avait connaissance du défaut d'habilitation de M. [C]. M.[J] en charge de la validation des bulletins de salaires s'est octroyé une ancienneté de plus de 26 ans à l'insu de l'employeur.
La SAS Epsys conteste également le calcul erroné de l'indemnité de licenciement M.[J] ayant invoqué à tort un salaire e référence de 11'574,47 € au lieu de 9'639,57 €.
- Sur ce,
M.[J] justifie et il n'est pas contesté, que M. [N] a eu connaissance dès le 15 avril 2020, et à sa demande, de son contrat de travail du 22 juin 2017 mentionnant la reprise de son ancienneté au 6 octobre 1994, correspondant aux mentions figurant sur ses bulletins de salaires relatives à son ancienneté. Pourtant M. [N] n'a soulevé aucune contestation sur cette ancienneté ou le caractère prétendument irrégulier ou frauduleux du contrat de travail avant le calcul du solde de tout compte en août 2021 lors du licenciement de M.[J].
De plus, la SAS Epsys ne justifie pas des motifs de la production de deux fiches de paie pour le mois d'août 2021, l'une faisant figurer l'ancienneté du 10/10/94 et l'autre une ancienneté au 1er juillet 2017. La SAS Epsys ayant ainsi valablement considéré que le contrat de travail était valide et n'ayant manifestement discuté l'ancienneté que plus d'un an après, par pure opportunité financière. Il convient dès lors de confirmer la décision déférée s'agissant de la reprise de l'ancienneté de M.[J] au 10 octobre 1994.
S'agissant du salaire de référence, l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres dans les industries métallurgiques prévoit que l'indemnité est calculée sur la moyenne mensuelle des appointements ainsi que des avantages et gratifications contractuels dont l'ingénieur ou le cadre a bénéficié au cours de ses 12 derniers mois précédant la notification du licenciement. Or il ressort des éléments versés aux débats que la moyenne mensuelle des salaires perçus par M.[J] entre août 2020 et août 2021 est de 9 639,57 €. De plus la convention collective prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut dépasser la valeur de 18 mois de traitement, soit 173'512,26 €. Il convient par conséquent par voie d'infirmation de la décision déférée de condamner la SAS Epsys à payer à M.[J] une indemnité d'un montant de 153'824,402 € dont il y aura lieu de déduire la somme déjà perçue de 10'643,70 €, soit un reliquat de 143'180,702 € à régler à M.[J] par la SAS Epsys.
Sur les dommages et intérêts pour nullité du licenciement':
- Moyens des parties :
M.[J] soutient qu'en présence d'un licenciement nul, doit être réparé l'intégralité du préjudice subi'; qu'il a été victime d'une brusque rupture de sa carrière professionnelle et qu'après avoir été allocataire de Pôle emploi, ne retrouvant pas d'emploi, il n'a eu d'autres choix que de se lancer dans des démarches complexes et risquées pour reprendre une entreprise. Il a été très affecté moralement et a eu des difficultés pour se projeter dans l'avenir avec 5 enfants à charge dont un enfant handicapé de 26 ans et divorcé. Il assume intégralement la charge des études et l'entretien de ses enfants, son ex épouse étant sans emploi. Il rembourse un emprunt pour son logement solidairement avec sa compagne à la recherche d'un emploi également.
La SAS Epsys conclut au visa de l'article L.1235-3-2 du code du travail que la demande de dommages et intérêts pour licenciement nul est excessive et bien supérieure au montant des 6 derniers mois de salaires et que M.[J] ne justifie pas d'un préjudice supérieur à ses 6 derniers mois de salaire.
- Sur ce,
Aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail'l'article L. 1235-3 du code du travail''n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
1° La violation d'une liberté fondamentale ;
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles'L. 1152-3'et'L. 1153-4';
M.[J] disposait d'une ancienneté de 26 ans 10 mois et 14 jours et avait 51 ans lors de son licenciement. Il a 5 enfants dont un enfant handicapé et il est divorcé. Il ne produit aux débats que le relevé de Pôle emploi du 28 octobre 2021 et le montant de la mensualité de remboursement de son crédit immobilier de 2180,26 € mensuel au 5 février 2022 pour un capital restant dû de 179365,22 €. Il ne justifie pas d'autres éléments s'agissant de son préjudice et notamment ne produit aucun Il ressort des éléments s'agissant de la société qu'il aurait créée et des revenus qu'il en retire.
Il convient dès lors d'évaluer son préjudice à la somme de 144'593,55 € (15 mois de salaires) par voie d'infirmation du jugement déféré.
Sur le bonus 2020':
- Moyens des parties :
M.[J] sollicite le versement de la prime variable sur résultat ou bonus 2020 non réglés alors que plusieurs de ses objectifs sont totalement ou partiellement atteints.
La SAS Epsys expose que ce bonus n'est pas dû, que le salarié n'apporta aucun commencement de preuve et a établi unilatéralement ses résultats. Il n'a pas atteint les objectifs fixés.
- Sur ce,
Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Il incombe à l'employeur de démontrer, notamment par la production de pièces comptables que le salaire dû afférent au travail effectivement effectué a été payé et lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.
Il est constant que le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération variable a été effectué conformément aux modalités prévues par son contrat de travail et les avenants à celui-ci et que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire. Faute par conséquent pour l'employeur de communiquer les éléments permettant un débat contradictoire s'agissant du calcul des commissions... ou l'ensemble des bases de calcul nécessaires à la vérification.
En l'espèce, il ressort du contrat de travail de M.[J] qu'il percevait une rémunération constituée d'une part fixe à laquelle s'ajoute une part variable appelée Bonus déterminée comme suit':
«'votre Bonus est défini à partir d'une valeur cible de taux bonus cible en pourcentage, qui correspond à l'atteinte des objectifs préalablement fixés à la fois au niveau collectif et individuel. Il varie entre 0 et un pourcentage maximum, qui sera déterminé lors de la fixation de vos objectifs annuels. Par ailleurs, le pourcentage de votre bonus est appliqué à votre rémunération annuelle de base, calculée au prorata de votre temps de travail au cours de l'année précédente -année N-1), une fois connus les comptes de l'exercice écoulé. Ainsi dans l'hypothèse de l'atteinte des objectifs ci-dessus mentionnés votre rémunération annuelle sera de':
Rémunération annuelle de base': 113'000 €
Bonus cible': 24 %
Rémunération annuelle totale cible': 140'120 €»
M.[J] verse aux débats un tableau Bonus année 2020 dont il ressort que certains des objectifs fixés ont été atteints (objectif 1': Epsys réduction du point mort, objectif 3': Synergies verticales, objectif 4': marge sur coût variable direct MCVD 2020 > 2019).
La SAS Epsys qui se contente de verser aux débats un tableau indiquant que M.[J] a réalisé partiellement chacun de ses objectifs (de 0 à 50 %) et conclut qu'il n'a droit dès lors à aucun bonus sans permettre un débat contradictoire s'agissant de la réalisation de chacun des objectifs ni fournir l'ensemble des éléments nécessaires à la vérification, doit être condamné à verser à M.[J] la somme de 5'192 € au titre du bonus 2020 outre 519,20 € de congés payés afférents par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur l'exécution fautive du contrat de travail et le manquement à l'obligation de prévention':
- Moyens des parties :
M.[J] soutient au visa de l'article L. 1152-4 du code du travail qu'il a subi un préjudice distinct du fait de l'exécution fautive de son contrat de travail qui doit être réparé, constitué par sa mise en danger et son absence de protection, la SAS Epsys ayant manqué à son obligation de prévention des risques professionnels, la SAS Epsys n'ayant pas empêché sa souffrance au travail. Même averti par l'inspection du travail, l'employeur n'a rien fait pour éviter de l'exposer à cette souffrance au travail.
La SAS Epsys soutient que le salarié ne démontre pas qu'elle n'aurait pas respecté ses obligations de sécurité et de prévention, qu'elle a mis en 'uvre des mesures de prévention dès fin 2019 dans l'ensemble des filiales pour prévenir les accidents du travail, que des négociation ont été entamées en septembre 2020 afin de mettre en place une hotline les risques psychosociaux , une présentation a été faite au CSE en juin 2020 et qu'un plan les les risques psychosociaux a été mis en place en septembre 2021. M.[J] ne démontrant pas avoir été mis en danger et n'a été victime d'aucun accident.
- Sur ce,
L'article L.'4121-1 du code du travail prévoit que l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2017, ces mesures comprennent':
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article'L. 4161-1';
2° Des actions d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L.'4121-2 du même code décline les principes généraux de prévention sur la base desquels l'employeur met en 'uvre ces mesures.
Enfin, il est de jurisprudence constante que respecte son obligation légale de sécurité, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Il appartient au salarié de démontrer le préjudice qu'il invoque, dont les juges du fond apprécient souverainement l'existence et l'étendue.
En l'espèce, il ressort des éléments d'ores et déjà exposés que M. [N] a été alerté dès le mois de juin 2020 par le médecin du travail, le CSE (le harcèlement moral étant évoqué par certains salariés et un cadre pleurant à l'évocation des faits) et l'inspection du travail de la souffrance et du mal être au travail des salariés de la SAS Epsys en ce compris M.[J] dont l'état physique est même décrit comme inquiétant et «'au bout du rouleau'» par l'inspecteur du travail présentant les stigmates de la souffrance au travail selon le médecin du travail. M.[J] a à plusieurs reprises également alerté son employeur sur les mesures de prévention à prendre et valider pour faire cesser cette situation et a également fait état de sa propre situation de surmenage et de souffrance au travail. Seul M.[J] a tenté de mettre en place la prévention des risques psychosociaux dans le cadre de sa délégation de pouvoirs mais a été placé dans l'impossibilité d'exécuter ses missions pour lesquelles il a avait une responsabilité pénale engendrant du stress, du fait du retrait de ses prérogatives et de l'inertie de l'employeur.
S'il est justifié de la mise en 'uvre de négociations en vue de la création d'une hot line d'écoute par le groupe Cahors en raison de la crise sanitaire le 30 septembre 2020, la procédure Safety Walks évoquée ne concerne que les accidents de travail et non les risques psychosociaux et il est constant que la prévention des risques psychosociaux n'a en réalité été mise en place qu'en septembre 2021, après des injonctions de l'inspection du travail. L'obligation légale de prévention des risques psychosociaux par la SAS Epsys n'ayant pas été respectée.
Par ailleurs la SAS Epsys ne justifie pas avoir respecté son obligation légale de sécurité à l'égard de M.[J] malgré les alertes sur sa santé et sa situation professionnelle dégradée non seulement compte tenu des manquements de l'employeur et du management harcelant de M. [N] mais également du contexte social de la société.
M.[J] justifie compte tenu des éléments médicaux versés aux débats déjà évoqués d'un préjudice à ces titres et il convient par voie d'infirmation du jugement déféré de condamner la SAS Epsys à lui verser 5'000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail.
Sur le remboursement des allocations chômage :
Il conviendra, conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, d'ordonner d'office à l'employeur le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois, les organismes intéressés n'étant pas intervenus à l'audience et n'ayant pas fait connaître le montant des indemnités versés, soit la somme de 9 639,57 € X 6 = 57'837,42 € par voie d'infirmation du jugement déféré sur le quantum.
Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi (France Travail) à la diligence du greffe de la présente juridiction.
Sur les demandes accessoires':
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant des dépens et des frais irrépétibles.
La SAS Epsys partie perdante qui sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, devra payer à M.[J] la somme au titre de ses frais irrépétibles engagés en appel la somme de 3500 €.
PAR CES MOTIFS':
La cour, statuant contradictoirement après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a':
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M.[J] aux torts exclusifs de la SAS Epsys
- Jugé que M.[J] a subi des faits de harcèlement moral de la part de son employeur
- Jugé qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul
- Jugé que l'ancienneté de M.[J] est reprise au 10 octobre 1994
- En conséquence, condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes':
* 60'433,56 € bruts outre 6043,35 € bruts au titre des congés payés afférents
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] les sommes suivantes :
* 5192 € bruts au titre du bonus 2020 outre 519,20 € bruts au titre des congés payés afférents
- Condamné la SAS Epsys à payer à M.[J] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- Débouté M.[J] de ses autres demandes
- Débouté la SAS Epsys de l'intégralité de ses demandes
- Condamné la SAS Epsys en application de l'article L. 1235-4 du code du travail à rembourser à pôle emploi les sommes versées à M.[J] par cet organisme dans la limite de six mois d'indemnité
- Dit que les dispositions de l'article R. 1454-28 du code du travail s'appliquent à la décision dans la limite de neuf mois de salaire
- Condamné la SAS Epsys aux éventuels dépens de l'instance.
L'INFIRME pour le surplus,
STATUANT à nouveau sur les chefs d'infirmation,
CONDAMNE la SAS Epsys à verser à M.[J] les sommes suivantes':
- Un reliquat à hauteur de 143'180,702 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
- 144'593,55 € (15 mois de salaires) de dommages et intérêts pour licenciement nul
- 5000 € de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail
- 57'837,42 € au titre du remboursement France Travail en application de l'article L. 1235-4 du code du travail
ORDONNE le remboursement des allocations chômages perçues par le salarié du jour de son licenciement au jour de la présente décision dans la limite de six mois (57'837,42 €), Une copie de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi (devenu France Travail) à la diligence du greffe de la présente juridiction.
DIT qu'à cette fin, une copie certifiée conforme du présent arrêt sera adressée à France Travail Rhône-Alpes - [Adresse 6], à la diligence du greffe de la présente juridiction,
Y Ajoutant,
CONDAMNE la SAS Epsys aux dépens d'appel,
CONDAMNE la SAS Epsys à payer la somme de 3 500 € à M.[J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Ainsi prononcé publiquement le 05 Septembre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Valéry CHARBONNIER, Présidente, et Monsieur Bertrand ASSAILLY, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président