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Décisions

CA Colmar, 2e ch. A, 5 septembre 2024, n° 22/01104

COLMAR

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

BSH Electroménager (Sté), HDI Global SE (SA)

Défendeur :

ACM IARD (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Diepenbroek

Conseillers :

Mme Denort, Mme Robert-Nicoud

Avocats :

Me Harter, Me Bennaïm, SCP Cahn et Associés

CA Colmar n° 22/01104

4 septembre 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Le 8 décembre 2006, les époux [D] ont acquis auprès de la société Brunn Frères un lave-linge de marque Bosch Top, référence WOT 24520 FF, fabriqué par la SAS BSH Electroménager, assurée auprès de la société HDI Global SE.

Le 20 octobre 2014, un incendie est survenu dans la maison des époux [D], provoquant des dommages matériels.

La SA Assurances du Crédit mutuel Iard (la société ACM Iard), assureur de M. [D], a mis en 'uvre une procédure amiable contradictoire pour établir les causes et l'évaluation des dommages qui a donné lieu à une réunion, le 13 novembre 2014, en présence de l'expert mandaté par l'assureur de la société BSH Electroménager, et à la rédaction d'un procès-verbal de constatations qui précisait que « le point de départ du sinistre se trouve à l'intérieur de la machine à laver de marque BOSCH Réf WOT24520FF acheté chez BRUNN FRERES à [Localité 3] ».

Un rapport d'expertise de la société Saretec en date du 29 janvier 2015 précisait que le point de départ du sinistre se trouvait dans le sous-sol, dans l'environnement immédiat du lave-linge, et que son origine était vraisemblablement due à un dysfonctionnement de l'appareil, le feu ayant pris naissance à l'intérieur du lave-linge en raison, vraisemblablement, d'un court-circuit interne, sans pour autant que l'origine exacte du court-circuit ait pu être déterminée.

La société ACM Iard a indemnisé son assuré à hauteur de 31 042,77 euros, selon quittance-transactionnelle en date du 5 février 2015.

Selon courrier du 26 juillet 2016, elle a alors sollicité la prise en charge de ce montant par la société HDI Gobal SE, en sa qualité d'assureur de la société BSH Electroménager.

S'étant heurtée à un refus de cette dernière, la société ACM Iard a alors saisi, par acte introductif d'instance déposé au greffe le 30 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Colmar, aux fins, notamment, d'obtenir sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux la condamnation in solidum du fabricant du lave-linge et de son assureur à lui verser la somme de 35 146,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 juillet 2016.

Par jugement contradictoire du 22 février 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- déclaré l'action de la SA Assurances du Crédit mutuel à l'encontre de la société BSH Electroménager et de la société HDI Global SE fondée sur la responsabilité du fait des produits défectueux recevable ;

- condamné in solidum la SAS BSH Electroménager et la société HDI Global SE à payer à la SA Assurances du Crédit mutuel la somme de 31 042,77 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 26 janvier 2017 ;

- condamné in solidum la SAS BSH Electroménager et la société HDI Global SE à payer à la SA Assurances du Crédit mutuel la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens ;

- débouté la SAS BSH Electroménager et la société HDI Global SE du surplus de leurs demandes, y compris celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a rappelé que l'action en responsabilité du fait des produits défectueux était enfermée dans un double délai, à savoir un délai de prescription prévu à l'article 1386-17, devenu 1245-16 du code civil, de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, et un délai de forclusion prévu à l'article 1386-16, devenu 1245-15 du code civil, de 10 ans à compter de la mise en circulation du produit, sauf faute du producteur. Il a considéré d'une part que la société ACM Iard avait eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur suite au procès-verbal d'expertise contradictoire du 13 novembre 2014, de sorte qu'elle pouvait agir j usqu'au 13 décembre 2017, selon le premier de ces textes, d'autre part que si la mise en circulation de l'appareil correspondant à la date à laquelle la société BSH Electroménager s'était dessaisie du lave-linge était par définition antérieure à la date d'acquisition du lave-linge par les époux [D], le 8 décembre 2016, cette date constituait néanmoins le point de départ du délai de forclusion en l'absence de preuve de la date réelle de mise en circulation du produit, de sorte que l'action introduite par la société ACM Iard le 30 décembre 2016 était tardive, selon le deuxième de ces textes, car engagée plus de 10 ans après la mise en circulation du produit.

Toutefois, pour écarter la forclusion, le tribunal a rappelé qu'en cas de faute du producteur, le délai de forclusion ne courait pas, et a retenu que la société BSH Electroménager avait manqué à ses obligations de sécurité prévue à l'article L. 221-1 du code la consommation applicable au moment de la survenance du sinistre (devenu l'article L. 421-3 du même code) et d'information prévue à l'article L. 221-1-2, I. du code la consommation applicable au moment de la vente du lave-linge, puisqu'elle ne démontrait pas avoir remis aux époux [D] une notice d'utilisation et une notice d'installation correspondant au lave-linge effectivement acheté, ce qui caractérisait la commission d'une faute du fabricant. Il en concluait qu'il n'y avait donc pas lieu à application du délai de forclusion de l'article 1386-16 ancien du code civil, devenu l'article 1245-15.

Le tribunal, sur la réunion des conditions de mise en 'uvre de la responsabilité du fait des produits défectueux et au visa des anciens articles 1386-1 et 1386-4 du code civil, devenus 1245 et 1245-3, a rappelé qu'un produit était défectueux lorsqu'il n'offrait pas la sécurité que l'on pouvait légitimement attendre de lui et pour la caractérisation de laquelle il fallait notamment prendre en compte la présentation qui en était faite, et spécialement les informations concernant le mode et les précautions d'emploi, le défaut de sécurité pouvant, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, résulter de l'insuffisance d'information et de mise en garde contre les dangers potentiels du produit, sans que le produit soit nécessairement affecté d'un défaut intrinsèque.

Le tribunal, considération prise du fait que le procès-verbal de constat du 13 novembre 2014 localisait le point de départ de l'incendie à l'intérieur du lave-linge, et du manquement de la société BSH Electroménager à son devoir d'information pour n'avoir pas établi qu'elle avait remis la notice d'utilisation de la machine à laver aux consorts [D], ainsi que de l'absence de preuve d'une faute de ces derniers, a retenu l'existence d'un défaut du produit du fait de l'existence d'un défaut d'information de la part du fabricant, à l'origine de l'incendie ayant provoqué des dommages s'élevant à 31 042,77 euros, soit supérieur au seuil de 500 euros exigé par le décret n°2005-113 du 11 février 2005 mentionné à l'article 1386-1 ancien du code civil, devenu 1245-1, de sorte que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité des produits défectueux était réunies et la responsabilité de la société BSH Electroménager engagée.

* La société BSH Electroménager et la société HDI Global SE ont interjeté appel de ce jugement le 17 mars 2022, en toutes ses dispositions.

* La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 septembre 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 décembre 2022, les sociétés BSH Electroménager et la société HDI Global SE demandent à la cour de :

- recevoir leurs écritures et les déclarer bien fondées ;

- en conséquence, infirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau, in limine litis, juger que l'action intentée par la SA ACM Iard à leur encontre est irrecevable car forclose en application de l'article 1245-15 du code civil ;

- la déclarer ainsi irrecevable ;

- débouter la SA ACM Iard de l'intégralité de ses demandes ;

- rejeter toutes les demandes présentées à leur encontre ;

- sur le fond,

- juger que la cause de l'incendie objet du litige est indéterminée ;

- juger que la SA ACM Iard ne rapporte pas la preuve d'un défaut du produit, et encore moins de ce que l'incendie serait dû à un supposé défaut du lave-linge litigieux ;

- juger en outre que la SA ACM Iard ne rapporte pas la preuve d'une faute distincte du défaut de sécurité ;

- juger notamment qu'aucun manquement à l'obligation d'information ne peut être reproché à la société BSH Electroménager ;

- juger que la société BSH Electroménager ne peut être déclarée responsable de l'incendie en date 20 octobre 2014 et ce quel que soit le fondement invoqué ;

- mettre hors de cause la société BSH Electroménager ;

- en conséquence, débouter purement et simplement la SA ACM Iard de l'intégralité de ses demandes dirigées à leur encontre ;

- en tout état de cause, rejeter toutes les demandes présentées à leur encontre ;

- condamner la SA ACM Iard, à leur payer la somme de 4 000 euros, chacune, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leur appel, elles font valoir, in limine litis, sur l'irrecevabilité de l'action de la société ACM Iard, au visa de l'article 1245-15, anciennement 1386-16 du code civil, que l'action de l'intimée est forclose puisqu'il s'est écoulé plus de dix ans entre la date d'achat de l'appareil, le 8 décembre 2006, et la date de l'acte introductif d'instance, le 30 décembre 2016. Elles précisent qu'un tel délai butoir ne peut être interrompu que par une assignation en justice et que ni la survenance du sinistre, ni le procès-verbal de constatation n'interrompent le délai pour agir.

Elles soutiennent ensuite qu'aucune faute du producteur, au sens de l'article 1245-15 du code civil susceptible de relever l'intimée de la forclusion n'est établie, la faute du producteur visée par ce texte étant nécessairement une faute distincte du défaut de sécurité de l'article L. 221-1 ancien du code de la consommation ou du défaut d'information.

Elles soutiennent ainsi s'agissant du défaut de sécurité reproché, que les articles 1245-3 du code civil et L. 221-1 ancien du code de la consommation ont la même substance, et que le fait de livrer un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre au sens du code civil, équivaut à la notion de défaut de sécurité du code de la consommation, une jurisprudence constante considérant, lorsque le fondement de l'action repose sur la notion de 'défaut de sécurité', que seul le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux trouve à s'appliquer, à l'exclusion de tout autre régime. Dès lors, le simple fait de mettre en circulation un produit défectueux se confond avec le défaut de sécurité, mais ne caractérise pas la « faute du producteur », qui est nécessairement une faute distincte du défaut de sécurité allégué, seule susceptible de faire obstacle à l'application du délai butoir de dix ans de l'article 1245-15.

Elles soutiennent ensuite que le manquement à l'obligation prévue par l'ancien article L.221-1-2, I. du code de la consommation de fournir au consommateur les informations permettant d'évaluer les risques du produit et le manquement à l'article 1245-3 du code civil de fournir un produit offrant la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre se confondent, puisque la notion de devoir d'information constitue une composante de la notion de sécurité du produit. Elles considèrent que le fait de manquer aux obligations du code de la consommation n'est ainsi pas suffisant pour caractériser une faute du producteur telle que visée par l'article 1245-15 du code civil.

En tous les cas, les appelantes estiment que la société ACM n'est pas crédible quand elle prétend que la notice d'utilisation n'aurait pas été remise aux acquéreurs, et soulignent que la société BSH électroménager n'avait aucune obligation à l'égard des époux [D], avec qui elle n'a jamais personnellement contracté, l'obligation d'information et de communication de la documentation pesant sur le seul revendeur. Elles ajoutent que la société BSH Electroménager n'est pas tenue d'apporter la preuve de ce qu'elle aurait ou non fourni la notice, puisque jamais son cocontractant, la société Brunn Frères, n'a prétendu ne pas avoir reçu la notice, ni même les époux [D]. Au surplus elles versent aux débats la notice d'installation et d'utilisation du lave-linge WOT 24520 FF portant la date de février 2006, afin de démontrer l'existence du document et son caractère exhaustif.

Elles considèrent par ailleurs qu'il n'y a aucun lien de causalité entre la faute alléguée, à savoir le défaut d'information, et les dommages survenus, c'est-à-dire l'incendie.

En outre, le tribunal qui a retenu la faute du producteur pour écarter la forclusion, aurait dû poursuivre son raisonnement en appliquant le régime de droit commun de la responsabilité et non pas celui du fait des produits défectueux.

Au fond, elles rappellent que selon l'article 1245-8 du code civil « Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le dommage et le défaut », or aucun défaut du lave-linge n'est établi, la localisation du départ de l'incendie dans l'appareil ne suffisant pas à établir un défaut intrinsèque du produit, lequel ne se présume pas, de sorte que la responsabilité de la société BSH Electroménager ne saurait être engagée. Elles soulignent que le tribunal l'a admis puisqu'il retient le défaut d'information, comme composante du défaut de sécurité, et rappellent à cet égard que la société BSH Electroménager n'a commis aucun manquement à son obligation d'information et que le régime des produits défectueux du code civil prévaut sur la seule obligation qui lui incombait en vertu de l'article L. 221-1 du code de la consommation.

Elles affirment enfin que l'appareil était branché sur une 'triplette' contrairement aux prescriptions du fabricant.

* Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 septembre 2022, la société ACM Iard conclut au rejet de l'appel principal, à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation solidaire de la société BSH Electroménager et la société HDI Global SE à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Elle fait sienne l'analyse du premier juge relativement à la recevabilité de son action et considère que son action intentée le 30 décembre 2016 l'a bien été dans le délai de trois ans à compter de la date du procès-verbal d'expertise contradictoire, à savoir le 13 novembre 2014, conformément à l'article 1245-16 du code civil,. Elle ajoute, au visa de l'article 1245-15 du code civil, qu'il y a bien eu commission d'une faute de la part du producteur, qui a manqué à l'obligation autonome de sécurité qui lui incombait en vertu de l'article L. 221-1 ancien du code de la consommation et qui ne prouve pas avoir remis aux époux [D] la notice d'utilisation de l'appareil aux fins de satisfaire à l'obligation d'information qui lui incombait en vertu de l'article L. 221-1-2, I. ancien du code de la consommation.

Elle soutient qu'il n'est pas démontré que le document versé aux débats se rapporte au lave-linge acquis par les époux [D], ni que la notice produite aurait été remise en 2006 au revendeur, respectivement aux époux [D], ce qu'il appartient à la société BSH Electroménager de prouver, et ajoute que ce n'est pas le revendeur de l'appareil qui devait s'acquitter du devoir de conseil, mais bien le producteur/fabricant.

Sur le défaut lui-même, elle se prévaut de l'expertise amiable contradictoire du 13 novembre 2014 et souligne qu'il est indiqué dans le procès-verbal de constat que le point de départ du sinistre se situe à l'intérieur du lave-linge, or selon l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par le défaut de son produit, qu'il soit lié ou non par un contrat avec la victime.

Elle considère que le fait que l'incendie a pris naissance à l'intérieur du lave-linge suffit à démontrer que l'appareil en cause n'offrait pas la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre dans le cadre d'un usage purement domestique, aucune preuve d'une faute dans l'utilisation de l'appareil n'étant rapportée par les appelantes. Sur le lien de causalité, elle indique que la seule circonstance de la naissance de l'incendie à l'intérieur de la machine suffit de plein droit à justifier la responsabilité du producteur.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

Il n'est pas discuté que l'action a été engagée par la société ACM Iard dans le délai de prescription de 3 ans prévu par l'article 1386-17 ancien, devenu l'article 1245-16 du code civil ayant commencé à courir le 13 novembre 2014, date à laquelle le demandeur a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.

Selon l'article 1386-16 ancien, devenu 1245-15 du code civil, l'action est également soumise, sauf faute du producteur, à un délai de forclusion de dix ans après la mise en circulation du produit qui a causé le dommage à moins que, durant cette période, la victime n'ait engagé une action en justice.

En l'occurrence la mise en circulation du produit est nécessairement antérieure à l'achat de l'appareil par les époux [D], le 8 décembre 2006, de sorte que l'action engagée le 30 décembre 2016 par la société ACM Iard, subrogée dans les droits de son assuré, est forclose, sauf à ce que soit rapportée la preuve d'une faute du producteur distincte du seul défaut de sécurité du produit et susceptible de permettre à l'appelante d'agir sur un autre fondement juridique que celui de la responsabilité de plein droit du fait des produits défectueux.

A cet égard, c'est vainement que la société ACM Iard invoque un manquement de la société BSH Electroménager à l'obligation de sécurité prévue par l'ancien article L.221-1 du code de la consommation, devenu l'article L.421-3 selon lequel : 'Les produits et les services doivent présenter, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.', qui ne constitue pas une faute distincte, dès lors qu'en matière de défaut de sécurité du produit, la responsabilité du producteur ne peut être recherchée que sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, à l'exclusion de tout autre fondement.

La société ACM Iard invoque en second lieu un manquement du producteur à l'obligation d'information pesant sur lui en application de l'article L. 221-1-2 1 ancien du code de la consommation, applicable à la date de l'achat du lave-linge en cause par les époux [D], selon lequel : « Le producteur fournit au consommateur les informations utiles qui lui permettent d'évaluer les risques inhérents à un produit pendant sa durée d'utilisation normale ou raisonnablement prévisible et de s'en prémunir, lorsque ces risques ne sont pas immédiatement perceptibles par le consommateur sans un avertissement adéquat. », pour absence de remise d'une notice d'utilisation.

Conformément à l'article 1386-4, alinéa 2, du code civil, devenu l'article 1245-3, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, laquelle s'apprécie en tenant compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.

Il résulte de ces dispositions que le défaut du produit peut également provenir d'un défaut d'information du producteur quant aux conditions d'utilisation, de sorte que l'obligation d'information imposée au producteur par l'article L. 221-1-2 I ancien du code de la consommation, relative aux risques inhérents à l'utilisation du produit, participe de la sécurité du produit dont elle est le corollaire. Par voie de conséquence, le manquement du producteur à l'obligation d'information pesant sur lui en vertu de ce texte, qui permet de caractériser le défaut du produit, ne constitue pas une faute distincte permettant de faire échec au délai de forclusion décennale de l'article 1386-16 ancien, devenu 1245-15 du code civil.

A cet égard, les intimés relèvent à juste titre que la société ACM Iard, dont l'argumentation a été suivie par le tribunal, ne peut, sans se contredire, à la fois soutenir que le manquement de la société BSH Electroménager à l'obligation d'information édictée par l'article L. 221-1-2 I ancien du code de la consommation qui résulterait de l'absence de remise de la notice d'utilisation de l'appareil est une faute distincte du défaut de sécurité lui permettant d'agir dans les 5 ans de la survenance du dommage, et fonder néanmoins son action sur la responsabilité du fait des produits défectueux en considérant que ce manquement caractérise le défaut de sécurité du produit prévu par l'article 1245-3 précité qui ne suppose pas la preuve d'une faute.

Par voie de conséquence, en l'absence de démonstration d'une faute de la société BSH Electroménager distincte de la défectuosité du produit, l'action de la société ACM Iard, engagée plus de 10 ans après la mise en circulation du lave-linge, doit être déclarée irrecevable comme forclose.

Le jugement entrepris sera infirmé, en toutes ses dispositions.

La société ACM Iard qui succombe supportera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel ainsi que d'une indemnité de procédure de 2 000 euros à chacune des sociétés la société BSH Electroménager et HDI Gobal SE sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Colmar en date du 22 février 2022 ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE irrecevable comme forclose l'action de la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD ;

REJETTE sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à payer à chacune des sociétés BSH Electroménager et SA HDI Gobal SE la somme de 2 000 euros (deux mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.