Cass. com., 11 septembre 2024, n° 22-13.482
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
M. de Monteynard
Avocat :
SARL Thouvenin, Coudray et Grévy
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 12 janvier 2022), M. [I], artisan ayant cessé son activité professionnelle le 5 décembre 2017, date à laquelle il a été radié du répertoire des métiers, a été mis en redressement et liquidation judiciaires les 4 septembre et 2 octobre 2018, la société Pimouguet, [Y], Devos-Bot, devenue la société LGA, étant désignée liquidateur.
2. Le liquidateur a demandé au juge-commissaire d'ordonner la vente aux enchères publiques de l'immeuble d'habitation appartenant à M. [I] et à son épouse et constituant leur résidence principale suivant les formes prescrites en matière de saisie immobilière.
Sur le moyen
Enoncé du moyen
3. M. et Mme [I] font grief à l'arrêt d'autoriser le liquidateur à poursuivre la vente aux enchères publiques d'un immeuble servant de résidence principale au débiteur, alors « que les droits d'une personne physique immatriculée au registre national des entreprises sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de plein droit insaisissables par les créanciers dont les titres naissent à l'occasion de son activité professionnelle ; que l'insaisissabilité subsiste aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l'activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, à ses effets, peu important qu'elle soit intervenue antérieurement à l'ouverture d'une procédure collective ; qu'en retenant, pour écarter l'insaisissabilité de droit de la résidence principale, que, ayant été radié du registre des métiers depuis neuf mois à la date à laquelle une procédure collective avait été ouverte à son encontre, l'exposant ne pouvait bénéficier des dispositions protectrices instituées par la loi, compte tenu de la rédaction restrictive du texte, et ce même si ses dettes professionnelles avaient effectivement été contractées quand il était en activité, la cour d'appel a violé l'article L 536-1 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 :
4. Selon ce texte, l'insaisissabilité de plein droit des droits de la personne immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité de cette personne. Il en résulte que les effets de l'insaisissabilité subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, de sorte que la cessation de l'activité professionnelle de la personne précédemment immatriculée ne met pas fin, par elle-même, à ses effets.
5. Pour autoriser la vente aux enchères de l'immeuble litigieux, l'arrêt, après avoir constaté que M. [I] était radié du registre des métiers depuis neuf mois à la date à laquelle une procédure collective a été ouverte à son encontre, retient qu'il ne peut bénéficier des dispositions protectrices de l'article L. 526-1 du code de commerce, compte tenu de la rédaction restrictive de ce texte, et ce, même si ses dettes professionnelles ont effectivement été contractées alors qu'il était encore en activité.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
7. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
8. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
9. En ordonnant, sur la requête du liquidateur, la vente d'un immeuble qui échappait au périmètre de la procédure collective, le juge-commissaire et la cour d'appel à sa suite ont excédé leurs pouvoirs.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.