Cass. com., 11 septembre 2024, n° 23-12.695
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SAS Buk Lament-Robillot, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 19 janvier 2023), la société Robert Beranger a ouvert un compte courant auprès de la société Banque Marze aux droits de laquelle vient la société Banque populaire du Sud (la banque).
2. Le 7 février 2018, la société MV Finances s'est portée caution de tous les engagements de la société Robert Beranger envers la banque à hauteur d'un montant de 150 000 euros.
3. La société Robert Beranger a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 11 juillet 2018 et 10 juillet 2019.
4. Après avoir déclaré une créance de 48 333,54 euros au titre du solde débiteur du compte, la banque a assigné en paiement la société MV Finances.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande au titre du compte courant, alors :
« 1° / que le compte courant d'une société étant clôturé par l'effet de la liquidation judiciaire prononcée à l'égard de celle-ci, son solde est immédiatement exigible de la caution ; qu'en retenant, pour débouter la Banque populaire du Sud de sa demande de paiement au titre du solde du compte courant, qu'elle ne justifiait pas de la résiliation de la convention de compte courant par le liquidateur et qu'en conséquence, le solde du compte courant n'était pas exigible, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article L. 643-1 du code de commerce, dans sa version antérieure à celle issue de la loi n° 2002-172 du 14 février 2022, applicable au litige, et par fausse application l'article L. 641-11-1 du code de commerce ;
2°/ que si la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s'impose à la caution, le créancier peut poursuivre et obtenir la condamnation de la caution devant le juge du cautionnement, avant toute admission, en établissant l'existence et le montant de sa créance selon les règles du droit commun ; qu'en énonçant, pour débouter la Banque populaire du Sud de sa demande de paiement au titre du solde du compte courant, que si la société Banque populaire du Sud justifiait avoir déclaré sa créance au titre du solde débiteur du compte courant, elle ne démontrait pas son admission au passif de la société Robert Beranger, sans rechercher pour autant si, à défaut de décision d'admission, la société Banque populaire du Sud ne justifiait pas de l'existence et du montant de la créance selon les règles du droit commun, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 110-3 du code de commerce, ensemble l'article 2288 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable au litige ;
3°/ qu'il incombe à la caution qui conteste la créance du demandeur à l'égard du débiteur principal, en se prévalant de l'absence de son admission au passif de la procédure collective de ce dernier, d'apporter la preuve de son rejet ; qu'en énonçant, pour débouter la Banque populaire du Sud de sa demande de paiement au titre du solde du compte courant, que si la société Banque populaire du Sud justifiait avoir déclaré sa créance au titre du solde débiteur du compte courant, elle ne démontrait pas son admission au passif de la société Robert Beranger, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article 2313 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
6. Selon l'article L. 641-11-1, I, alinéa 1er, introduit dans le code de commerce par l‘ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire.
7. Ce texte, entré en vigueur le 15 février 2009, a transposé à la liquidation judiciaire les règles identiques résultant de l'article L. 622-13 du code de commerce édictées pour la sauvegarde et rendues applicables au redressement judiciaire par l'article L. 631-14 de ce code.
8. Un arrêt de la Cour de cassation a jugé que le compte courant d'une société étant clôturé par l'effet de sa liquidation judiciaire, il en résultait que le solde de ce compte était immédiatement exigible de la caution (Com., 13 décembre 2016, pourvoi n° 14-16.037, Bull.2016, IV, n° 156).
9. Cet arrêt, dont la solution n'a pas été reprise par la jurisprudence ultérieure, a suscité critiques et interrogations de la doctrine.
10. En effet, le compte courant non clôturé avant le jugement d'ouverture constitue un contrat en cours, de sorte qu'en l'absence de disposition légale contraire, les textes précités lui sont applicables.
11. Dès lors, la jurisprudence rappelée au paragraphe 8 doit être abandonnée. Il convient en conséquence de juger désormais que l'ouverture ou le prononcé d'une liquidation judiciaire n'a pas pour effet d'entraîner la clôture du compte courant du débiteur.
11. Après avoir énoncé à bon droit que le compte courant étant un contrat en cours, sa résiliation ne pouvait résulter de l'ouverture de la liquidation judiciaire, l'arrêt en a déduit exactement que la clôture du compte n'étant pas intervenue, le solde n'est pas devenu exigible, de sorte que la caution n'est pas tenue.
12. Par ce seul motif, rendant inopérants les griefs des deuxième et troisième branches, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.