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Décisions

CA Dijon, 2e ch. civ., 1 février 2024, n° 22/00013

DIJON

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Mimeur F (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Blanchard

Conseillers :

Mme Brugère, Mme Kuentz

Avocats :

Me Desormeaux, Me Mathieu, Me Guigue

TJ Mâcon, du 22 nov. 2021, n° 20/408

22 novembre 2021

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

En décembre 2008, M. [I] [V] et Mme [E] [N] épouse [V], propriétaires d'une maison d'habitation située au [Adresse 1] à [Localité 2], ont fait installer deux pompes à chaleur de la marque Technibel à leur domicile.

Ils ont conclu en octobre 2013 un contrat pour l'entretien des deux pompes à chaleur avec la SARL Mimeur F.

En mars 2014, suite à l'affichage d'un message d'erreur sur l'une des pompes à chaleur, les époux [V] ont sollicité l'intervention d'un dépanneur de la SARL Mimeur F. Le technicien a procédé à la recharge en fluide frigorigène puis à la remise en service de l'appareil. Suite à cette intervention, la pompe à chaleur a explosé, endommageant plusieurs pièces faisant partie du groupe extérieur.

Par ordonnance du 9 février 2016, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mâcon, faisant droit à la demande présentée par les époux [V], a désigné M. [G] [M] en qualité d'expert judiciaire.

A la demande de l'expert, les époux [V] ont mis en cause les sociétés Elektroclima et Nibe Energy Systems France.

Par ordonnance du 21 février 2017, le juge des référés a mis hors de cause la société Nibe Energy Systems France, et déclaré les opérations d'expertise ordonnées le 9 février 2016 communes à la société Elektroclima.

Par ordonnance du 12 février 2018, M. [C] a été désigné aux lieu et place de M. [M].

M. [C] a déposé son rapport définitif le 13 janvier 2020.

Le 4 janvier 2020, M. et Mme [V] ont fait assigner la SARL Mimeur F devant le tribunal judiciaire de Mâcon, aux fins d'obtenir la condamnation de la défenderesse au paiement de la somme de 10 756,62 euros TTC au titre des travaux répertoires, outre 560 euros TTC au titre de l'achat d'un climatiseur portatif pour remplacer la climatisation des bureaux.

Par un jugement du 22 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Mâcon a :

- condamné la SARL Mimeur F à payer aux époux [V] la somme de 10 756,62 euros à titre des dommages et intérêts,

- débouté les parties de leurs demandes en surplus,

- condamné la SARL Mimeur F à payer aux époux [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Mimeur F aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais d'expertise judiciaire, et accordé à la SELAS Adida et Associés le bénéfice de l'application de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement.

La société Mimeur F a relevé appel de cette décision le 6 janvier 2022.

En ses dernières conclusions notifiées le 8 juin 2022, la société Mimeur F demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil dans leur version antérieure à la réforme, de :

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a retenu sa responsabilité dans la réalisation du dommage,

- ordonner la restitution à son profit de la somme de 21 238,37 euros versée aux époux [V] en exécution de la première décision,

Subsidiairement, et si sa responsabilité était retenue,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a mis à sa charge l'intégralité du préjudice,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a fixé le préjudice à la somme de 10 756,62 euros TTC,

Statuant à nouveau,

- ordonner un partage de responsabilité par moitié avec les époux [V] qui ont manqué à leur obligation d'entretien annuel de la pompe à chaleur,

- fixer le préjudice à la somme de 2 700 euros TTC,

- débouter les époux [V] de leurs demandes d'indexation du montant de la condamnation,

- débouter les époux [V] de leur demande de condamnation à hauteur de 560 euros pour l'acquisition d'un climatiseur pour le bureau,

En tout état de cause,

- condamner les époux [V] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En leurs conclusions notifiées le 9 mai 2022, M. et Mme [V] demandent à la cour, au visa des dispositions des anciens articles 1134 et 1147 du code civil, et 1787 du même code, de :

- juger l'appel de la SARL Mimeur F mal fondé et l'en débouter,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mâcon le 22 novembre 2021 en ce qu'il a condamné la SARL Mimeur F à leur régler la somme de 10 756 euros au titre de dommages et intérêts, outre 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire,

Faisant droit à leur appel incident et y ajoutant,

- condamner la SARL Mimeur F à leur payer une somme correspondant au montant de l'indexation des travaux de reprise, soit 10 756,62 euros, sur la base de l'évolution de l'indice BT01 entre la date de dépôt du rapport d'expertise de M. [C] et celle de l'arrêt à intervenir,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il les a déboutés de leur demande d'indemnisation à hauteur de 560 euros,

Et statuant à nouveau,

- condamner la SARL Mimeur F à leur payer la somme de 560 euros au titre de l'achat d'un climatiseur pour le bureau,

- débouter la SARL Mimeur F de l'intégralité de ses demandes principales et subsidiaires,

Ajoutant,

- condamner la SARL Mimeur F à leur régler la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SARL Mimeur F aux entiers dépens d'appel en réservant à la SELAS Adida et Associés le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées des parties pour un exposé complet de leurs moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 19 septembre 2023.

MOTIFS

- Sur la responsabilité de la société Mimeur F

M. et Mme [V] ont signé le 15 octobre 2013 un contrat de maintenance avec la société Mimeur F, portant sur des pompes à chaleur qui avaient antérieurement été installées à leur domicile par une autre entreprise, et sollicité courant mars 2014 l'intervention de l'appelante en raison de l'affichage d'un message d'erreur sur l'une des pompes.

Les parties étaient ainsi liées par un contrat d'entreprise, la société Mimeur F s'engageant à effectuer une prestation matérielle sur une installation qu'elle n'avait pas elle-même fournie, mais qui lui avait été confiée pour remédier à une panne.

L'article 1789 du code civil afférent au contrat de louage d'ouvrage dispose que 'dans le cas où l'ouvrier fournit seulement son travail ou son industrie, si la chose vient à périr, l'ouvrier n'est tenu que de sa faute'.

S'agissant de la charge de la preuve de l'origine de la perte, il est de principe qu'il appartient à l'entrepreneur, sur qui pèse une présomption simple de faute et qui est ainsi tenu d'une obligation de résultat atténuée, de justifier que la perte constatée est survenue sans faute de sa part.

Par ailleurs, s'il est établi que la chose confiée à l'entrepreneur a péri en raison d'un cas de force majeure, d'un vice interne de la chose ou d'un fait extérieur, l'entrepreneur est libéré de son obligation de restitution.

Après avoir relevé que la panne affectant la pompe à chaleur consistait en une fuite dans le circuit frigorifique, ayant conduit la société Mimeur F à procéder à une recharge de gaz, M. [C] rappelle que le récipient métallique a explosé dans la demi-heure suivant l'intervention, entraînant des dégâts dans l'appareil.

Pour expliquer ce sinistre, l'expert judiciaire retient que trois explications sont possibles :

- une défaillance des appareils de mesure de la pression ou de la quantité de gaz transféré dans l'échangeur utilisés par l'entreprise Mimeur F, étant précisé que cette dernière n'a apporté aucune précision sur le matériel mis en oeuvre,

- une erreur dans le type de gaz injecté par dépression dans l'échangeur, l'expert signalant que l'entreprise Mimeur F ne lui avait jamais indiqué le type de gaz mis en oeuvre, et ce alors que selon la nature de celui-ci, les pressions de fonctionnement sont différentes et les écarts de pression peuvent être importants,

- un encrassement de la machine ayant entraîné une augmentation de la pression intérieure, dès lors que malgré le blocage de la circulation du gaz résultant de l'encrassement, le compresseur de l'échangeur continue à tourner.

L'expert a précisé qu'il existe normalement une sécurité en cas de surpression, mais que celle-ci n'a manifestement pas fonctionné, qu'elle soit en panne ou absente.

Il a ajouté que le récipient métallique expertisé, qui annonce sur son étiquette une résistance à une pression en 42 bars, ne peut en réalité résister à une surpression de plus de 20 bars, et a considéré qu'il y a donc une liaison possible entre une défaillance dans la mise en oeuvre de la recharge de fréon de l'entreprise Mimeur et une défaillance dans la résistance du récipient de l'échangeur.

La société Mimeur F, pour contester l'engagement de sa responsabilité, fait valoir que les deux premières hypothèses ne sont pas sérieuses, s'agissant de pures suppositions qui n'ont d'ailleurs nullement été envisagées par le premier expert, M. [M], lequel a au contraire considéré que son intervention avait été conforme aux procédures utilisées dans la profession.

Elle estime que l'hypothèse d'un défaut d'entretien a été écartée un peu vite par M. [C], et ce alors que les pompes à chaleur sont restées pratiquement trois ans sans entretien, de 2011 à 2013.

Elle ajoute que, si l'expert invoque une liaison possible entre une défaillance de la recharge de fréon par son technicien et une défaillance dans la résistance du récipient de l'échangeur, cela ne suffit pas pour démontrer qu'elle a commis une faute. Elle signale à cet égard qu'une recherche rapide sur internet permet de constater que de nombreux consommateurs ont connu la même mésaventure avec des pompes Technibel, et conclut que l'origine de l'explosion réside dans un défaut, un vice caché du récipient de l'échangeur, sans lien avec son intervention.

Le seul fait que les hypothèses avancées par M. [C] n'aient pas été envisagées par le premier expert désigné ' qui n'a pas pu aller au bout de sa mission mais a déposé un simple compte-rendu de réunion d'expertise ', ne permet pas pour autant de les discréditer. La société Mimeur F ne produit par ailleurs aucune pièce et n'invoque, au-delà de ses dénégations, aucun argument technique permettant de retenir que ces hypothèses ne seraient pas pertinentes.

En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que le défaut d'entretien invoqué par l'appelante serait à l'origine du sinistre, dès lors que, quand bien même elle n'aurait pas été révisée entre 2011 et 2013, la pompe à chaleur a fait l'objet d'une visite d'entretien par la société Mimeur F en octobre 2013, et que l'explosion n'est survenue qu'ultérieurement, et plus précisément, une demi-heure environ après l'intervention de dépannage réalisée en mars 2014.

Enfin, s'il est exact que le vase d'expansion ne peut résister qu'à une pression de 20 bars au lieu des 42 bars annoncés, il ne ressort pas du rapport d'expertise que cette situation pourrait être la cause certaine ou, même si tel était le cas, la cause exclusive du sinistre. L'existence de témoignages d'internautes faisant état d'une explosion de leur pompe à chaleur de marque Technibel, sur un matériel et dans des conditions indéterminés, ne permet en outre pas d'étayer de manière probante la thèse de la société Mimeur F.

Il résulte de la discussion qui précède que la cause technique précise de l'explosion n'a pas pu être déterminée avec certitude, mais qu'en tout état de cause, la société Mimeur F échoue à rapporter la preuve, qui lui incombe, que le dommage résulterait d'un cas de force majeure, d'un vice interne de la pompe à chaleur ou du fait des intimés, ou à tout le moins, qu'aucune faute ne lui serait imputable.

C'est par conséquent à juste titre que le tribunal judiciaire de Mâcon a pu retenir son entière responsabilité.

- Sur le préjudice

M. [C] a confirmé la nécessité de remplacer la pompe à chaleur défaillante, et entériné le devis établi par la société Basset-Parizot pour un montant de 10 756,62 euros TTC.

La société Mimeur F conteste cette évaluation qu'elle estime excessive, et propose la prise en compte d'un devis de la société Confo Therm portant sur le remplacement de la pompe à chaleur pour un montant de 2 700 euros TTC.

Le devis dont se prévaut l'appelante apparaît toutefois sans commune mesure avec le coût réel de fourniture et pose d'une pompe à chaleur air-eau, dès lors que les époux [V] justifient avoir payé en 2008 une somme de 9 330 euros par pompe à chaleur, et que l'expert judiciaire n'a en outre formulé aucune observation sur l'adéquation du devis Basset-Parizot avec les prix habituellement pratiqués pour ce type de matériel.

Le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Mimeur F à payer aux époux [V] la somme de 10 756,62 euros à titre de dommages et intérêts pour le remplacement du matériel détruit.

M. et Mme [V] sollicitent supplémentairement la condamnation de l'entreprise à leur payer une somme correspondant au montant de l'indexation des travaux de reprise sur la base de l'évolution de l'indice BT01 entre la date du dépôt du rapport d'expertise de M. [C] et celle du présent arrêt.

La société Mimeur F fait toutefois justement valoir qu'elle s'est déjà acquittée, en janvier 2022, des sommes mises à sa charge par le jugement critiqué. Or, les époux [V] ne font pas état dans leurs dernières écritures de ce que le montant alloué ne leur aurait pas permis de réaliser les travaux au prix visé dans le rapport d'expertise et repris par le tribunal.

Leur demande d'indexation n'apparaît en conséquence pas fondée, et sera rejetée.

M. et Mme [V], dans le cadre de leur appel incident, sollicitent en outre la condamnation de la société Mimeur F à leur payer la somme de 560 euros, correspondant à l'achat le 31 juillet 2018 d'un climatiseur portatif pour remplacer la climatisation des bureaux.

La société Mimeur F s'oppose à cette demande, au motif que le réseau de chauffage du bureau est indépendant des pompes à chaleur.

Il résulte toutefois des réponses aux dires faites par M. [C] que les deux pompes à chaleur installées par les époux [V] étaient destinées pour la première à chauffer la maison d'habitation, et pour la seconde ' objet du présent litige ' à chauffer les bureaux, et que le volume d'eau tampon de l'installation est chauffé soit par une chaudière à gaz de 50 kw, soit par les deux pompes à chaleur, lesquelles peuvent également refroidir ce volume tampon. C'est en ce sens que l'expert a mentionné l'existence de deux circuits indépendants, l'un concernant les pompes à chaleur et l'autre la chaudière gaz ; l'expert n'a en revanche nullement indiqué que les bureaux n'étaient pas reliés aux pompes à chaleur.

Or, suite à l'explosion de la pompe à chaleur affectée aux bureaux, il a certes été possible de continuer à chauffer ces pièces grâce à la chaudière gaz, mais leur rafraîchissement est devenu impossible.

C'est par conséquent à juste titre que les époux [V] sollicitent l'indemnisation par la société Mimeur F des frais exposés pour acquérir un climatiseur, ainsi que l'avait également retenu l'expert judiciaire.

Le jugement du 22 novembre 2021 sera donc infirmé sur ce point.

- Sur les frais de procès

L'appel interjeté par la société Mimeur F n'ayant pas prospéré, le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon sera confirmé en ce qu'il a condamné cette dernière aux dépens de première instance et au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Mimeur F sera en outre condamnée aux dépens de la procédure d'appel, et au paiement au profit des époux [V] d'une somme supplémentaire de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Mâcon en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de M. et Mme [V] au titre de l'achat d'un climatiseur portatif,

Statuant à nouveau de ce chef et ajoutant,

Condamne la société Mimeur F à payer à M. et Mme [V] la somme de 560 euros au titre de l'achat d'un climatiseur portatif,

Déboute M. et Mme [V] de leurs demandes d'indexation du montant de la condamnation,

Condamne la société Mimeur F aux dépens de la procédure d'appel,

Condamne la société Mimeur F à payer à M. et Mme [V] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.