Cass. com., 11 septembre 2024, n° 23-15.441
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Vigneau
Rapporteur :
Mme Vallansan
Avocat général :
Mme Guinamant
Avocats :
SCP Waquet, Farge et Hazan, SCP Célice, Texidor, Périer
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 30 mars 2023), la SCI Saint-Victor a été condamnée sous astreinte provisoire à détruire une piscine, remettre les lieux en état et supprimer un auvent, au bénéfice des sociétés Beaulieu à la montagne, Sea Dream, Sea Shell et Sea Shore. Les travaux n'ayant pas été entièrement réalisés, un jugement du 16 mai 2022 d'un juge de l'exécution l'a condamnée à payer à ces sociétés une certaine somme au titre de l'astreinte liquidée et a prononcé une nouvelle astreinte provisoire.
2. Pendant le délai d'appel, la SCI Saint-Victor a fait l'objet d'une procédure de sauvegarde, la société BTSG² étant désignée mandataire judiciaire.
Examen des moyens
Sur le second moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. La SCI Saint-Victor et le mandataire judiciaire de sa procédure de sauvegarde font grief à l'arrêt de liquider l'astreinte provisoire à une certaine somme pour la période du 29 novembre 2019 au 19 septembre 2021, alors « que l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance ; que tel n'est pas le cas de l'instance introduite devant le juge de l'exécution qui tend à obtenir la liquidation d'une astreinte pour sanctionner l'inexécution d'une obligation de faire née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, de sorte que la créance faisant l'objet d'une telle instance doit être soumise à la procédure de vérification des créances et à la décision du juge commissaire ; qu'en fixant la créance au titre de l'astreinte liquidée au passif de la sauvegarde de justice de la SCI Saint-Victor placée sous procédure de sauvegarde au cours de l'instance d'appel, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
5. L'action tendant à la liquidation d'une astreinte prononcée par une décision antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective et l'action en condamnation au paiement de l'astreinte liquidée tendent à obtenir de la juridiction saisie une décision définitive sur l'existence et le montant de la créance.
6. C'est dès lors à bon droit qu'après avoir retenu que l'instance en cours de liquidation de l'astreinte avait été interrompue par le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, et, constaté que les sociétés Beaulieu à la montagne, Sea Dream, Sea Shell et Sea Shore avaient déclaré leur créance au titre de la liquidation judiciaire et que le mandataire judiciaire était intervenu à l'instance, que la cour d'appel a fixé en conséquence à la somme de 15 000 euros leur créance au titre de la liquidation de l'astreinte provisoire du 29 novembre 2019 au 15 septembre 2021.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
Et sur le premier moyen en ses deux premières branches
Enoncé du moyen
8. La SCI Saint-Victor et le mandataire judiciaire de sa procédure de sauvegarde font grief à l'arrêt de prononcer une nouvelle astreinte provisoire au titre de la suppression de l'auvent recouvert de tuiles, alors :
« 1° / que la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire pour contraindre à l'exécution d'une obligation de faire née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective du débiteur est de nature à entrainer pour celui-ci le paiement d'une somme d'argent et est donc soumise à l'interruption des poursuites individuelles sans qu'il y ait lieu de distinguer selon la période, antérieure ou postérieure à ce jugement, pendant laquelle l'astreinte a couru ; que pour prononcer une nouvelle astreinte provisoire au titre de la suppression de l'auvent recouvert de tuiles et surseoir à statuer sur le prononcé d'une nouvelle astreinte provisoire au titre de la suppression de la piscine et de remise en état des lieux, l'arrêt attaqué retient que la fixation d'une astreinte provisoire ne tend pas au paiement d'une somme d'argent, en sorte que l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la SCI Saint-Victor est sans incidence sur la possibilité pour le juge de fixer une nouvelle astreinte provisoire à l'égard d'une société en sauvegarde de justice ou redressement judiciaire laquelle poursuit son activité et peut être contrainte à exécuter ses obligations de faire si la nécessité en est établie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce
2°/ que l'instance en cours, interrompue jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance, est celle qui tend à obtenir, de la juridiction saisie du principal, une décision définitive sur le montant et l'existence de cette créance ; que l'instance introduite avant la mise sous sauvegarde du débiteur, en vue d'obtenir la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire pour contraindre à l'exécution d'une obligation de faire née antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective, ne peut, dès lors qu'elle n' a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée et qu'elle ne tend pas à la fixation définitive d'une créance, être poursuivie après ce jugement ; qu'en retenant que la fixation d'une nouvelle astreinte provisoire était soumise à l'interruption des poursuites mais pouvait être reprise après mise en cause du mandataire judiciaire et déclaration de la créance, la cour d'appel a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce.
Réponse de la Cour
9. Selon l'article L. 622-21 du code de commerce, le jugement d'ouverture d'une procédure collective interrompt ou interdit toute action tendant à la condamnation d'un débiteur au paiement d'une somme d'argent.
10. Il résulte des articles L. 131-1 et L. 131-2 du code des procédures civiles d'exécution que l'action en fixation d'une astreinte provisoire destinée à assurer l'exécution d'une obligation de faire exécutable en nature, ne tendant pas, en soi, au paiement d'une somme d'argent, elle ne relève pas des dispositions des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce.
11. L'arrêt ayant énoncé que la fixation d'une astreinte provisoire assortissant l'obligation de suppression de la piscine et de remise en état des lieux ne tendait pas au paiement d'une somme d'argent, en déduit exactement, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par la deuxième branche que l'ouverture de la sauvegarde de la SCI Saint-Victor est sans incidence sur la possibilité de fixer une nouvelle astreinte provisoire à l'égard de la société débitrice qui poursuit son activité et peut être contrainte à exécuter ses obligations de faire.
12. Le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi.