CA Aix-en-Provence, ch. 1-6, 7 juillet 2022, n° 21/08805
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
PARTIES
Demandeur :
Naval Maintenance (SARL), Alpha Mandataires Judicaires (SCP)
Défendeur :
Etude Balincourt (Selarl) (ès qual.), Axa France Iard (SA), MMA Iard Assurances Mutuelles (Sté), Compagnie d'assurance MMA (Sté), Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches du Rhône (CPCAM 13) (Sté)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Noël
Conseillers :
Mme Vella, Mme Allard
Avocats :
Me Cherfils, Me Fumat, Me Bouchoucha, Me Goedert, Me Gaud Gely, Me Court-Menigoz, Me de Angelis, Me Constans
Exposé du litige
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
La société [K] exploite un pousseur fluvial Atoll, équipé d'une timonerie télescopique sur vérin permettant de mettre le poste de pilotage en hauteur afin d'augmenter la visibilité du chauffeur lors des opérations de conduite et de manoeuvre du pousseur.
En mars 2015, elle a démarché la société Naval maintenance, spécialisée dans la maintenance, le dépannage et la réparation hydraulique marine et dont M. [Y] [B] était le gérant, en vue de la maintenance du vérin hydraulique de manoeuvre de la timonerie du pousseur fluvial.
L'opération de dépose du vérin a été réalisée le 10 mars 2015 par la société Naval maintenance.
Le vérin a ensuite été transporté dans les locaux de la société Hydrotech Provence, spécialisée dans la fabrication et la maintenance des vérins hydrauliques, à qui la société Naval maintenance a sous-traité le contrôle, le nettoyage et la remise en état du vérin.
Deux solutions ont été proposées le 13 mars 2015 par la société Hydrotech Provence, la première consistant en une remise en état par déchromage, chiffrée à 7 720 € HT et réalisable rapidement, la seconde en un remplacement des tiges du vérin, chiffrée à 16 855 € HT et réalisable dans un délai de sept semaines.
L'information a été répercutée à la société [K] par la société Naval maintenance.
La société [K] a opté pour la première solution, à savoir le déchromage de trois tiges et la reprise des gorges de joints.
Ces travaux ont été réalisés à la demande de la société Naval maintenance par la société Hydrotech Provence qui, le 18 mars 2015, a livré le vérin à la société Naval maintenance afin qu'il soit remonté sur la cabine du pousseur.
Le 19 mars 2015, dans le port fluvial d'[Localité 16] lors des opérations de remontage du vérin sur la timonerie, la cabine ne descendant pas, M. [B] est descendu en cale pour voir ce qui se passait et tenter de remédier au blocage par des coups de marteau. La timonerie est alors brutalement descendue, déséquilibrant M. [B] qui a chuté en fond de cale.
M. [B] est décédé des suites de ses blessures.
Les constatations et l'expertise réalisées dans le cadre de l'enquête pénale ont révélé qu'une tige du vérin hydraulique avait cédé, provoquant une chute brutale de la cabine.
En juin 2015, la société Naval maintenance a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Tarascon afin d'obtenir, avant tout procès, la désignation d'un expert. Par ordonnance du 7 août 2015, M. [T], expert, a été désigné.
L'expert a déposé son rapport le 1er décembre 2017.
Par actes des 20 et 23 avril 2018, la veuve de M. [B], Mme [S] [B], agissant tant à titre personnel qu'en qualité de représentante légale de son fils mineur [V] [B], a fait assigner la société Hydrotech Provence devant le tribunal de grande instance de Tarascon, afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches du Rhône et de la société Naval maintenance, sa condamnation à les indemniser de leurs préjudices.
La société Naval maintenance a elle même appelé en cause son assureur la société Axa France incendie, accidents et risques divers (société Axa France IARD) afin qu'elle soit condamnée à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.
La société Hydrotech Provence ayant fait l'objet d'une procédure collective, la société Naval maintenance a appelé en cause son mandataire liquidateur la société Etudes Balincourt.
Parallèlement à cette procédure, la société [K] ainsi que M. [A] [K] et Mme [R] [G] épouse [K] (M. et Mme [K]) ont fait assigner la la société Naval maintenance, la société Hydrotech Provence, la société Axa France IARD et la société MMA assurance incendie, accidents et risques divers (société MMA assurance IARD), assureur de la société Hydrotech Provence, devant le tribunal de commerce de Nanterre afin d'obtenir l'indemnisation de leurs préjudices.
Par jugement du 21 novembre 2018, le tribunal de commerce de Nanterre s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Tarascon.
Cette procédure a été jointe à celle initiée par Mme [B].
En cours de procédure, la société [K] ainsi que M. et Mme [K] ont fait l'objet d'une procédure collective. Leur mandataire judiciaire, Me [I] de la société Alpha mandataires judiciaires, est intervenu volontairement aux débats.
Par jugement du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Tarascon a :
- ordonné un partage de responsabilité à raison de 50 % pour la société Hydrotech Provence, 20 % pour la société Naval maintenance, 25 % pour la société [K] ainsi que M. et Mme [K] et 5 % pour M. [B] ;
- avant dire droit sur la liquidation du préjudice, invité les parties à conclure au regard de la répartition ainsi opérée.
Pour statuer ainsi, le tribunal a considéré que :
- la responsabilité de la société Hydrotech Provence est engagée en ce qu'elle n'aurait jamais dû proposer le remontage du vérin en l'état ;
- les sociétés Hydrotech Provence et Naval maintenance ont manqué à leur obligation de conseil en acceptant, face aux deux options proposées, la première option qui, bien que plus rapide, n'était pas garantie dans son efficacité ;
- M. [B] lui-même, directeur technique de la société Naval maintenance, n'aurait pas dû accepter de remonter le vérin en l'état ;
- la société [K] n'ignorait pas davantage que l'option choisie, plus rapide, était particulièrement risquée.
Par acte du 14 juin 2021, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la société Naval maintenance a relevé appel de cette décision en visant expressément chacun des chefs de son dispositif.
Un deuxième appel principal a été relevé, par acte du 29 juin 2021, par Me [I], de la société Alpha mandataires judiciaires, liquidateur de la société [K] et de M. et Mme [K], visant expressément chacun des chefs du dispositif du jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 26 avril 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 25 avril 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, notamment quant à l'étendue des préjudices, la société Naval maintenance demande à la cour de :
' réformer le jugement en ce qu'il a ordonné un partage de responsabilité et mis à sa charge 20 % de part de responsabilité dans le sinistre ;
' déclarer la société Hydrotech Provence seule responsable du sinistre ;
' condamner la société Hydrotech Provence et son liquidateur la société étude Balincourt, ainsi que la société MMA IARD à prendre en charge les conséquences financières de l'accident et à la relever et garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre ;
' renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Tarascon afin qu'il statue sur le quantum des préjudices, la garantie des assureurs, les demandes de participation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance ;
' déclarer recevable l'appel en cause de la société Etude Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hydrotech Provence ;
' condamner la société Hydrotech Provence, son liquidateur la société Etude Balincourt et la société MMA IARD à lui payer la somme de 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance d'appel ;
Subsidiairement, si la cour décidait d'évoquer,
' condamner la société MMA IARD, assureur de la société Hydrotech Provence à la relever et garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées contre elle et plus particulièrement de celles au bénéfice des époux [K], de la société [K] ou de son liquidateur ;
' condamner la société Axa France IARD à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle et plus particulièrement de celles qui pourraient être prononcées au bénéfice des époux [K], de la société [K] ou de son liquidateur ;
' fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence une créance à son profit à raison de 25 874,40 € au titre des frais d'expertise, 14 805,76 € au titre des frais exposés en cours de procédure, 20 000 € au titre d'un préjudice moral ;
' condamner la société MMA assurances IARD, assureur de la société Hydrotech Provence, à lui payer les sommes de 25 874,40 € au titre des frais d'expertise, 14 805,76 € au titre des frais exposés en cours de procédure, 20 000 € au titre du préjudice moral ;
' condamner la société Hydrotech Provence, la société MMA assurances IARD, la société Axa France incendie, accidents et risques divers et la société Etude Balincourt, liquidateur judiciaire de la société Hydrotech Provence à lui régler 8 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés en 1ère instance, ou 8 000 € et 14 805,76 € si la cour ne lui accordait pas le remboursement des frais exposés en cours d'expertise sur le fondement du droit de la responsabilité civile ;
' les condamner aux entiers dépens de 1ère instance, ainsi qu'a ceux de l'instance de référé avec distraction pour ceux exposés par ses soins au bénéfice de la SELARL Clergerie Semmel, avocats conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
' dire que les dépens de référés comprendront les 25 874,40 € de frais et honoraires de l'expert dans l'hypothèse où le Tribunal n'accorderait pas cette somme au titre des préjudices subis ;
' déclarer recevable l'appel en cause de la société Etude Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hydrotech Provence ;
' fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence sa créance correspondant à toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.
Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :
- l'expert a retenu exclusivement la responsabilité de la société Hydrotech Provence qui, selon lui, compte tenu du niveau d'usure des différents composants du vérin aurait dû être alertée sur un dysfonctionnement à venir et effectuer un essai en atelier plutôt que de le remonter en l'état ;
- elle n'a pas vu le vérin démonté, contrairement à la société Hydrotech Provence, puisqu'elle s'est contentée de le déposer (monté) pour le porter ensuite dans les ateliers de cette dernière qui, seule, a donc pu se rendre compte de l'usure des tiges ;
- ayant sous traité l'intégralité des opérations à la société Hydrotech Provence, elle n'a commis aucune faute à l'origine de l'accident et des préjudices qui en découlent.
Elle rappelle que le tribunal judiciaire de Tarascon ne s'est prononcé ni sur les préjudices ni sur la garantie due par les assureurs, de sorte que la cour, sauf à évoquer, ne peut statuer sur ces points, mais qu'en tout état de cause, la société [K] et les consorts [K] n'ont jamais fourni les pièces utiles au calcul de leurs préjudices ni produit les contrats d'assurance dont ils sont titulaires et qui ont pu assurer la couverture de leurs dommages.
Elle soutient, à titre subsidiaire, si sa responsabilité devait être retenue, que la société [K] a accepté un risque en limitant sa mission à une réparation à moindre frais puisqu'elle savait que les deux options n'étaient pas équivalentes et que l'option 1, cinq fois moins chère que l'option 2, était présentée comme une réparation sans garantie.
Enfin, elle estime avoir elle même subi un préjudice puisqu'elle a supporté le coût de l'expertise judiciaire alors que selon elle, il appartient à la société MMA assurances IARD, assureur de la société Hydrotech Provence, de le supporter, mais également d'importants frais irrépétibles pour se défendre lors des opérations de l'expert et un préjudice moral se déduisant d'une atteinte à sa réputation du fait du sinistre qui est à l'origine d'un décès, lequel a fait l'objet d'une médiatisation à la faveur de laquelle des informations erronées ont été diffusées.
Dans leurs dernières conclusions d'appelants, notifiées le 20 avril 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment quant à l'étendue des préjudices, la société Alpha mandataires judiciaires, liquidateur de la société [K] et des époux [K], demande à la cour de :
' infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné un partage de responsabilité à raison de 50 % pour la société Hydrotech Provence, 20 % pour la société Naval maintenance, 25 % pour la société [K] et les époux [K] et 5 % pour M. [B] ;
' l'annuler en ce qu'il a, avant dire droit sur la liquidation du préjudice, invité les parties à conclure sur la base de cette répartition et réservé les autres demandes ;
' juger qu'ils n'ont aucune part de responsabilité dans la survenance du sinistre du 19 mars 2015 ;
' dire que la société Naval maintenance, garantie par la société Axa France IARD, est responsable des dommages subis par la société [K] consécutivement au sinistre du 19 mars 2015, subsidiairement la déclarer responsable in solidum avec la société Hydrotech Provence garantie par ses assureurs les société MMA IARD et MMA assurances mutuelles ;
' condamner la société Naval maintenance in solidum avec son assureur la société Axa France IARD, et subsidiairement in solidum avec la société Hydrotech Provence et son assureur, les sociétés MMA IARD et MMA assurances mutuelles, à payer au liquidateur judiciaire de la société [K], en cette qualité, la somme de 364 648, 82 € (333 059 +31 589,82 ) à titre de dommages et intérêts , augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 août 2018, avec capitalisation pour ceux échus depuis plus d'un an en application de l'article 1343-2 du code civil ;
' condamner in solidum, les sociétés Naval maintenance, Axa France IARD, Hydrotech Provence, MMA IARD, et MMA assurances mutuelles à payer au liquidateur judiciaire des époux [K], en cette qualité, la somme de 99 370 € (57 400 + 41 970) à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 août 2018, avec capitalisation pour ceux échus depuis plus d'un an en application de l'article 1343-2 du code civil ;
En toutes hypothèses,
' condamner solidairement les sociétés Naval maintenance, Axa France IARD, Hydrotech Provence et MMA incendie, accidents et risques divers aux entiers dépens de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise et à lui verser 20 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, à raison de 10 000 € en sa qualité de liquidateur de la société et 10 000 € en sa qualité de liquidateur des époux [K].
Elle fait valoir que :
- le tribunal ne pouvait refuser de statuer sur la liquidation des préjudices, renvoyant les parties à conclure sur ce point, alors même qu'il était saisi de conclusions à cette fin ; ce refus caractérise un excès de pouvoir négatif qui justifie l'annulation du jugement ; par ailleurs, le tribunal a retenu une part de responsabilité à leur encontre alors qu'aucune des parties ne concluait en ce sens, et ce, sans provoquer une discussion contradictoire ; l'appel nullité est doté d'un effet dévolutif spécifique en application de l'article 562 du code de procédure civile qui dispose que la dévolution s'opère pour le tout lorsque la nullité du jugement est encourue ;
- tant l'expert désigné par le procureur de la République, que celui désigné par le tribunal de commerce ont conclu à une faute de la société Hydrotech Provence ;
-la faute du client n'est exonératoire que si l'entreprise, c'est-à-dire le professionnel, démontre une immixtion caractérisée du client, à la fois initié et notoirement compétent, dans les opérations ou une acceptation délibérée des risques par le client, préalablement entièrement et parfaitement informé des risques encourus ; or, ils n'ont eux-mêmes aucune compétence en matière de réparation navale et encore moins de systèmes hydrauliques, ils n'ont commis aucune immixtion dans les réparations et n'ont jamais été informés des risques qu'induisait une simple remise en état ;
- la société Naval maintenance, en lui proposant les deux solutions, a manqué à son obligation de conseil puisque la première solution était risquée et contre-indiquée et qu'une remise en état ne pouvait suffire sans engager la sécurité des personnes et que la mention 'sans garantie' n'était pas suffisante pour attirer son attention sur un danger ;
- à son égard, l'entreprise principale, la société Naval maintenance, qui ne peut se retrancher derrière une faute de son sous-traitant, est responsable et doit être condamnée à réparer ses préjudices puisqu'aux termes du contrat, elle était tenue à une obligation de résultat (restituer au client un matériel en état de fonctionnement et en sécurité) et à une obligation de conseil (impliquant d'exclure toute solution provisoire non pérenne en fonction des désordres constatés sur le vérin analysé) et que, si elle a choisi de sous-traiter, elle répond de ses substitués et garantit son co-contractant contre les actes dommageables de ce dernier, peu important que le sous-traitant, ait été tacitement agréé par le maître de l'ouvrage ;
- il appartient éventuellement à la société Naval maintenance de se retourner contre son sous traitant afin qu'il la garantisse de l'intégralité des condamnations ;
- subsidiairement, la société Hydrotech Provence engage sa responsabilité délictuelle à leur égard ;
- les dommages et intérêts doivent compenser la perte subie et le gain manqué, soit en l'espèce, l'immobilisation du pousseur pendant la durée de sa mise sous scellés puis du délai de réalisation des travaux de réparation, achevés le 4 décembre 2015, soit une immobilisation au total de 8 mois et demi ; son préjudice a été chiffré par le cabinet Europe expertise assurance et correspond à l'immobilisation du navire entre le 19 mars 2015 et le 4 décembre 2015 qui a généré une perte de marge sur coûts variables de 386 017 € à partir d'un taux de marge de 72, 9 % correspondant à l'exercice clos le 31 mars 2015 le plus proche de la période sinistrée et à une perte d'exploitation de 352 559 € après correction du coût du licenciement pour motif économique de l'un des salariés affecté exclusivement au pousseur accidenté, et dont doivent être déduit les 19 500 € réglés par son assureur, soit au total la somme de 333 059 € ; à cette perte s'ajoutent les loyers non perçus par M. [K] à hauteur de 57 400 € ainsi que des agios bancaires supportés tant par la société que par les époux [K].
Dans ses dernières conclusions d'intimés et d'appel incident, régulièrement notifiées le 14 octobre 2021, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment quant à l'étendue des préjudices, la société Axa France IARD demande à la cour de :
' réformer le jugement en ce qu'il a ordonné un partage de responsabilité et mis à la charge de la société Naval maintenance 20% de part de responsabilité dans la survenance du sinistre ;
Statuant à nouveau,
A titre principal :
' juger qu'aucun manquement contractuel n'est démontré de la part de son assurée, la société Naval maintenance, que l'interruption des réparations est exclusivement imputable à l'accident, lui même exclusivement dû à une faute de la société Hydrotech Provence ;
' déclarer la société Hydrotech Provence seule responsable du sinistre survenu le 19 mars 2015 ;
' condamner la société Etude Balincourt, mandataire liquidateur de la société Hydrotech Provence, à la relever et garantir des conséquences dommageables de l'accident ;
' renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Tarascon afin qu'il statue sur le quantum des préjudices et la garantie des assureurs ;
A titre subsidiaire, si la cour décidait d'évoquer :
' juger que la société [K] et les consorts [K] ne démontrent pas les préjudices allégués, ni dans leur principe, ni dans leur quantum ;
' fixer l'indemnisation du préjudice subi par la société [K] à la somme de 78 297 € HT telle qu'établie par M. [T], expert judiciaire ;
' débouter le liquidateur judiciaire de la société [K] et des consorts [K] du surplus de ses demandes ;
' condamner in solidum la société Etude Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hydrotech Provence et les sociétés MMA, assureur de la société Hydrotech Provence à la relever et garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
' juger qu'en tout état de cause, elle est fondée à opposer une limitation de garantie à 1 000 000 € et à opposer aux tiers la franchise contractuellement prévue et figurant aux conditions particulières à hauteur de 10 % du coût de sinistre avec un minimum de 762 € et un maximum de 3 811 € ;
En tout état de cause,
' condamner tout succombant à lui verser 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner tout succombant aux entiers dépens en ceux compris les frais d'expertise.
Elle fait valoir que :
- la société [K] ne peut utilement se prévaloir d'un manquement de la société Naval maintenance à une obligation de résultat puisque l'impossibilité pour celle-ci de mener la réparation à son terme est due à l'accident mortel dont a été victime son gérant ;
- l'accident a pour seule origine la livraison par un tiers ' la société Hydrotech ' d'une pièce qui ne fonctionnait pas dans des conditions normales ;
- la société Naval maintenance s'est contentée de déposer le pousseur ATOLL sur lequel était installé le vérin, puis de le remonter une fois ce dernier livré après la réalisation des travaux par la société Hydrotech et l'expert judiciaire n'a retenu aucune part de responsabilité à son encontre puisqu'il désigne comme cause de l'accident l'erreur d'exécution et de conseil de la société Hydrotech envers la société Naval maintenance ;
- la société Naval maintenance a écrit à la société [K] qu'après ouverture du vérin, les tiges s'étaient révélées très marquées avec des rayures profondes sur deux des trois tiges, précisant que celle-ci devaient être remplacées mais nonobstant ce conseil, la société [K] a privilégié l'option la moins coûteuse et la plus rapide ;
- en tout état de cause, seule la société Hydrotech Provence engage sa responsabilité dès lors qu'elle est la seule à avoir vu le vérin démonté, à avoir pu constater son usure et la nécessité d'un remplacement et qu'elle n'aurait jamais dû proposer autre chose que celui-ci ;
- s'agissant des préjudices, la perte résultant de l'immobilisation d'un bien du fait de son placement sous scellé n'est indemnisable que par l'Etat ; l'origine des impayés ayant généré des agios n'est pas déterminée ; il n'est pas démontré que les loyers n'ont pas été payés aux époux [K] par la société [K] ;
- sur les appels en garantie, l'accident étant imputable exclusivement à la société Hydrotech Provence, celle-ci et son assureur la société MMA doivent la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
- la cour devra appliquer les dispositions particulières du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle par la société Naval maintenance qui stipulent un plafond de garantie de 1 000 000 € ainsi qu'une franchise à hauteur de 10 % du coût du sinistre avec un minimum de 762 € et un maximum de 3 811 € en ce qui concerne l'indemnisation des tiers.
Dans leurs dernières conclusions d'intimés et d'appel incident, régulièrement notifiées le 28 février 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment quant à l'étendue des préjudices, Mme [B] et M. [B] demandent à la cour de :
' réformer le jugement en ce qu'il a ordonné un partage de responsabilité, plus particulièrement en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de la victime de 5 % ;
' juger que la société Hydrotech Provence est responsable du sinistre en ce qu'elle a manqué à son obligation d'exécution et de conseil vis-à-vis de la société Naval Maintenance, à l'origine directe du décès de M. [B] ;
' juger que la cour peut liquider le préjudice des victimes indirectes ;
' fixer la créance de Mme [B] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence, sous réserve d'actualisation à la date de l'arrêt à intervenir à :
- 1 177 786,36 € avant recours au titre de son préjudice économique ;
- 30 000 € au titre de son préjudice moral ;
- 2 656,82 € au titre des frais d'obsèques ;
' fixer la créance de M. [B] au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Hydrotech, sous réserve d'actualisation à la date de l'arrêt à intervenir à :
- 30 000 € au titre du préjudice moral ;
- 117 233, 06 € au titre de son préjudice avant recours
' condamner la société MMA IARD, assureur de la société Hydrotech Provence, à prendre en charge le paiement des dites sommes du fait de sa garantie ;
' débouter en tout état de cause la société Hydrotech Provence de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
' rejeter le recours de la CPAM à l'encontre de M. [B] ;
Subsidiairement,
' renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire de Tarascon afin qu'il statue sur le quantum des préjudices ;
' fixer une créance de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de procédure d'appel en application de l'article 699 du code de procédure civile distraits au profit de la SCP NUMERUS, au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence ;
' condamner la société MMA IARD à prendre en charge ladite créance au titre de sa garantie.
Ils font valoir que :
-le tribunal a opéré un partage de responsabilité qui n'était pas demandé par les parties, statuant ultra petita sans avoir invité celles-ci à se positionner au préalable, et il n'a pas statué sur les préjudices ;
- la société [K] a confié à la société Naval maintenance un travail de maintenance du vérin hydraulique de manoeuvre (montée et descente) de la timonerie qu'elle a déposée avant de l'envoyer pour expertise dans un atelier spécialisé de la société Hydrotech Provence qui l'a démonté avant de le retourner à la société Naval maintenance sans l'essayer alors qu'il n'aurait jamais dû être remonté compte tenu de son usure ;
- l'accident étant dû à l'usure des tiges de ce vérin, la société Hydrotech Provence se présentant comme la spécialiste du vérin et premier constructeur français de vérins hydrauliques, aurait dû l'analyser avant de préconiser une simple réparation, de sorte qu'elle est entièrement responsable des conséquences dommageables de cette réparation de fortune ; il lui appartenait dans le cadre du contrat conclu avec la société Naval maintenance, non seulement de restituer un vérin en état de fonctionner sans danger, mais également de conseiller la société Naval maintenance sur la nécessité d'un véritable remplacement des tiges ;
- M. [B] n'a commis aucune faute puisque la société Hydrotech Provence ne l'a pas informé que la réparation était insuffisante et si l'accident s'est produit alors qu'il était descendu en cale et tentait par des coups de marteau sur un câble de faire descendre la cabine, l'expert a considéré que ces coups de marteau n'étaient pas la cause du sinistre, lequel réside exclusivement dans la défectuosité du vérin qui n'aurait jamais dû être réparé, mais remplacé ;
- sur les préjudices, outre le préjudice moral et le coût des frais d'obsèques, ils ont subi un préjudice économique.
Dans leurs dernières conclusions d'intimés et d'appel incident, régulièrement notifiées le 6 avril 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, notamment quant à l'étendue des préjudices, la société Etude Balincourt en qualité de liquidateur judiciaire de la société Hydrotech Provence et les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles demandent à la cour de :
Statuant dans les limites de l'appel et en l'absence d'évocation,
' réformer le jugement en ce qu'il retient la responsabilité de la société Hydrotech Provence ;
' juger que la société Hydrotech Provence n'a commis aucune faute en relation directe avec le décès de M. [B] et l'immobilisation du pousseur ;
' débouter Mme [B], la société Naval maintenance, la société Axa France IARD, la CPAM, la société Alpha Mandataires judiciaires en qualité de mandataire liquidateur de la société [K] et de M. et Mme [K] de leurs demandes ;
Subsidiairement,
' confirmer le jugement en ce qu'il limite sa responsabilité ;
' condamner les appelants in solidum au paiement de la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel ;
Plus subsidiairement,
' évaluer les préjudices moraux de Mme [B] et de M. [B] à la somme de 30 000 € chacun ;
' fixer le préjudice économique de Mme [B] à 189 402,91 € ;
' débouter M. [B] de sa demande au titre d'un préjudice économique ;
' dire que Mme [B] devra justifier de la somme perçue de la caisse de sécurité sociale au titre des frais funéraires et que cette somme sera déduite de la somme lui revenant ;
' débouter la société Naval Maintenance, la société AXA France IARD, Me [I] en sa qualité de liquidateur de la société [K] et des époux [K] de leurs demandes ;
' fixer le recours de la CPAM des Bouches du Rhône à 833 613 € s'agissant de Mme [B] et 64 397 € s'agissant de M. [B] ;
' juger que les arrérages à échoir seront payés trimestriellement à terme échus sur justificatifs ;
' débouter la CPAM de toute autre demande ;
' débouter toutes parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
' condamner les appelants in solidum à payer aux sociétés MMA la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles font valoir que :
- le 13 mars 2015, la société Hydrotech Provence a adressé à la société Naval maintenance un devis contenant une option, soit la remise en état au mieux et en urgence du vérin mais sans garantie pour le mercredi suivant 18 mars 2015, pour un prix de 7 720 € HT, soit la confection de deux tiges neuves et la réfection de la 3ème moyennant un délai approximatif de sept semaines pour un prix de 16 855 € HT et c'est la société [K], à qui ces informations ont été transmises, qui a manifestement fait choix de la première solution ;
- les consorts [B] agissent à son encontre sur un fondement nécessairement délictuel de sorte qu'ils doivent démontrer une faute et un préjudice en lien de causalité avec celle-ci ;
- les conclusions de l'expert quant à l'origine de l'accident sont erronées, la société GM Consultant, retenant que l'accident n'est pas dû aux réparations ;
- à supposer que la réparation ait été défectueuse, la cause du blocage puis de la chute de la timonerie qui a provoqué l'écrasement de la cage métallique et de M. [B] n'a pu être déterminée ; il lui est reproché de ne pas avoir réalisé d'essai en atelier du vérin réparé mais ce type de vérin ne peux s'essayer que sur l'installation d'origine, de sorte que le reproche qui lui est adressé n'est pas pertinent ;
- s'agissant du devoir de conseil, son devis est explicite sur la nature des réparations et la société Naval maintenance, professionnel, qui a indiqué dans un courrier du 16 mars 2015 avoir vu le vérin démonté, était nécessairement au fait de ce qu'on peut attendre d'une réparation provisoire « au mieux » ;
- en réalité, le choix de la société [K] a été dicté par des préoccupations de rentabilité plus que de sécurité et aurait dû conduire M. [B] à plus de prudence lorsqu'il s'est glissé dans le caisson pour remédier à une gêne dans la descente de la cabine alors que les épontilles enlevées pour réaliser le test n'avaient pas été remises ;
- les époux [K] et la société [K], tiers au contrat qu'elle a conclu avec la société Naval maintenance, ne démontrent pas davantage la moindre faute de sa part mais en tout état de cause, c'est le décès de M. [B] qui a conduit à l'immobilisation du pousseur et le préjudice d'immobilisation d'un bien suite à une décision de justice ne peut être imputé aux parties ; ils ne démontrent pas le lien de causalité entre l'accident et les frais bancaires et l'absence de paiement des loyers puisque le contrat de bail stipule un maintien de celui-ci en cas d'immobilisation du bateau ;
- la société Naval maintenance ne démontre pas son préjudice puisqu'elle présentait déjà avant le décès de M. [B] des difficultés, les comptes déposés en mars 2015 faisant état d'un déficit de 140 748 € ;
- la CPAM agit dans le cadre d'un recours subrogatoire qui suppose un paiement préalable aux victimes subrogeantes, de sorte que, s'agissant des prestations futures capitalisées, la cour ne peut condamner le tiers responsable, sans son accord préalable, à payer le capital représentatif des arrérages à échoir et ce recours est en tout état de cause limité au préjudice réparable.
Dans ses dernières conclusions d'intimée, régulièrement notifiées le 22 mars 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens, la CPAM des Bouches du Rhône demande à la cour de :
' statuer sur les responsabilités ;
Pour le cas où il serait procédé à la liquidation des préjudices,
' fixer à la somme de 1 169 169,84 € le montant de son recours en relation directe avec l'accident dont M. [B] a été victime ;
' condamner in solidum la société Hydrotech Provence et son assureur la société MMA IARD, et plus généralement tout succombant, au paiement de ladite somme à son bénéfice en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à dater du dépôt de ses premières conclusions ;
' condamner in solidum la société Hydrotech Provence et son assureur la société MMA IARD, et plus généralement tout succombant, à lui régler les dépenses de santé futures susvisés au fur et à mesure de leur engagement sur justificatif de la dépense exposée ;
' les condamner au paiement d'une indemnité de 800 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, d'un montant de 1 114 € ;
' condamner tout succombant aux entiers dépens.
*****
L'arrêt sera contradictoire conformément aux dispositions de l'article 467 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d'annulation du jugement
La cour est saisie par le liquidateur de la société [K] et M. et Mme [K] d'un moyen de nullité de la décision du premier juge pour défaut de respect du principe de la contradiction.
La régularité du jugement est soumise à des exigences substantielles et formelles, destinées, à la fois à assurer un bon fonctionnement de la justice et à permettre la sauvegarde des intérêts des parties et de leur droit à un juge impartial et équitable.
En l'espèce, la société Alpha mandataires judiciaires, liquidateur de la société [K] et des époux [K], appelante à titre principal, demande à la cour d'annuler le jugement en ce qu'il a, avant dire droit sur la liquidation du préjudice, invité les parties à conclure sur la base de la répartition opérée par ses soins quant aux responsabilités et réservé les autres demandes.
Elle fait valoir, au soutien de cette demande que le tribunal a, sans susciter au préalable les explications des parties, opéré une répartition des responsabilités en retenant à l'encontre de la société [K] une part de responsabilité alors qu'aucune des parties ne concluait à cette fin, et qu'il n'a pas statué sur la liquidation des préjudices alors que celle-ci lui était expressément demandée par les parties.
Le chef du dispositif relatif à la liquidation des préjudices, qui renvoie les parties à conclure, n'appelle aucune critique quant à sa régularité, le juge ayant le pouvoir, s'il estime devoir recueillir des explications complémentaires, de solliciter celles-ci.
En revanche, le tribunal a 'ordonné un partage de responsabilité à raison de 50 % pour la société Hydrotech Provence, 20 % pour la société Naval maintenance, 25 % pour la société [K] ainsi que M. et Mme [K] et 5 % pour M. [B]'.
Motivation
Le motif pris d'une violation du principe de la contradiction en ce qui concerne ce chef du dispositif, qui retient une part de responsabilité de la société [K], doit être examiné.
La restitution des prétentions des parties devant le premier juge fait ressortir les éléments suivants :
Dans leurs dernières conclusions devant le tribunal, M. et Mme [B] recherchaient la responsabilité de la société Hydrotech Provence. Ils demandaient la liquidation de leurs préjudices, l'inscription de leur créance indemnitaire au passif de la liquidation de la société Hydrotech Provence et la condamnation de l'assureur de cette dernière à les indemniser.
La CPAM des Bouches du Rhône, subrogée dans les droits de M. et Mme [B], concluait de même.
La société [K] et les époux [K] sollicitaient la condamnation de la société Naval maintenance, garantie par son assureur la société Axa France IARD, in solidum avec la société Hydrotech Provence à réparer l'ensemble de leurs préjudices et, subsidiairement, recherchaient la responsabilité de la société Hydrotech Provence ainsi que la liquidation de leurs préjudices.
Le liquidateur de la société Hydrotech Provence et son assureur, la société MMA, concluaient au rejet des demandes formulées à leur encontre tant par le liquidateur de la société [K] que par les époux [K] et, dans l'hypothèse où la responsabilité de la société Hydrotech Provence serait retenue, demandaient que le droit à réparation de M. et Mme [B], ainsi que du liquidateur de la société [K] et de M. et Mme [K] soit limité en raison de la faute de M. [B], gérant de la société Naval maintenance.
La société Naval maintenance concluait au rejet des demandes formulées à son encontre tant par M. et Mme [B] que par les époux [K] et la société [K] ainsi que par la société Hydrotech Provence et demandait, dans l'hypothèse où elle serait condamnée, à être relevée et garantie par la société MMA IARD, assureur de la société Hydrotech Provence et par son propre assureur la société Axa France IARD. Elle recherchait également la responsabilité de la société Hydrotech Provence et sollicitait l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de cette dernière d'une créance de dommages intérêts au titre de frais d'expertise, de frais de procédure et d'un préjudice moral.
Son assureur, la société Axa France IARD, concluait au rejet des demandes formulées par les époux [K] et le liquidateur de la société [K] et, subsidiairement, demandait à être relevé et garanti par la société Hydrotech Provence et son assureur la société MMA IARD. Dans ses rapports avec son assurée, elle invoquait un plafond de garantie stipulé au contrat.
Ces prétentions étant restituées, l'article 16 du code de procédure civile impose au juge, en toutes circonstances, de faire observer et d'observer lui-même le principe de la contradiction. Il lui impose de ne retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement et lui interdit de fonder sa décision sur les moyens de droit relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
La restitution des prétentions devant le premier juge révèle qu'aucune des parties ne concluait, ni à titre principal, ni à titre subsidiaire, à une limitation du droit à réparation de la société [K] et de M. et Mme [K] à raison de fautes commises par ces derniers. Certes, la société Hydrotech Provence concluait à l'existence d'une cause d'exonération de responsabilité mais uniquement en raison de fautes commises par M. [B], gérant de la société Naval maintenance.
Il en résulte qu'en retenant la responsabilité de la société [K] au motif que celle-ci avait commis une faute en choisissant le devis de réparation le moins coûteux sans solliciter au préalable les explications des parties, le tribunal a violé le principe du contradictoire.
La réouverture des débats prononcée à la suite de ce chef de dispositif ne peut être considérée comme réparant ce vice initial, dès lors que le tribunal devait respecter ce principe avant de statuer sur les responsabilités et non après.
La violation du principe de la contradiction, dès lors qu'elle est le fait du juge lui même et n'est pas afférente à un acte de procédure, entraine l'annulation du jugement sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'existence d'un grief.
En considérations de ces éléments, le jugement doit être déclaré nul comme ayant enfreint le principe de la contradiction et ce, sans qu'il y ait lieu de distinguer selon les chefs de son dispositif.
La cour d'appel qui annule un jugement, pour un motif autre que l'irrégularité de l'acte introductif d'instance, est, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, tenue de statuer sur le fond de l'affaire quelle que soit sa décision sur la nullité alléguée.
Sur les responsabilités
Il résulte de l'expertise judiciaire de M. [W], désigné par le procureur de la République dans le cadre de l'enquête pénale ouverte après le décès et de l'expertise technique confiée à M. [T] par le tribunal de commerce de Tarascon que les circonstances de l'accident peuvent être restituées ainsi :
Suite à sa réfection par la société Hydrotech Provence, sous-traitant de la société Naval maintenance, le vérin de manoeuvre de la timonerie du pousseur hydraulique a été remonté à bord de ce dernier par M. [B], assisté de MM. [H] et [X] de la société Hydrautom.
Après mise en place du vérin, plein d'huile et purges, les épontilles de sécurité ont été enlevées afin de procéder à des essais. La timonerie a été montée en position haute depuis la commande en cabine et les essais ont commencé par palliers. Quasi immédiatement, constatant que la descente ne s'effectuait pas correctement, M. [B] a arrêté celle-ci afin de vérifier si des éléments sur le chemin des câbles, qui avaient été coupés et ressoudés afin de faciliter la manutention, étaient à l'origine de la difficulté. M. [B] est alors entré à l'intérieur par la porte d'accès inférieure dans la salle des moteurs et à l'aide de coups de marteau a essayé de redresser les pièces qui bloquaient la descente et c'est à ce moment que, le vérin s'étant libéré, la timonerie, pesant douze tonnes, a chuté, entrainant une projection d'huile dans la cheminée des caissons et déstabilisant M. [B] qui a chuté au fond de la cale.
Les constatations effectuées par les experts ont révélé une fissure importante sur le piston de la tige 1 du vérin, étant observé que l'intervention de la grue du port pour dégager la victime n'a eu aucune incidence sur la désolidarisation du piston du vérin. Selon M. [W], l'usure relevée sur les fûts confirme que la timonerie descendait de travers.
S'agissant des causes de l'accident, M. [T], après avoir rappelé que le vérin est la pièce maitresse dans le dispositif de fonctionnement pour la montée et la descente de la timonerie puisqu'il se trouve à l'intérieur de caissons et permet de monter et descendre la timonerie en fonction des changements de barges et de la hauteur des ponts, conclut que l'accident est dû à un grippage partiel de la tige 1 du vérin sur la tige 2 par l'intermédiaire de la chemise, que cette anomalie de fonctionnement provoque sur le vérin télescopique un phénomène d'instabilité avec pour conséquence une libération importante d'énergie lorsque les constituants retrouvent leur état d'équilibre, en l'espèce, une installation de douze tonnes et que le niveau d'usure important des différents composants du vérin démontre qu'il ne fonctionnait pas dans des conditions normales, ce qui aurait dû attirer l'attention de la société Hydrotech Provence en charge de sa réfection.
Selon lui, les défauts mis en évidence étaient trop importants et susceptibles de conduire à un dysfonctionnement du vérin, de sorte que, d'une part un essai dans l'atelier aurait dû être fait, d'autre part il n'aurait jamais dû, si on se réfère aux règles de l'art en la matière, être remonté en l'état.
Il ajoute qu'un vérin neuf a été remonté après l'accident en remplacement et qu'il fonctionne très bien, ce qui démontre selon lui qu'il n'y avait aucune erreur de conception.
Plus précisément, il expose que la simple révision des joints avec polissage/rodage des tiges et cylindres, réalisée par la société Hydrotech Provence, n'était pas suffisante et que les tiges du vérin, compte tenu de leur état, auraient dû être changées.
La société Hydrotech Provence conteste les conclusions de l'expert quant aux causes de l'accident, en se prévalant d'un rapport de la société GM Consultant selon laquelle l'accident n'est pas dû aux réparations effectuées sur le vérin.
Cependant, ce rapport d'expertise n'a pas été dressé au contradictoire de l'ensemble des parties et si le juge peut tenir compte des conclusions d'une expertise privée, c'est à la condition que des éléments extérieurs à celui-ci les corroborent.
En tout état de cause, en l'espèce, M. [T] a procédé à une analyse exhaustive des données qui lui étaient soumises, au contradictoire de la société Naval maintenance, de la société Hydrotech Provence, de la société [K] et des époux [K] ainsi que des assureurs. La société Hydrotech Provence, de même que les époux [K] et la société Axa France IARD, assureur de la société Naval maintenance, étais assistés non seulement de leurs avocats mais également d'experts techniques.
Les différents scénarios envisageables ont tous été examinés à la faveur de la discussion contradictoire qui s'est engagée entre les parties et l'expert. Celui-ci a répondu à toutes objections soulevées par les parties dans leurs dires. Il a ainsi répondu aux dires de la société Hydrotech Provence en précisant dans son rapport que ceux-ci renvoyaient au rapport de la société GM Consultant.
Il en résulte que les hypothèses émises par cette dernière ont été évoquées au cours de l'expertise, que l'expert n'a pas estimé devoir les retenir et qu'il s'en est expliqué dans son rapport définitif. Selon lui, les coups de marteau donnés par
M. [B] sur une pièce supportant une charge de douze tonnes n'étaient pas suffisants pour débloquer la descente et s'il concède que M. [B] a pris un risque en entrant dans la cabine sans avoir sécurisé l'environnement, le blocage du vérin ne peut trouver son origine dans une mauvaise purge d'air du circuit hydraulique qui n'est étayée par aucun élément factuel, étant relevé qu'il n'y avait plus d'écoulement d'huile après l'arrêt du mouvement. Il ajoute que le blocage est dû à la chemise, que les enregistrements de pression ont montré qu'il n'y avait aucun point dur sur la mécanique et qu'au final, la chute de la cabine avait bien pour origine l'état du vérin qui, constituant la pièce maitresse dans le dispositif de fonctionnement pour la montée et la descente de la timonerie, n'aurait pas dû être remonté en l'état.
L'expert a donc procédé à une analyse technique complète, en envisageant les hypothèses qui lui étaient soumises par les parties. Dans ces conditions, l'analyse officieuse et non contradictoire de la société GM consultant, alors que le conseil de la société Hydrotech Provence, assisté de son expert technique, a adressé un dire à l'expert auquel celui-ci a répondu, n'est pas de nature à remettre en question l'appréciation de l'expert judiciaire.
L'accident est ainsi dû à l'état du vérin de manoeuvre de la timonerie du pousseur hydraulique.
******
Aux termes de leurs dernières écritures devant la cour, M. et Mme [B] recherchent la responsabilité de la société Hydrotech Provence et la condamnation de son assureur à réparer leurs préjudices.
Le liquidateur de la société [K] ainsi que M. et Mme [K] recherchent, à titre principal, la responsabilité de la société Naval maintenance et, subsidiairement la condamnation in solidum de celle-ci avec la société Hydrotech Provence.
La société Naval maintenance sollicite l'indemnisation de divers préjudices et, après inscription de sa créance de dommages-intérêts au passif de la liquidation de la société Hydrotech Provence, la condamnation de l'assureur de celleci, la société Axa France Iard, à l'indemniser.
Seront donc successivement examinées :
- les demandes de M. et Mme [B] à l'encontre de la société Hydrotech Provence en recherchant si celle-ci a commis à leur égard une faute de nature à engager sa responsabilité, et dans cette hypothèse si la société Hydrotech Provence justifie de causes susceptibles de l'exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité,
- les demandes de la société [K] et des époux [K] à l'encontre de la société Naval maintenance en recherchant si celle-ci a commis à leur égard une faute de nature à engager sa responsabilité et dans cette hypothèse si la société Naval maintenance justifie de causes susceptibles de l'exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité.
- la demande de dommages-intérêts de la société Naval maintenance à l'encontre de la société Hydrotech Provence et de son assureur.
Dans l'hypothèse où des condamnations seraient prononcées, il conviendra d'examiner les recours en garantie entre responsables.
Sur la responsabilité de la société Hydrotech Provence à l'égard de M. et Mme [B]
M. et Mme [B] sont victimes par ricochet du préjudice subi par M. [B]. Celui-ci était gérant salarié de la société Naval maintenance.
En application de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale, en cas d'accident du travail, comme en l'espèce, si la lésion dont est atteint l'assuré social est imputable à une personne autre que l'employeur ou ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles de droit commun, M. [B] et la société Hydrotech Provence n'étaient liés par aucun contrat puisque le contrat aux fins de maintenance du vérin a été conclu par cette dernière avec la société Naval maintenance, dont il était le préposé.
La responsabilité de la société Hydrotech Provence vis à vis de M. et Mme [B] ne peut être recherchée que sur un fondement délictuel.
En application de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure au 1er octobre 2016 et intégralement reprise à l'article 1240 du code civil en vigueur depuis cette date, au visa desquels M. et Mme [B] formulent leur prétentions, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Si un contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties et que les tiers à ce contrat ne peuvent ni demander l'exécution du contrat ni se voir contraints de l'exécuter, ils peuvent invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci leur a causé un dommage.
En l'espèce, le vérin équipant la timonerie du pousseur fluvial avait été pris en charge le 10 mars 2015, soit neuf jours avant l'accident, par la société Hydrotech Provence, à la demande de la société Naval maintenance, à qui l'exploitant du pousseur fluvial l'avait confié aux fins de contrôle et de réfection.
Les parties ne produisent aucune pièce retraçant les échanges entre la société [K] et la société Naval maintenance avant que celle-ci établisse un devis le 8 mars 2015, de sorte que le motif de cette intervention, panne ou dysfonctionnement, n'est pas connu.
En tout état de cause, il se déduit des termes du devis établi par la société Naval maintenance le 8 mars 2015 que ce vérin nécessitait une vérification et même des travaux de réfection puisque dans ce devis diverses prestations ont été proposées, dont le nettoyage du vérin, son ouverture, le contrôle des états de surface de la tige, du fût et du caisson et la rédaction d'un rapport de contrôle, suivies de deux options, la première consistant à déchromer les tiges de télescope, reprendre les éventuelles rayures, remettre en chromage, remplacer les joints de vérin et réaliser un test en pression, la seconde consistant à remplacer les tiges.
Le 9 mars 2015, la société Naval maintenance a déposé le vérin puis l'a confié à la société Hydrotech Provence, spécialisée dans la manutention et la maintenance des vérins hydrauliques.
Il résulte d'un courrier électronique adressé le 13 mars 2015 par la société Hydrotech Provence à M. [B] en sa qualité de directeur technique de la société Naval maintenance, que celle-ci a proposé deux solutions :
- la première consistant en 'un polissage des trois tiges du vérin (au mieux), la reprise des gorges de joints dégradés, le rodage des cylindres afin d'adoucir les rayures, la modification du fond pour anneau de retournement, le tout chiffré à 7 720 € HT avec une mise à disposition du vérin le 18 avril au soir ;
- la seconde consistant à remplacer et confectionner deux tiges neuves et à réparer la troisième tige, modifier les paliers afin d'améliorer le guidage, modifier les pistons et l'entretoise afin d'éviter les liaisons acier-acier, le tout chiffré à 16 855 € avec un délai de sept semaines correspondant au délai d'approvisionnement et de réalisation des pièces neuves et au délai d'intervention en atelier.
Dans ce courrier figure en gras et majuscules la mention 'pas de garantie' concernant l'option 1.
Ce courrier a été suivie d'un courrier électronique de M. [B] à la société [K] le 16 mars 2015 dans lequel il informe celle-ci qu'après ouverture du vérin, les tiges se sont révélées très marquées, avec des rayures profondes sur deux des trois tiges et des marques sur les fûts.
M. [B] transmet néanmoins les deux solutions envisagées, à savoir 'une remise en état urgente' ou une 'préparation pièces'. La première option est chiffrée à 4 527 € HT, la seconde à 21 985 € HT. Aucun délai précis n'est fixé, mais la première option est affectée du qualificatif urgent alors que la seconde implique environ sept semaines d'immobilisation.
La société Hydrotech Provence est spécialisée dans la maintenance des vérins hydrauliques. La société Naval maintenance a pour objet social la maintenance, le dépannage et la réparation hydraulique marine.
L'activité de la première est donc plus spécifiquement orientée sur les vérins hydrauliques, ce qui suffit à expliquer que la société Naval maintenance, à qui la réfection du vérin avait été confiée, se soit adressée à plus qualifiée qu'elle pour examiner le vérin et proposer des solutions de réfection.
Dès lors que le vérin constitue, selon l'expert, la pièce maitresse dans le dispositif de fonctionnement pour la montée et la descente de la timonerie, la mission de la société Hydrotech Provence était susceptible d'engager la sécurité des personnes. En conséquence, elle ne pouvait se contenter de proposer deux solutions en les présentant comme optionnelles, c'est à dire susceptibles l'une et l'autre d'être retenues.
Certes, elle a présenté la première solution comme n'offrant aucune garantie mais cette réserve est insuffisante. Compte tenu de l'état de la tige, telle qu'elle s'est révélée après l'accident, seule la seconde solution était à même d'assurer la sécurité des utilisateurs du pousseur.
En proposant à la société Naval maintenance une réparation totalement inadaptée à l'état du vérin, mais présentée comme une option, la société Hydrotech Provence a commis une faute.
La mention 'absence de garantie' figurant sous l'option 1 ne saurait l'exonérer de toute responsabilité, en ce qu'elle s'entend nécessairement par référence à l'efficacité dans le temps de la réparation et non comme annonçant un danger potentiel pour la sécurité des utilisateurs du navire équipé de ce vérin, puisque l'usure des tiges était telle que seul leur remplacement était indiqué. Cette seule précision était donc insuffisante pour éclairer son co-contractant sur la nécessité de s'en tenir à la seconde option.
Elle ne peut davantage prétendre que le choix de cette solution présentée comme 'non garantie' renvoie à une acceptation des risques, ceux-ci n'étant pas exactement connus au travers de cette seule formule.
Les termes du courrier électronique précité ne permettaient donc pas au client, destinataire final de la prestation, de se faire une opinion éclairée quant au choix à opérer entre les deux solutions.
La société Hydrotech Provence est une professionnelle, spécialiste des vérins hydrauliques. Elle ne pouvait donc proposer ainsi deux solutions, en les présentant comme toutes deux envisageables alors que l'une d'elle était susceptible, par son insuffisance, non seulement de se révéler inefficace, mais également d'exposer les personnes physiques à un grave danger.
Répondant à l'expert [T] qui a estimé qu'un essai en atelier aurait dû être effectué avant la repose, la société Hydrotech Provence explique qu'un tel essai était impossible. Cet argument justifie d'autant plus la prudence dont elle aurait dû faire preuve puisqu'elle savait que le vérin serait remonté et que les essais auraient lieu seulement après. En tout état de cause, nonobstant la question de savoir si un essai pouvait ou non être effectué à titre préventif, l'expert est formel sur le fait que le vérin n'aurait jamais dû être remonté dans cet état par cette société spécialisée qui était chargée de procéder à sa réfection et qui aurait dû préconiser le remplacement des tiges et non une réparation de fortune sans garantie.
L'absence de remplacement des tiges, alors que seule cette solution aurait dû être préconisée, est la cause de l'accident dans lequel M. [B] a trouvé la mort.
La faute commise par la société Hydrotech Provence est donc à l'origine directe de l'accident, de sorte qu'elle doit en réparer les conséquences dommageables, en l'espèce, les préjudices allégués par M. et Mme [B] qui lui demandent réparation.
A titre subsidiaire, le liquidateur de la société Hydrotech Provence, sollicitant la confirmation du jugement, soutient que M. [B], la société Naval maintenance et la société [K] ont commis des fautes susceptibles de l'exonérer au moins partiellement de sa responsabilité.
Le responsable du dommage peut être exonéré de sa responsabilité en cas de faute de la victime ou de fait d'un tiers.
La faute de la victime est une cause d'exonération totale de responsabilité si elle revêt les caractéristiques de la force majeure et partielle si tel n'est pas le cas. S'agissant du fait du tiers, il exonère le responsable uniquement s'il est la cause exclusive du dommage. Dans le cas contraire, le responsable ne peut être exonéré même partiellement.
En l'espèce, s'agissant des fautes imputées à M. [B], celui-ci était préposé de la société Naval maintenance au moment de l'accident.
Il convient de rappeler en préambule que le préposé qui poursuit la réparation du préjudice que lui a personnellement causé un tiers lui même co-contractant de son commettant, peut se voir opposer sa propre faute par le tiers. L'immunité du préposé ne lui profite qu'en tant qu'auteur du dommage mais non en tant que victime de celui-ci.
Il résulte de l'expertise de M. [T] que :
- les coups de marteau donnés par M. [B] lorsqu'il est descendu dans la cabine pour débloquer la descente ne sont pas à l'origine de l'accident ;
- en revanche, en intervenant sans avoir sécurisé la translation de la cabine avec les épontilles, M. [B] a pris un risque.
Ce risque consacre une faute qu'il ait, ou non, ignoré que le vérin n'avait pas été testé avant d'être remonté.
Cette faute ayant contribué à la réalisation du dommage dont il est demandé réparation justifie de réduire l'indemnisation dans une proportion que la cour fixe à 5 %, si on considère que le fait majeur et marquant de cet accident réside dans l'usure des tiges du vérin qui avaient été confiées par la société Naval maintenance à la société Hydrotech Provence spécialisée dans les vérins hydrauliques et dont elle était en droit d'attendre des conseils avisés concernant ces tiges qui auraient dû être remplacées et non simplement toilettées.
Quant au fait des tiers (la société Naval maintenance et la société [K]), il est susceptible d'exonérer le responsable du dommage uniquement s'il est la cause exclusive du dommage.
Dans le cas contraire, l'auteur de la faute, convaincu d'avoir causé un dommage, est obligé d'en réparer l'intégralité des conséquences, sauf pour lui à se retourner ensuite contre le tiers.
En l'espèce, s'agissant de la société Naval maintenance, dans le courrier électronique précité, en date du 16 mars 2015, M. [B], s'adressant à la société [K], explique : 'nous avons ouvert le vérin, les tiges sont très marquées, des rayures profondes sur deux des trois tiges nous contraignent quasiment à devoir remplacer les tiges ; les fûts ont aussi des marques'.
Il résulte de ce courrier que la société Naval maintenance avait connaissance de la vétusté des tiges du vérin et de la nécessité de les remplacer mais qu'elle a malgré tout transmis à la société [K] la proposition sous forme d'option reprenant les deux solutions envisageables dont celle, totalement contre-indiquée, qui a conduit à l'accident.
Cette imprudence, à la supposer fautive n'est cependant pas la cause exclusive du dommage puisque c'est bien la société Hydrotech Provence, spécialiste des vérins, qui a proposé l'option sans accompagner sa proposition d'un conseil sur le choix à opérer à l'exception d'une absence de garantie de la pérennité de la réparation.
En conséquence, le comportement de la société Naval maintenance n'est pas de nature à exonérer la société Hydrotech Provence de sa responsabilité à l'égard de M. [B] ou des victimes par ricochet de l'accident qui a coûté la vie à M. [B].
Quant à la société [K], si elle a choisi la solution la moins coûteuse et la plus rapide, il ne peut utilement être soutenu que ce choix était éclairé alors qu'elle avait pris soin de solliciter une société spécialisée dans l'hydraulique pour assurer la maintenance du vérin de son pousseur.
Dans ces conditions, ce choix, à le supposer imprudent voire fautif, n'est pas la cause exclusive du dommage et ne peut exonérer la responsabilité de la société Hydrotech à l'égard de M. [B] ou des victimes par ricochet de l'accident qui a coûté la vie à M. [B].
L'indemnisation de M. et Mme [B] interviendra donc dans la limite de 95 % des préjudices subis à raison de la faute commise par M. [B].
Dans la mesure où la société Hydrotech Provence est en liquidation judiciaire, l'instance engagée à son encontre ne peut, en application de l'article L. 622-22 du code de commerce, tendre qu'à la constatation de la créance et à la fixation de son montant.
S'agissant de son assureur, la société MMA IARD, il sera rappelé que la victime d'un dommage est fondée à exercer une action directe à l'encontre de l'assureur en application de l'article L 124-3 du code des assurances. En l'espèce, la société MMA IARD ne conteste pas, sous réserve que la cour retienne une faute de son assurée, devoir sa garantie en exécution du contrat conclu avec la société Hydrotech Provence.
Les sociétés MMA seront donc condamnées à réparer les dommages subis par M et Mme [B] dans la limite fixée par la cour et à rembourser les débours exposés par la CPAM, subrogée dans leurs droits, selon les modalités qui seront fixées ci-après.
Sur la responsabilité de la société Naval maintenance à l'égard de la société [K] et des époux [K]
Le pousseur fluvial sur lequel a eu lieu l'accident était exploité par la société [K]. Il lui était loué, selon les termes d'un contrat de location conclu le 1er octobre 2014, par M. et Mme [K], désignés au contrat en qualité de bailleurs.
Il n'est pas contesté que la société [K] a contracté avec la société Naval maintenance en vue du contrôle et de la réfection du vérin équipant ce pousseur.
Aucun contrat écrit n'est produit aux débats. Cependant, la société Naval maintenance ne conteste pas s'être vue confier le vérin litigieux aux fins de maintenance, même si les motifs de cette maintenance (panne, dysfonctionnement ou simple vérification) ne sont pas exactement déterminés au termes des seules pièces produites aux débats.
Sa responsabilité à l'égard des époux [K], propriétaires du pousseur, et de la société [K], exploitante de celui-ci, ne peut donc être recherchée que sur un terrain contractuel.
L'objectif d'une prestation de maintenance est de maintenir ou de rétablir un bien dans un état lui permettant d'assurer un service déterminé. En l'espèce, à défaut de contrat écrit, il doit être considéré que la société [K] a confié le vérin de son pousseur fluvial a minima afin qu'il soit en état de fonctionner et de remplir son rôle, à savoir permettre à la timonerie de monter et descendre, étant précisé qu'il en constitue selon l'expert une pièce déterminante.
Selon les termes du devis, la prestation attendue consistait à inspecter le vérin, établir un diagnostic, proposer des solutions et procéder à la remise en état nécessaire à son bon fonctionnement.
Le bon fonctionnement d'une telle pièce s'entend nécessairement d'un fonctionnement sécure, sans danger pour les personnes.
L'expert [T], dans son rapport d'expertise, rappelle d'ailleurs la réglementation applicable aux timoneries afin que leur utilisation ne mette pas en danger la sécurité des personnes physiques. Certes, il relève qu'il n'existe pas de carnet d'entretien obligatoire concernant les timoneries des pousseurs Atoll, mais pour autant, les interventions techniques réalisés sur une machine dont le fonctionnement expose les personnes physiques lors de son utilisation à un risque d'atteinte à l'intégrité corporelle, impliquent un travail consciencieux à la mesure des enjeux de l'intervention. La société Naval maintenance, tenue de procéder à la réfection du vérin, était donc également débitrice à l'égard de son cocontractant d'une obligation de conseil en ce qui concerne la sécurité de cet équipement.
Dans sa version en vigueur au jour de l'accident, l'article 1147 du code civil prévoit la condamnation du débiteur d'une obligation contractuelle en cas d'inexécution de ses obligations.
La société [K] soutient que la société Naval maintenance a manqué à ses obligations contractuelles, d'une part en procédant à une réparation inadéquate, d'autre part en omettant de la conseiller sur les solutions proposées par son sous traitant afin qu'elle prenne une décision éclairée.
La société Naval maintenance effectue des travaux de maintenance, de dépannage et de réparation hydraulique. Comme dans la plupart des contrats d'entreprise, lorsqu'un équipement est confié à un professionnel pour maintenance ou réparation, celui-ci est nécessairement tenu d'une obligation de résultat, qui implique, en miroir de ce qu'en attend le créancier, qu'il réalise la tâche de maintenance ou de réparation qui lui a été confiée.
Dès lors qu'il n'existe pas d'aléa, parce que la tâche technique est simple en regard de la spécialité de celui auquel elle est confiée, la prestation matérielle attendue est de résultat quant au fonctionnement de l'équipement et à la sécurité qui en est attendue.
En l'espèce, la société Naval maintenance s'est vue confier la tâche d'examiner le vérin, de faire un diagnostic de son état, de proposer des solutions, de conseiller son co-contractant sur celles-ci et de mettre en oeuvre la solution choisie.
Or, la prestation technique réalisée n'a pas permis au vérin de fonctionner normalement puisque, sitôt remonté sur la cabine du pousseur, un dysfonctionnement s'est produit, dont l'origine, selon l'expert qui a été mandaté par le tribunal de commerce, réside exclusivement dans la qualité de la prestation de réparation.
A cet égard, il sera rappelé que si une société est libre de se substituer un tiers en recourant à un sous traitant, elle demeure, lorsque tel est le cas, responsable de ce dernier envers son propre partenaire d'origine et répond contractuellement du fait de ce tiers qu'elle a introduit dans la sphère contractuelle.
La prestation de réparation promise par la société Naval maintenance à la société [K] n'a pas été exécutée en ce sens que le résultat attendu n'a pas été obtenu, le niveau d'usure important des différents composants du vérin le rendant impropre à fonctionner.
L'obligation de résultat attendue du professionnel qui assure la maintenance d'un équipement ou le répare est cependant atténuée, en ce sens que le créancier peut s'en exonérer en établissant soit que l'inexécution est imputable à une cause étrangère (usure de l'engin, intervention entre-temps d'un autre professionnel) ou le fait de son propriétaire. Il peut également prouver qu'il n'a pas commis de faute parce qu'il s'est comporté bon professionnel, spécialiste de l'équipement qui lui a été confié, conformément aux données acquises de sa pratique.
En l'espèce, la société Naval maintenance ne s'est pas comportée comme un bon professionnel spécialiste de l'équipement qui lui avait été confiée.
Il résulte en effet du courrier électronique du 16 mars 2015 précité que M. [B], préposé de la société Naval maintenance, a, sinon participé au démontage du vérin, du moins vu celui-ci démonté ou été avisée par la société Hydrotech Provence de l'usure très marquée des tiges. La société Naval maintenance ne pouvait donc ignorer que les tiges étaient suffisamment usées pour justifier leur remplacement et non une simple réparation. Elle en avait au demeurant conscience si on considère qu'elle a, dans le devis transmis à la société [K], reporté sous l'option 1 de la mention 'pas de garantie'.
Elle ne peut se retrancher derrière le libre choix du client ou une acceptation par celui-ci du risque d'inefficacité de la réparation si on considère que la société [K], non professionnelle, n'était pas en mesure de comprendre par cette seule mention, que la réparation, si elle n'était pas garantie, était en plus susceptible d'exposer l'utilisateur de la timonerie à un danger pour son intégrité corporelle.
Elle ne peut davantage invoquer l'usure de l'équipement si on considère que le fait de proposer une réparation de fortune, impropre à maintenir celui-ci en état de fonctionner normalement et susceptible, en outre, de causer un danger, ne caractérise pas un comportement professionnel loyal.
Par ailleurs, le professionnel, en sus de la prestation expressément promise au contrat, est tenu de fournir à son cocontractant toutes les informations relatives à l'objet du contrat et de le conseiller sur le plan technique, ce qui comprend un devoir de conseil quant à l'opportunité des décisions à prendre. Sa qualification professionnelle lui impose de connaître toutes les données nécessaires à son contractant.
En l'espèce, la société Naval Maintenance est un spécialiste de l'hydraulique, et c'est cette spécialité qui a conduit la société [K] à lui confier la maintenance du vérin. Cette dernière était donc en droit, n'étant pas elle-même spécialiste des vérins hydrauliques, d'exiger des conseils avisés et pertinents quant aux solutions à adopter pour la maintenance du vérin, notamment une mise en garde plus explicite concernant la première solution qui, si elle était présentée comme dénuée de 'garantie' ne lui a pas été présentée comme impropre à assurer le fonctionnement du vérin dans des conditions exclusives de tout risque pour la sécurité des personnes.
En réalité, la société Naval maintenance aurait dû, afin de se conformer à ses obligations contractuelles, non pas présenter les deux solutions comme envisageables mais conseiller la société [K] sur les risques attachés à l'option 1. Or, si dans le courrier électronique précité du 16 mars 2015, elle explique d'emblée à son interlocuteur que l'état des tiges 'contraignent quasiment à devoir remplacer les tiges', elle n'en propose pas moins ensuite les deux options ('deux solutions s'offrent à vous'), précisant tout au plus que la première est 'sans garantie', formule qui, adressée à un non professionnel, doit être considérée comme pour le moins absconse.
En conséquence, en proposant deux solutions, dont une totalement inadaptée, la société Naval maintenance n'a pas utilement renseigné la société [K] sur la décision à prendre compte tenu de l'usure très marqué des tiges du vérin, ni sur les risques susceptibles de découler, au delà de l'inefficacité de la réparation, de l'absence de remplacement des tiges.
Ces manquements contractuels de la société Naval maintenance à l'égard de son co-contractant, la société [K] mais également des époux [K], propriétaire du pousseur fluvial, engagent sa responsabilité à leur égard.
La société Naval maintenance soutient que la société [K] a commis une faute susceptible de l'exonérer partiellement de sa responsabilité. Elle fait valoir que celle-ci savait que les deux options n'étaient pas équivalentes, puisque l'option 1 était présentée comme une réparation « sans garantie » et qu'elle était cinq fois moins chère que l'option 2, de sorte qu'il s'agissait d'une réparation à moindre frais de nature à limiter le droit à réparation du client.
Cependant, la société [K] n'est pas du tout spécialiste des vérins hydrauliques, de sorte qu'elle pouvait légitimement se reposer sur les conseils de son co-contractant.
Or, la société Naval maintenance lui a transmis les deux options et si elle a précisé que la première n'était pas 'garantie', ce terme n'était pas suffisamment précis pour qu'elle puisse prendre la pleine mesure de ce qu'il induisait.
Il n'est donc pas démontré qu'en choisissant cette option, certes moins chère et plus rapide, la société [K] savait qu'il s'agissait d'une réparation incomplète de nature à mettre en danger les utilisateurs de la timonerie du pousseur et à entraîner l'accident qui s'est produit ou un accident de même nature, de nature à provoquer une immobilisation aussi durable du navire.
Par ailleurs, il n'est produit aucune pièce démontrant que la société [K] ou M. et Mme [K] se sont immiscés de manière caractérisée dans les opérations de maintenance du vérin en intervenant et prenant l'initiative du choix de la solution à mettre en oeuvre en dépit des exhortations de la société Naval maintenance ou des appels à la prudence de celle-ci.
En l'absence de faute de la victime, la société Naval maintenance ne peut donc être exonérée de sa responsabilité à son égard.
Aucune autre cause d'exonération n'est invoquée par la société Naval Maintenance, hormis celle procédant des fautes commises à son égard par la société Hydrotech Provence, au sujet desquelles il a été rappelé plus haut que l'intervention d'un sous-traitant n'est pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité envers sa co-contractante.
Le manquement de la société hydrotech Provence à ses obligations envers la société Naval maintenance sera donc examiné dans le cadre de l'appel en garantie formée par cette dernière.
La société Naval Maintenance doit donc être condamnée à réparer les préjudices subis par la société [K] ainsi que M. et Mme [K].
Dès lors qu'il est fait droit à la demande principale du liquidateur de la société [K] et des époux [K], il n'y a pas lieu d'examiner leur demande subsidiaire.
Sur le préjudice de M. et Mme [B]
Le lien de causalité entre le manquements fautif de la société Hydrotech Provence et le décès de M. [B] est direct et certain puisque l'accident dans lequel il est décédé a pour cause l'usure des tiges des vérins qui aurait dû être remplacées et non simplement polies.
Le dommage corporel subi par une personne décédée peut donner lieu à une action de ses proches en réparation des préjudices qu'ils ont personnellement soufferts du fait de ce dommage. Ce dommage peut être patrimonial ou extrapatrimonial et, dans le premier cas, il est, comme le préjudice subis par la victime directe, en application des articles 29 et suivants de la loi du 5 juillet 1985, soumis aux recours des tiers payeurs
A/ sur les dommages de M. [B]
M. [B], fils de la victime décédée, sollicite une somme de 30 000 € au titre de son préjudice moral et une somme de 117 233, 06 € au titre de son préjudice patrimonial avant recours.
- Préjudice d'affection
Ce poste correspond au préjudice moral dû à la souffrance causée par le décès d'un proche, sans conséquences pathologiques.
[V] [B] était âgé de 12 ans lorsque son père, au foyer duquel il vivait, est décédé.
En considération de ces éléments, il lui sera alloué au titre de son préjudice d'affection la somme de 30 000 €.
Après réduction de l'indemnité afin de tenir compte de la faute commise par la victime, c'est donc une somme de 28 500 € qui revient à l'intéressé.
- Préjudice économique
En cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt correspond à la perte des revenus que procurait la victime avant son décès.
Il doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci et du salaire que continue à percevoir le conjoint survivant.
Ce préjudice économique implique soit une communauté de vie économique avec le défunt, soit l'octroi par celui-ci d'une aide financière régulière.
En l'espèce, tel était le cas puisque M. [B] vivait avec son fils et son épouse et qu'il percevait un revenu en sa qualité de directeur technique de la société Naval maintenance, de sorte que depuis son décès, son fils a perdu le bénéfice de l'entretien qu'il lui procurait par ses revenus.
Le préjudice économique de l'enfant survivant se calcule en plusieurs étapes :
- détermination des revenus du foyer avant le décès en additionnant les revenus professionnels perçus par la victime avant son décès et ceux de son conjoint survivant,
- fixation de la perte annuelle du foyer en déduisant des revenus du foyer la part d'auto consommation du défunt et les revenus que le conjoint survivant continue de percevoir ou perçoit du fait du décès lui même,
- calcul du préjudice économique des enfants en multipliant la perte annuelle du foyer par le pourcentage absorbé par chaque enfant, cette somme étant capitalisée.
En l'espèce, le revenu annuel imposable de M. [B] s'élevait avant l'accident à 49 938 € pour l'année 2014.
Mme [B] était au chômage au moment du décès de son époux, mais cette inactivité était manifestement temporaire puisque la lecture des avis d'impôt du couple avant l'accident révèle qu'elle travaillait régulièrement et qu'au moment de l'accident mortel, elle était inscrite à Pôle emploi. Il convient donc de prendre en considération les revenus qu'elle a perçus au cours de l'année précédente, avant son licenciement, soit, la somme de 14 445 € au titre des salaires perçus en 2014 (et non le salaire qu'elle a perçu après l'accident en 2015).
Le revenu annuel global du ménage avant le décès s'élève donc à 57 938 € (43 938 + 14 445 €).
La part d'autoconsommation de la victime décédée sera fixée à 25 %, en tenant compte de la composition du foyer (deux adultes et un enfant) et du niveau des revenus du couple.
Les revenus de l'épouse survivante s'élèvent à 1 213 € par mois, soit 14 556 € par an.
La perte annuelle patrimoniale du concubin survivant et de l'enfant mineur s'élève donc à 43 382 € (57 938 - 14 556) qui sera partagée dans une proportion de 70 % pour la mère (30 367,40 €) et de 30 % pour l'enfant (13 014,60 €).
La perte subie par M. [V] [B] sera calculée en distinguant perte échue et perte à échoir jusqu'à l'âge de 25 ans, étant observé que l'intéressé est aujourd'hui âgé de 19 ans qu'il justifie poursuivre des études supérieures dans une école de management dans le cadre d'un cursus de Master 1,
La table de capitalisation appliquée sera celle de la gazette du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0%, qui apparaît appropriée, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, et dont M. [B] demande l'application.
Par ailleurs, il convient de procéder, dès lors qu'elle est demandée et que la réparation du préjudice doit être intégrale, à l'actualisation de la perte annuelle selon l'indice Insee. En l'espèce, l'actualisation sera calculée en utilisant le convertisseur franc-euro de l'INSEE qui mesure l'érosion monétaire due à l'inflation et permet d'exprimer sur la période 1901-2021 le pouvoir d'achat d'une somme en euros ou en francs d'une année donnée en une somme équivalente en euros ou en francs d'une autre année, corrigée de l'inflation observée entre les deux périodes.
Il s'est écoulé 2 668 jours entre le 19 mars 2015 et le 7 juillet 2022. La perte sur cette période s'élève à 95 131,37 € (13 014,60 €/365 x 2668 jours), soit une somme actualisée de 101 267,34 €.
La perte à échoir correspond à la perte annuelle réactualisée, soit 13 864,69 € multipliée par l'euro de rente temporaire jusqu'à 25 ans d'un enfant âgé de 19 ans au jour de la liquidation, à savoir 5,988, soit une somme totale de 83 021,76 €.
La perte économique totale subie par M. [B] s'élève ainsi à 184 289,10 €.
En tenant compte de la limitation du droit à réparation à raison de la faute commise par la victime, l'indemnité due s'élève à ce titre à 175 074,64 € qui sera ramenée à 117 233, 06 € afin de ne pas méconnaître l'objet du litige.
Sur cette somme s'impute la rente après décès versée par la CPAM. Celle-ci revendique à ce titre une somme totale de 524 959,75 € au titre d'arrérages échus et du capital représentatif de la rente au 16 mars 2020. Le capital a été calculé en multipliait l'arrérage annuel par un euro de rente de 41,085.
Or, en application des articles R 434-10 et R 434-15 du code de la sécurité sociale, le versement de la rente après décès cesse lorsque l'enfant atteint l'âge de 20 ans. En l'espèce, [V] [B] aura 20 ans le 20 septembre 2022 et la rente cessera à cette date.
En conséquence, la créance de la CPAM correspond aux arrérages échus 15 mars 2020, soit 56 166,34 € auxquels seront ajoutés les arrérages échus depuis cette date, soit sur 845 jours, une somme de 26 415,69 € (rente annuelle de 11 410,33 €/365 x 845 jours) et, sans qu'il soit nécessaire de procéder à une capitalisation pour l'avenir compte tenu de la proximité de la date à laquelle le versement prendra fin, la somme de 2 344,58 € (11 410,33 €/365 x 75 jours).
La créance de la CPAM s'élève donc au total, concernant M. [B], à la somme de 84 926,61 € (56 166,34 € + 26 415,69 € + 2 344,58 €).
Lorsque la victime n'a droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice, il convient de déterminer le préjudice global subi par la victime, indépendamment des prestations qu'elle a pu percevoir des organismes sociaux, puis de fixer le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable, cette somme devant revenir à la victime au titre de son droit de priorité si l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs est inférieure au montant du préjudice global subi par la victime.
En l'espèce, l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable (117 233,06 €) et des prestations servies à la victimes par le tiers payeur (84 926,61 €) représente 262 159,67 €, soit une somme supérieure au montant du préjudice global au titre de ce poste (184 289,10 €).
Dans ces conditions, l'indemnité revenant à M. [B] au titre de son préjudice économique s'élève à 32 306,45 € après imputation de la rente après décès qui lui est servie et qui s'impute sur le poste qu'elle a vocation à réparer à hauteur de 84 926,61 €.
Récapitulatif des préjudices de M. [B] :
Postes de préjudice
Préjudice
indemnisable
Part victime
Part tiers payeur
Préjudice économique
117 233,06 €
32 306,45 €
84 926,61 €
Préjudice d'affection
28 500 €
28 500 €
0
Total
145 733,06 €
60 806,45 €
84 326,61 €
Le préjudice corporel indemnisable de M. [B] s'établit ainsi à la somme de 145 733,06 € soit, après imputation des débours de la CPAM (84 326,61 €), une somme de 60 806,45 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
La créance de l'organisme social, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une somme d'argent. La somme allouée et échue au jour du présent arrêt produira intérêts au taux légal à compter de la première demande, en l'espèce, les premières conclusions dans lesquelles la caisse sollicite un paiement, soit celles notifiées par le RPVA le 15 novembre 2011.
Par ailleurs, le recours étant subrogatoire, suppose le paiement préalable par le tiers payeur à la victime subrogeante pour opérer le transfert de la dette, de sorte que les frais futurs seront payés par le responsable au tiers payeur après paiement effectif des prestations à la victime.
B/ sur les dommages de Mme [B]
Mme [B] était l'épouse de la victime décédée. Elle sollicite une somme de 30 000 € au titre de son préjudice moral, une somme de 1 177 786,36 € avant recours au titre de son préjudice économique et une somme de 2 656,82 € au titre des frais d'obsèques.
- Préjudice d'affection
Ce poste correspond au préjudice moral dû à la souffrance causée par le décès d'un proche, sans conséquences pathologiques.
Mme [B] et son époux vivaient ensemble au moment où le décès est survenu.
En considération de ces éléments, il lui sera alloué au titre de son préjudice d'affection la somme de 30 000 €.
Après réduction de l'indemnité afin de tenir compte de la faute commise par la victime, c'est donc une somme de 28 500 € qui revient à l'intéressée.
- Préjudice économique
En cas de décès de la victime directe, le préjudice patrimonial subi par l'ensemble de la famille proche du défunt doit être évalué en prenant en compte comme élément de référence le revenu annuel du foyer avant le dommage ayant entraîné le décès de la victime directe en tenant compte de la part de consommation personnelle de celle-ci, et du salaire que continue à percevoir le conjoint survivant.
Ce préjudice économique implique soit une communauté de vie économique avec le défunt, soit l'octroi par celui-ci d'une aide financière régulière.
En l'espèce, tel était le cas puisque Mme [B] vivait avec son époux qui percevait un revenu en sa qualité de directeur technique de la société Naval maintenance.
La perte annuelle patrimoniale du concubin survivant et de l'enfant mineur s'élève à 43 382 €, partagée dans une proportion de 70 % pour la mère (30 367,40 €) et de 30 % pour l'enfant (13 014,60 €).
La perte sera calculée en distinguant perte échue et perte à échoir.
La table de capitalisation appliquée sera celle de la gazette du 15 septembre 2020, taux d'intérêt 0%, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles, et dont M. [B] demande l'application.
Par ailleurs, il convient de procéder, dès lors qu'elle est demandée et que la réparation du préjudice doit être intégrale, à l'actualisation de la perte annuelle selon l'indice Insee. En l'espèce, l'actualisation sera calculée en utilisant le convertisseur franc-euro de l'INSEE qui mesure l'érosion monétaire due à l'inflation et permet d'exprimer sur la période 1901-2021 le pouvoir d'achat d'une somme en euros ou en francs d'une année donnée en une somme équivalente en euros ou en francs d'une autre année, corrigée de l'inflation observée entre les deux périodes.
Il s'est écoulé 2 668 jours entre le 19 mars 2015 et le 7 juillet 2022. La perte s'élève à 221 973,21 € (30 367,40 €/365 x 2668 jours) soit une somme actualisée de 236 940,48 €.
La perte à échoir correspond à la perte annuelle réactualisée, soit 32 326,10 € multipliée par l'euro de rente du conjoint ayant l'espérance de vie la plus faible (en l'espèce M. [B], né en 1973 et qui serait âgé aujourd'hui de 49 ans), viager afin de tenir compte de la durée importante du préjudice, soit 31,781.
La perte à échoir s'élève donc à 1 273 355, 78 €.
La perte économique totale subie par Mme [B] s'élève ainsi à 1 264 296,64 €.
En tenant compte de la limitation du droit à réparation résultant de la faute commise par la victime, l'indemnité due s'élève à ce titre à 1 201 081,80 euros, ramenée à 1 177 786,36 € afin de demeurer dans les limites de la demande.
Sur cette somme s'impute la rente après décès versée par la CPAM. Celle-ci revendique à ce titre une somme totale de 644 210,09 € au titre d'arrérages échus au 16 mars 2020 (86 254,02 €) et du capital représentatif de la rente à cette date (557 956,07 €).
Lorsque la victime n'a droit qu'à l'indemnisation partielle de son préjudice, il convient de déterminer le préjudice global subi par la victime, indépendamment des prestations qu'elle a pu percevoir des organismes sociaux, puis de fixer le montant de l'indemnité mise à la charge du responsable, cette somme devant revenir à la victime au titre de son droit de priorité si l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable et des prestations servies à la victime par les tiers payeurs est inférieure au montant du préjudice global subi par la victime.
En l'espèce, l'addition de l'indemnité mise à la charge du responsable (1 177 786,36 €) et des prestations servies à la victime par le tiers payeur (644 210,09 €) représente 1 821 996,45 €, soit une somme supérieure au montant du préjudice global au titre de ce poste (1 264 296,64 €).
Dans ces conditions, l'indemnité revenant à Mme [B] au titre de son préjudice économique s'élève à 533 576,27 € après imputation de la rente après décès qui lui est servie et qui s'impute sur le poste qu'elle a vocation à réparer à hauteur de 644 210,09 €.
- Frais d'obsèques
Mme [B] justifie avoir exposé à ce titre une somme de 2 656,82 € (facture du 27 mars 2015 du service des pompes funèbres de la mairie de [Localité 19]). Les intimés ne démontrent par aucune pièce probante qu'une partie de ces frais a été prise en charge par le tiers payeur qui n'en fait pas état au titre de ses débours.
En tenant compte de la limitation du droit à réparation à raison de la faute commise par la victime, l'indemnité due s'élève à 2 523,97 €.
Récapitulatif des préjudices de Mme [B] :
Postes de préjudice
Préjudice indemnisable
Part victime
Part tiers payeur
Préjudice économique
1 177 786,36 €
533 576,27 €
644 210,09 €
Frais d'obsèques
2 523,97 €
2 523,97 €
0
Préjudice d'affection
28 500 €
28 500 €
0
Total
1 208 810,33 €
564 600,24 €
644 210,09 €
Le préjudice corporel indemnisable de Mme [B] s'établit ainsi à la somme de 1 208 810,33 € soit, après imputation des débours de la CPAM (644 210,09 €), une somme de 564 600,24 € lui revenant qui, en application de l'article 1231-7 du code civil, porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt.
La créance de l'organisme social, dont le recouvrement est poursuivi par subrogation dans le droit d'action de la victime, n'est pas indemnitaire et se borne au paiement d'une somme d'argent. La somme allouée et échue au jour du présent arrêt produira intérêts au taux légal à compter de la première demande, en l'espèce, les premières conclusions dans lesquelles la caisse sollicite un paiement, soit celles notifiées par le RPVA le 15 novembre 2011.
Par ailleurs, le recours étant subrogatoire, suppose le paiement préalable par le tiers payeur à la victime subrogeante pour opérer le transfert de la dette, de sorte que les frais futurs seront payés par le responsable au tiers payeur après paiement effectif des prestations à la victime.
Sur les préjudices de la société [K] et des époux [K]
En matière contractuelle, le débiteur défaillant est tenu de réparer les dommages directs, constitués par la suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention ainsi que par tous ceux qui sont prévisibles, notamment les gains manqués et la perte subie.
La société [K], via son liquidateur, sollicite la somme de 364 648, 82 € (333 059 +31 589,82 ) à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 août 2018, avec capitalisation pour ceux échus depuis plus d'un an en application de l'article 1343-2 du code civil.
Elle détaille ainsi ses préjudices :
- pertes d'exploitation pendant l'immobilisation du pousseur (8 mois et demi) : 333 059 € (après déduction des 19 500 € que lui a versés son assureur) ;
- difficultés de trésorerie : 31 589,82 €.
La société [K] justifie avoir été en partie indemnisée par son assureur et défalque de ses calculs la réparation obtenue à ce titre.
S'agissant des pertes d'exploitation, il n'est pas contesté que le vérin a été immobilisé durant près de huit mois et demi.
Cette immobilisation est bien la conséquence de la faute commise au préjudice de la société [K] puisque celle-ci est à l'origine de l'accident mortel dont la survenance a provoqué l'ouverture d'une enquête pénale, dans le cadre de laquelle une expertise a été diligentée. Les opérations d'expertise ont été clôturées fin octobre 2015, de sorte que l'expert désigné par le tribunal de commerce a pris le relai le 6 novembre 2015, jour de levée des scellés.
Pendant toute cette période, compte tenu de la gravité de l'accident, de l'existence d'une enquête pénale mais également des enjeux financiers de l'accident, la société [K] ne pouvait solliciter la restitution du pousseur, étant par ailleurs observé que l'immobilisation s'est poursuivie pendant la durée des réparations nécessaires à sa remise en état soit jusqu'au 4 décembre 2015.
Le délai global de huit mois et demi ne peut être considéré comme exorbitant ni même excessif compte tenu de la gravité de l'accident et des nombreuses contestations élevées par les parties au litige. Aucune carence ne peut être reprochée à la société [K] en ce qui concerne la durée d'immobilisation du pousseur fluvial.
Il ne peut davantage être soutenu que la perte d'exploitation subie pendant cette période est exclusivement dûe aux décisions de l'autorité judiciaire et que la société [K] ne serait fondée à en réclamer la réparation qu'à l'agent judiciaire de l'Etat.
En effet, l'Etat n'est responsable en pareille hypothèse qu'en cas de faute lourde ou de déni de justice. Par ailleurs, l'immobilisation du pousseur pendant toute la durée de l'enquête ainsi que des investigations pénales et civiles procède directement des manquements fautifs retenus puisque si les tiges avaient été dûment remplacées, l'accident Ne se serait pas produit.
Dans ces conditions, la société Naval maintenance doit réparation des pertes d'exploitation subies par la société [K] durant toute cette période et pas seulement pendant la période retenue par l'expert M. [T].
Les pertes d'exploitation ont été chiffrées par une expertise diligentée par l'assureur de la société [K], la société MMA, à 352 559 €.
Il résulte de cette expertise que, si elle n'a pas été réalisée au contradictoire des parties, n'en a pas moins été soumise à la discussion engagée par celles-ci devant la cour, que la société [K] a connu une baisse sensible de chiffre d'affaires entre le 1er avril 2015 ET le 31 mars 2016.
La perte indemnisable correspond aux bénéfices d'exploitation auxquels sont ajoutées les charges fixes ou de structure qui correspondent aux charges exposées inutilement par la victime, à savoir les sommes d'argent qui ne varient pas en fonction du volume de l'activité et qui sont dépensées en vain, la victime n'ayant pu en raison de son arrêt de travail, percevoir de revenus.
En l'espèce, l'expert a calculé à partir du compte de résultat de la société [K], la perte de marge, puis analysé les charges fixes afin de déterminer si, du fait de la réduction d'activité, certaines avaient pu être économisées.
Le chiffre d'affaire réalisé pour chaque pousseur au cours de l'exercice clos le 31 mars 2015 s'élève à 62 296 € hors taxes.
Sur la période d'immobilisation, soit huit mois et demi, la perte de chiffre d'affaire s'élève donc à 529 516 € hors taxes.
Le taux de marge moyen réalisé par la société lors de l'exercice clos au 31 mars 2015 s'élève pour chaque pousseur à 72,9 %.
Dans ces conditions, la perte de marge s'élève à 386 017 € (519 516 € x 72,9 %).
L'analyse des comptes de charges de la société fait ressortir qu'en dehors des économies de personnelle, aucune autre économie n'a été réalisée durant la période d'immobilisation du navire.
Après déduction du coût salarial de M. [F] qui a quitté la société le 4 juillet 2014, et du coût salarial de M. [J] qui a dû être licencié pour motif économique, l'économie de salaire s'élève à 35 308 €.
En revanche, l'indemnité de licenciement versé à M. [J] soit 1 860,60 €, doit être intégrée au préjudice dès lors qu'elle est en lien avec l'immobilisation du pousseur.
Au total, selon l'analyse comptable de l'expert privé désigné par l'assureur de la société [K], le total du préjudice s'élève à 352 559 € (386017 € - 35 308 € + 1 850 €).
Les chiffres ayant servi de référence aux calculs opérés par cet expert se retrouvent à la lecture du compte de résultat produit par la société [K] et des bilans détaillés produits par ses soins concernant les exercices 2012/2013, 2013/2014, 2014/2015 et 2015/2016.
Dans ces conditions, au regard de cette expertise privée, confortée par le compte de résultat de la société [K], contre laquelle la société Naval maintenance n'articule aucune critique pertinente, la cour est en mesure de chiffrer la perte subie par la société [K] durant les huit mois et demi d'immobilisation du pousseur à 352 559 €.
Après déduction des 19 500 € correspondant à l'indemnité pour perte d'exploitation plafonnée de 650 €/jour avec un plafond à 30 jours d'immobilisation servie par son assureur, la perte s'élève à 333 059 €.
Cependant, le pousseur avait été confié pour réfection et si la société [K] avait opté pour le remplacement des tiges du vérin, il résulte du devis établi par la société Hydrotech Provence, répercuté au client par la société Naval maintenance qu'en tout état de cause, le pousseur aurait été immobilisé sept semaines au total.
Dans ces conditions, la perte de marge afférente à ces sept semaines n'est pas en lien de causalité avec l'accident et doit être déduite du préjudice indemnisable.
La somme de 352 559 € correspond à 34 semaines, de sorte que sur les vingt sept semaines au cours desquelles l'immobilisation est due aux conséquences de l'accident, la perte s'élève à 260 473,33 € (352 559 € - 72 585,67 €).
La société Naval maintenance sera donc condamnée à payer cette somme à la société [K].
S'agissant des frais bancaires, la société [K] produit un courrier du Crédit du nord chiffrant les intérêts payés entre le 5 octobre 2015 et le 4 juillet 2018 à 31 589,82 €.
Cependant, le pousseur a été restitué après réparation le 4 décembre 2015, de sorte qu'à compter de cette date, la société [K] pouvait en reprendre l'exploitation. Dans ces conditions, en l'absence de plus amples précisions sur les difficultés de trésorerie rencontrées par la société [K] et la nature des intérêts réglés à son établissement bancaire, seuls les intérêts réglés au 5 octobre 2015 (7 650,01 €) et ceux réglés au 6 janvier 2016 (2 628,34 €) doivent être considérés comme la conséquence des difficultés de trésorerie engendrés par l'immobilisation du pousseur.
Le préjudice de ce chef s'élève ainsi à la somme de 10 278,35 €.
Les époux [K] sollicitent, via leur liquidateur, la somme de 99 370 € (57 400 + 41 970) à titre de dommages et intérêts, augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 août 2018, avec capitalisation pour ceux échus depuis plus d'un an en application de l'article 1343-2 du code civil.
Ils détaillent leurs préjudices ainsi :
- perte de loyers : 57 400 €
- difficultés de trésorerie : 41 970 €.
S'agissant de la perte de loyers par les époux [K], le contrat de bail conclu entre eux et la société [K] stipule un maintien du loyer en cas d'immobilisation du pousseur. Il leur appartenait donc de solliciter le paiement de ces loyers par la société [K] et ils ne peuvent se prévaloir d'une inexécution par celle-ci de ses obligations contractuelles pour solliciter la compensation des loyers non reçus auprès de la société Naval maintenance au titre d'un préjudice en lien de causalité avec la faute reprochée à la société Naval maintenance.
En réalité, la perte subie par les époux [K] ne procède pas de l'immobilisation du pousseur puisque le contrat de bail leur permettait d'exiger le paiement des loyers, à charge pour la société [K] de répercuter cette dépense sur son propre préjudice.
M. et Mme [K] doivent en conséquence être déboutés de leurs demandes à ce titre. Ils ne seront également de celle afférente aux intérêts de retard réclamés par leur établissement bancaire, puisqu'en l'absence de difficultés de trésorerie en relation causale avec la faute commise par la société Naval maintenance, les agios allégués ne peuvent pas non plus être imputés à cette faute.
Il n'existe aucun motif légitime pour fixer à une date antérieure à celle de la demande en justice le point de départ des intérêts moratoires. La condamnation au profit de la société [K], représentée par son liquidateur portera donc intérêts au taux légal à compter du 9 août 2018, date à laquelle elle a fait délivrer assignation devant le tribunal de commerce afin d'obtenir réparation de ses préjudices.
En revanche, les intérêts dus pour au moins une année entière porteront eux même intérêt dans les conditions fixées par l'article 1154 ancien du code civil, devenu 1343-2 du même code.
Sur les demandes de la société Naval maintenance à l'égard de la société Hydrotech et de son assureur la société MMA assurance IARD
Recherchant la responsabilité contractuelle de la société Hydrotech Provence, la société Naval maintenance sollicite des dommages-intérêts à raison de 25 874,40 € au titre des frais d'expertise, 14 805,76 € au titre des frais exposés en cours de procédure et 20 000 € au titre d'un préjudice moral.
Elle demande en conséquence à la cour d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation de la société Hydrotech Provence de ces créances et de condamner son assureur la société MMA assurances IARD à lui payer ces sommes.
La société Naval maintenance, chargée par sa cliente la société [K], d'assurer la maintenance du vérin de la timonerie du pousseur, a choisi, après dépose du vérin litigieux, de sous traiter une partie de l'opération, correspondant à la partie diagnostic, propositions et réparations, à une société plus spécialisée qu'elle, la société Hydrotech Provence.
Ce faisant, elle était en droit d'attendre de sa co-contractante, des conseils avisés en ce qui concerne les réparations à entreprendre.
C'est la société Hydrotech Provence qui est à l'initiative des deux options formulées dans le devis qui a ensuite été répercuté et soumis à l'appréciation et l'approbation de la société [K].
Les développements qui précèdent, relatives au contrat d'entreprise entre la société [K] et la société Naval maintenance sont transposables aux rapports contractuels entre la société Naval maintenance et la société Hydrotech.
Ainsi, les interventions techniques réalisés sur un vérin, pièce maitresse de la timonerie, dont l'état est déterminant d'un fonctionnement sécure, impliquent un travail consciencieux à la mesure des enjeux de l'intervention.
La société Hydrotech Provence a été choisie pour sa particulière compétence en matière de vérins hydrauliques. Elle était donc débitrice à l'égard de la société Naval maintenance son co-contractant, d'une obligation de conseil.
C'est elle qui, après dépose du vérin par la société Naval maintenance, l'a démonté et a proposé les deux solutions, dont une n'était ni garantie dans son efficacité, ni sécure.
Or, elle ne pouvait se contenter de formuler deux propositions, en les présentant comme toutes deux envisageables. Il lui appartenait de proposer une intervention efficace mais également dénuée de risques, ce qui en l'espèce aurait dû la conduire à préconiser comme unique solution un remplacement des tiges.
Son intervention technique n'a donc pas été efficace, mais bien plus, elle n'a manifestement pas conseillé la société Naval maintenance sur l'impérieuse nécessité de remplacement les tiges.
La société Hydrotech Provence a donc manqué à ses obligations contractuelles à l'égard de la société Naval maintenance.
Cependant, parmi les dommages-intérêts réclamés à ce titre par la société Naval maintenance, les frais d'expertise et les frais de défense ne constituent pas un préjudice réparable. Les premiers font partie des dépens s'agissant d'une expertise judiciaire ordonnée dans le cadre d'une procédure de référé qui préparé l'instance au fond. Les seconds correspondent à des frais, non compris dans les dépens, exposés afin d'assurer la défense par la société de ses intérêts dans le cadre du procès, de sorte qu'ils consacrent des frais irrépétibles dont toute partie peut solliciter la prise en charge totale ou partielle en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a donc pas lieu à condamnation à dommages-intérêts à ce titre.
S'agissant du préjudice moral allégué, si une personne morale est admise à se prévaloir d'un préjudice purement moral, c'est à la condition qu'elle rapporte la preuve que la faute dont elle a été victime a entrainé une désorganisation interne (atteinte morale, baisse de motivation de ses salariés) ou une dégradation de sa réputation et de sa crédibilité auprès de sa clientèle.
En l'espèce, la seule et unique pièce produite par la société Naval maintenance afin d'étayer son préjudice est un article paru sur le site internet des sapeurs pompiers, comprenant des photos de leur intervention sur le port fluvial d'[Localité 16] et un texte expliquant le détail de leur intervention. Cette publication ne contient cependant aucun nom ni élément permettant d'identifier les sociétés concernées par le sinistre. Il ne contient pas davantage le moindre élément susceptible d'entamer la crédibilité ou la réputation de la société Naval maintenance.
Ce document, bien que publié sur un site internet accessible à tous, ne suffit donc pas pour rapporter la preuve d'une perte de notoriété ou de crédibilité auprès de la clientèle de la société Naval maintenance. Celle-ci ne produisant aucun autre élément de preuve d'une atteinte à son image ou d'une désorganisation interne due à une publicité défavorable en lien avec l'accident ayant coûté la vie à M. [B], doit être déboutée de sa demande de dommages-intérêts au titre d'un préjudice moral.
Sur les demandes annexes
Aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affiliée la victime recouvre une indemnité forfaitaire de gestion, d'un montant en l'espèce de 1114 € à la charge du responsable au profit de l'organisme national d'assurance maladie, indemnité qui diffère tant par ses finalités, que par ses modalités d'application, des frais irrépétibles exposés non compris dans les dépens de l'instance.
Les sociétés Naval maintenance, Axa France IARD, Hydrotech Provence et MMA, qui succombent dans leurs prétentions et qui sont tenues à indemnisation, supporteront la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, étant rappelé que la procédure de référé ayant préparé l'instance au fond, les frais de l'expertise judiciaire ordonnée par le président du tribunal de commerce sont compris dans les dépens de cette dernière.
La partie qui doit supporter l'intégralité des dépens ne peut demander d'indemnité pour frais irrépétibles.
L'équité justifie en revanche d'allouer à M. et Mme [B] une indemnité de 5 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour. Cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence et la société MMA IARD sera condamnée à verser la somme de 5 000 € à M. et Mme [B] ensemble.
S'agissant de la société [K], l'équité justifie également de lui allouer une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour, qui seront chiffrés à 5 000 €. La société Naval maintenance, condamnée à réparer ses préjudices, sera condamnée à verser cette somme au liquidateur de la société [K].
En revanche, il n'y a pas lieu à condamnation à ce titre au profit de M. et Mme [K] qui succombent.
L'équité commande également d'allouer à la CPAM une indemnité de 800 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et devant la cour.
Sur les recours en garantie
La société Hydrotech Provence, reconnue responsable des dommages causés à M et Mme [B] et son assureur la société MMA assurances IARD demandent à la cour, subsidiairement, dans l'hypothèse où elle retiendrait une faute à son encontre, de confirmer le jugement en ce qu'il a limité sa responsabilité à 50 % et retenu à la charge de la société Naval maintenance une part de responsabilité quantifiée à 20 %. Pour autant, elles ne sollicitent pas expressément dans le dispositif de leurs conclusions, même à titre subsidiaire, la condamnation des autres sociétés en cause à les relever et garantir, même partiellement, des condamnations prononcées contre elle.
En tout état de cause, en vertu des art. L. 451-1 et L. 452-5, sauf si la faute de l'employeur est intentionnelle, le tiers étranger à l'entreprise condamné à réparer l'entier dommage de la victime d'un accident du travail n'a de recours ni contre l'employeur ou ses préposés, ni contre leur assureur. Le tiers étranger à l'entreprise, tenu d'indemniser l'entier préjudice de la victime d'un accident du travail ou des victimes par ricochet, ne peut en effet avoir plus de droits que la victime vis-à-vis de son employeur et ne peut donc reporter sur lui la charge de l'indemnité.
De son côté, la société Naval maintenance demande à la cour de condamner la société Hydrotech Provence et son liquidateur la société étude Balincourt, ainsi que son assureur la société MMA IARD à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre.
Il résulte des développements qui précèdent que la société Naval maintenance, chargée par sa cliente la société [K] d'assurer la maintenance du vérin de la timonerie du pousseur, a choisi, après dépose du vérin litigieux, de sous traiter une partie de l'opération, correspondant à la partie diagnostic, propositions et réparations, à une société plus spécialisée qu'elle, la société Hydrotech Provence. Ce faisant, elle était en droit d'attendre de sa co-contractante, des conseils avisés en ce qui concerne les réparations à entreprendre.
Il est acquis que c'est la société Hydrotech Provence qui a proposé les deux options, dont celle qui a conduit à l'accident et ses conséquences. Les deux solutions proposées ont été présentées comme toutes deux envisageables.
La prestation technique réalisée n'a pas permis au vérin de fonctionner normalement puisque, sitôt remonté sur la cabine du pousseur, un dysfonctionnement s'est produit, dont l'origine, selon l'expert mandaté par le tribunal de commerce, réside exclusivement dans la qualité de la prestation de réparation.
Or, c'est la société Hydrotech Provence qui, après dépose du vérin par la société Naval maintenance, l'a démonté. Ce faisant, elle a pu analyser l'état d'usure des tiges du vérin et aurait dû en tirer les conséquences.
De son côté, la société Naval maintenance savait que les tiges étaient usées et devaient être remplacées ainsi qu'en témoignent les premières lignes du courrier électronique qu'elle a adressé à la société [K]. Par ailleurs, elle avait la charge des essais du vérin une fois l'intervention de la société Hydrotech Provence achevée.
Cette phase de test, à la charge de la société Naval maintenance, imposait une particulière vigilance de sa part en matière de sécurité compte tenu de l'exiguïté de l'endroit d'intervention et du fait que la réparation était annoncée comme non garantie.
Même si elle a souhaité s'attacher les services d'un spécialiste du vérin hydraulique, elle n'était pas totalement ignorante de l'importance du bon état des tiges du vérin et aurait elle même dû faire preuve d'esprit critique au sujet de l'option proposée par son sous traitant. Les termes du courrier électronique adressé à sa cliente, qui ont été retranscrits plus haut, ne laissent aucun doute sur la conscience qu'elle avait de la nécessité de remplacer les tiges. Elle aurait donc dû être plus précise en transmettant le devis établi par la société Hydrotech Provence.
Au regard de ces éléments, si les manquements fautifs de la société Hydrotech Provence justifient que celle-ci et son assureur la relèvent et garantissent des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société [K], ses propres fautes commandent de limiter la condamnation dans une proportion que la cour, après analyse des manquements fautifs des deux sociétés, estime devoir fixer à 70 %.
Une créance de 295 251,67 € [(279 973,32 € + 10 278,35 € + 5 000 €) x 70 %) sera donc inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence, représentée par son liquidateur, au profit de la société Naval maintenance.
Les sociétés MMA seront condamnées à relever et garantir la société Naval maintenance et la société Axa France IARD à hauteur de 70 % de la totalité des condamnations prononcées contre elles.
Aucune considération d'équité ne justifie, dans les rapports entre la société Naval maintenance et la société Hydrotech Provence, de prononcer au profit de l'une ou l'autre une quelconque condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ou devant la cour.
Sur le plafond de garantie opposé par la société Axa France IARD
Le contrat d'assurance conclu entre la société Naval maintenance et la société Axa France IARD avec effet au 1er avril 2010 stipule un plafond de garantie à hauteur d'un million d'euros, ainsi qu'une franchise 10 % (minimum 762 € et maximum 3 811 €).
Les condamnations en principal pesant sur la société Naval maintenance n'atteignent pas le plafond de garantie.
S'agissant de l'opposabilité de la franchise contractuelle prévue au contrat d'assurance, en vertu de l'annexe 1 de l'article A. 243-1 du code des assurances, seule la franchise applicable à l'assuré en matière de garanties obligatoires n'est pas opposable au tiers lésé. Le dommage de la société [K] constituant un dommage immatériel, la franchise contractuelle prévue au contrat souscrit par la société Naval maintenance auprès de la société Axa France IARD est opposable à la société [K].
La société Axa est en droit de retenir sur les dommages-intérêts alloués le montant de la franchise contractuelle dans la limite de 3 811 €.
Par ces motifs
La Cour,
Dispositif
Annule le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Tarascon le 15 avril 2021 ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que M. [B] a commis une faute limitant son droit à indemnisation de 5 % ;
Déclare la société Hydrotech Provence, représentée par son liquidateur la société Etudes Balincourt, responsable à hauteur de 95 % des dommages causés à Mme [S] [B] et M. [V] [B] lors de l'accident du 19 mars 2015 dans lequel M. [B] est décédé ;
Inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence, représentée par son liquidateur, les créances suivantes :
- au profit de M. [V] [B] la somme de 60 806,45 € en réparation de son préjudice corporel,
- au profit de Mme [S] [B] la somme de 564 600,24 € en réparation de son préjudice corporel,
- au profit de M. [V] [B] et Mme [S] [B] ensemble la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel,
- au profit de la CPAM des Bouches du Rhône les sommes de 728 536,70 € au titre de ses débours, 1 114 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 800 € au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [V] [B] les sommes suivantes :
- 28 500 € en réparation de son préjudice d'affection,
- 32 306,45 € en réparation de son préjudice économique, le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assura ces mutuelles à payer à Mme [S] [B] les sommes suivantes :
- 28 500 € en réparation de son préjudice d'affection,
- 533 576,27 € en réparation de son préjudice économique,
- 2 523,97 € au titre des frais d'obsèques, le tout sauf à déduire les provisions versées et avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à M. [V] [B] et Mme [S] [B] ensemble une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à payer à la CPAM des Bouches du Rhône les sommes de :
- 644 210,09 € au titre des débours exposés dans les intérêts de Mme [S] [B], qui seront payés au tiers payeur après paiement effectif des prestations à la victime,
- 84 326,61 € au titre des débours exposés dans les intérêts de M. [V] [B], qui seront payés au tiers payeur après paiement effectif des prestations à la victime, le tout avec, s'agissant des sommes échues au jour du présent arrêt, intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2021 ;
- 1114 € au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;
Déclare la société Naval maintenance responsable des préjudices causés à la société [K] lors de l'accident du 19 mars 2015 ;
Condamne la société Naval maintenance et la société Axa France IARD in solidum à payer à la société [K], représentée par son liquidateur la société Alpha mandataires judiciaires, les sommes de :
- 260 473,33 € au titre de ses pertes d'exploitation ;
- 10 278,35 € au titre des frais bancaires ;
le tout avec intérêts au taux légal à compter du 9 août 2018 et anatocisme des intérêts dûs pour au moins une année entière dans les conditions prévues par les article 1154 ancien et 1343-2 nouveau du code civil ;
- 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en appel ;
Déboute M. et Mme [K] de leurs demandes de dommages-intérêts ;
Déboute la société Naval maintenance de sa demande de dommages-intérêts ;
Condamne les sociétés MMA IARD et Mme IARD assurances mutuelles, la société Naval maintenance et la société Axa France IARD aux dépens de première instance et d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure ;
Déboute la société Hydrotech Provence, représentée par son liquidateur la société Etudes Balincourt, la société MMA IARD, la société MMA IARD assurances mutuelles, et la société Axa France IARD de leur demande au titre de leurs propres frais irrépétibles exposés en première instance et en appel ;
Condamne les sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles à relever et garantir la société Naval maintenance et la société Axa France IARD de l'ensemble des condamnations prononcées à leur encontre à hauteur de 70 % ;
Inscrit au passif de la liquidation judiciaire de la société Hydrotech Provence, représentée par son liquidateur, une créance d'un montant de 70 % de l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre de la Naval maintenance et de la société Axa France IARD ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en appel dans les rapports entre la société Naval maintenance et son assureur d'une part, la société Hydrotech Provence représentée par son liquidateur et ses assureurs d'autre part ;
Dit qu'au titre de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre au profit de la société [K], représentée par son liquidateur, la société Axa est en droit d'opposer, si nécessaire, un plafond de garantie à hauteur de 1 000 000 € et de retenir en tout état de cause le montant de la franchise contractuelle dans la limite de 3 811 €.