Cass. 3e civ., 25 avril 2007, n° 05-17.838
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Cachelot
Rapporteur :
M. Paloque
Avocat général :
M. Guérin
Avocats :
Me Odent, SCP Boutet
Donne acte à la SMABTP du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Gerling Konzern Belgique, Ace insurance, Fortis corporate insurance, Axa corporate solutions assurances, Axa Belgium, Zurich international Belgique, Zurich international France ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 23 mai 2005), que la société coopérative Les Fruitières du Lomont a fait construire une fromagerie par la société Sodimav, assurée auprès de la société Axa France ; qu'ont été posés des panneaux isolants, fabriqués par la société Plasteurop, aux droits de laquelle se trouve la société SFIP, depuis lors en liquidation judiciaire avec M. X... comme liquidateur, la société Plasteurop étant assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP) ; qu'après la réception de l'ouvrage, des panneaux ayant présenté des défectuosités, la société Axa France a dédommagé la société maître de l'ouvrage puis, avec cette dernière, a assigné la société SFIP laquelle a appelé en garantie ses divers assureurs, dont la SMABTP, assureur garantissant la responsabilité décennale des fabricants ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de la coopérative Les Fruitières du Lomont, de condamner la SMABTP à payer à la société Axa France IARD différentes sommes et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que les panneaux à l'origine des désordres constituaient des EPERS, alors selon le moyen :
1°/ que la présomption de responsabilité instituée par l'article 1792-4 du code civil à la charge du fabricant, partie intégrante d'un mécanisme de coresponsabilité solidaire, repose sur la preuve que le locateur d'ouvrage, pris lui-même comme défendeur tenu de répondre de son fait, a engagé sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage en vertu de l'article 1792, 1792-2 ou 1792-3, sans avoir modifié l'élément préfabriqué ni enfreint les règles du fabricant ; qu'en décidant dès lors que la société Axa France, assureur du locateur d'ouvrage (non présent à l'instance) était recevable à agir contre le fabricant (la société SFIP) et son assureur (la SMABTP) sur le fondement de ces dispositions, aux seuls motifs que ledit locateur avait intérêt à s'acquitter des conséquences de sa responsabilité, même si celle-ci n'avait pas été constatée en justice, et que la société Axa France était subrogée dans les droits du maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé l'article 1792-4 du code civil, par fausse application ;
2°/ que la responsabilité solidaire du fabricant, qui n'est pas une conséquence nécessaire de la seule qualité de fabricant, naît légalement du constat conjoint de la responsabilité du locateur d'ouvrage, de son absence de modification du produit fabriqué et de son respect des règles dictées par le fabricant ; que pour accueillir le recours subrogatoire de la société Axa France contre la société SFIP, prise comme responsable solidaire au sens de l'article 1792-4 du code civil, la cour d'appel s'est bornée à constater que le maître d'ouvrage avait été désintéressé par Axa France, assureur de la société Sodimav, cette dernière ayant reconnu alors sa responsabilité ; qu'en se déterminant ainsi, sans qu'aucun jugement soit intervenu pour justifier l'existence de la responsabilité solidaire de la SFIP, par le constat de la responsabilité de la Sodimav et de son usage conforme du produit fabriqué, la cour d'appel, qui a détourné la loi de son objectif pour en faire un instrument autonome de subrogation, a violé l'article 1792-4 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la réalité des désordres n'était pas discutée, que la société Sodimav avait reconnu sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage et que son assureur, la société Axa France avait dédommagé ce dernier ; la cour d'appel a pu en déduire que la société Axa France, subrogée dans les droits et actions du maître de l'ouvrage, pouvait rechercher la responsabilité de la société SFIP, peu important que l'obligation de la société Sodimav n'ait pas été constatée judiciairement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la SMABTP fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à la société Axa France en retenant que les panneaux à l'origine des désordres constituaient des EPERS, alors selon le moyen :
1°/ que pour relever de la garantie de l'article 1792-4 du code civil, un produit fabriqué doit être un ouvrage, une partie d'ouvrage ou un élément d'équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance ; qu'un tel produit, soumis à des contraintes spéciales de fabrication destinées à permettre son intégration dans un ouvrage donné, doit donc avoir reçu une spécificité qui le distingue des autres produits du même genre ayant la même finalité intrinsèque ; qu'en l'espèce, le produit litigieux, constitué d'un panneau extérieur en tôle ou en polyester, d'une âme en mousse de polyuréthane et d'un parement intérieur en tôle ou en polyester c'est-à-dire avec des éléments simples, est fabriqué en taille standard, stocké en l'état et utilisable pour des usages variés ; que le fabricant ignore la destination qu'entend donner l'acquéreur à ce produit, qu'il peut découper pour l'adapter à son projet ; qu'il s'agit ainsi d'un produit indifférencié, sans finalité extrinsèque déterminée qui aurait nécessité, lors de sa conception et de sa production, une spécificité technique qui le différencierait de produits du même genre ayant une finalité intrinsèque ; qu'après avoir relevé que le produit litigieux était le résultat d'une conception élaborée et approfondie afin de répondre à des exigences d'ordre sanitaire, la cour d'appel a ajouté que les panneaux ont été conçus par le fabricant pour servir d'entrepôts frigorifiques de manière générale ; qu'en décidant, dès lors, que le produit litigieux constituait un élément spécifiquement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l'avance, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792-4 du code civil ;
2°/ que pour justifier la qualification retenue, la cour d'appel s'est bornée à retenir une description du produit, composé d'éléments simples, qui manifestait seulement son adaptabilité fonctionnelle et matérielle à toute forme d'isolation thermique, à relever une absence d'intervention du locateur d'ouvrage, sans incidence nécessaire sur cette qualification, et sur le fait que le produit avait été élaboré en fonction de l'utilisation ultérieure des locaux et de la température positive ou négative recherchée, finalité qui est inhérente, par hypothèse, à la nature même de tout produit ayant vocation à assurer une isolation thermique ; qu'en se déterminant dès lors de la sorte, sans avoir retenu aucun élément permettant de justifier que le produit litigieux aurait reçu, en vue de son intégration dans l'ouvrage, une spécificité propre qui l'eût distingué, par cette destination des autres produits du même genre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-4 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que les panneaux, qui étaient le résultat d'une conception élaborée et approfondie, avaient été fournis par le fabricant pour répondre aux exigences propres de l'ouvrage en cause, préalablement découpés par lui aux dimensions requises par les locaux dans lesquels ils devaient être installés et avaient été posés sans aucune modification ou adaptation, conformément aux directives du fabricant, la cour d'appel en a exactement déduit que celui-ci était en application des dispositions de l'article 1792-4 du code civil, solidairement responsable des obligations mises à la charge du locateur d'ouvrage ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
REJETTE le pourvoi.