Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 22-10.423
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Teiller
Avocats :
SCP Sevaux et Mathonnet, SCP Waquet, Farge et Hazan
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° Q 21-24.063 et J 22-10.423 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 31 mai 2021), par jugement définitif du 24 novembre 2011, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, saisi par M. [F] [H] et Mme [D] [H] épouse [Z], se déclarant héritiers par représentation de leur père, prédécédé, de [K] [J] [H], décédé le [Date décès 1] 1961, a rejeté leur action en revendication de parcelles de terre cadastrées section AK n° [Cadastre 3] et AK n° [Cadastre 5], qu'ils soutenaient dépendre de la succession de leur grand-père, ainsi que leur action en nullité de l'acte de notoriété acquisitive dressé à la requête de [M] [MF] le 29 juillet 1989 sur ces parcelles, des actes de vente de ces parcelles à M. [PM] et des actes de revente après division de ces mêmes parcelles à MM. [IP], [U], [S] et [O].
3. En 2016, Mme [P] [H], mandatée par son père M. [BV] [H], Mme [VT] [H], Mme [T] [H], mandatée par son père M. [F] [H], M. [Y] [Z], mandaté par sa mère Mme [D] [Z], Mme [NW] [H], mandatée par son père M. [G] [H], et M. [W] [H] (les consorts [H]) ont assigné MM. [PM], [IP], [U], [S] et [O] ainsi que Mme [L], M. [L], Mme [MF] et Mme [C], ces derniers venant aux droits de [M] [MF], en revendication des parcelles cadastrées section AK n° [Cadastre 3], AK n° [Cadastre 5] et AK n° [Cadastre 6] et en nullité des actes notariés subséquents relatifs à ces parcelles.
Examen des moyens
Sur le second moyen
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. Les consorts [H] font grief à l'arrêt de déclarer irrecevables leurs demandes concernant la revendication des parcelles cadastrées AK n° [Cadastre 3] et AK n° [Cadastre 5] sur la commune de [Localité 20], cette dernière étant désormais cadastrée AK n° [Cadastre 9], AK n° [Cadastre 10] et AK n° [Cadastre 11] et l'annulation de l'acte notarié de notoriété acquisitive du 29 juillet 1989 dressé au profit de [M] [MF], et de rejeter leur demande tendant à voir annuler les actes de vente des 22 décembre 1993, 8 avril 1994, 9 septembre 2000 et 12 octobre 2000, alors « que l'opposabilité à un tiers d'une décision revêtue de l'autorité de la chose jugée ne rend pas sa demande irrecevable ; qu'en jugeant irrecevables les demandes de tous les consorts [H] comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée dans le cadre de la première instance introduite par M. [F] [H] et Mme [D] [Z], aux motifs inopérants que les décisions rendues à leur égard étaient opposables aux autres héritiers et indivisaires, la cour d'appel a violé l'article 122 du code de procédure civile ensemble l'article 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1351, devenu 1355, du code civil et 122 du code de procédure civile :
6. Aux termes du premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.
7. Aux termes du second, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
8. Pour déclarer irrecevables les demandes en revendication des consorts [H] sur les parcelles cadastrées AK n° [Cadastre 3] et AK n° [Cadastre 5], et en nullité de l'acte de notoriété du 29 juillet 1989, l'arrêt retient que, dans la précédente instance ayant conduit au jugement du 24 novembre 2011, M. [F] [H] et Mme [D] [H], qui se présentaient comme propriétaires indivis, avec d'autres héritiers, des parcelles qu'ils revendiquaient en leur qualité de coindivisaires sur le fondement des articles 724 et 815-2 du code civil, ont été déboutés de leur action, que cette décision est donc opposable aux autres héritiers indivisaires, dont les droits ont été épuisés par l'action des seuls [F] [H] et [D] [H] et que l'autorité de chose jugée qui est attachée au jugement du 24 novembre 2011 s'oppose à la recevabilité de la nouvelle action en revendication introduite par l'ensemble des consorts [H].
9. En se déterminant ainsi, sans s'expliquer sur l'identité des parties demanderesses dans les deux instances, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt déclarant les consorts [H] irrecevables en leur action en revendication des parcelles AK n° [Cadastre 3] et AK n° [Cadastre 5] entraîne la cassation du chef de dispositif qui rejette leurs demandes en nullité des actes de vente des 22 décembre 1993, 8 avril 1994, 9 septembre 2000 et 12 octobre 2000, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables les demandes de Mme [P] [H] mandatée par son père, M. [BV] [H], Mme [VT] [H], Mme [T] [H] mandatée par son père, M. [F] [H], M. [Y] [Z] mandaté par sa mère, Mme [D] [Z], Mme [NW] [H] mandatée par son père, M. [G] [H], et M. [W] [H] concernant la revendication des parcelles cadastrées AK n° [Cadastre 3] et AK n° [Cadastre 5] sur la commune de Saint-[M], cette dernière étant désormais cadastrée AK n° [Cadastre 9], AK n° [Cadastre 10] et AK n° [Cadastre 11], et l'annulation de l'acte notarié de notoriété acquisitive du 29 juillet 1989 dressé au profit de [M] [MF], et en ce qu'il rejette la demande de Mme [P] [H], M. [BV] [H], Mme [VT] [H], Mme [T] [H], M. [F] [H], M. [Y] [Z], Mme [D] [Z], Mme [NW] [H], M. [G] [H] et M. [W] [H] tendant à voir annuler les actes de vente des 22 décembre 1993, 8 avril 1994, 9 septembre 2000 et 12 octobre 2000, l'arrêt rendu le 31 mai 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;
Condamne MM. [PM], [S], [O], [L], [IP] et [U], et Mmes [MF], [C] et [L] épouse [I] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept juin deux mille vingt-quatre.