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Décisions

Cass. soc., 7 décembre 2022, n° 20-13.199

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Mariette

Avocats :

SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Krivine et Viaud

Paris, du 6 déc. 2018

6 décembre 2018

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 décembre 2018), M. [K] a bénéficié d'une formation de « vendeur conseil en magasin » dispensée par la société Association pour la formation et l'enseignement continu (l'AFEC), dans le cadre d'un programme régional de formation financé par le conseil régional de l'Ile-de-France, les modalités de cette formation, comprenant 490 heures de formation en centre, et 140 heures de formation en entreprise, ayant été définies dans le cadre d'un contrat d'adhésion à la formation et d'un contrat de formation individuel signés le 29 septembre 2014.

2. Faisant valoir que cette formation professionnelle dissimulait une véritable relation de travail, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la requalification de la relation contractuelle en un contrat de professionnalisation et le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Examen des moyens

Sur les premier et deuxième moyens, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

4. M. [K] fait grief à l'arrêt de le condamer à payer à l'AFEC les sommes de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que l'abus de procédure n'est constitué qu'en l'état d'une faute du demandeur à l'instance ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, laquelle ne résulte pas du nombre et du caractère infondé de ses prétentions et moyens ; qu'en énonçant pourtant ‘'qu'il résulte des pièces versées aux débats que M. [K] a saisi à plusieurs reprises le conseil des prud'hommes puis la cour d'appel, et qu'il a été systématiquement débouté de l'ensemble de ses demandes fondées sur un contrat de professionnalisation inexistant'‘ et que ‘'la multiplication des procédures, malgré les déboutés successifs, qui a obligé l'AFEC à se déplacer à de nombreuses audiences et à se constituer pour assurer la défense de ses intérêts, démontre le caractère abusif des procédures menées par M. [K] envers l'AFEC'‘, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil ;

2°/ qu'en le condamnant à payer une certaine somme pour procédure abusive, sans caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :

5. Selon ce texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

6. Pour condamner M. [K] à payer à la société AFEC la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'arrêt se borne à relever d'une part, que M. [K] a saisi à plusieurs reprises le conseil de prud'hommes puis la cour d'appel, et qu'il a été systématiquement débouté de l'ensemble de ses demandes fondées sur un contrat de professionnalisation inexistant et, d'autre part, que la multiplication des procédures, malgré les déboutés successifs, qui a obligé l'AFEC à se déplacer à de nombreuses audiences et à se constituer pour assurer la défense de ses intérêts, démontre le caractère abusif des procédures menées par M. [K] envers l'AFEC.

7. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice, la cour d'appel a méconnu les exigences les textes susvisés.

Et sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

8. M. [K] grief à l'arrêt de le condamner à payer une amende civile de 500 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, alors :

« 1°/ que l'abus de procédure n'est constitué qu'en l'état d'une faute du demandeur à l'instance ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, laquelle ne résulte pas du nombre et du caractère infondé de ses prétentions et moyens ; que, dès lors, en énonçant que ‘'M. [K] a été débouté de toutes ses actions en référé et au fond devant le conseil des prud'hommes et la cour d'appel, mais a continué à saisir les juridictions de ses demandes fondées sur un contrat de professionnalisation inexistant'‘ et que ‘'les prétentions infondées de M. [K] démontrent le caractère manifestement abusif de ses actions, qui ont dégénéré en abus de son droit d'ester en justice, tant la qualification de son contrat est évidente'‘, la cour d'appel a violé l'article 32-1 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en statuant comme elle a fait, sans caractériser une faute de M. [K] ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 32-1 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 32-1 du code de procédure civile :

9. Aux termes de ce texte, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

10. Pour condamner M. [K] à une amende civile, l'arrêt retient d'abord, que l'intéressé a été débouté de toutes ses actions en référé et au fond devant le conseil de prud'hommes et la cour d'appel, mais a continué à saisir les juridictions de ses demandes fondées sur un contrat de professionnalisation inexistant et ensuite que ses prétentions infondées démontrent le caractère manifestement abusif de ses actions, qui ont dégénéré en abus de son droit d'ester en justice, tant la qualification de son contrat est évidente.

11. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

14. La conscience par M. [K] du caractère infondé de l'action qu'il a exercée n'étant pas établie, la société AFEC sera déboutée de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas davantage lieu au paiement d'une amende civile.

15. La condamnation de M. [K] à payer à la société AFEC la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, étant justifiée par le rejet de sa demande principale et sa condamnation aux dépens, la cassation ne peut s'étendre à cette disposition qui n'est pas dans un lien de dépendance avec les dispositions de l'arrêt censurées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. [K] à payer à la société Association pour la formation et l'enseignement continu la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et le condamne à une amende civile de 500 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 6 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déboute la société Association pour la formation et l'enseignement continu de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Dit n'y avoir lieu au paiement d'une amende civile ;

Condamne M. [K] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-deux.