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Décisions

CA Versailles, 21e ch., 15 juin 2023, n° 21/02183

VERSAILLES

Arrêt

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. LE MONNYER

Conseillers :

Mme PITE, Mme SCHARRE

Avocats :

SELARL ELLIPSIS, SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

CA Versailles n° 21/02183

14 juin 2023

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Z] [I] a été engagé par contrat à durée indéterminée non écrit, à compter du 1er janvier 1985, en qualité de chauffeur, statut employé, par la société civile immobilière [Adresse 2], qui a pour secteur d'activité l'administration d'un immeuble et emploie moins de onze salariés.

Le 7 mars 2018, M. [I] a remis à M. [S], intendant de l'immeuble du [Adresse 2], la puce de son téléphone professionnel, en raison de factures téléphoniques jugées trop onéreuses par son employeur.

Par courrier du 27 avril 2018, Mme [U], en sa qualité de gérante de la société, a enjoint à M. [I] de se présenter à nouveau à son poste de travail, à défaut, il lui est indiqué qu'il serait mis en demeure de justifier son absence.

Par courrier du 12 mai 2018, M. [I] a répondu à Mme [U] qu'il justifiait son absence en raison d'un motif médical, ce qui l'aurait contraint à rester au Maroc plus longtemps que prévu initialement, et qu'il ne disposait plus de ligne téléphonique professionnelle depuis le 8 mars 2018, en indiquant le numéro de téléphone auquel il est joignable.

Par courrier du 1er juillet 2018, Mme [U] a indiqué à M. [I] que les éléments fournis dans le courrier du 12 mai 2018 ne comportaient pas d'arrêt de travail et qu'à défaut de régularisation, elle serait contrainte d'envisager une sanction à son encontre.

Convoqué le 17 juillet 2018 à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 8 août suivant, auquel le salarié ne s'est pas rendu au motif qu'il aurait reçu la lettre de convocation le 9 août, M. [I] a été licencié par lettre datée du 13 août 2018, énonçant une faute grave.

Contestant son licenciement, M. [I] a saisi, le 20 novembre 2018, le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d'entendre juger qu'il était lié à la société [Adresse 2] par un contrat de travail à durée indéterminée, régi par la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires de transports. Le requérant a également demandé que son licenciement soit requalifié faute de reposer sur une cause réelle et sérieuse, et dont la procédure devra être considérée irrégulière. Il a enfin sollicité la condamnation de la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.

La société s'est opposée aux demandes du requérant et a demandé au conseil que soit jugé fondé le licenciement pour faute grave de ce dernier. La société a également sollicité la condamnation du requérant au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement rendu le 30 mars 2021, notifié le 7 juin 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit et juge que M. [I] et la SCI [Adresse 2] étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport;

Dit et juge que le licenciement de M. [I] ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SCI [Adresse 2] à verser à M. [I] :

- 9.118,14 euros (') bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 911,81 euros (') bruts au titre des congés payés y afférents
- 5.000 euros (') à titre de dommages et intérêts pour caractère vexatoire du licenciement, - 1.000 euros (') au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

Ordonne la fourniture des documents sociaux conformes au jugement ;
Ordonne l'exécution provisoire selon les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail ; Déboute M. [I] du surplus de ses demandes;
Condamne la SCI [Adresse 2] aux entiers dépens de l'instance.

Le 6 juillet 2021, la société [Adresse 2] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Le 13 juillet suivant, le conseil de prud'hommes rendait un second jugement « en rectification d'erreur ou omission matérielle », ajoutant au dispositif du précédent :

Condamne la SCI [Adresse 2] à verser à M. [I] :

- 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 91.180 euros nets au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que la décision rectificative sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement et notifiée comme le jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 23 mars 2023, la SCI [Adresse 2] demande à la cour

En conséquence,

Réformer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que M. [I] et elle étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Réformer le jugement en ce qu'il a dit et jugé que le licenciement de M. [I] ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse.

Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [I] :

o 47.237,03 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
o 9.118,14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
o 911,81 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
o 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement, o 1.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Réformer le jugement en ce qu'il a ordonné la fourniture des documents sociaux conformes au jugement,

Réformer le jugement en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire selon les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail,

Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance,

Réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M. [I] :

o 91.180 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

o 5.000 euros de dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail.

Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes de dommages-intérêts pour procédure de licenciement irrégulière, pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat et pour mauvaise exécution du contrat de travail, et pour absence de visite médicale.

Et, statuant à nouveau,

Déclarer mal fondé M. [I] en l'ensemble de ses demandes ainsi que celles formulées à titre incident et l'en débouter, à l'exception de sa demande tendant à la reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail à durée indéterminée entre M. [I] et la société,

Condamner M. [I] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamner M. [I] aux entiers dépens de l'instance.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 13 mars 2023, M. [I] demande à la cour de: Confirmer le jugement en ce qu'il a :

Dit que la société [Adresse 2] et lui étaient liés par un contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des « transports routiers et activités auxiliaires du transport » ;

Déclaré que le licenciement ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse ;

Condamné la société [Adresse 2] à verser les sommes suivantes :

' 47.237,03 euros nets à titre d'indemnité légale de licenciement,
' 9.118,14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
' 911,81 euros bruts au titre des congés payés afférents,
' 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour caractère vexatoire du licenciement,
' 91.180 euros nets au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Ordonné la fourniture des documents sociaux conformes au jugement,
Ordonné l'exécution provisoire selon les dispositions de l'article R.1454-28 du code du travail,
Condamné la société [Adresse 2] aux entiers dépens de l'instance.
Infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, :
Dire que la procédure de licenciement est irrégulière (à titre subsidiaire),
Condamner la société [Adresse 2] à lui verser la somme de 4.559,07 euros bruts à titre d'indemnité pour procédure

Condamner la société [Adresse 2] à lui verser la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité de résultat,

Condamner la société [Adresse 2] à lui verser la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mauvaise exécution du contrat de travail,

Condamner la société [Adresse 2] à lui verser la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

Condamner la société SCI [Adresse 2] à lui verser la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

Par ordonnance rendue le 5 avril 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 18 avril 2023.

Alors le conseiller rapporteur a soulevé d'office la possible irrecevabilité des demandes d'infirmation de la condamnation de la SCI [Adresse 2] à payer au salarié les sommes de 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail et de 91.180 euros nets au titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans la mesure où le jugement rectificatif du 13 juillet 2021 n'aurait pas été frappé d'appel, alors qu'il se serait prononcé sur une omission de statuer en ce que l'omission par le juge dans le dispositif de sa décision de la réponse à la prétention sur laquelle il s'est expliqué dans les motifs, à supposer que le conseil de prud'hommes l'ait fait, constitue une omission de statuer qui peut être réparée par la juridiction qui l'a rendue et que la décision statuant sur une telle omission donne ouverture aux mêmes voies de recours que la décision entachée de cette omission (article 463 du code de procédure civile).

Par note en délibéré autorisée du 24 avril 2023, l'appelant, pour voir dire sa demande recevable, a fait valoir que le jugement rectificatif du conseil de prud'hommes du 13 juillet 2021 faisait nécessairement corps avec le jugement initial du 30 mars 2021 au sens du 4ème alinéa de l'article 462 du code de procédure civile, et que la déclaration d'appel, de par sa formulation, portait tant sur le jugement initial, que sur le jugement rectificatif, en observant que les premiers juges n'avaient pas entendu ajouter une nouvelle condamnation au jugement initial sur l'exécution déloyale du contrat.

Par note en délibéré autorisée reçue le 26 avril suivant, l'intimé fait valoir que, par combinaison des 4ème et 5ème alinéas de l'article 462 du code de procédure civile, l'appel peut être interjeté contre la décision modificative dans les mêmes formes et conditions que contre la décision initiale, et qu'il ne le fut pas. Il se prévaut, de seconde part, de l'irrecevabilité des prétentions adverses litigieuses faute d'être incluses à la déclaration d'appel formée le 6 juillet 2021, qui doit, selon l'article 901 du code de procédure civile, viser les chefs de jugement critiqués. Il conclut que la cour n'est pas saisie des demandes relatives à la contestation des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail.

MOTIFS

Sur le périmètre de l'appel

M. [I] se prévaut de l'exécution déloyale du contrat de travail et demande une indemnisation à ce titre, en évoquant des moyens tirés de l'obligation de sécurité et de l'absence de visites médicales.

Selon les articles 462 et 463 du code de procédure civile, l'omission par le juge dans le dispositif de sa décision, de la réponse à une prétention sur laquelle il s'est expliqué dans les motifs, constitue une omission de statuer, qui peut être réparée par la juridiction qui l'a rendue, et la décision qui statue sur une omission de statuer donne ouverture aux mêmes voies de recours que la décision entachée de cette omission.

En application de l'article 562 du même code, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

Par sa déclaration d'appel, la SCI [Adresse 2] a expressément demandé l'annulation, l'infirmation ou la réformation du jugement initial rendu par le conseil de prud'hommes, le 30 mars 2021, sans viser également le jugement rectificatif du 13 juillet 2021, d'ailleurs postérieur, qui a statué « en rectification d'erreur ou omission matérielle », ajoutant au dispositif du précédent la condamnation de la SCI à verser à M. [I] : « 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail ».

Si la SCI prétend que le jugement rectificatif du conseil de prud'hommes du 13 juillet 2021 faisait nécessairement corps avec le jugement initial du 30 mars 2021, et que la déclaration d'appel, de par sa formulation : « l'appel porte sur toutes les dispositions non visées au dispositif faisant grief à l'appelant selon les moyens qui seront développés dans ses conclusions et au vu des pièces de première instance et de celles qui seront communiquées devant la cour », portait tant sur le jugement initial, que sur le jugement rectificatif, il n'en reste pas moins que la déclaration d'appel ne vise pas ce chef de jugement, qui a été par la suite inséré dans les premières conclusions de l'appelant signifiées le 7 octobre 2021.

Or, il n'est justifié d'aucune nouvelle déclaration d'appel mentionnant d'autres chefs du jugement expressément critiqués, formalisée par la SCI [Adresse 2], dans le délai imparti par l'article 908 du code de procédure civile, étant rappelé que la régularisation de la procédure d'appel ne peut résulter des conclusions au fond prises par l'intéressé, alors que le jugement du 13 juillet 2021 se prononçant sur une omission de statuer et non sur une omission matérielle comme il l'indique par erreur, dans la mesure où il ajoute diverses condamnations omises dans la décision initiale sur lesquelles il n'avait pas statué, ne peut être frappé d'appel que selon les règles ordinaires.

Il en résulte qu'à défaut de contenir la critique de l'alinéa du dispositif du jugement rectificatif du 13 juillet 2021 exprimant : « Condamne la SCI [Adresse 2] à verser à M. [I] 5.000 euros au titre des dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail », cette disposition, qui ne fait l'objet d'aucun appel et dont, faute de dévolution, la cour n'est pas saisie, est désormais définitive.

Des mêmes motifs, la SCI n'ayant pas fait appel du jugement rendu sur l'omission de statuer le 13 juillet 2021, la somme alors allouée au salarié de 91.180 euros faute de cause suffisante à son licenciement, est définitive.

Sur la convention collective

Evoquant son activité d'administration d'un immeuble à usage d'habitation appartenant à un particulier, la SCI, qui rappelle avoir le choix de la convention applicable n'étant soumise à aucune, fait valoir son engagement unilatéral résultant de la mention de la convention collective du particulier employeur sur les bulletins de paie de M. [I], qui se rapproche de son activité, au contraire de celle des transports qu'a retenue le conseil de prud'hommes, dont le champ déterminé par les codes NAF est sans rapport avec le sien.

M. [I] considère qu'une personne morale, ou une entreprise, ne saurait pas être un particulier employeur, et conteste la possibilité de se voir appliquer la convention ad hoc. Il souligne que seul le salarié peut se prévaloir de l'application volontaire d'une convention collective, l'employeur ne disposant d'aucune option et il rappelle que le code NAF de l'employeur correspond à l'administration d'immeuble. Cela étant, il se prévaut de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires.

Par application des dispositions de l'article L. 2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est « celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur ».

Aux termes de l'article 1er de la convention collective du particulier employeur, celle-ci régit : « les rapports entre les particuliers employeurs et leurs salariés. Le caractère spécifique de cette profession est de s'exercer au domicile privé du particulier employeur avec toutes les conséquences qui en découlent. Le particulier employeur n'est pas une entreprise ». En l'espèce, l'employeur est une société civile immobilière, donc une personne morale, et non un particulier. Or, la convention collective nationale du particulier employeur n'est applicable qu'« entre les particuliers employeurs et leurs salariés ».

La SCI conteste que M. [I] ait travaillé de manière excessive de 18 à 20 heures par jour, et dément qu'il ait été victime d'un accident du travail à l'occasion de ses fonctions, dont elle ne fut d'ailleurs jamais informée.

Selon l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° des actions d'information et de formation ; 3° la mise en place

Il s'en déduit nécessairement que la convention collective du particulier employeur du 24 novembre 1999, qui ne trouve sa place qu'au cas d'employés de maison non soumis aux règles du code du travail dont l'application suppose l'appartenance à une entreprise, n'est pas applicable, peu important que l'employeur ait choisi de s'y soumettre expressément en la mentionnant dans les bulletins de paie du salarié, la présomption ainsi créée étant renversée.

Par ailleurs, M. [I], dont il est acquis aux débats qu'il a exercé les fonctions de chauffeur, se prévalant de ce fait de la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires, n'est pas fondé à prétendre que la relation de travail était régie par cette convention collective, le champ d'application professionnel étant déterminé par l'activité de l'entreprise et non par les fonctions exercées par le salarié, ce dernier ne querellant pas que la SCI a pour activité réelle et effective l'administration d'immeubles et autres biens immobiliers.

En conséquence, au regard de l'activité principale de l'employeur, la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires doit être également écartée.

Le jugement entrepris doit être infirmé en ce qu'il a retenu que cette convention collective était applicable.

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur l'obligation de sécurité

M. [I] prétend avoir travaillé de 18 à 20 heures par jour quand la famille [U] se rendait en France, au détriment de sa santé, et qu'en effet, le 22 juillet 2016, il fut victime d'un accident vasculaire cérébral. Il considère que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité « de résultat » et a mal exécuté le contrat.

d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Ces mesures sont mises en 'uvre selon les principes définis aux articles L. 4121-2 et suivants du même code.

En l'espèce, M. [I] produit l'attestation de son épouse, Mme [I] qui témoigne que : « quand la famille de son employeur avait beaucoup d'activités, [son] mari ['] rentrait souvent très tard de son travail, ainsi commençait à 9h du matin et finissait à 3h du matin non stop. Il travaillait aussi les samedis, dimanches, et les jours fériés et n'avait pas de période de congé ni de jour de récupération ». Certes, cet écrit d'une personne qui n'est pas témoin des conditions de travail de l'intéressé est sans portée.

Cela étant, l'employeur ne communique aucun élément probant de nature à établir les horaires effectivement accomplis par l'intéressé quand il lui appartient d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées en produisant ses propres éléments sur les horaires effectivement accomplis par le salarié.

Cependant, si le salarié verse aux débats un compte-rendu d'hospitalisation, datant de juillet 2016, dans lequel il est fait mention d'un bref séjour à l'hôpital, en raison d'un accident vasculaire cérébral, aucun autre élément n'est invoqué relativement à cet accident, dont le caractère professionnel n'a pas été revendiqué par le salarié, et dont on ignore s'il a donné lieu à arrêt de travail et, dans l'affirmative, la durée de la suspension du contrat de travail. Au-delà du constat médical de l'affection dont a souffert le salarié, il n'est donc fait mention d'aucun lien entre l'activité professionnelle et la dégradation de l'état de santé de ce dernier.

Par suite et alors que l'attestation de l'épouse de M. [I], et le compte-rendu d'hospitalisation du salarié ne suffisent pas à caractériser un quelconque manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, qui est une obligation renforcée de moyens, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ce chef.

Sur la visite médicale

M. [I] prétend n'avoir passé qu'une visite médicale en 2005, sans qu'aucune ne soit organisée à son embauche, ni après son accident vasculaire cérébral.

La SCI conteste avoir été dans l'obligation d'organiser une visite médicale de reprise, et au reste, la démonstration d'un préjudice, faute de visite médicale périodique.

S'agissant de l'absence de visite médicale d'embauche, s'il n'est pas discuté que celle-ci n'a pas été organisée par l'employeur, n'étant toutefois pas obligatoire à l'époque des faits, le salarié ne saurait l'invoquer utilement, trente-trois ans plus tard, sans alléguer de préjudice particulier. Par suite, faute pour le salarié de justifier l'existence d'un préjudice

M. [I] ne précise pas à quel titre l'employeur aurait manqué à son obligation d'organiser une visite médicale suivant une hypothétique reprise du travail après son accident vasculaire cérébral, lequel n'a donné lieu à aucun arrêt de travail versé aux débats. Par conséquent, le salarié ne justifiant, à ce titre, d'aucun manquement empêchant la poursuite du contrat de travail, et n'établissant la réalité d'aucun préjudice découlant de ce manquement, il convient, ajoutant au jugement, de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour absence de visite médicale à la suite de son accident vasculaire cérébral.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est ainsi libellée :

« Nous vous avons convoqué le 17 juillet 2018 par lettre recommandée avec accusé de réception, délivrée le 31 juillet 2018, à un entretien préalable fixé au 8 août 2018 à 10 heures, en vue d'une éventuelle mesure de licenciement.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien.

en lien avec ce manquement, c'est à bon droit que les premiers juges l'ont débouté de ce chef. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Par ailleurs, l'article R. 4624-22 du code du travail, dans sa version en vigueur à l'époque des faits, prévoit que le salarié bénéficie d'une visite de reprise :

1° Après un congé de maternité ;
2° Après une absence pour cause de maladie professionnelle ;

3° Après une absence d'au moins trente jours pour cause d'accident du travail, de maladie ou d'accident non professionnel.

Nous sommes contraints, après réflexion, de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave.

Vous avez été engagé le 1er janvier 1985 en qualité de chauffeur.

Par courrier en date du 27 avril 2018, nous vous demandions de bien vouloir vous présenter à votre poste de travail et à défaut, nous vous mettions en demeure de bien vouloir justifier votre absence.

Par courrier en date du 12 mai 2018, vous nous confirmiez que vous n'étiez pas présent à votre poste de travail.

Vous nous adressiez par ailleurs des documents censés justifier votre absence. Or ceux-ci ne sont en rien constitutifs d'arrêts de travail.

Nous vous rappelions ainsi par courrier les termes de notre courrier du 27 avril 2018 et vous mettions de nouveau en demeure de justifier vos absences.

Nous vous indiquions également que les documents que vous nous fournissiez, à savoir un compte-rendu d'examen, une facture et des prescriptions médicales, ne constituaient pas des arrêts de travail.

Nous vous indiquions qu'à défaut de régularisation, nous serons dans l'obligation d'envisager une sanction à votre encontre.

Nous n'avons à ce jour toujours pas été destinataires de vos justificatifs d'absence.

Par ailleurs, vous ne vous êtes toujours pas présenté à votre poste de travail.

Dans ces conditions, nous avons décidé de vous notifier par la présente votre licenciement.

Nous considérons que ces faits sont constitutifs d'une faute grave. Votre licenciement est donc immédiat, sans préavis ni indemnité de rupture.

Sur la cause

La SCI, qui fait valoir les pouvoirs concédés à son intendant, M. [S], pour procéder au licenciement, se prévaut, sur son bien-fondé, des griefs exposés dans la lettre de licenciement, en soulignant que le salarié exprimait son refus de poursuivre son travail puis ne donnait durant 2 mois ni nouvelles ni explications sans se représenter, et qu'ayant précisé le 12 mai 2018 être malade au Maroc, il ne justifiait jamais d'aucun arrêt maladie. Elle souligne lui avoir adressé une seconde mise en demeure, sans recevoir aucune réponse. Elle met en avant la mauvaise exécution de son contrat de travail par refus de rester à sa disposition.

M. [I] conteste que M. [S], faisant office de concierge sans être son supérieur, ait eu délégation du pouvoir de le licencier par une lettre ne mentionnant aucunement ses fonctions ou l'employeur. Il y voit la matière d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il expose s'être vu privé, sans raison, de la puce de son téléphone professionnel et n'avoir plus été prévenu du passage de Mme [U] en France ensuite, qui seul le mobilisait sans qu'il n'ait aucune obligation de se présenter, sinon, sur son lieu de travail. Il estime n'avoir contrevenu à aucune obligation en se rendant à l'étranger, où il fut immobilisé durant 30 jours dans les suites d'une lombosciatique, du 10 avril au 10 mai 2018. Il souligne s'être toujours tenu à la disposition de son employeur. Il indique lui avoir adressé le 12 mai 2018, dès son retour en France, son arrêt de travail de 30 jours, par certificat médical justifiant de son absence. En tout état de cause, il soutient qu'une seule absence en 33 ans ne saurait tenir d'une faute grave.

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du code du travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. L'employeur doit rapporter la preuve de l'existence d'une telle faute, et le doute profite au salarié.

S'il n'est pas contesté que M. [I] exerçait les fonctions de chauffeur, celles-ci n'étant pas textuellement contractualisées en raison de la nature verbale du contrat de travail liant les parties, il ressort des pièces produites par le salarié, notamment des attestations, qu'il était d'usage que, lorsque la famille [U] était en France, il soit prévenu par téléphone, élément au demeurant non querellé par l'employeur, et lorsque la famille n'était pas en France, il restait chez lui, en

« stand-by ».

Or, il est acquis aux débats, qu'à la suite d'un entretien du 7 mars 2018, entre M. [I] et M [S], ce dernier a retiré la puce électronique du téléphone professionnel de M. [I].

Par courrier du 27 avril 2018, la SCI a reproché à M. [I] de ne pas s'être présenté à son poste de travail, à compter du 7 mars 2018 et l'a mis en demeure de justifier son absence. Cela étant, M. [I] n'a pas contesté la matérialité des faits énoncés dans le courrier, et a précisé dans son courrier du 12 mai 2018 qu'il n'avait pas été contacté et qu'il n'avait reçu « aucun coup de fil de personne ».

Partant, s'il est constant que le salarié ne s'est pas présenté à son poste de travail, il convient tout de même de souligner que l'usage qui avait lieu entre les parties était que M. [I] soit informé par téléphone de la venue de la famille [U], qu'à la suite du retrait de la puce électronique de son téléphone professionnel, il ne lui a pas été fait mention d'un nouveau mode de communication, M. [I] étant fondé à penser, comme il le dit dans son courrier du 12 mai 2018, qu'il serait contacté sur son téléphone personnel, dont il dit avoir donné à M. [S] le numéro le 13 mars 2018, ce qui n'est du reste pas contesté par ce dernier, qui admet dans une attestation que : « M. [I] avait déjà une ligne personnelle (dont [il avait] déjà le numéro) ».

S'agissant de son absence dont l'employeur lui a demandé la justification par courriers du 27 avril 2018 et du 1er juillet 2018, M. [I] a versé aux débats un certificat médical, rédigé par un médecin marocain, en date du 10 avril 2018, prescrivant un arrêt de travail de 30 jours, le compte-rendu d'un examen effectué au sein de la clinique Anfa- Mohammedia le 6 avril 2018, ainsi qu'une facture attestant de séances de rééducation sur la période du 12 avril au 8 mai 2018, la société considérant que ces éléments n'étaient pas des arrêts de travail, le premier ne lui étant d'ailleurs pas parvenu en temps utile.

Si la société est fondée à demander un justificatif d'absence à M. [I], même si elle ne verse au débat aucun élément qui justifie qu'elle aurait contacté le salarié selon les modalités de communication qui étaient d'usage entre eux alors qu'elle tolérait sinon son absence pérenne, elle produit cependant deux courriers dans lesquels elle demande au salarié de se présenter à son poste de travail. M. [I], à qui il ne saurait être reproché d'avoir produit un certificat médical non conforme à la réglementation française de sécurité sociale, alors qu'il se trouvait au Maroc, dans lequel il est indiqué qu'il est arrêté du 10 avril au 10 mai 2018, ne fournit toutefois aucun élément justifiant de la transmission de ce certificat médical à son employeur, ni aucun élément justifiant son absence pour la période du 7 mars au 10 avril 2018.

Néanmoins, compte tenu de l'ancienneté du salarié, de la tolérance de l'employeur l'autorisant à ne pas se présenter sur son lieu de travail sans son appel, du changement soudain de cette pratique qui avait cours depuis des années, alors qu'il n'est fait état d'aucun antécédent disciplinaire de M [I] et que la SCI ne justifie pas avoir contacté par téléphone ce dernier, comme il était d'usage, mais par courrier, il sera jugé que le seul manquement établi, à savoir l'absence injustifiée de l'intéressé pour la période du 7 mars au 10 avril 2018 durant laquelle il était atteint à tout le moins d'une pathologie invalidante dont il avait utilement justifié et laissant supposer qu'il n'aurait pas pu conduire ainsi que le confirma ensuite le médecin, ne constitue pas, nonobstant la mise en demeure notifiée par la SCI à M. [I], une faute grave rendant impossible la poursuite de son contrat de travail, ni même une cause réelle et sérieuse justifiant son licenciement.

En conséquence de quoi, le jugement entrepris sera réformé de ce chef et il sera jugé que le licenciement de M. [I] n'est pas fondé.

Le salarié est fondé à obtenir en premier lieu, une indemnité compensatrice de préavis, qui, conformément aux articles L. 1234-1 et L. 1234-5 du code du travail, doit correspondre à la rémunération brute qu'il aurait perçue s'il avait travaillé pendant la période du délai-congé de deux mois. En l'espèce, il est constant que la rémunération brute mensuelle de M. [I] s'élevait à 4.559,07 euros, il convient donc de lui allouer les sommes de 9.118,14' euros bruts au titre de cette indemnité et de 911,81 euros bruts au titre des congés payés afférents. Le jugement sera confirmé sur ce point.

En vertu des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, M. [I], qui disposait au moment de la rupture de son contrat de travail, d'une ancienneté de 33 ans et de 7 mois, est également fondé à prétendre au paiement de l'indemnité légale de licenciement qui, eu égard de son salaire de référence, doit être calculée comme suit : [(4.559,07x 1/4 x 10 ans) + (4.559,07 x 1/3 x 23 ans) + (4.559,07 x 1/3 x 7/12 ans)] = 11.397,675 +34.952.87+886,48= 47.237,03 euros. Par conséquent, en l'état de son ancienneté et de son salaire de référence, c'est à bon droit que les premiers juges lui ont alloué la somme de 47.237,03 euros de ce chef.

Sur les conditions

La SCI soutient que son intendant détenait ses pouvoirs de signer la lettre de licenciement, et évoque, en tout état de cause, le caractère inopérant de ce moyen au regard des conditions du licenciement.

Au visa de l'article 1240 du code civil, M. [I] estime vexatoire le licenciement prononcé par le concierge, qui n'était pas son supérieur, du moment que la délégation de pouvoir ne dérivait pas de ses fonctions.

Tout salarié licencié dans des conditions vexatoires ou brutales peut prétendre à des dommages et intérêts en réparation du préjudice distinct de celui résultant de la perte de l'emploi. Il en est ainsi alors même que le licenciement lui-même serait fondé, dès lors que le salarié justifie d'une faute et d'un préjudice spécifique résultant de cette faute.

Si la SCI a valablement fait appel du jugement du 30 mars 2021 du chef afférent aux conditions vexatoires du licenciement, il n'en reste pas moins que le conseil de prud'hommes a par un second jugement rendu sur omission de statuer le 13 juillet suivant confondu cette somme censée réparer ce manquement spécifique, dans la réparation d'un autre manquement tenant à l'exécution déloyale du contrat de travail basé sur d'autres moyens de fait concernant l'obligation de sécurité et le défaut de visites médicales, en sorte que n'ayant pas été frappé d'appel dans les conditions de l'article 463 du code de procédure civile, en tout état de cause, la somme alors allouée à l'intéressé de 5.000 euros de dommages-intérêts pour caractère vexatoire du licenciement et exécution déloyale du contrat de travail, ne peut qu'être définitive.

Sur les conséquences financières du licenciement

Sur la procédure

La SCI soutient avoir appliqué l'article 12 de la convention collective du particulier employeur, qui est dérogatoire sur les règles d'assistance du salarié.

M. [I] fait grief à la lettre de convocation de ne pas mentionner l'assistance possible du salarié, et y voit une méconnaissance des dispositions de l'article L.1232-4 du code du travail.

Dès lors que la convention collective nationale du particulier employeur n'est pas applicable à la relation de travail, la SCI [Adresse 2] n'est pas fondée à s'en prévaloir, pour s'exonérer du respect de la procédure de licenciement de droit commun.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1232-4 du code du travail, la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement doit mentionner les modalités d'assistance du salarié applicables en fonction de la situation de l'entreprise, le non-respect de ces dispositions constituant une irrégularité de procédure.

Cela étant, la lettre de convocation du 17 juillet 2018 omet de préciser que le salarié pourrait être assisté lors de cet entretien, par un tiers autorisé.

En revanche, M. [I] ne démontre pas avoir subi un préjudice direct, réel et certain du fait de cette irrégularité, d'autant qu'il admet avoir reçu la lettre de convocation le lendemain de l'entretien, auquel il ne s'est pas rendu. Dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Y ajoutant ;

Condamne la société civile immobilière [Adresse 2] à payer à M. [Z] [I] 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du

15 juin 2023

Constate que la cour n'est pas saisie du jugement du 13 juillet 2021 statuant sur une omission de statuer du jugement entrepris, ayant condamné la société civile immobilière [Adresse 2] à payer à M. [Z] [I] diverses sommes à titre de dommages-intérêts en réparation de l'exécution déloyale du contrat de travail et du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Constate que la disposition du jugement du 13 juillet 2021 statuant sur une omission de statuer du jugement entrepris, allouant à M. [Z] [I] une somme en réparation du caractère vexatoire du licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail est définitive ;

Infirme le jugement entrepris du 30 mars 2021 mais seulement en ce qu'il a dit et jugé que le contrat de travail liant M. [Z] [I] et la société civile immobilière [Adresse 2] était régi par la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport ;

Et statuant à nouveau sur le chef infirmé;

Dit que la relation n'est régie ni par la convention collective des particuliers employeurs ni par celle des transports routiers et activités auxiliaires du transport ;

Rejette le surplus des demandes ;

Confirme le jugement entrepris pour le surplus ;

La condamne aux entiers dépens.