CA Caen, 2e ch. civ., 5 septembre 2024, n° 23/00351
CAEN
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Arval Service Lease (SA)
Défendeur :
KV Conseils (SASU)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Emily
Conseillers :
Mme Courtade, M. Gouarin
Avocats :
Me Pajeot, Me Reichling, Me Bollengier-Stragier
Par acte sous seing privé du 3 février 2021, la SASU KV conseils a conclu avec la SA Arval service lease un contrat de location longue durée (LLD) n°16402426/2, portant sur un véhicule Skoda Kodiaq 2016, pour une durée de 48 mois/ 60.000 km, moyennant un loyer mensuel de 461,31 euros TTC (maintenance incluse).
Par jugement du 22 mars 2022, le tribunal judiciaire de Coutances a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société KV conseils, et désigné Me [M] [N] en qualité de liquidateur judiciaire.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 avril 2022, la société Arval a déclaré sa créance, à titre provisoire, le montant de la créance n'ayant pu être actualisé puisque le véhicule n'avait pas encore été restitué.
Le 27 juillet 2022, la créance de la SA Arval service lease a été admise au passif de la procédure collective pour la somme de 49.417 euros à titre chirographaire et provisionnel.
Par ordonnance du 30 janvier 2023, le juge-commissaire du tribunal judiciaire de Coutances, sur la requête de Me [N] ès qualités, a :
- déclaré forclose la créance déclarée par la SA Arval service lease au passif de la SASU KV conseils pour 49.417 euros à titre chirographaire et provisionnel ;
- dit que la mention de la présente décision sera portée sur l'état des créances par les soins de Mme le greffier ;
- passé les dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration du 10 février 2023, la société Arval a interjeté appel de cette ordonnance.
Par dernières conclusions déposées le 30 mars 2023, la société Arval demande à la cour de :
- Dire la société Arval service lease recevable et bien fondée en ses demandes,
- Constater que la société Arval service lease justifie pleinement de sa créance au passif de sa locataire défaillante,
En conséquence,
- Infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,
- Juger que la déclaration de créance de la société Arval service lease est parfaitement opposable à la procédure collective,
- Ordonner l'admission de la créance de la société Arval service lease au passif de la procédure collective de la société KV conseils pour un montant de :
* 3.229,10 euros au titre des loyers impayés,
* 46.187,90 euros au titre des indemnités contractuelles liées à la restitution du matériel,
- Condamner la société KV conseils à payer à la société Arval service lease une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dire que ce montant sera fixé au passif de la procédure collective de la société KV conseils,
- La condamner aux entiers dépens.
La SASU KV conseils et Me [M] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU KV conseils n'ont pas constitué avocat, bien que la déclaration d'appel et les premières conclusions d'appelant leurs ont été signifiées le 4 avril 2023, à domicile pour Me [M] [N] et selon procès-verbal dressé en application de l'article 659 du code de procédure civile pour la société KV conseils.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 avril 2024.
Il est expressément renvoyé aux écritures précitées pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
L'article L 622-24 al 1 du code de commerce dispose :
'A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance est née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au mandataire judiciaire dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.(...)
L'article L 622-24 al 4 énonce notamment: 'La déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture (...)'.
En l'espèce, le tribunal a déclaré forclose la créance déclarée par la société Arval à titre provisoire au motif que celle-ci n'avait pas procédé à l'établissement définitif de sa créance dans le délai prévu à l'article L 624-1 al 4 du code de commerce, fixé par le tribunal dans son jugement d'ouverture, et qui expirait le 22 janvier 2023.
Cependant, ce texte s'applique uniquement aux créances du Trésor public et des organismes de sécurité sociale lesquelles, par exception, peuvent être admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré tant qu'un titre exécutoire n'a pas été délivré.
La créance la société Arval, de nature contractuelle, ne relève pas de ce régime particulier de l'admission provisionnelle de sorte que la sanction de la forclusion prévue par l'article L 622-24 al 4 ne lui est pas applicable.
L'appelante a déclaré sa créance dans le délai légal de deux mois à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire au BODACC, conformément à l'article R. 622-24.
Sa créance n'est donc pas forclose, l'ordonnance entreprise étant infirmée sur ce point.
Ainsi qu'il a été vu plus haut, en dehors de l'hypothèse prévue par l'article L 622-24 al 4, le créancier ne peut pas déclarer sa créance à titre provisionnel. Lorsque le montant de la créance n'est pas définitivement fixé, celle-ci est déclarée sur la base d'une évaluation.
Il s'ensuit que le juge-commissaire ne pouvait pas admettre la créance de l'appelante à titre provisionnel.
Il convient donc de dire que la créance de la société Arval est admise à titre définitif et chirographaire pour le montant déclaré, soit au total 49.417 euros.
La disposition relative aux dépens est confirmée.
Me [N] ès qualités succombant, est condamné à payer à la société Arval la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt par défaut, mis à disposition au greffe,
INFIRME l'ordonnance entreprise sauf en ce qui concerne les dépens ;
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées et y ajoutant,
DIT que la créance de la SA Arval service lease n'est pas forclose ;
ADMET la créance de la SA Arval service lease au passif de la liquidation judiciaire de la SASU KV conseils pour la somme de 49 417€ à titre définitif et chirographaire ;
CONDAMNE Me [M] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SASU KV conseils à payer à la SA Arval service lease la somme 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT que les dépens d'appel seront pris en frais privilégiés de la procédure collective.