Livv
Décisions

CA Besançon, 1re ch., 14 août 2024, n° 24/00251

BESANÇON

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Cpam du Jura (Sté)

Défendeur :

SAS (O) (Z), MJ Juralp (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Wachter

Conseillers :

M. Saunier, Mme Willm

Avocats :

Me Degournay, Me Levy

TJ Lons le Saunier, du 9 févr. 2024, n° …

9 février 2024

*************

La SAS [O] [Z], exerçant une activité d'ambulancier, a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lons le Saunier en date du 4 février 2022.

Par ordonnance du 3 novembre 2022, le juge commissaire a relevé la CPAM du Jura de la forclusion, et l'a invitée à procéder à la déclaration de sa créance.

Par courrier du 25 novembre 2022, la CPAM a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire, la SELARL MJ Juralp, une créance de 77 267,30 euros à titre provisionnel au titre d'une procédure de contrôle engagée par l'Agence Régionale de Santé ayant révélé des anomalies de facturation dans le cadre de transports sanitaires.

Le 14 février 2023, le mandataire judiciaire a informé la CPAM du Jura de l'adoption d'un plan de redressement, et le 16 février 2023, la CPAM a déposé au greffe la liste des créances déclarées au passif.

Le 8 mars 2023, la CPAM du Jura a réceptionné l'avis d'admission de sa créance pour un montant de 77 267,30 euros.

Le 24 novembre 2023, la CPAM du Jura a adressé à la SELARL MJ Juralp une déclaration de créance définitive, ramenant le montant de celle-ci à 70 953,15 euros.

La SELARL MJ Juralp a alors informé la CPAM saisir le juge commissaire au motif que l'état du passif avait été déposé le 31 janvier 2023.

Par ordonnance du 9 février 2024, le juge commissaire a rejeté pour forclusion la demande d'admission définitive de la crance de la CPAM du Jura, et passé les frais de la procédure en frais privilégiés de la procédure collective, au motif que le titre exécutoire avait été émis hors des délais fixés par le tribunal en application de l'article L. 622-24 alinéa 4 du code de commerce.

La CPAM du Jura a relevé appel de cette décision le 16 février 2024.

Par conclusions transmises le 22 mars 2024, l'appelante demande à la cour :

Vu les dispositions des articles L. 622-24, L. 624-1, R. 624-3 et R. 624-8 du code de commerce,

- de réformer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'admission au passif de la SAS [O] [Z] de la créance de la CPAM du Jura comme se heurtant à la forclusion de l'article L. 622-24 alinéa 4 du code de commerce ;

Statuant à nouveau

- de juger que la créance de la CPAM du Jura a été définitivement admise au passif par l'effet de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision d'admission au passif rendue par le juge commissaire le 8 mars 2023 ;

- de juger qu'en toute hypothèse, la CPAM du Jura n'était pas soumise à l'obligation de procéder à une déclaration de créance à titre définitif dès lors qu'elle n'était pas habilitée à se délivrer à elle-même un quelconque titre exécutoire ;

- de juger que dès lors la déclaration de créance effectuée le 25 novembre 2022 l'a été à titre définitif ;

En conséquence,

- d'ordonner l'admission au passif de la SAS [O] [Z] de la créance de la CPAM du Jura pour la somme de 70 953,15 euros ;

- de juger que la créance de la CPAM du Jura sera réglée selon les modalités prévues par le plan de redressement et acceptées le 6 janvier 2023 ;

- de condamner solidairement la SAS [O] [Z] et la SELARL MJ Juralp, prise en sa qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan à payer à la CPAM du Jura la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner solidairement les mêmes aux entiers dépens.

Par conclusions notifiées le 12 avril 2024, la société [O] [Z] et la SELARL MJ Juralp, prise en sa qualité de mandataire judiciaire et de commissaire à l'exécution du plan, demande à la cour :

Vu les dispositions de l'article L. 622-24 alinéa 4 du code de commerce,

- de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée ;

- de condamner la CPAM du Jura à la SAS [O] [Z] et à la SELARL MJ Juralp la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la CPAM du Jura aux entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée le 24 avril 2024.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

L'article L. 622-24 du code de commerce dispose en son alinéa 4 que la déclaration des créances doit être faite alors même qu'elles ne sont pas établies par un titre. Celles dont le montant n'est pas encore définitivement fixé sont déclarées sur la base d'une évaluation. Les créances du Trésor public et des organismes de prévoyance et de sécurité sociale ainsi que les créances recouvrées par les organismes visés à l'article L. 5427-1 à L. 5427-6 du code du travail qui n'ont pas fait l'objet d'un titre exécutoire au moment de leur déclaration sont admises à titre provisionnel pour leur montant déclaré. En tout état de cause, les déclarations du Trésor et de la sécurité sociale sont toujours faites sous réserve des impôts et autres créances non établis à la date de la déclaration. Sous réserve des procédures judiciaires ou administratives en cours, leur établissement définitif doit, à peine de forclusion, être effectué dans le délai prévu à l'article L. 624-1. Si la détermination de l'assiette et du calcul de l'impôt est en cours, l'établissement définitif des créances admises à titre provisionnel doit être effectué par l'émission du titre exécutoire dans un délai de douze mois à compter de la publication du jugement d'ouverture. Toutefois, si une procédure de contrôle ou de rectification de l'impôt a été engagée, l'établissement définitif des créances qui en font l'objet doit être réalisé avant le dépôt au greffe du compte rendu de fin de mission par le mandataire judiciaire. Le délai de cet établissement définitif est suspendu par la saisine de l'une des commissions mentionnées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales jusqu'à la date de réception par le contribuable ou son représentant de l'avis de cette commission ou celle d'un désistement.

Un organisme de sécurité sociale non habilité à se délivrer un titre exécutoire est tenu de déclarer sa créance à titre définitif dans les conditions de droit commun, sans que lui soient applicables les dispositions spécifiques prévues par l'article L. 622-24 alinéa 4 relativement à la déclaration à titre provisionnel du Trésor public et aux organismes de prévoyance et de sécurité sociale.

Il en est ainsi en l'espèce s'agissant de la CPAM du Jura, qui, bien qu'ayant improprement qualifié sa déclaration de créance de 'provisionnelle', a en réalité procédé, en sa qualité de créancier de droit commun, à une déclaration de créance sur la base d'une évaluation.

Cette créance a été admise par le juge commissaire, et a au demeurant été intégrée au plan de continuation dont a bénéficié la société [O] [Z].

Le juge commissaire ne pouvait dès lors plus rejeter cette créance, qui n'avait pas à faire l'objet d'une déclaration de créance définitive, la déclaration adressée le 24 novembre 2023 par la CPAM au mandataire judiciaire s'analysant, en dépit de ses termes, en une simple actualisation de sa créance à la baisse.

L'ordonnance déférée sera donc infirmée, la créance de la CPAM étant admise à hauteur de 70 953,15 euros.

La société [O] [Z] sera condamnée aux dépens d'appel.

Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Infirme l'ordonnance rendue le 9 février 2024 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Lons le Saunier, sauf s'agissant des dépens ;

Statuant à nouveau du chef infirmé, et ajoutant :

Admet la créance de la CPAM du Jura au passif de la procédure collective de la SAS [O] [Z] pour un montant de 70 953,15 euros à titre chirographaire ;

Condamne la SAS [O] [Z] aux dépens d'appel ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.