CA Toulouse, 2e ch., 27 août 2024, n° 23/02458
TOULOUSE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Défendeur :
Selas Egide (SELAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Salmeron
Conseillers :
Mme Martin de la Moutte, Mme Norguet
Avocats :
Me Pradon-Baby, Me Dedieu, Me Degioanni
Exposé des faits et procédure :
Par jugement du 11 juin 2002, le tribunal de grande instance de Saint Gaudens a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de Madame [E] [K] épouse [M].
Madame [K] a bénéficié d'un plan de redressement homologué par jugement du 20 mai 2003.
Par jugement du 26 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Toulouse, devenu compétent en raison de la fermeture du tribunal de grande Instance de Saint Gaudens a prononcé la résolution du plan de redressement et a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de Madame [E] [K], la Selarl [O] et associés aux droits de laquelle vient désormais la Selas Egide étant désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Le liquidateur, indiquant avoir appris de Maître [V] [R], notaire à [Localité 14] que Madame [K] avait cédé des parts indivises d'un bien immobilier situé à [Localité 9], a sollicité que la somme de 36.250 € soit versée à la liquidation, sans obtenir satisfaction.
Par exploits en date des 12 et 13 juillet 2022, la Selas Egide a saisi le tribunal judiciaire de Toulouse d'une action en inopposabilité de l'acte.
Par jugement du 27 juin 2023, le tribunal judiciaire de Toulouse a déclaré recevable la demande de la Selas Egide et a prononcé l'inopposabilité à la procédure de liquidation judiciaire de Madame [E] [M] de la cession au bénéfice de Monsieur [P] [T] et de Mademoiselle [G] [I] des 3/24 ème en pleine propriété et 4/24 ème en nue-propriété de l'actif immobilier sis à [Localité 11] ' [Adresse 8] (parcelle section A n° [Cadastre 3]), et à titre indivis de la parcelle section A n° [Cadastre 4].
Par déclarations en date du 6 juillet 2023 et du 7 juillet 2023, Madame [I] et Monsieur [T] ont relevé appel de ce jugement.
Ces procédures ont été jointes.
La clôture est intervenue le 6 juillet 2023.
Prétentions et moyens des parties :
Vu les conclusions notifiées le 5 avril 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de Madame [G] [I] demandant de
- Réformer la décision dont appel en toutes ces dispositions.
Statuant à nouveau,
- Lui déclarer inopposable la liquidation judiciaire de Madame [E] [K].
- Débouter la Selas Egide de sa demande en non-opposabilité de la vente de la part indivise de Madame [E] tant en ce qu'elle est irrecevable en ses demandes qu'en ce que la liquidation judiciaire de Madame [E] [K] est inopposable aux acquéreurs.
- Débouter la Selas Egide de sa demande d'inopposabilité de l'acte de partage entre elle et Monsieur [T].
- Débouter la Selas Egide des demandes particulières formulées à l'encontre de Madame [G] [I].
- Condamner la Selas Egide à verser à Madame [G] [I] la somme de 3 600 € au titre de l'article 700 du CPC.
- Condamner la Selas Egide aux dépens.
Vu les conclusions notifiées le 19 juillet 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de M.[P] [T] demandant, au visa des articles L 641-9, R 641-1, R 621-8, L 643-9 du code de commerce, 1240 et 1241 du code civil, 1347 et suivants du code civil, de :
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulouse le 27 juin 2023 en ce qu'il a :
- Déclaré recevable la demande de la Selas Egide en qualité de liquidateur de Madame [E] [K]
- Prononcé l'inopposabilité à la procédure de liquidation judiciaire de Madame [E] [K] de la cession au bénéfice de Monsieur [P] [T] et Madame [G] [I] des 3/24ème en pleine propriété et 4/24ème en nue-propriété des actifs immobiliers suivants :
- Une maison d'habitation de plain-pied avec jardin et garage attenant figurant au cadastre sous les références suivantes : Section A, n°[Cadastre 3], située [Adresse 8] ' [Localité 2]
- Une parcelle de terre à usage de rampe figurant au cadastre sous les références suivantes : Section A, n°[Cadastre 4], située [Adresse 12] à [Adresse 10].
- Condamné Monsieur [P] [T] aux dépens
Statuant à nouveau,
A titre principal
- Juger irrecevable la demande du mandataire liquidateur ès qualités au titre de l'inopposabilité à la procédure collective de la cession des 3/24ème en pleine propriété et des 4/24ème en nue-propriété des droits cédés par Madame [E] [K] le 13 octobre 2017 pour la somme de 36.250 € ;
A titre subsidiaire,
- Confirmer que l'inopposabilité à la procédure de liquidation judiciaire de Madame [E] [K] de la cession des droits indivis concerne Monsieur [P] [T] et Madame [G] [I],
- Juger que Madame [E] [K] a commis une faute engageant sa responsabilité civile délictuelle ;
- Condamner la Selas Egide, représentée par Maître [W] [O] en qualité de mandataire liquidateur de Madame [E] [K] à payer à Monsieur [P] [T] la somme de 36.250 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice matériel subi et, de manière générale, à garantir Monsieur [P] [T] de toutes les conséquences dommageables de l'inopposabilité à la procédure collective de la cession intervenue en violation des règles relatives au déssaisissement du débiteur ;
- Condamner la Selas Egide en qualité de Mandataire liquidateur de Madame [E] [K] à lui payer la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi ;
- Ordonner la compensation entre les créances respectives des parties ;
- Condamner la Selas Egide en qualité de mandataire liquidateur de Madame [E] [K] à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la Selas Egide en qualité de mandataire liquidateur de Madame [E] [K] aux entiers dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 10 octobre 2023 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Selas Egide en qualité de liquidateur de Madame [K] de
- Confirmer purement et simplement le jugement du 27 juin 2023.
Y ajoutant,
- Prononcer l'inopposabilité à la procedure collective du partage intervenu entre Madame [I] et M.[T],
- Rejeter la demande reconventionnelle de Monsieur [T] de condamnation à des dommages et intérêts et juger que seule une fixation au passif est susceptible d'être prononcée,
- Débouter M.[T] de sa demande de compensation,
- Condamner in solidum M.[T] et Madame [I] aux dépens ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le ministère public a indiqué s'en remettre à justice.
Motifs
Le liquidateur poursuit l'inopposabilité à la procédure collective de la cession de biens immobiliers intervenue après l'ouverture de la liquidation, en violation du dessaisissement du débiteur.
- sur la recevabilité de l'action
Les appelants ne soutiennent plus devant la cour que l'action d liquidateur n'est pas recevable à défaut de publication de l'acte introductif d'instance conformément au décret du 4 janvier 1955 relatif à la publicité foncière mais
Monsieur [T] fait valoir que le liquidateur n'a pas qualité à agir au regard de la date d'ouverture de la liquidation judiciaire, ancienne de plus de deux ans et en l'absence de prorogation de la clôture de la procédure collective.
Il ajoute que la société Egide ne démontre pas venir aux droits de la Selarl [O] désignée en qualité de liquidateur.
L'article L 643-9 du code de commerce dispose que la clôture de la liquidation doit intervenir dans un délai de deux ans et en l'espèce, la liquidation a été ouverte par jugement du 26 octobre 2012.
Néanmoins, l'absence de prorogation du délai fixé en application de l'article L. 643-9, alinéa 1, du code de commerce, au terme duquel la clôture de la liquidation judiciaire doit être examinée, ne met pas fin de plein droit à cette procédure (Com., 27 septembre 2016, pourvoi n° 15-13.348, Bull. 2016, IV, n° 126).
La procédure qui n'a pas été clôturée se poursuit et le liquidateur a bien qualité à agir dans l'intérêt des créanciers.
D'autre part et contrairement à ce que soutient M.[T], le liquidateur justifie par la production d'un extrait Kbis que la Selarl [O], désignée en qualité de liquidateur a changé de dénomination sociale pour devenir Egide.
L'action du liquidateur est donc recevable. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
- sur la demande d'inopposabilité
Selon l'article L 641-9 du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.
Pour s'opposer à la demande du liquidateur, les acquéreurs des biens cédés font valoir que l'existence d'une procédure collective ne leur est pas opposable en l'absence de publicité du jugement d'ouverture.
Le liquidateur démontre néanmoins que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le jugement de liquidation de Madame [K] a bien été publié au Bodacc le 22 novembre 2012 (annonce 1253). C'est donc vainement que les acquéreurs soutiennent que le notaire avait utilement interrogé le Bodacc ce qui ne résulte d'ailleurs pas des relevés d'interrogations informatiques versées aux débats.
Le premier juge a en outre relevé à juste titre que la bonne foi des acquéreurs est indifférente.
C'est donc de façon pertinente qu'il a retenu que la vente intervenue par acte du 13 octobre 2017, à une date ou la venderesse était dessaisie par l'effet du jugement de liquidation judiciaire du 26 octobre 2012, était inopposable à la procédure collective de Madame [K].
Le jugement sera en conséquence intégralement confirmé.
- sur la demande indemnitaire formée à l'encontre de Madame [K]
M.[T] sollicite reconventionnellement pour la première fois devant la cour, la condamnation de Madame [K], représentée par le liquidateur au paiement d'une indemnité de 36. 250 € en indemnisation de son préjudice et la compensation de cette somme. Il reproche à Madame [K], représentée par le liquidateur, d'avoir faussement déclaré dans l'acte de vente ne pas faire l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.
Le liquidateur soutient que cette demande reconventionnelle n'est pas recevable en l'absence de lien suffisant avec sa demande principale en inopposabilité de la vente.
L'article 70 du code de procédure civile dispose que 'les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout.'
La cour observe en premier lieu que la demande en compensation formée par M.[T] est dépourvue d'objet puisque, hormis ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, le liquidateur ne forme aucune demande de condamnation des acquéreurs au paiement d'une somme d'argent.
En outre, la demande en indemnisation du dommage née de la faute de la débitrice en raison d'une fausse déclaration dans l'acte de vente ne présente pas avec la demande d'inopposabilité de la vente à la procédure collective, fondée sur les dispositions du code de commerce relative au dessaisissement, un lien suffisant au sens du texte susvisé.
Elle est donc irrecevable.
L'inopposabilité de la vente s'étend aux actes subséquents. Ainsi, dès lors que Madame [I] invoque un acte de partage des biens immobiliers acquis en indivision, intervenu entre elle même et M.[T] en date du 9 août 2021, il y a lieu, conformément à la demande du liquidateur de déclarer cet acte de partage inopposable à la procédure collective de Madame [K].
Partie perdante, Monsieur [T] et Madame [I] supporteront les dépens et devront indemniser le liquidateur des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer pour les besoins de sa défense en cause d'appel.
Par ces motifs
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare la demande indemnitaire de M.[T] irrecevable,
Déclare inopposable à la procédure collective de Madame [E] [K] l'acte de partage portant sur les biens cadastrés commune de [Localité 9] section A n° [Cadastre 3] et n° [Cadastre 4], reçu par Me [R] le 9 août 2021,
Condamne Monsieur [P] [T] et Madame [G] [I] à payer à la Selas Egide en qualité de liquidateur de Madame [K] la somme de 2.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.