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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-1, 3 septembre 2024, n° 24/00900

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00900

3 septembre 2024

-1-

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 SEPTEMBRE 2024

N°2024/278

Rôle N° RG 24/00900 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMO45

S.C.P. BTSG²

S.A.R.L. CIRTA

C/

[J] [G] [K] [H]

[P] [O] [H] épouse [Y]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Jean philippe FOURMEAUX

Me Maxime ROUILLOT

Me Sébastien BADIE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de NICE en date du 11 Août 2022 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 19/02845.

APPELANTES

S.A.R.L. CIRTA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège, demeurant [Adresse 5] - [Localité 9]

représentée par Me Jean philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEES

Madame [J] [G] [K] [H] prise en sa qualité d'héritière de Monsieur [L] [H] (décédé)

née le 19 Mai 1952 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4] - [Localité 10]

Madame [P] [O] [H] épouse [Y] en sa qualité d'héritière de Monsieur [L] [H] (décédée)

née le 23 Septembre 1955 à [Localité 9], demeurant [Adresse 6] - [Localité 1]

Toutes deux représentée par Me Maxime ROUILLOT de la SELARL MAXIME ROUILLOT - FRANCK GAMBINI, avocat au barreau de NICE

PARTIE INTERVENANTE

S.C.P. BTSG² prise en la personne de Maître [M] [N], ès-qualité de Mandataire judicaire de la société CIRTA

demeurant [Adresse 7] - [Localité 9]

représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE et ayant pour avocat plaidant Me Florian VIDAL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

- 2-

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Juin 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :

Monsieur Olivier BRUE, Président,

et Madame Catherine OUVREL, conseiller,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Monsieur Olivier BRUE, Président de chambre

Madame Catherine OUVREL, Conseillère

Madame Fabienne ALLARD, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Céline LITTERI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024..

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Septembre 2024.

Signé par Madame Catherine OUVREL, Conseillère, pour le Président de chambre empêché et Madame Céline LITTERI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 28 février 2017, reçu par maître [I] [R], notaire à [Localité 9], M. [L] [H] a vendu à la SARL Cirta la pleine propriété d'un immeuble situé [Adresse 8] à [Localité 9], comprenant un terrain sur lequel se trouve édifiée une construction à usage commercial élevée sur rez-de-chaussée d'un étage, et passage donnant accès au [Adresse 8].

L'immeuble présente une superficie loi Carrez de 272,81 m² et une surface au sol totale de 332,35 m².

Cette vente a été conclue moyennant le prix de 400 000 € payable de la manière suivante :

- paiement comptant au jour de l'acte de la somme de 250 000 €,

- le solde, soit la somme de 150 000 €, payable au plus tard le 28 février 2019, productif à compter du jour de l'entrée en jouissance de l'immeuble, soit le 28 février 2017, d'intérêts au taux de 1,60% l'an payable le 5 de chaque trimestre civil.

L'acte de vente prévoyait encore que :

- les paiements pourraient avoir lieu en tout ou partie avant la date du 28 février 2019, les règlements étant affectés prioritairement sur le montant des intérêts dus,

- passé la date d'exigibilité du 28 février 2019 sans que la totalité du paiement ait été effectué, les sommes restant dues produiraient intérêts au taux de 5% l'an sans que cette majoration d'intérêt ne vaille prorogation des délais de paiement,

- les paiements devraient être effectués par la comptabilité du notaire pour être quittancés.

- 3-

Cet acte de vente a été publié au deuxième bureau des services de la publicité foncière de Nice le 3 mars 2017 Volume 2017V1131.

En garantie de la bonne exécution de ces obligations par l'acquéreur, M. [L] [H] bénéficiait d'une inscription de privilège de vendeur, réalisée le 3 mars 2017 Volume 2017 V394.

La SARL Cirta a cessé de s'acquitter des échéances d'intérêts trimestrielles à compter du 5 juillet 2018 et ne s'est pas acquittée du solde du prix de vente d'un montant de 150 000 € à la date butoir prévue au contrat de vente, soit le 28 février 2019.

Par courrier du 12 mars 2019, le notaire rédacteur de l'acte, maître [I] [R], a mis en demeure la SARL Cirta d'avoir à procéder au règlement de la somme de 150 000 € augmentée des intérêts des trimestres de juillet 2018 à février 2019, outre des intérêts de 5%.

Cette correspondance est restée sans effet, tout comme la sommation de payer délivrée à la SARL Cirta par exploit d'huissier du 25 mars 2019.

M. [L] [H] a fait délivrer à la SARL Cirta deux commandements de payer les 4 et 13 juin 2019 afin de se prévaloir de la clause résolutoire figurant au contrat.

Par acte du 24juin 2019, M. [L] [H] a fait assigner la SARL Cirta devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de voir prononcer la résolution judiciaire de la vente.

M. [L] [H] est décédé le 17 décembre 2020, laissant pour lui succéder ses enfants, Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y], intervenantes volontaires.

Par jugement en date du 11 août 2022, le tribunal judiciaire de Nice a :

reçu l'intervention volontaire de Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] en leur qualité ayants droit de M. [L] [H], leur père, décédé le 17 décembre 2020, en leur intervention volontaire,

constaté que l'assignation délivrée le 24 juin 2019 a été publiée le 2 juillet 2019 auprès des services de la publicité foncière de Nice,

déclaré Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] recevables en leurs demandes,

écarté les notes en délibérés adressées les 28 juillet et 1er août 2022,

débouté la SARL Cirta de sa demande de délais,

prononcé la résolution judiciaire de la vente par M. [L] [H] au profit de la SARL Cirta de l'immeuble situé à [Localité 10]), [Adresse 8], comprenant un terrain sur lequel se trouve édifiée une construction à usage commercial élevée sur rez-de-chaussée d'un étage, et passage donnant accès au [Adresse 8], cadastré:

. LW [Cadastre 2] '[Adresse 8] 02a00ca,

. LW [Cadastre 3] ' [Adresse 8] 63a,

selon acte recu par maître [I] [R], notaire associé à la résidence de [Localité 9], aux termes d'un acte du 28 février 2017, publié le 3 mars 2017 volume 2017P1131,

' dit que le bien objet de la vente conclue par acte authentique reçu le 28 février 2017 par maître [I] [R] au profit de la SARL Cirta par M. [L] [H] appartient désormais à la succession de ce dernier,

' ordonné la restitution à la SARL Cirta par mesdames [J] [H] et [P] [H] épouse [Y] de la somme de 250 000 € au titre du paiement partiel effectué sur le prix de vente,

' condamné la SARL Cirta à payer à Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] la somme de 35 000 € à titre de clause pénale,

' dit que la somme de 35 000 € se compensera et viendra en deduction de la somme de 250 000 € due à la SARL Cirta au titre de la restitution du prix de vente,

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' condamné la SARL Cirta à payer à Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] la somme de 3 500 € sur le fondement de Particle 700 du code de procédure civile,

' condamné la SARL Cirta aux entiers dépens en ce compris le coût des commandements délivrés les 4 juin 2019 et 13 juin 2019,

' ordonné la publication de la présente décision auprès du service de publicité foncière compétent à la diligence de Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y],

' ordonné l'exécution provisoire de la présente décision.

Le tribunal a estimé, en application de l'article 1224 du code civil et de la clause figurant en page 16 de l'acte de vente, qu'à défaut de paiement du solde du prix de vente par la SARL Cirta à la date contractuellement prévue, et malgré les multiples mises en demeure et commandements délivrés à cette fin, la résolution de la vente s'imposait.

Le tribunal a modéré le montant de la clause pénale, contractuellement prévue à hauteur de 80 000 €, eu égard au paiement partiel de la majorité du prix de vente, pour ne la fixer qu'à hauteur de 35 000 €, somme mise à la charge de la SARL Cirta, avec compensation.

Selon déclaration reçue au greffe le 19 août 2022, la SARL Cirta a interjeté appel de cette décision, l'appel portant sur toutes les dispositions du jugement déféré dûment reprises.

Par jugement du 21 septembre 2023, rendu par le tribunal de commerce de Nice, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'endroit de la SARL Cirta. Le 8 novembre 2023, Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] ont procédé à leur déclaration de créance.

Par ordonnance du 26 septembre 2023, l'interruption de l'instance a été constatée et par ordonnance du 29 décembre 2023, l'instance a été radiée. Elle a été réinscrite le 22 janvier 2024.

Par dernières conclusions transmises le 22 septembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SARL Cirta sollicite de la cour qu'elle :

déclare l'instance interrompue, celle-ci ne pouvant être reprise qu'après que les consorts [H] aient déclaré leur créance et mis en cause la SCP BTSG désignée pour être son mandataire judiciaire,

condamne Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] aux entiers dépens.

La SARL Cirta, qui n'a pas de nouveau conclu depuis l'intervention de la SCP BTSG ès qualités à la procédure, s'en tient aux dispositions des articles 369 du code de procédure civile, L 622-21 et L 622-22 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions transmises le 22 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCP BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Cirta, sollicite de la cour qu'elle :

infirme la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé la résolution judiciaire de la vente, dit que le bien en cause appartenait désormais à la succession de M. [L] [H], ordonné la restitution de la somme de 250 000 € par Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] au profit de la SARL Cirta, condamné la SARL Cirta au paiement d'une clause pénale de 35 000 €, avec compensation et en ce qu'elle a ordonné la publication de la décision,

Statuant à nouveau :

juge irrecevable la demande de résolution de la vente formée par Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y],

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déboute Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions formées de ce chef,

fixe la créance de Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] au passif de la SARL Cirta dans la limite de la somme déclarée auprès d'elle, ès qualités,

lui donne acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur les mérites des prétentions formées au titre de l'application de la clause pénale par la SARL Cirta, d'une part, et de Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y], d'autre part,

En tout état de cause :

condamne la partie succombante à lui payer la somme de 3 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la partie succombante aux dépens,

déboute Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y] de toutes leurs demandes à son encontre.

La SCP BTSG, ès qualités, soulève la règle de l'arrêt des poursuites, en application des articles L 622-21, L 622-22, L 622-23 et L 631-14 du code de commerce, s'agissant d'une instance tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, applicable en l'espèce. Elle fait valoir que l'acte de vente ne comprend pas de clause résolutoire conforme à la jurisprudence, et que M. [L] [H], lors de la délivrance des commandements de payer, n'a jamais fait part de son intention de se prévaloir d'une clause résolutoire contractuellement prévue, ne demandant que le paiement de la clause pénale.

Au titre de la clause pénale, la SCP BTSG, ès qualités, indique s'en rapporter à justice, étant observé que le préjudice subi du fait de la carence de l'appelante est déjà indemnisé par la production des intérêts au taux contractuel désormais majoré.

Par dernières conclusions transmises le 30 avril 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [P] [H] épouse [Y], en sa qualité d'héritière de son père, M. [L] [H], et de sa soeur, Mme [J] [H], sollicite de la cour qu'elle :

constate la reprise d'instance,

juge que par suite du décès de M. [L] [H], Mme [J] [H] et Mme [P] [H] épouse [Y], seules héritières de M. [L] [H], viennent aux droits de leur père,

juge que, par suite du décès de Mme [J] [H], Mme [P] [H] épouse [Y], seule héritière de Mme [J] [H], vient aux droits de sa soeur,

donne acte à Mme [P] [H] épouse [Y] qui poursuit seule la procédure initiée par son père, qu'elle s'en rapporte à justice s'agissant des conséquences de l'ouverture du redressement judiciaire, sur la demande de résolution de la vente immobilière intervenue,

déboute la SARL Cirta de l'intégralité de ses demandes,

fixe ses créances au passif de la SARL Cirta,

Dans l'hypothèse où la cour entendrait infirmer la décision de résolution de la vente :

' fixe ses créances au passif de la SARL Cirta, à titre privilégié, à la somme de 272 538,40 €, augmentée des intérêts au taux contractuel majoré de 5% sur 188 207,03 € qui continuent à courir du 21 septembre 2023 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation chaque année le 5 avril, conformément au détail suivant :

Principal'''''''''''''''''''''...................150 000,00 €

Intérêts au taux de 1,60% l'an du 5 Avril 2017 au 5 Avril 2018 sur 150 000,00 € '''''''''''''''''''''..................................'.24 00,00 €

Intérêts au taux de 1,60% l'an du 5 Avril 2018 au 5 Avril 2019 sur 152 400,00 € '''''''''''''''''....................................''''...2 438,40 €

- 6-

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2019 au 5 Avril 2020 calculés sur 154838,40 €....'''''...'''''''''''..............................7 741,92 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2020 au 5 Avril 2021 calculés sur 162 580,32 € ....................................................................................................8129,01 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% l'an du 5 Avril 2021 au 5 Avril 2022 calculés sur 170 709,33 € ...............................................................................................8535,46 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2022 au 5 Avril 2023 sur la somme de179 244,79 € .................................................................................................8962.23 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2023 au 20 septembre 2023 calculés sur la somme de 188 207,03€ ...........................................................................4331,34 €

Clause pénale pour défaut de paiement des sommes exigibles (cf page 14 de l'acte notarié)'''''''........................................................'''...........80 000,00 €

TOTAL ''''''''''''''.........'.........................272 538,40 €

Dans l'hypothèse où la cour entendrait confirmer la décision de résolution de la vente :

' fixe sa créance au passif de la SARL Cirta à titre chirographaire à la somme de 80 000 € au titre de la clause pénale,

' juge que, par l'effet de la compensation à intervenir, elle est redevable envers la SARL Cirta d'une somme de 170 000 €, correspondant à la somme de 250 000 € déduction faite de la clause pénale d'un montant de 80 000 €,

Ajoutant au jugement entrepris :

' condamne tout succombant au paiement d'une somme de 8 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamne tout succombant aux entiers dépens distraits au profit de la SELARL Rouillot-Gambini, représentée par maître Maxime Rouillot, avocat aux offres de droit en ce compris le coût des deux commandements de payer se prévalant de la faculté d'agir en résolution du contrat de vente.

L'intimée assure être parfaitement recevable à agir ès qualités d'héritière de son père, et désormais de sa soeur également, quand bien même le bien objet de la demande en résiliation appartiendrait à la succession de M. [L] [H].

L'intimée s'oppose à toute modération de la clause pénale contractuellement convenue, à hauteur de 80 000 €, en application de l'article 1231-5 du code civil, ce d'autant que l'écoulement du temps depuis le premier jugement, non exécuté, outre le placement en redressement judiciaire de la SARL Cirta, augmentent son préjudice et l'immobilisation du bien.

Eu égard à l'ouverture du redressement judiciaire contre la SARL Cirta, en vertu des articles L 622-21 et L 622-22 du code de commerce, Mme [P] [H] épouse [Y] s'en rapporte à l'appréciation de la cour, indiquant avoir procédé à la déclaration de sa créance le 8 novembre 2023. Elle entend, en tout état de cause, que sa créance soit fixée au passif de la SARL Cirta dans l'hypothèse d'une non résolution de la vente, avec privilège du vendeur, ou, dans l'hypothèse d'une résolution de celle-ci.

L'affaire a reçu fixation le 26 janvier 2024 au 3 juin 2024. L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance en date du 6 mai 2024.

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MOTIFS DE LA DÉCISION

La Cour d'appel précise, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de 'constatations', de 'prise d'acte' ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

En l'occurrence, Mme [P] [H] épouse [Y] produit les actes de notoriété aux termes desquels elle apparaît comme héritière de son père, M. [L] [H], décédé le 17 décembre 2020, avec sa soeur, Mme [J] [H], puis, comme héritière également de sa soeur, Mme [J] [H] étant ensuite décédée le 22 novembre 2023, en cours de procédure. Dès lors, elle démontre être parfaitement recevable à défendre dans le cadre de la présente procédure en résolution de la vente litigieuse. Cette recevabilité n'est au demeurant plus contestée en appel par la SCP BTSG, ès qualités de mandataire judiciaire de la SARL Cirta.

Sur la demande tendant à la résolution de la vente

En vertu de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

Par application de l'article L 622-21 du code de commerce :

I.-Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

II.-Sans préjudice des droits des créanciers dont la créance est mentionnée au I de l'article L. 622-17, le jugement d'ouverture arrête ou interdit toute procédure d'exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

III.-Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence interrompus.

IV.-Le même jugement interdit également de plein droit, tout accroissement de l'assiette d'une sûreté réelle conventionnelle ou d'un droit de rétention conventionnel, quelle qu'en soit la modalité, par ajout ou complément de biens ou droits, notamment par inscription de titres ou de fruits et produits venant compléter les titres figurant au compte mentionné à l'article L. 211-20 du code monétaire et financier, ou par transfert de biens ou droits du débiteur.

Toute disposition contraire, portant notamment sur un transfert de biens ou droits du débiteur non encore nés à la date du jugement d'ouverture, est inapplicable à compter du jour du prononcé du jugement d'ouverture.

Toutefois, l'accroissement de l'assiette peut valablement résulter d'une cession de créance prévue à l'article L. 313-23 du code monétaire et financier lorsqu'elle est intervenue en exécution d'un contrat-cadre conclu antérieurement à l'ouverture de la procédure. Cet accroissement peut également résulter d'une disposition contraire du présent livre ou d'une dérogation expresse à son application prévue par le code monétaire et financier ou le code des assurances.

Par ailleurs, l'article L 622-22 du code de commerce dispose que, sous réserve des dispositions de l'article L 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci.

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En l'occurrence, par acte du 28 février 2017, M. [L] [H] a vendu à la SCP BTSG la pleine propriété d'un bâtiment à usage commercial avec terrain, [Adresse 8] à [Localité 9], moyennant le prix de 400 000 € payable de la manière suivante :

- paiement comptant au jour de l'acte de la somme de 250 000 €,

- le solde, soit la somme de 150 000 €, payable au plus tard le 28 février 2019, productif à compter du jour de l'entrée en jouissance de l'immeuble, soit le 28 février 2017, d'intérêts au taux de 1,60% l'an payable le 5 de chaque trimestre civil.

Aux termes de la clause stipulée en page 16 de l'acte notarié, intitulée 'résolution', il a été expressément prévu que 'les parties conviennent que la résolution du présent pourra résulter soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice conformément aux dispositions de l'article 1224 du code civil'.

Il résulte des pièces produites, non contestées au demeurant par la SARL Cirta, qu'elle a cessé tout paiement des échéances trimestrielles prévues à compter du 5 juillet 2018, et qu'elle ne s'est pas acquittée du solde du prix de vente de 150 000 € à la date butoir, soit le 28 février 2019.

M. [L] [H] a fait délivrer à la SARL Cirta deux commandements de payer les 4 et 13 juin 2019. Aux termes de ces actes, sont visées à la fois une demande de résolution de la vente pour non paiement de la totalité du prix outre la clause pénale, et, la clause résolutoire stipulée dans le contrat et mise en oeuvre (pièces 5, 6 et 7 de l'intimée), dont la formulation est certes peu habituelle.

Toutefois, en tout état de cause, une procédure collective a été ouverte au bénéfice de la SARL Cirta par jugement du 21 septembre 2023.

L'instance a été interrompue dans un premier temps en vue de permettre la mise en cause du mandataire judiciaire désigné aux intérêts de la SARL Cirta. La SCP BTSG est intervenue, de sorte que l'instance a été reprise et réinscrite au rôle le 22 janvier 2024 à raison de l'intervention de ce mandataire aux intérêts du débiteur défaillant, et, eu égard à la déclaration de créance effectuée par Mme [P] [H] épouse [Y] et Mme [J] [H], ès qualités, en date du 8 novembre 2023.

Néanmoins, au jour de l'ouverture de la procédure collective, soit le 21 septembre 2023, aucune décision passée en force de chose jugée prononçant la résolution de la vente n'avait été rendue. En effet, le jugement du 11 août 2022 qui a prononcé la résolution judiciaire de la vente litigieuse et est assorti de l'exécution provisoire, a fait l'objet d'un appel selon déclaration du 19 août 2022, de sorte qu'un recours potentiellement suspensif d'exécution a été introduit contre cette décision qui n'a pas force de chose jugée.

Ainsi, la règle de l'interdiction des poursuites individuelles posée par l'article L 622-21 du code de commerce, rend irrecevable la demande de Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités, en résolution du contrat de vente antérieur pour défaut de paiement du prix. Dans ces conditions, le jugement critiqué ne peut qu'être infirmé et la demande en résolution de la vente déclarée irrecevable, sans qu'il y ait lieu d'apprécier la pertinence, ou non, de la mise en oeuvre de la clause résolutoire prévue au contrat.

Sur les conséquences financières

En l'absence de résolution du contrat de vente, par application de l'article L 622-22 du code de commerce précité, l'action de Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités, ne peut donc tendre qu'au constat de sa créance et à la fixation de celle-ci au passif de la SARL Cirta. Conformément à la déclaration de créance régulière, effectuée par l'intimée le 8 novembre 2023, produite à la procédure, et dans la limite de celle-ci, il convient de fixer au passif de l'appelante, la somme de 150 000 € correspondant au solde du prix de vente non réglé par elle, outre intérêts au taux de 1,60 % l'an, puis au taux contractuel majoré de 5 % l'an à compter du 5 avril 2019, tels que calculés par l'intimée.

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Par ailleurs, Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités, sollicite la mise à la charge de la SARL Cirta du montant de la clause pénale tel que contractuellement prévu.

En effet, en page 4 de l'acte de vente, dans le cadre du paragraphe relatif au prix, 'les parties sont convenues que l'acquéreur sera redevable envers le vendeur ou ses ayants droit d'une somme forfaitaire de 80 000 € pour le cas où la vente venait à être résolue du chef ou par la faute de l'acquéreur, notamment pour non paiement de la totalité du solde de prix. Cette somme, stipulée à titre de clause pénale, deviendra immédiatement exigible après deux commandements de payer par voie d'huissier demeurés infructueux'.

En pages 13 et 14 du même acte, les mêmes parties ont convenu qu'en cas de défaillance de l'acquéreur dans le paiement du solde du prix de vente, et si le vendeur exige le remboursement du capital et des intérêts échus, ce dernier aura droit à une indemnité égale à la somme forfaitaire de 80 000 € ainsi que précédemment stipulé.

Il est ici acquis que, bien que la résolution du contrat de vente ne puisse intervenir du fait de la procédure collective mise en oeuvre au profit de l'acquéreur, ce dernier n'a pas réglé le prix de vente dans sa totalité ; la clause pénale incombe donc à la SARL Cirta.

Or, celle-ci n'apparaît ni manifestement excessive, ni disproportionnée au regard des circonstances de l'espèce, et notamment des délais de paiement accordés et de la proportion du prix restant dû. Ainsi, la somme complémentaire de 80 000 € doit être fixée au passif de la SARL Cirta au titre de la clause pénale, tel que récapitulé au dispositif de la présente décision.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de l'infirmation de la décision entreprise du fait de l'évolution du litige, la réformation de celle-ci au titre de la condamnation aux dépens et au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile s'impose aussi.

De plus, en l'espèce, la créance issue de la condamnation au paiement des honoraires d'avocat de Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités, ne peut être qualifiée d'utile au déroulement de la procédure quant à sa finalité de sauvegarde de la société débitrice en procédure collective et n'est pas née en contrepartie d'une prestation fournie à celle-ci, de sorte qu'aucun traitement préférentiel visé par l'article L 622-17 du code de commerce ne peut prévaloir. Seule une fixation des dépens et d'une indemnité à hauteur de 3 000 € due à Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités, au passif de la SARL Cirta, peut être prononcée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière civile et en dernier ressort,

Vu la procédure collective ouverte le 21 septembre 2023 contre la SARL Cirta,

Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [P] [H] épouse [Y] ès qualités d'héritière de sa soeur, Mme [J] [H],

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Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention volontaire de Mme [P] [H] épouse [Y] et de Mme [J] [H], ès qualités d'ayants droit de leur père, M. [L] [H],

Infirme le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions non contraires soumises à la cour,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare irrecevable la demande en résolution de la vente du 28 février 2017,

Fixe la créance de Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités d'ayant droit de M. [L] [H] et de Mme [J] [H], au passif de la SARL Cirta, représentée par la SCP BTSG, mandataire judiciaire, dans la limite de sa déclaration du 8 novembre 2023 à la somme de 272 538,40 €, augmentée des intérêts au taux contractuel majoré de 5% sur 188 207,03 € qui continuent à courir du 21 septembre 2023 jusqu'à parfait paiement, avec capitalisation chaque année le 5 avril, conformément au détail suivant :

Principal'''''''''''''''''''''...................150 000,00 €

Intérêts au taux de 1,60% l'an du 5 Avril 2017 au 5 Avril 2018 sur 150 000,00 € ''''''''''''''''''.............................................'.2 400,00 €

Intérêts au taux de 1,60% l'an du 5 Avril 2018 au 5 Avril 2019 sur 152 400,00 € ''''''''''''''................................................''''...2 438,40 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2019 au 5 Avril 2020 calculés sur 154 838,40 €..................................'...........................................7 741,92 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2020 au 5 Avril 2021 calculés sur 162 580,32 € ''''''''''''''''...........'...8 129,01 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% l'an du 5 Avril 2021 au 5 Avril 2022 calculés sur 170 709,33 € ''''''''''''..................................8 535,46 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2022 au 5 Avril 2023 sur la somme de179 244,79 € '''''''''''................................''8 962,23 €

Intérêts au taux contractuel majoré de 5% du 5 Avril 2023 au 20 septembre 2023 calculés sur la somme de 188 207,03€ ''.................................................'4 331,34 €

Clause pénale pour défaut de paiement des sommes exigibles (cf page 14 de l'acte notarié)'''''''''''''.......................................................80 000,00 €

TOTAL '''''''''''''''''.........'............272 538,40 €,

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Cirta les entiers dépens de l'instance,

Fixe au passif de la procédure collective de la SARL Cirta la créance de Mme [P] [H] épouse [Y], ès qualités, à la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

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Déboute la SCP BTSG de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT