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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 2 septembre 2024, n° 20/01401

ANGERS

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Bnp Paribas Personal Finance (SA), Solfinea (SA)

Défendeur :

Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Vice-président :

Mme Elyahyioui

Conseiller :

M. Wolff

Avocats :

Me Quilichini, Me Deglane, Me De Mascureau

TJ Le Mans, du 8 sept. 2020, n° 11-19-00…

8 septembre 2020

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Le 20 décembre 2012, Mme [C] [P] a conclu deux contrats :

Un premier avec ce qui était présenté alors comme la société Groupe Solaire de France, société par actions simplifiée, portant sur la fourniture, la livraison et la pose d'une centrale photovoltaïque moyennant le prix de 19 900 euros TTC (le contrat principal) ;

Un second avec la société Banque Solfea (Solfea), société anonyme, portant sur un crédit affecté à l'opération précédente, d'un même montant (le contrat de crédit).

Selon le jugement déféré, souhaitant obtenir à titre principal la nullité de ces contrats, Mme [P] a, par actes d'huissier de justice du 19 décembre 2017, fait assigner devant le tribunal d'instance du Mans, d'une part, la société Bally MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, actionnée en qualité de liquidateur judiciaire, depuis un jugement du 12 novembre 2014, de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France exerçant sous l'enseigne Groupe Solaire de France, d'autre part, la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP), société anonyme, désignée comme venant aux droits de Solfea.

Mme [P] a ensuite fait assigner Solfea en intervention forcée par acte d'huissier du 22 janvier 2020.

Par jugement du 8 septembre 2020, le juge des contentieux la protection du tribunal judiciaire du Mans, prenant la suite du tribunal d'instance, a :

Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut du droit d'agir, qui avait été soulevée au profit de la BNP ;

Rejeté l'exception tirée du défaut de déclaration de la créance de Mme [P] à la procédure collective de la société Groupe Solaire de France (sic) ;

Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription qui avait été opposée au bénéfice de Solfea ;

Prononcé la nullité du contrat principal ;

Prononcé la nullité du contrat de crédit ;

Dit que la créance de restitution du capital s'élevait à 19 900 euros ;

Dit que la banque avait commis des manquements engageant sa responsabilité contractuelle ;

Condamné la BNP à verser à Mme [P] la somme de 10 378 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel, déduction de la créance de restitution du capital incluse ;

Condamné la BNP à verser à Mme [P] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

Condamné la BNP à verser à Mme [P] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejeté les demandes de Solfea et de la BNP ;

Condamné la BNP aux dépens.

La BNP et la société Solfinea (Solfinea), nouvelle dénomination sociale de Solfea, ont relevé appel de ces chefs du jugement par déclaration du 16 octobre 2020 signifiée à la personne du liquidateur le 23 novembre 2020 et à Mme [P] le 26 novembre suivant.

Mme [P] a constitué avocat mais n'a pas conclu, son conseil ayant indiqué dans un message du 26 septembre 2023 qu'elle s'appropriait le raisonnement du premier juge.

Le liquidateur n'a quant à lui pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2023.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans leurs conclusions communes signifiées au liquidateur le 23 novembre 2020 et à Mme [P] le 26 novembre suivant, la BNP et Solfinea (les appelantes) demandent à la cour :

De réformer le jugement ;

À titre principal :

De juger irrecevables les demandes de Mme [P] dirigées contre la BNP ;

De juger irrecevables comme étant prescrites les demandes de Mme [P] contre Solfinea ;

De juger irrecevables les demandes de Mme [P] faute de déclaration de créance ;

De rejeter l'intégralité des demandes de Mme [P] ;

Subsidiairement :

De juger n'y avoir lieu à nullité du contrat principal ;

De juger n'y avoir lieu à nullité du contrat de crédit ;

De rejeter l'intégralité des demandes de Mme [P] ;

Plus subsidiairement, en cas de nullité des contrats :

De juger qu'aucune faute n'a été commise par Solfinea dans le déblocage des fonds ;

De juger que Mme [P] ne justifie d'aucun préjudice qui résulterait directement d'une faute du prêteur ;

De juger que Mme [P] aurait dû restituer le capital prêté, ce qu'elle a fait en procédant au remboursement intégral et anticipé du prêt ;

De rejeter en conséquence l'intégralité des demandes de Mme [P] ;

Plus subsidiairement encore, en cas de faute du prêteur et de préjudice de l'emprunteur :

De juger que Mme [P] aurait dû restituer le capital prêté, ce qu'elle a fait en procédant au remboursement intégral et anticipé du prêt ;

De juger que le préjudice subi par Mme [P] s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité est de l'ordre de 5 % ;

En toute hypothèse :

De rejeter l'intégralité des demandes de Mme [P] ;

De juger que les éventuelles condamnations prononcées le seront en deniers et quittances ;

De condamner Mme [P] à leur verser la somme de 3600 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d'appel ;

De condamner Mme [P] aux dépens de première instance et d'appel.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de la demande dirigée contre la BNP

Moyens des parties

Les appelantes soutiennent que :

Elles sont deux entités distinctes. L'action a été dirigée contre la BNP en vertu d'une cession de créances intervenue le 28 février 2017. Or cette cession n'a pas porté sur le crédit litigieux, puisque Mme [P] l'avait intégralement remboursé par anticipation le 29 août 2016. Solfinea est donc seule concernée par le litige, à l'exclusion de la BNP qui ne vient pas à ses droits.

Réponse de la cour

Selon l'article 32 du code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

Aux termes de l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention.

En l'espèce, il est constant que :

Le contrat de crédit a été souscrit par Mme [P] auprès de Solfea, devenue Solfinea.

Solfinea, pour laquelle les appelantes produisent un extrait Kbis à jour du 4 novembre 2020, existe toujours et n'a donc pas transmis l'universalité de son patrimoine à la BNP.

Mme [P] a remboursé le crédit par anticipation en août 2016.

En outre, selon l'acte de cession de créances produit par les appelantes, conclu le 28 février 2017, seule une cession de certains « Crédits et Créances Prescripteurs » est intervenue à cette date entre Solfea et la BNP, après qu'une convention-cadre de transfert de portefeuille de crédits a été signée le 19 décembre 2016. Or comme cela vient d'être indiqué, la créance de Solfea à l'égard de Mme [P] était alors éteinte depuis six mois. Elle ne pouvait donc pas être cédée. Il ne ressort d'ailleurs pas des débats qu'une telle cession ait jamais été rendue opposable à Mme [P] par une notification ou une prise d'acte.

Ainsi, au regard de ces éléments, on ne peut retenir que le droit d'agir de Solfea relativement au contrat de crédit litigieux a été transmis à la BNP.

Pour juger que Mme [P] était néanmoins recevable à agir contre la BNP, le premier juge a considéré que selon les pièces versées aux débats, il y avait eu entre les appelantes « un transfert d'activité de crédits avec tous les droits et obligations afférents ».

Cependant, outre que l'évocation d'un transfert d'activité, sans qualification juridique plus précise de l'opération concernée, ne permet pas à elle seule de caractériser une transmission du droit d'agir, aucune des pièces en question ne constitue la preuve que les droits et obligations afférents au contrat de crédit ont été transférés à la BNP.

Tout d'abord, la plupart de ces pièces, produites par Mme [P], ne font en réalité qu'évoquer la cession de créance du 28 février 2017, qui n'est pas discutée mais dont rien ne permet d'affirmer qu'elle concernait Mme [P] :

La pièce n° 49 ' une annexe aux comptes annuels de Solfea de 2016 ' rappelle qu'il a été « signé le 19 décembre 2016 la cession par Banque SOLFEA à BNP Paribas Personal Finance du portefeuille de crédits existant et de son fonds de commerce ».

La pièce n° 50 est une lettre datée du 28 février 2017 que Solfea a envoyée à l'un de ses clients, non identifié, pour justement l'informer de la cession de son contrat à la BNP à compter du 1er mars 2017.

La pièce n° 51 ' une foire aux questions (« FAQ ») relative à l'« accord commercial BNPP PF / ENGIE » à effet au 1er mars 2017 ' explique simplement, comme le jugement l'indique lui-même, que « l'ensemble des crédits sera désormais géré par BNP Paribas Personal Finance », et que cette dernière « gérera le SAV des clients de la banque ».

La pièce n° 52 ' une page du site internet de Solfea, rappelle elle aussi, dans des termes généraux qui ne contredisent pas l'acte de cession de créance invoqué par les appelantes, que « dans le cadre d'un accord commercial les activités de crédit de la Banque Solfea [ont été] reprises par BNP Paribas Personal Finance dès le 1er mars 2017 ».

Enfin, le premier juge a considéré qu'il ressortait de la jurisprudence versée aux débats par la BNP que celle-ci avait agi dans d'autres procédures comme venant aux droits de Solfea, y compris pour des contrats conclus à la même période que le contrat litigieux. Il est effectivement produit un arrêt de la Cour de cassation du 24 octobre 2019 dans lequel la BNP apparaît comme venant aux droits de Solfea. Cet arrêt n'apporte néanmoins aucune information pertinente sur la manière dont ces droits ont été transmis dans ce cas d'espèce. À cet égard, on peut raisonnablement imaginer que le crédit était concerné par la cession de créance de 2017.

Dans ces conditions, dont il ne résulte pas que le droit d'agir de Solfea ait été transmis à la BNP en ce qui concerne le contrat de crédit litigieux, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir correspondante, et Mme [P] sera déclarée irrecevable en sa demande.

Le jugement sera par conséquent également infirmé en ce qu'il a :

Condamné la BNP à verser à Mme [P] la somme de 10 378 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice matériel ;

Condamné la BNP à verser à Mme [P] la somme de 1000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.

2. Sur la recevabilité de la demande dirigée contre la société Solfinea

Moyens des parties

Les appelantes soutiennent que :

Mme [P] a formulé ses demandes contre Solfea pour la première fois par assignation du 22 janvier 2020, soit plus de sept ans après la conclusion des contrats. C'est à tort que le tribunal a retenu que l'acte introductif d'instance datait du 19 décembre 2017. Or l'action en nullité d'un contrat engagée sur le fondement du code de la consommation se prescrit par cinq ans à compter de la conclusion de la convention dès lors que les manquements allégués concernent des mentions faisant défaut dans le bon de commande.

Réponse de la cour

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Aux termes de l'article 2241 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Pour écarter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de Mme [P] contre Solfinea, le premier juge a retenu que le délai de prescription avait commencé à courir le 20 décembre 2012, jour de la signature des contrats, mais que l'acte introductif d'instance datait du 19 décembre 2017.

Néanmoins, il convient tout d'abord de relever que le 19 décembre 2017 correspond à l'assignation du liquidateur et de la BNP seulement. Solfea n'a été assignée que le 22 janvier 2020, sans qu'il ressorte du jugement ou des pièces versées aux débats qu'un acte préalable interruptif de prescription soit intervenu à son égard.

Pour le reste, la prescription de l'action en nullité du contrat de crédit et celle en responsabilité de la banque doivent être distinguées.

2.1. Sur la prescription de l'action en nullité du contrat de crédit

Aux termes des motifs du jugement, que Mme [P] est réputée s'approprier, la nullité du contrat de crédit serait la conséquence de plein droit de la nullité du contrat principal. Toujours selon ces motifs, cette dernière nullité reposerait notamment sur l'absence dans le contrat de la marque et du modèle des panneaux solaires et de l'onduleur.

Or une simple lecture, même superficielle, du contrat rendait cette absence particulièrement apparente et permettait donc d'en avoir connaissance dès la conclusion de la convention. Cela est d'autant plus vrai que Mme [P] disposait alors d'une documentation commerciale, qu'elle verse elle-même aux débats, qui exposait clairement que différents modèles de panneaux solaires et d'onduleurs étaient proposés par Groupe Solaire de France. En outre, la facture du 31 décembre 2012 qui a été remise peu de temps après à Mme [P], et qu'elle produit également, détaillait particulièrement les marques et les modèles des éléments installés. Sa comparaison avec le contrat principal confirmait ainsi de manière évidente l'imprécision de celui-ci.

Dans ces conditions, et alors que la révélation postérieure d'autres irrégularités éventuelles n'était pas de nature à reporter le point de départ du délai de prescription (cf. 1re Civ., 5 janvier 2022, pourvoi n° 20-16.350, publié), le délai quinquennal de prescription de l'action en nullité du contrat de crédit a bien commencé à courir dès la conclusion des contrats litigieux le 20 décembre 2012, et au plus tard au début de l'année 2013 à réception de la facture. Cette action était donc prescrite depuis deux ans lorsque Mme [P] a fait assigner Solfea le 22 janvier 2020.

2.2. Sur la prescription de l'action en responsabilité contre Solfea

Aux termes des motifs du jugement, que Mme [P] est réputée s'approprier, la banque aurait commis une faute en libérant les fonds malgré les irrégularités et les imprécisions affectant le contrat principal, ainsi que les incohérences ou invraisemblances relatives à l'exécution complète du contrat.

Cependant, dès lors que la demande d'annulation du contrat de crédit fondée sur les irrégularités du contrat principal a été déclarée prescrite, l'est également l'action en responsabilité dirigée contre le prêteur et motivée par le fait que celui-ci aurait commis une faute en s'abstenant, avant toute libération des fonds, de contrôler la régularité formelle du contrat principal alors que celui-ci comportait des irrégularités en ce qu'il ne respectait pas les dispositions du code de la consommation (1re Civ., 1er juin 2022, pourvoi n° 20-16.474).

En outre, il est constant que la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la manifestation du dommage, c'est-à-dire de sa réalisation ou de sa révélation à la victime lorsque celle-ci n'en avait pas précédemment connaissance. Le dommage se révèle à la victime le jour où celle-ci prend conscience du caractère préjudiciable de sa situation, même si l'ampleur exacte des pertes subies est encore ignorée à cette date. Ainsi, la manifestation d'un dommage certain en son principe suffit à faire courir la prescription, même si le préjudice n'est pas encore chiffrable.

Or en l'espèce, Mme [P] était en mesure de relever une partie au moins des incohérences et invraisemblances retenues par le tribunal, et était informée du déblocage des fonds par Solfea, et donc de son obligation de lui rembourser malgré tout le capital correspondant, dès le début de l'année 2013, soit plus de cinq ans avant qu'elle engage son action contre la banque. En effet, Mme [P] avait demandé elle-même ce déblocage en signant une attestation de fin de travaux le 28 décembre 2012, et le financement lui avait été confirmé par Solfea par lettre du 14 janvier 2023.

Dans ces conditions, le jugement sera infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription, et Mme [P] sera déclarée irrecevable en sa demande à l'égard de Solfinea.

Par voie de conséquence, le jugement sera également infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de crédit, dit que la créance de restitution du capital s'élevait la somme de 19 900 euros, et dit que la banque avait commis des manquements engageant sa responsabilité contractuelle.

3. Sur la recevabilité de la demande dirigée contre la liquidation judiciaire de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France

Moyens des parties

Les appelantes soutiennent que :

Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 622-22 du code de commerce qu'est irrecevable la demande tendant à voir prononcer la nullité ou la résolution d'un contrat lorsqu'elle est formulée contre une société postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective dont celle-ci fait l'objet, sauf à ce qu'il soit justifié d'une déclaration de la créance. Or Mme [P] ne justifie pas d'une telle déclaration. Ses demandes dirigées contre la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France sont donc irrecevables.

Réponse de la cour

Il résulte des articles L. 622-21, I, et L. 641-3 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

Il s'ensuit que l'action en résolution d'un contrat pour inexécution d'une obligation autre qu'une obligation de payer une somme d'argent n'est ni interrompue ni interdite par le jugement qui ouvre la liquidation judiciaire (Com., 15 juin 2022, pourvois nos 21-10.802 et 21-12.358, publié).

Cela vaut aussi pour une action en annulation.

En l'espèce, il résulte du jugement déféré que l'annulation du contrat principal est invoquée pour une cause autre que le non-paiement d'une somme d'argent. Cette action, qui n'est pas interdite, est donc recevable, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir, qualifiée à tort d'exception, correspondante.

4. Sur l'annulation du contrat principal

Moyens des parties

Les appelantes soutiennent notamment que :

La marque et le modèle des biens ne relèvent pas des mentions requises à peine de nullité. Mme [P] ne peut se prévaloir de son éventuelle méconnaissance de vices de nullité affectant l'acte, dès lors que les dispositions qui fondent aujourd'hui sa demande en nullité sont intégralement reproduites dans le contrat principal.

Réponse de la cour

Il résulte des articles L. 111-1, L. 121-17 et L. 121-18-1 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, qu'un contrat de vente ou de fourniture d'un bien ou de services conclu hors établissement doit, à peine de nullité, indiquer, de manière lisible et compréhensible, les caractéristiques essentielles du bien ou du service.

Constitue une caractéristique essentielle au sens de ces textes la marque du bien ou du service faisant l'objet du contrat (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 21-20.691, publié).

C'est donc à bon droit que, faisant une lecture exacte du contrat principal et relevant que la marque des panneaux solaires et de l'onduleur n'y était pas précisée, le premier juge a considéré que le contrat était entaché de nullité.

À cet égard, il est constant qu'au regard des conditions de la confirmation tacite d'un contrat conclu hors établissement comportant un vice, la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance (1re Civ., 24 janvier 2024, pourvoi n° 22-16.115, publié).

Les appelantes n'invoquant pas de telles circonstances, le premier juge doit donc là encore être approuvé en ce qu'il a considéré que les conditions de la confirmation du conntrat principal n'étaient pas remplies.

En conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de ce contrat.

5. Sur les frais du procès

Mme [P] succombant pour l'essentiel au terme de l'appel, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la BNP aux dépens et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [P] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, qui ne peuvent être mis à la charge de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Énergies de France en l'absence d'appel incident, et verra sa demande faite au titre des frais irrépétibles rejetée. Il n'apparaît pas pour autant inéquitable que les appelantes conservent la charge des frais non compris dans les dépens qu'elles ont-elles-mêmes exposés.

PAR CES MOTIFS :

La cour :

CONFIRME le jugement en ce qu'il a :

Prononcé la nullité du contrat conclu le 20 décembre 2012 entre la société Groupe Solaire de France (sic) et Mme [C] [P] ;

Rejeté l'exception tirée du défaut de déclaration de la créance de Mme [C] [P] à la procédure collective de la société Groupe Solaire de France ;

Rejeté la demande faite par les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfinea sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare Mme [C] [P] irrecevable en ses demandes à l'égard des sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfinea, anciennement dénommée Solfea ;

Condamne Mme [C] [P] aux dépens de première instance et d'appel ;

Rejette les autres demandes des parties.