CA Versailles, ch. com. 3-2, 3 septembre 2024, n° 24/02141
VERSAILLES
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Aux Fruits Tizi (SAS)
Défendeur :
J'Oceane (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Guerlot
Vice-président :
M. Roth
Conseiller :
Mme Cougard
Avocats :
Me Launay, Me Teriitehau, Me Wenisch, Me Bellet
EXPOSE DU LITIGE
La société Aux Fruits Tizi a été immatriculée le 1er septembre 2021, elle a pour président M. [P] [M].
Du 2 février au 6 avril 2023, cette société a passé vingt-quatre commandes auprès de la société J'Océane.
Par une lettre du 5 juin 2023, la société Groupama Assurance-crédit et caution, mandataire de la société J'Océane au titre d'un contrat d'assurance-crédit, a mis en demeure la société Aux Fruits Tizi de payer la somme de 20 851,06 euros au titre d'arriérés de paiements relatifs aux commandes précitées.
Par une ordonnance du 22 septembre 2023, le président du tribunal de commerce de Pontoise a fait injonction à la société Aux Fruits Tizi de payer à la société J'Océane la somme de 21 004,38 euros.
Le 19 février 2024, cette dernière a assigné la société Aux Fruits Tizi devant le tribunal de commerce de Pontoise lequel par jugement contradictoire du 25 mars 2024, a :
- ouvert la liquidation judiciaire simplifiée de la société Aux Fruits Tizi ;
- fixé provisoirement au 1er février 2023 la date de cessation des paiements ;
- nommé M. [N], juge commissaire ;
- nommé la SELARL MMJ prise en la personne de maître [R] en qualité de liquidateur ;
- désigné la SELARL Meysson en qualité de commissaire de justice chargé de réaliser l'inventaire et la prisée prévue à l'article L. 622-6 du code de commerce ;
- imparti aux créanciers pour la déclaration de leurs créances un délai de deux mois à compter de la publication du présent jugement au BODACC, délai augmenté de 2 mois pour les créanciers hors territoire national ;
- dit que le délai imparti au liquidateur pour l'établissement de la liste des créances est de trois mois à compter de l'expiration du délai ci-dessus fixé pour les déclarations ;
- constaté que conformément à l'article L. 644-5 du code de commerce, la présente procédure de liquidation judiciaire simplifiée fera l'objet d'un jugement de clôture avant le 25 septembre 2024 ;
- rappelé qu'en cas de présence ou l'absence de salariés dans l'entreprise, le procès-verbal de désignation du représentant ou le procès-verbal de carence est déposé au greffe conformément à l'article R. 621-14 du code de commerce ;
- ordonné la communication de la présente décision aux autorités citées à l'article R. 621-7 du code de commerce ;
- ordonné sans délai nonobstant toute voie de recours, la publication du présent jugement conformément à l'article R. 621-8 du code de commerce ;
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit à titre provisoire conformément à l'article R. 661-1 du code de commerce ;
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation judiciaire.
Par déclaration du 3 avril 2024, la société Aux Fruits Tizi a interjeté appel de ce jugement.
La déclaration d'appel a été signifiée à la société MMJ, ès qualités, le 29 avril 2024 par remise à personne habilitée. Les conclusions lui ont été signifiées le 17 mai 2024 suivant les mêmes modalités.
Celle-ci n'a pas constitué avocat.
Par dernières conclusions du 7 juin 2024, la société Aux Fruits de Tizzi demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
- ouvrir une procédure de redressement judiciaire et renvoyer l'affaire devant le tribunal de commerce de Pontoise ;
- statuer ce que droit sur les dépens.
Par dernières conclusions du 7 juin 2024, la société J'Océane demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter la société Aux Fruits Tizi de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions.
Le ministère public a déposé son avis le 30 avril 2024. Il sollicite la confirmation du jugement.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 17 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
La société Aux Fruits de Tizi soutient qu'elle est en mesure d'apurer son passif s'élevant à 42 163,15 euros. Elle fait valoir qu'elle a réalisé en 2022 un chiffre d'affaires de 279 943 euros et qu'elle a fait établir un état prévisionnel pour les exercices 2025 à 2027 dont il résulte un chiffre d'affaires en augmentation de 11% nettement supérieur au seuil de rentabilité, un excédent brut d'exploitation et un résultat net en augmentation. Elle en déduit qu'un redressement judiciaire est envisageable.
La société J'Océane sollicite la confirmation du jugement. Elle fait valoir que l'appelante ne s'est pas acquittée d'une dette à son égard de 20 851,06 euros malgré de vaines mises en demeure et malgré l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 22 septembre 2023 par le président du tribunal de commerce de Pontoise la condamnant à lui payer la somme de 21 004,38 euros et contre laquelle la société Aux Fruits de Tizzi n'a pas fait opposition. Elle ajoute qu'à la suite de cette ordonnance, elle a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes bancaires ouvert dans les livres de la Société Générale de l'appelante qui s'est avérée vaine, son compte Société Générale ayant un solde nul. Elle en déduit que l'appelante ne dispose pas d'actifs suffisants pour faire face à son passif exigible. Elle ajoute que l'appelante ne démontre pas la possibilité de son redressement et fait valoir à cet égard que le compte prévisionnel établi par cette dernière n'est pas certifié par un expert-comptable et que, si elle produit une liasse fiscale 2022, elle s'abstient de verser celle de 2023 qu'elle devait pourtant déposer avant le 4 mai 2024.
Le ministère public demande à la cour de confirmer en tous points le jugement entrepris, sauf à ce que l'appelante démontre, par la production d'un compte prévisionnel de trésorerie sur 4 mois certifié par son expert-comptable, soit qu'un redressement judiciaire serait envisageable, soit qu'elle n'est pas en état de cessation de paiements au jours de l'audience devant la Cour, ce qui justifierait une décision de n'y a lieu.
Réponse de la cour :
L'article L. 631-1, alinéa 1er, du code de commerce prévoit :
« Il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements. »
L'article L. 640-1, alinéa 1er, du même code dispose :
« Il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L. 640-2 en cessation des paiements et dont le redressement est manifestement impossible. »
- Sur la cessation des paiements
En l'espèce, l'état de cessation des paiements n'est pas discuté par la société Aux Fruits de Tizi. Celle-ci ne discute pas davantage la date à laquelle la date de cessation des paiements a été fixée par le tribunal. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs.
Selon la liste des créanciers établie par le liquidateur judiciaire (pièce 2 de l'appelante), le passif exigible de l'appelante s'élève à la somme de 42 163,15 euros dont 568,75 euros de passif privilégié. Ce passif est constitué par les créances suivantes :
- Créance de la société Lachiale Bratigny à hauteur de 3 062,68 euros,
- Créance de la société J'Océane à hauteur de 21 308,72 euros,
- Créance de l'URSSAF à hauteur de 17 791, 75 euros.
- Sur la demande de redressement
A l'appui de sa demande de redressement, la société Aux Fruits de Tizzi verse aux débats un « prévisionnel réalisé dans le cadre d'un projet de création d'entreprise pour la période de juin 2024 à mai 2027 » établi par elle-même (pièce 1) ainsi qu'une liasse fiscale concernant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2022 (pièce 3)
Selon ce document, son chiffre d'affaires augmenterait entre les exercices 2024 / 2025 et 2025 / 2026 de 14 000 euros ' en passant de 280 000 à 294 000 euros et entre les exercices 2025 /2026 et 2026/ 2027 de 16 000 euros ' en passant de 294 000 à 310 000 euros, compte tenu d'une prévision d'augmentation des ventes.
Le compte de résultat prévisionnel fait état d'une augmentation du résultat brut d'exploitation les exercices 2024 / 2025 (48 930 euros), 2025 /2026 (41 765 euros) et 2026 /2027 (49 649 euros).
S'agissant des financements, le document prévoit pour l'exercice 2024 / 2025 une augmentation du compte courant de 20 000 euros et un emprunt de de 28 000 euros.
Cet état prévisionnel n'est toutefois pas certifié par un expert-comptable.
Si l'appelante produit sa liasse fiscale relative à l'année 2022 dont il résulte qu'elle a réalisé un bénéfice de 26 856 euros, elle ne verse pas aux débats la liasse portant sur l'année 2023.
En outre, il n'est pas démontré que l'appelante dispose d'une trésorerie lui permettant d'assurer l'achat de ses matières premières ou le paiement de ses fournisseurs. La cour relève à cet égard qu'il résulte de la saisie-attribution pratiquée à la demande de la société J'Océane sur les comptes bancaires détenus par l'appelante dans les livres de la Société Générale qu'au 13 décembre 2023, que les soldes de ces comptes étaient nuls (voir le procès-verbal de saisie attribution signifié le 13 décembre 2023 à la Société Générale et la déclaration du tiers, pièce 10 de l'intimée).
L'appelante ne justifie pas l'existence d'un actif disponible lui permettant de poursuivre son activité et d'apurer son passif.
Par ailleurs, la société J'Océane établit avoir obtenu une ordonnance d'injonction de payer rendu le 22 septembre 2023 par le président du tribunal de commerce à l'encontre de l'appelante à hauteur de 20 851,06 euros. Il est constant que cette somme n'a pas été remboursée.
Faute d'autres éléments de nature à démontrer la réalité des capacités financières de la société Aux Fruits de Tizzi, il se déduit de ce qui précède que son redressement est manifestement impossible.
Le jugement ne peut donc qu'être confirmé.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.