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Décisions

CA Lyon, premier président, 4 septembre 2024, n° 24/00140

LYON

Ordonnance

Autre

PARTIES

Défendeur :

Selarlu (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Dumurgier

Avocats :

Me Freyne, Me Ronchard, Me De Belval

CA Lyon n° 24/00140

3 septembre 2024

PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par jugement rendu le 20 mars 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :

- constaté l'état de cessation des paiements et prononcé l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de M. [M] [Z], entrepreneur individuel à responsabilité limitée exerçant l'activité de traiteur,

- fixé provisoirement au 6 mars 2023 la date de cessation des paiements,

- désigné en qualité de juge commissaire M. [D] [N] et de juge commissaire suppléant Mme [J] [R],

- nommé en qualité de mandataire judiciaire la SELARLU [B], représentée par Me [U] [B],

- nommé en qualité de commissaire de justice la SELAS Actalliance,

- fixé à dix mois à compter du jugement le délai dans lequel le mandataire judiciaire devra établir la liste prévue à l'article L 624-1 du code de commerce,

- invité les salariés de l'entreprise à élire leur représentant dans les dix jours du jugement,

- fixé au 20 septembre 2024 l'expiration de la période d'observation,

- dit que le tribunal procédera à l'examen de l'affaire à l'audience du 17 avril 2024,

- dit que le mandataire devra établir et remettre dans le délai d'un mois au dirigeant le devis du coût de son intervention, dont copie sera remise au juge-commissaire,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Par jugement rendu le 7 mai 2024, le tribunal de commerce de Lyon a :

- prononcé la conversion en liquidation judiciaire normale de M. [Z],

- nommé la SELARLU [B], représentée par Me [U] [B], en qualité de liquidateur judiciaire,

- maintenu M. [D] [N] juge commissaire et Mme [J] [R] juge commissaire suppléant,

- maintenu la SELAS Actalliance commissaire priseur judiciaire,

- mis fin à la période d'observation,

- fixé au 7 mai 2026 le délai au terme duquel la clôture devra être examinée,

- dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure.

Appelant de cette décision, M. [Z] a, par acte du 1er juillet 2024, assigné la SELARL [B] en sa qualité de liquidateur judiciaire devant le premier président de la présente cour statuant en référé, pour obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire du 7 mai 2024, en application de l'article R 661-1 du code de commerce.

Par conclusions notifiées le 15 juillet 2024, la SELARLU [B], ès-qualité de liquidateur judiciaire de M. [Z], demande au premier président de :

Vu l'article 524 du code de procédure civile,

Vu l'article R. 661-1 du code de commerce,

- juger qu'il n'existe pas de moyens sérieux de nature à réformer le jugement dont appel,

- débouter M. [Z] de toutes ses demandes,

- condamner M. [Z] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens d'instance.

Par observations du 11 juillet 2024, Mme la procureure générale s'est opposée à la suspension de l'exécution provisoire, la demande de M. [Z] n'étant accompagnée d'aucune pièce comptable et reflétant la désinvolture du débiteur.

A l'audience du 24 juillet 2024, les parties, régulièrement représentées, s'en sont rapportées à leurs écritures, qu'elles ont soutenues oralement.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à leurs écritures susvisées.

SUR CE

Aux termes des dispositions de l'article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, pour les décisions de première instance exécutoires de droit, le premier président peut être saisi, en cas d'appel, afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision « lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ».

L'article R 661-1 du code de commerce énonce que les jugements et ordonnances rendus en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire sont exécutoires de plein droit à titre provisoire et l'alinéa 4 de cet article précise que, par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel, statuant en référé, ne peut arrêter l'exécution provisoire des décisions mentionnées aux deux premiers alinéas du présent article que lorsque les moyens à l'appui de l'appel paraissent sérieux. L'exécution provisoire des décisions prises sur le fondement de l'article L 663-1-1 peut être arrêtée, en outre, lorsque l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.

Ainsi, seule l'exécution provisoire des décisions prononçant l'ouverture d'une procédure collective, des décisions de conversion, d'extension, d'adoption d'un plan ou de résolution du plan peut être arrêtée.

La demande d'arrêt de l'exécution provisoire n'est alors pas appréciée au regard des conséquences manifestement excessives qu'elle risque d'entraîner mais au regard du caractère sérieux du moyen invoqué au soutien de l'appel, de sorte que le second moyen qui fonde la demande d'arrêt de l'exécution provisoire formée par M. [Z] n'est pas pertinent.

Au soutien de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement qui a prononcé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire, M. [Z] prétend qu'il existe des moyens sérieux d'infirmation de la décision car les conditions d'ouverture d'une liquidation judiciaire n'étaient pas réunies.

Il fait valoir que, pour considérer qu'il était en état de cessation des paiements, le tribunal de commerce de Lyon s'est fondé sur la créance invoquée par la société Centre Viandes Beauvallet et fils s'élevant à 5 167,61 euros, établie par une ordonnance d'injonction de payer, alors qu'il n'a jamais été dans l'incapacité de régler cette somme, n'ayant été averti des procédures engagées à son encontre que lors de l'ouverture de son redressement judiciaire et ayant alors demandé à la SELARL [B] de régler la somme qu'il devait à la société Centre Viandes Beauvallet et fils.

Il ajoute que le mandataire judiciaire a affirmé que cela n'était pas possible en raison de l'ouverture du redressement judiciaire et qu'il a sollicité la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire alors même qu'il l'avait informé de sa capacité à régler sa dette.

Il invoque la modicité de la somme pour laquelle le mandataire a cru bon solliciter l'ouverture de la liquidation judiciaire et affirme, qu'à la date d'ouverture de celle-ci, il n'était pas en état de cessation des paiements.

Il prétend enfin avoir un grand nombre de commandes en cours.

La SELARLU [B], ès-qualité, objecte que le jugement de conversion en liquidation judiciaire, qui fait suite à une requête du mandataire judiciaire, avec avis favorable du parquet, est incontestable, M. [Z], qui était absent aux audiences, n'ayant pas donné suite aux demandes du mandataire.

Elle fait valoir que les moyens développés par l'appelant dans ses conclusions au fond ne sont pas sérieux dès lors que ce dernier a été placé en redressement judiciaire selon jugement du 20 mars 2024 qui n'a pas été contesté, de sorte que l'état de cessation des paiements est incontestable, le tribunal de commerce ayant constaté l'existence d'un passif de plus de 26 000 euros et l'absence d'éléments sur l'actif disponible du débiteur, absent à l'audience.

Elle considère que le demandeur ne justifie pas de l'absence de cessation des paiements ni des moyens permettant, le cas échéant, de redresser sa situation, alors que l'on ne sait toujours pas comment il fonctionne.

Elle précise qu'elle a reçu les déclarations de créance et qu'une somme de 123 889,79 euros a été déclarée, comprenant des dettes qui étaient échues, le Crédit agricole Centre Est ayant déclaré à lui seul 26 697,89 euros à titre hypothécaire échu et la Société générale la somme de 10 209,38 euros à titre chirographaire échu.

Elle estime ainsi l'état de cessation des paiements parfaitement caractérisé, le débiteur, qui n'a pas déféré à ses convocations, n'ayant pas produit d'éléments contraires, pas plus qu'il n'a justifié de la réalité de son activité.

Selon l'article L 640-1 du code de commerce il est institué une procédure de liquidation judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné à l'article L 640-2, en cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible.

L'article L 631-1 du même code définit la cessation des paiements comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible.

Il appartient à M. [Z] qui conteste se trouver en état de cessation des paiements de démontrer qu'il est en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

Or, il ne produit aucun document comptable permettant de justifier de l'état actuel de ses comptes et notamment de ses disponibilités pour couvrir la créance déclarée au 7 avril 2024 par le Crédit agricole centre est, d'un montant de 26 697,98 euros, et l'ensemble du passif échu au 23 juillet 2024, s'élevant à 41 502,18 euros.

Il se contente de produire la déclaration trimestrielle de chiffre d'affaires du 3ème trimestre 2023 faisant état d'un chiffre d'affaires de 71 650 euros, sans donner connaissance du résultat net de son activité.

Il ne démontre pas par ailleurs sa capacité à redresser l'entreprise, les commandes qu'il invoque ne résultant que d'un courriel adressé à Mme [E] [Y] par la société Lyonservices, mentionnant une liste d'évènements, sans que les prestations à réaliser par M. [Z] entre le mois de septembre 2024 et le mois d'avril 2025 ne soient chiffrées.

Le moyen de réformation basé sur une absence d'état de cessation des paiements du débiteur n'apparaît donc pas sérieux et la demande d'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu le 7 mai 2024 par le tribunal de commerce de Lyon sera dès lors rejetée.

M. [Z] qui succombe en ses prétentions doit supporter les dépens de la présente instance en référé qui seront employés en frais privilégiés de procédure collective.

En revanche, l'équité ne justifie pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SELARLU [B], ès-qualité.

PAR CES MOTIFS

Nous, Sophie Dumurgier, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance contradictoire,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire de droit attachée au jugement rendu le 7 mai 2024 par le tribunal de commerce de Lyon, présentée par M. [M] [Z],

Disons que les dépens de l'instance en référé à la charge du demandeur seront employés en frais privilégiés de procédure collective,

Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SELARLU [B], ès-qualité de liquidateur judiciaire de M. [Z].