CA Besançon, 1re ch., 14 août 2024, n° 24/00032
BESANÇON
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
R
Défendeur :
Cerp Rhin Rhone Mediterranee Confraternelle d'Exploitation et de Repartition Pharmaceutique Rhin Rhone Mediterrannee (SA), Selarl Mj Juralp (SELARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Wachter
Conseillers :
M. Saunier, Mme Willm
Avocats :
Me Werthe, Me Guichard, Me Pauthier
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Le 26 octobre 2023, la SA CERP Rhin Rhône Méditerranée (la société CERP RRM) a fait assigner Mme [R] [O], exploitant une pharmacie à [Localité 5] (39), devant le tribunal de commerce de Lons le Saunier aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire. La demanderesse a fait valoir qu'elle était créancière d'une somme de 39 605,63 euros en vertu d'un jugement définitif du tribunal de commerce de Belfort en date du 13 juin 2023, dont les tentatives de recouvrement auprès de l'intéressée restaient vaines.
Par jugement rendu le 1er décembre 2023, en l'absence de comparution de Mme [O], le tribunal de commerce a prononcé l'ouverture du redressement judiciaire du patrimoine professionnel de Mme [O], nommé les organes de la procédure, fixé au 10 janvier 2023 la date de cessation des paiements, dit que la période d'observation s'achèvera le 1er juin 2024 et autorisé la poursuite d'activité jusqu'au 1er juin 2024.
Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que la défenderesse ne s'était pas présentée et n'avait pu établir s'être acquittée de la dette, ni justifié pouvoir régler le passif avec l'actif disponible, de sorte que l'état de cessation des paiements était caractérisé.
Mme [O] a relevé appel de cette décision le 8 janvier 2024.
Par conclusions n°3 transmises le 23 avril 2024, l'appelante demande à la cour :
Vu l'article L.631-1 du code de commerce,
Vu l'article 1343-5 du code civil,
- de déclarer la décision à intervenir opposable à la SELARL MJ Juralp prise en la personne de Maître [L] [K], ès qualités de mandataire judiciaire au redressement de Mme [R] [O] ;
- d'infirmer le jugement déféré ;
Statuant à nouveau :
A titre principal :
- de constater que l'état de cessation des paiements n'est pas caractérisé ;
En conséquence,
- de débouter la SA Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée de l'ensemble de ses demandes ;
A titre infiniment subsidiaire :
- d'accorder les plus larges délais de paiement à Mme [R] [O] ;
En conséquence,
- de débouter la SA Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée de l'ensemble de ses demandes ;
En tout état de cause :
- de condamner la société SA Confraternelle d'Exploitation et de Répartition Pharmaceutique (CERP) Rhin Rhône Méditerranée à payer la somme de 1500 euros à Mme [R] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- de condamner la même aux entiers dépens de la présente instance et de la première instance.
Par conclusions n°2 notifiées le 24 avril 2024, la société CERP RRM demande à la cour :
- de juger infondé le recours de Mme [O] ;
- de la débouter de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions ;
- de confirmer la décision déférée ;
Y ajoutant,
- de condamner Mme [O] à verser à la CERP la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;
- de la condamner aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Par conclusions du 22 avril 2024, le ministère public a requis la confirmation du juigement déféré.
Mme [O] a fait signifier sa déclaration d'appel à la SELARL MJ Juralp, prise en la personne de Maître [L] [K], ès qualités de mandataire judiciaire, par acte du 24 janvier 2024 remis à personne morale.
La société CERP RRM a fait signifier ses conclusions au mandataire judiciaire.
La SELARTL MJ Juralp, ès qualités, n'a pas constitué avocat.
Il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
La clôture de la procédure a été prononcée le 24 avril 2024.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.
Sur ce, la cour,
L'article L.631-1 du code de commerce dispose qu'il est institué une procédure de redressement judiciaire ouverte à tout débiteur mentionné aux articles L. 631-2 ou L. 631-3 qui, dans l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible, est en cessation des paiements. Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de face au passif exigible avec son actif disponible n'est pas en cessation des paiements.
Il incombe au demandeur à l'ouverture d'une procédure collective de faire la preuve de l'état de cessation des paiements.
En l'espèce, la société CERP justifie être titulaire d'une créance judiciairement consacrée par jugement du 13 juin 2023 aujourd'hui définitif, portant sur un principal de 33 374,66 euros, dont l'appelante ne justifie pas s'être acquittée, même partiellement, de sorte que cette créance continue d'augmenter par le biais du jeu des intérêts moratoires.
La société CERP produit par ailleurs aux débats les actes d'exécution qu'elle a fait diligenter par le ministère de Me [N], commissaire de justice à [Localité 5], à savoir des saisies-attributions pratiquées entre les mains de la Banque Populaire et du Crédit Agricole, banques gestionnaire des comptes de Mme [O], ainsi qu'entre les mains de la CPAM. Il est encore versé un décompte établi par Me [N], duquel il résulte qu'aucune somme n'a pu être encaissée pour venir en déduction de la dette de Mme [O].
Il ressort manifestement de ces documents une incapacité pour Mme [O] de faire face au passif exigible par son actif disponible, étant observé que l'appelante ne fait valoir aucun motif pertinent à l'appui du défaut de paiement, se bornant à faire état de relations conflictuelles avec la société CERP, que l'existence d'impayés non régularisés suffit à expliquer.
Au demeurant, les pièces produites aux débats par Mme [O] elle-même confirment son état de cessation des paiements. Ne sont ainsi produits que les seuls comptes annuels relatifs à l'exercice du 1er octobre 2021 au 30 septembre 2022, qui ne sont d'aucune pertinence pour apprécier la situation actuelle de l'appelante, laquelle admet ne pas être en mesure de produire de comptes pour les exercices suivants, sans cependant fournir à ce sujet d'explication convaincante. La seule communication des chiffres d'affaires d'octobre à décembre 2023 est quant à elle impropre à caractériser la bonne santé financière alléguée, en l'absence de la moindre indication relative aux dépenses de l'entreprise. Enfin, les relevés de comptes bancaires, dont les soldes cumulés ne permettent pas d'apurer la créance de la société CERP, corroborent la réalité de l'état de cessation des paiements.
Il ne saurait par ailleurs être fait droit à la demande de délais de paiement, étant rappelé que l'éventuel octroi de tels délais appartient au juge de la créance ainsi qu'au juge de l'exécution, mais ne peut constituer une alternative pour le tribunal de commerce lorsqu'il est saisi par le créancier d'une demande de redressement judiciaire.
Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.
Mme [O] sera condamnée aux dépens d'appel.
Les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Par ces motifs
Statuant par arrêt réputé-contradictoire, après débats en audience publique,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er décembre 2023 par le tribunal de commerce de Lons le Saunier ;
Y ajoutant :
Rejette la demande de délais de paiement formée par Mme [R] [O] ;
Condamne Mme [R] [O] aux dépens d'appel ;
Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.