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Décisions

CA Lyon, premier président, 28 août 2024, n° 24/00164

LYON

Ordonnance

Autre

PARTIES

Demandeur :

Aux Saveurs du Midi (SARL)

Défendeur :

La Procureure Générale, Metro France (SAS), Mj Alpes (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bardoux

Avocats :

Me Allard, Me Bouvier, Me Ferranda, Me [J] [L], Me [J] [E]

CA Lyon n° 24/00164

27 août 2024

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation du 14 mai 2024, la S.A.S. Métro France (Métro) a saisi le tribunal de commerce de Lyon aux fins d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la S.A.R.L. Aux saveurs du midi (Saveurs), lequel par jugement réputé contradictoire du 9 juillet 2024 a prononcé la liquidation judiciaire de cette société et nommé la SELARL MJ Alpes en qualité de liquidateur judiciaire.

La société Saveurs a interjeté appel de cette décision le 22 juillet 2024.

Par assignations en référé délivrées les 31 juillet et 5 août 2024 à la société Métro et à la SELARL MJ Alpes, la société Saveurs a saisi le premier président afin d'arrêter l'exécution provisoire.

Les deux assignations ont été enrôlées sous les N° RG 24/00164 et 24/00169.

A l'audience du 21 août 2024 devant le délégué du premier président, la société Saveurs s'en est remise à ses écritures, qu'elle a soutenues oralement.

Dans son assignation, la société Saveurs invoque les dispositions de l'article R. 661-1 du Code de commerce, son absence d'état de cessation des paiements et son absence de dettes en l'état du règlement total de sa dette.

Par un courrier du 5 août 2024, reçu au greffe le 8 août 2024 et porté à la connaissance des parties lors de l'audience, la SELARL MJ Alpes communique un rapport de situation daté du 2 août 2024 comme un état du passif déclaré au 5 août 2024. Elle indique que le dirigeant de la société Saveurs ne lui a remis aucun élément, que la seule salariée de la société a été licenciée par ses soins le 23 juillet 2024 et que l'activité de l'entreprise a été maintenue malgré la liquidation judiciaire ce qui l'a amenée à en saisir le procureur de la République.

La SELARL MJ Alpes, régulièrement assignée par acte remis à une personne habilitée à le recevoir, n'a pas comparu comme elle l'avait annoncé dans son courrier du 5 août 2024.

La société Métro, régulièrement représentée, a indiqué avoir été intégralement réglée de sa créance et ne pas s'opposer à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.

Dans son soit transmis du 16 août régulièrement porté à la connaissance des parties notamment lors de l'audience, le ministère public indique ne pas avoir d'observations à présenter sauf à faire état d'une interrogation sur le paiement de la dette.

Les parties comparantes à qui ont été communiquées par courriel l'intégralité des pièces jointes au courrier de la SELARL MJ Alpes ont été autorisées à déposer des notes en délibéré.

Par courrier reçu au greffe le 27 août 2024, la société Saveurs a déposé une note en délibéré dans laquelle elle précise faire toutes réserves quant à l'exigibilité des créances du Crédit agricole et que la dette de la société Prefiloc est en cours de règlement.

Pour satisfaire aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour plus de précisions sur les faits, prétentions et arguments des parties, à la décision déférée, aux conclusions régulièrement déposées et ci-dessus visées, comme pour l'exposé des moyens à l'énoncé qui en sera fait ci-dessous dans les motifs.

MOTIFS

Attendu que dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, les deux instances créées suite aux mises au rôle successives des deux assignations délivrées par la société Saveurs doivent être jointes ainsi qu'il sera précisé au dispositif de la présente ordonnance ;

Attendu que la présente ordonnance est réputée contradictoire en ce que la SELARL MJ Alpes a été assignée à sa personne et a manifesté par son courrier du 5 août 2024 sa pleine connaissance de la date et de l'objet de l'audience ;

Attendu qu'aux termes de l'article R. 661-1 du Code de commerce, le jugement prononçant la liquidation judiciaire est exécutoire de plein droit à titre provisoire et par dérogation aux dispositions de l'article 514-3 du Code de procédure civile, le premier président de la cour d'appel statuant en référé ne peut arrêter l'exécution provisoire d'un tel jugement, que si les moyens invoqués à l'appui de l'appel paraissent sérieux ;

Attendu qu'un moyen sérieux ne relève pas d'une simple affirmation ni de la seule reprise des arguments développés en première instance ; qu'en d'autres termes un moyen sérieux est un moyen suffisamment consistant pour mériter d'être allégué ou soutenu, pris en considération et avoir des chances d'être retenu après discussion et réflexion et qui doit en tout état de cause conduire à l'annulation ou à la réformation ;

Que l'absence de pouvoir juridictionnel du premier président pour déterminer les chances de succès de l'appel doit le conduire à ne retenir un moyen que s'il repose sur une base factuelle évidente ;

Attendu que la société Saveurs conteste se trouver en état de cessation des paiements, alors qu'il convient de rappeler que cet état doit être apprécié au jour où le juge statue et que dans le cadre de la présente instance, il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve de ce qu'elle n'est pas actuellement en état de cessation des paiements ;

Qu'aux termes de l'article L. 631-1 du Code de commerce, la cessation des paiements se définit comme l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ;

Attendu que si la société Metro indique avoir été désintéressée de sa créance par un paiement récent, il ressort de l'état des créances déclarées fournies par le liquidateur judiciaire qu'ont été reçues plusieurs déclarations de créances effectuées par la société Prefiloc capital à hauteur de 1 710,72 €, par le Crédit agricole centre est pour des montants de 12 003,21 € au titre du solde d'un prêt bancaire de 50 000 € et de 606,08 € au titre d'un solde débiteur de compte, comme par la société Metro pour 6 507,41 € ;

Qu'il n'est pas discuté que la créance de la société Metro n'est plus réclamée mais aucun élément concernant celles déclarées par les autres créanciers susvisés ne vient faire présumer qu'elles n'étaient pas totalement ou partiellement exigibles au jour d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Saveurs ;

Que la créance déclarée par la société Prefiloc est réputée correspondre à la location d'un terminal de carte bancaire et peu susceptible de correspondre à une créance à échoir au jour de l'ouverture de la procédure collective ;

Attendu que la société Saveurs produit à l'appui de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire les pièces suivantes :

- sa déclaration fiscale 2031 pour son exercice 2023 faisant état d'un résultat fiscal de 10 113 €, de dettes fiscales et sociales de 35 574 € (dont 16 395 € au titre d'un compte courant de son dirigeant),

- une attestation dressée le 8 août 2024 par la S.A.R.L. Agecor, expert-comptable, faisant état d'une absence de cessation des paiements et d'une capacité d'honorer ses dettes envers ses fournisseurs,

- l'avis d'imposition 2024 de son dirigeant au titre de ses revenus 2023,

- des photocopies du livret de famille de ce dirigeant,

- l'avis de virement opéré le 13 août 2024 par son conseil à la société Metro pour un montant de 6 507,41 € ;

Attendu que sans être accompagné d'éléments chiffrés et surtout en l'état des déclarations de créance enregistrées, l'attestation de l'expert-comptable, particulièrement laconique, est insusceptible d'établir l'absence de cessation des paiements de la société Saveurs ;

Que surtout et dans le cadre de sa note en délibéré, cette société demanderesse est demeurée bien évasive sur les trois autres créances déclarées à son passif et n'a pas fourni de quelconques éléments concrets sur ses perspectives d'activité dans un cadre d'équilibre financier ; qu'elle n'a pas expressément critiqué la décision du tribunal de commerce qui a retenu que son redressement est manifestement impossible ;

Attendu que l'affirmation d'un doute sur l'exigibilité des créances déclarées par le Crédit agricole et d'un règlement en cours de celle déclarée par la société Prefiloc est insuffisante à établir une absence de cessation des paiements ;

Attendu que ce silence et cette imprécision ne permettent pas de retenir qu'elle soutient un moyen sérieux de réformation de la liquidation judiciaire assortie de l'exécution provisoire ;

Attendu que cette carence probatoire conduit au rejet de sa demande d'arrêt de l'exécution provisoire ;

Attendu que les dépens de la présente instance doivent demeurer à la charge de la société Saveurs et seront employés en frais privilégiés de procédure collective ;

PAR CES MOTIFS

Nous, Pierre Bardoux, délégué du premier président, statuant publiquement, en référé, par ordonnance réputée contradictoire,

Vu la déclaration d'appel du 22 juillet 2024,

Ordonnons la jonction d'entre les instances ouvertes sous les N° RG 24/00164 et 24/00169 et disons qu'elles perdurent sous le seul RG 24/00164,

Rejetons la demande d'arrêt de l'exécution provisoire présentée par la S.A.R.L. Aux saveurs du midi,

Disons que les dépens de la présente instance en référé seront employés en frais privilégiés de procédure collective.