Décisions
CA Paris, Pôle 1 - ch. 2, 5 septembre 2024, n° 24/00092
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
(n° 287 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00092 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVMA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Octobre 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/54812
APPELANTE
Mme [U] [H] [S] [L]
[Adresse 2])
[Localité 4]
Représentée par Me Thierry LAUGIER de la SCP GERARDIN LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0223
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-506304 du 22/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉ
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 2], représenté par son Syndic le Cabinet G-IMMO pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marc-Robert HOFFMANN NABOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1364
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, devant Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Jeanne PAMBO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Mme [L] est propriétaire d'un appartement (lot 140) au sein d'une résidence sise [Adresse 2], immeuble soumis au statut de la copropriété.
Le règlement de copropriété décrit ce lot comme « Un appartement situé escalier B au sixième étage à droite, porte de face au fond du couloir, comprenant : une entrée, une pièce, une cuisine, un débarras, un water-closet commun sur le palier et les quatre/millièmes des parties communes générales ».
Des désordres ont été constatés notamment une fragilisation de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L] et des solives hauts des WC communs des 6ème et 7ème étages de l'escalier B de l'immeuble.
Suivant courrier du 12 mai 2016, la préfecture de police de Paris a écrit au syndic de l'immeuble pour évoquer une situation qu'elle qualifie de péril au sens des articles L. 511-1 à L. 511-6 du code de la construction et de l'habitation et afférente aux désordres affectant le logement de Mme [L]. Elle l'a enjoint de prendre des mesures de sécurité afin d'assurer la parfaite solidité et stabilité du plancher haut situé au 6ème étage, en procédant à des travaux de renforcement de structure ou de remplacement et visant le plancher haut du sanitaire commun, le plancher haut du couloir (au droit du sanitaire commun), les planchers hauts du séjour, de l'entrée et de la salle d'eau du logement fond de couloir, porte face (logement de Mme [L]).
Une nouvelle injonction de la Préfecture est intervenue le 22 juin 2017.
La mairie de Paris a également pris attache avec le syndic le 3 juillet 2017 pour lui indiquer, qu'à la suite d'une visite d'un inspecteur de salubrité le 30 juin 2017, des désordres ont été constatés à savoir des infiltrations d'eau au plafond du séjour et de la salle d'eau du logement de Mme [L] (bâtiment B, 6ème étage).
Le cabinet CSJC a été désigné syndic suite à une assemblée générale du 30 septembre 2021.
L'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2023 (résolution 13) a décidé de faire réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L], au 6ème étage de l'escalier B et de réparation des solivages hauts des WC communs des 6ème et 7ème étage et a choisi l'entreprise pour y procéder.
Faisant valoir que Mme [L] n'a pas permis un accès à son logement afin d'exécuter les travaux ainsi votés, par acte du 12 juin 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], pris en la personne de son syndic en exercice, la société CSJC, a fait assigner Mme [L] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins à titre principal de :
- condamner Mme [L] à laisser l'accès à son appartement au syndic ainsi qu'à l'architecte M. [F] de la société Edysis Architecture et au locataire d'ouvrage la société Pharmabois pour leur permettre de réaliser les travaux votés lors de l'assemblée générale du 22 mars 2023, résolution n°13, et qui consistent en la réparation et le renforcement de panne de brisis conformément au devis n° 06-°223-3018-2 REN du 6 février 2023 ;
- assortir cette condamnation d'une astreinte journalière de 300 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir.
Par ordonnance contradictoire du 3 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :
enjoint Mme [L] de laisser l'accès à son appartement, entre 09h et 18h les jours ouvrables à la société Edysis Architecture, à la société Pharmabois ainsi qu'au syndic pour leur permettre de réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis votés au titre de la résolution n°13 de l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2023 et détaillés au devis du 6 février 2023 portant les références° 06-°223-3018-2 REN, dans les 8 jours de la signification des présentes puis sous astreinte de 50 euros par infraction constatée, et sous réserve pour le syndic de l'informer par écrit avec un préavis minimum de 72h, des dates d'interventions prévues ;
ordonné une mesure d'expertise ;
désigné pour y procéder M. [K] avec mission de :
* se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
* relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation et affectant l'immeuble litigieux, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
* en détailler l'origine, les causes et l'étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de détermine à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables et dans quelles proportions ;
* donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
* dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
*à partir des devis d'entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d''uvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l'ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
* donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
* rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;
* donner le cas échéant son avis sur les comptes entre les parties ;
laissé les dépens à la charge du Trésor Public ;
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 11 décembre 2023, Mme [L] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 février 2024, elle demande à la cour de :
la dire recevable et en tout cas bien fondée en son appel ;
infirmer ladite ordonnance en ce qu'elle lui a fait injonction de laisser l'accès à son appartement pour permettre la réalisation de travaux de réparation et de renforcement de la panne de brisis sous astreinte ;
Statuant à nouveau :
rejeter toutes demandes plus amples ou contraires qui seraient formulées par le syndicat de copropriétaires à cet effet ;
le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 2] au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [L] considère que la première décision recèle une contradiction en ce qu'elle ordonne une expertise mais aussi dans le même temps, des travaux sous astreinte.
Elle fait valoir qu'elle a engagé une action judiciaire, par assignation du 3 novembre 2023 pour contester l'assemblée générale du 22 mars 2023 ; que le délai de contestation de deux mois pour une telle action a été interrompu par une demande d'aide juridictionnelle ; que la cour ne saurait donc considérer que l'assemblée générale est définitive.
Elle soutient qu'elle a été victime d'un nouveau dégât des eaux le 11 juin 2023 à la suite d'un orage ; que selon une note aux parties du 8 novembre 2023, l'expert a relevé que les mesures intérieures prises avec l'aide d'un humidimètre indique une absence totale d'humidité ; que les difficultés liées aux infiltrations semblent être considérées comme résolues, ce qui la laisse circonspecte compte tenu du nombre de dégâts des eaux subis par le passé.
Elle fait état d'une réunion d'expertise reportée au 6 février 2024 et relève que le syndicat des copropriétaires note que l'expert aura aussi à se prononcer sur les travaux qui pourraient être entrepris.
Elle estime qu'il n'est pas opportun de maintenir l'injonction à son encontre tant que les opérations d'expertise n'auront pas été achevées.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic demande à la cour, au visa des articles 834, 835 du code de procédure civile, 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, de :
le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions et l'y déclarer bien fondé ;
déclarer Mme [L] mal fondée en ses demandes, fins et prétentions et l'y déclarer bien fondée ;
constater que Mme [L] refuse de laisser l'accès à son appartement pour la réalisation des travaux votés lors de l'assemblée générale du 22 mars 2023 qu'elle n'a pas contestée et qui est devenue définitive ;
En conséquence :
confirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 3 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
condamner Mme [L] à laisser l'accès à son appartement au syndic, à l'architecte (la société Edysis architecture représentée par M. [F]) et à l'entreprise (la société Pharmabois) pour leur permettre de réaliser les travaux votés lors de l'assemblée générale du 22 mars 2023 (résolution n° 13) et qui consistent en la réparation et le renforcement de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L] au 6ème étage - escalier B du [Adresse 2] conformément au devis n° 060223-3018-2-REN de la société Pharmabois du 6 février 2023 ;
assortir cette condamnation d'une astreinte journalière d'un montant de 300 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir ;
condamner Mme [L] à lui payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [L] aux entiers dépens d'instance.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic soutient que des travaux doivent être entrepris pour remédier aux problématiques qui constituent une situation d'urgence avec un risque de dommage imminent.
Il allègue que Mme [L] n'a pas contesté l'assemblée générale dans le délai légal de sorte qu'elle est définitive et les travaux doivent être entrepris ; que malgré des démarches amiables, Mme [L] refuse de laisser l'accès à son appartement à l'architecte (M. [F]) et l'entreprise (Pharmabois) ; qu'il n'y a aucune contradiction dans l'ordonnance déférée en ce qu'elle indique seulement que Mme [L] doit laisser l'accès à son appartement pour permettre la réalisation des travaux, compte tenu de l'urgence ; que l'expertise peut se poursuivre concomitamment.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.
SUR CE,
L'ordonnance n'est pas critiquée en ce qu'elle a ordonné une expertise judiciaire mais en ce qu'elle a enjoint à Mme [L] de laisser l'accès à son appartement, sous astreinte pour permettre la réalisation de travaux.
Il sera observé que le syndicat des copropriétaires sollicite au titre de ses conclusions de manière quelque peu contradictoire, la confirmation de l'ordonnance entreprise, avant de demander à la cour « statuant à nouveau » de condamner Mme [L] à laisser l'accès, sous astreinte, soit précisément ce qui a déjà été ordonné par le premier juge.
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il résulte des dispositions de l'article 17 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis que les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires, et des dispositions de l'article 18 de cette loi que le syndicat en assure l'exécution. Ces décisions s'imposent aux copropriétaires tant que la nullité n'en a pas été prononcée.
Or, ainsi que l'a relevé le premier juge, il est justifié que par une résolution n°13 prise le 22 mars 2023 en assemblée générale des copropriétaires, il a été décidé de faire réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L] au 6ème étage de l'escalier B et de réparation des solivages hauts des wc communs des 6ème et 7ème étages de l'escalier B et l'entreprise Pharmabois a été désignée. C'est également à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier l'utilité des travaux, y compris à l'aune d'éléments nouveaux, à savoir la survenance d'un dégât des eaux permettant d'envisager un déficit d'étanchéité de la toiture de l'immeuble dès lors que la décision par laquelle ils ont été décidés est exécutoire à compter de son adoption.
En outre, la question de la recevabilité du recours devant le juge du fond est en débat, l'assignation contestant la résolution ayant été délivrée le 3 novembre 2023.
L'urgence des travaux est en outre caractérisée par les mises en demeure de la Préfecture de Police de Paris qui qualifie la situation de péril au sens des articles L.511-1 à L.511-16 du code de la construction et de l'habitation et le courrier de la Mairie qui relevait à ce titre une infraction.
Mme [L] verse cependant la note n°2 aux parties de l'expert désigné par l'ordonnance entreprise.
L'expert expose que Mme [L] s'oppose au projet de l'architecte et de la société Pharmabois en ce qu'il occasionnerait une perte de volume et ne constituerait pas une solution curative de la pièce de charpente dégradée. L'expert note que la perte de volume ne concernerait cependant qu'un soffite au-dessus de la fenêtre et non la totalité du logement. L'expert a sollicité d'entendre la société Pharmabois, en qualité de sachant, le 18 janvier 2024.
Mme [L] expose que la réunion a été reportée le 6 février 2024. Alors que la clôture a été ordonnée le 14 mai 2024, les parties n'ont pas entendu conclure de nouveau ou verser de nouvelles pièces afin de faire connaître à la cour l'évolution de la situation.
Le syndicat des copropriétaires lui-même expose que l'expert doit donner son avis sur la cause des désordres et leurs conséquences, mais qu'il doit aussi se prononcer sur les travaux qui pourraient être entrepris dans l'appartement.
En l'absence d'éléments sur le fait que l'expert aurait finalement considéré, après avoir entendu la société Pharmabois, que les travaux décidés par l'assemblée générale et dont le caractère urgent est indiscutable, seraient inadéquats, la cour ne peut que confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a enjoint Mme [L] de laisser l'accès à son appartement, entre 09h et 18h les jours ouvrables à la société Edysis Architecture, à la société Pharmabois ainsi qu'au syndic pour leur permettre de réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis votés au titre de la résolution n°13 de l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2023 et détaillés au devis du 6 février 2023 portant les références° 06-°223-3018-2 REN.
Cette mesure n'apparaît nullement incompatible avec les opérations d'expertise, lesquelles sont déjà bien avancées.
En revanche, les parties restant taisantes sur les derniers constats de l'expert et l'actualité des travaux, la nécessité d'une astreinte n'est plus démontrée.
L'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a prononcé une astreinte. Cette demande sera rejetée.
La décision sera confirmée pour le surplus en toutes ses dispositions, y compris au titre des dépens et des frais irrépétibles.
A hauteur d'appel, Mme [L] sera condamnée aux dépens, mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de la saisine,
Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a prononcé une astreinte ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Rejette la demande d'astreinte ;
Condamne Mme [L] aux dépens,
Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux règles propres à l'aide juridictionnelle ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE
EMPÊCHÉE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 2
ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024
(n° 287 , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/00092 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CIVMA
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Octobre 2023 -Président du TJ de PARIS - RG n° 23/54812
APPELANTE
Mme [U] [H] [S] [L]
[Adresse 2])
[Localité 4]
Représentée par Me Thierry LAUGIER de la SCP GERARDIN LAUGIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0223
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2023-506304 du 22/11/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉ
LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 2], représenté par son Syndic le Cabinet G-IMMO pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Marc-Robert HOFFMANN NABOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1364
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2024, en audience publique, devant Laurent NAJEM, Conseiller, chargé du rapport, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,
Michèle CHOPIN, Conseillère,
Laurent NAJEM, Conseiller,
Qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Jeanne PAMBO, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Mme [L] est propriétaire d'un appartement (lot 140) au sein d'une résidence sise [Adresse 2], immeuble soumis au statut de la copropriété.
Le règlement de copropriété décrit ce lot comme « Un appartement situé escalier B au sixième étage à droite, porte de face au fond du couloir, comprenant : une entrée, une pièce, une cuisine, un débarras, un water-closet commun sur le palier et les quatre/millièmes des parties communes générales ».
Des désordres ont été constatés notamment une fragilisation de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L] et des solives hauts des WC communs des 6ème et 7ème étages de l'escalier B de l'immeuble.
Suivant courrier du 12 mai 2016, la préfecture de police de Paris a écrit au syndic de l'immeuble pour évoquer une situation qu'elle qualifie de péril au sens des articles L. 511-1 à L. 511-6 du code de la construction et de l'habitation et afférente aux désordres affectant le logement de Mme [L]. Elle l'a enjoint de prendre des mesures de sécurité afin d'assurer la parfaite solidité et stabilité du plancher haut situé au 6ème étage, en procédant à des travaux de renforcement de structure ou de remplacement et visant le plancher haut du sanitaire commun, le plancher haut du couloir (au droit du sanitaire commun), les planchers hauts du séjour, de l'entrée et de la salle d'eau du logement fond de couloir, porte face (logement de Mme [L]).
Une nouvelle injonction de la Préfecture est intervenue le 22 juin 2017.
La mairie de Paris a également pris attache avec le syndic le 3 juillet 2017 pour lui indiquer, qu'à la suite d'une visite d'un inspecteur de salubrité le 30 juin 2017, des désordres ont été constatés à savoir des infiltrations d'eau au plafond du séjour et de la salle d'eau du logement de Mme [L] (bâtiment B, 6ème étage).
Le cabinet CSJC a été désigné syndic suite à une assemblée générale du 30 septembre 2021.
L'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2023 (résolution 13) a décidé de faire réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L], au 6ème étage de l'escalier B et de réparation des solivages hauts des WC communs des 6ème et 7ème étage et a choisi l'entreprise pour y procéder.
Faisant valoir que Mme [L] n'a pas permis un accès à son logement afin d'exécuter les travaux ainsi votés, par acte du 12 juin 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2], pris en la personne de son syndic en exercice, la société CSJC, a fait assigner Mme [L] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins à titre principal de :
- condamner Mme [L] à laisser l'accès à son appartement au syndic ainsi qu'à l'architecte M. [F] de la société Edysis Architecture et au locataire d'ouvrage la société Pharmabois pour leur permettre de réaliser les travaux votés lors de l'assemblée générale du 22 mars 2023, résolution n°13, et qui consistent en la réparation et le renforcement de panne de brisis conformément au devis n° 06-°223-3018-2 REN du 6 février 2023 ;
- assortir cette condamnation d'une astreinte journalière de 300 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir.
Par ordonnance contradictoire du 3 octobre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :
enjoint Mme [L] de laisser l'accès à son appartement, entre 09h et 18h les jours ouvrables à la société Edysis Architecture, à la société Pharmabois ainsi qu'au syndic pour leur permettre de réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis votés au titre de la résolution n°13 de l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2023 et détaillés au devis du 6 février 2023 portant les références° 06-°223-3018-2 REN, dans les 8 jours de la signification des présentes puis sous astreinte de 50 euros par infraction constatée, et sous réserve pour le syndic de l'informer par écrit avec un préavis minimum de 72h, des dates d'interventions prévues ;
ordonné une mesure d'expertise ;
désigné pour y procéder M. [K] avec mission de :
* se faire préciser les liens contractuels entre les divers intervenants ;
* relever et décrire les désordres et malfaçons allégués expressément dans l'assignation et affectant l'immeuble litigieux, ainsi que les non-conformités et/ou inachèvements allégués au regard des documents contractuels liant les parties ;
* en détailler l'origine, les causes et l'étendue, et fournir tous éléments permettant à la juridiction de détermine à quels intervenants ces désordres, malfaçons et inachèvements sont imputables et dans quelles proportions ;
* donner son avis sur les conséquences de ces désordres, malfaçons et inachèvements quant à la solidité, l'habitabilité, l'esthétique du bâtiment et, plus généralement quant à l'usage qui peut en être attendu ou quant à la conformité à sa destination ;
* dire si les travaux ont été conduits conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art ;
*à partir des devis d'entreprises fournis par les parties, sur proposition, le cas échéant du maître d''uvre de leur choix, donner un avis sur la ou les solutions appropriées pour remédier aux désordres entachant l'ouvrage et sur le coût des travaux utiles ;
* donner son avis sur les préjudices et coûts induits par ces désordres, malfaçons, inachèvements ou non conformités et sur leur évaluation dès lors que ces demandes sont présentées de manière motivée ;
* rapporter toutes autres constatations utiles à l'examen des prétentions des parties ;
* donner le cas échéant son avis sur les comptes entre les parties ;
laissé les dépens à la charge du Trésor Public ;
dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 11 décembre 2023, Mme [L] a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 2 février 2024, elle demande à la cour de :
la dire recevable et en tout cas bien fondée en son appel ;
infirmer ladite ordonnance en ce qu'elle lui a fait injonction de laisser l'accès à son appartement pour permettre la réalisation de travaux de réparation et de renforcement de la panne de brisis sous astreinte ;
Statuant à nouveau :
rejeter toutes demandes plus amples ou contraires qui seraient formulées par le syndicat de copropriétaires à cet effet ;
le débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis à [Adresse 2] au paiement de la somme de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Mme [L] considère que la première décision recèle une contradiction en ce qu'elle ordonne une expertise mais aussi dans le même temps, des travaux sous astreinte.
Elle fait valoir qu'elle a engagé une action judiciaire, par assignation du 3 novembre 2023 pour contester l'assemblée générale du 22 mars 2023 ; que le délai de contestation de deux mois pour une telle action a été interrompu par une demande d'aide juridictionnelle ; que la cour ne saurait donc considérer que l'assemblée générale est définitive.
Elle soutient qu'elle a été victime d'un nouveau dégât des eaux le 11 juin 2023 à la suite d'un orage ; que selon une note aux parties du 8 novembre 2023, l'expert a relevé que les mesures intérieures prises avec l'aide d'un humidimètre indique une absence totale d'humidité ; que les difficultés liées aux infiltrations semblent être considérées comme résolues, ce qui la laisse circonspecte compte tenu du nombre de dégâts des eaux subis par le passé.
Elle fait état d'une réunion d'expertise reportée au 6 février 2024 et relève que le syndicat des copropriétaires note que l'expert aura aussi à se prononcer sur les travaux qui pourraient être entrepris.
Elle estime qu'il n'est pas opportun de maintenir l'injonction à son encontre tant que les opérations d'expertise n'auront pas été achevées.
Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées le 17 janvier 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic demande à la cour, au visa des articles 834, 835 du code de procédure civile, 9 et 14 de la loi du 10 juillet 1965, de :
le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions et l'y déclarer bien fondé ;
déclarer Mme [L] mal fondée en ses demandes, fins et prétentions et l'y déclarer bien fondée ;
constater que Mme [L] refuse de laisser l'accès à son appartement pour la réalisation des travaux votés lors de l'assemblée générale du 22 mars 2023 qu'elle n'a pas contestée et qui est devenue définitive ;
En conséquence :
confirmer l'ordonnance du tribunal judiciaire de Paris du 3 octobre 2023 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau :
condamner Mme [L] à laisser l'accès à son appartement au syndic, à l'architecte (la société Edysis architecture représentée par M. [F]) et à l'entreprise (la société Pharmabois) pour leur permettre de réaliser les travaux votés lors de l'assemblée générale du 22 mars 2023 (résolution n° 13) et qui consistent en la réparation et le renforcement de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L] au 6ème étage - escalier B du [Adresse 2] conformément au devis n° 060223-3018-2-REN de la société Pharmabois du 6 février 2023 ;
assortir cette condamnation d'une astreinte journalière d'un montant de 300 euros par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la signification de l'ordonnance à intervenir ;
condamner Mme [L] à lui payer une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Mme [L] aux entiers dépens d'instance.
Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic soutient que des travaux doivent être entrepris pour remédier aux problématiques qui constituent une situation d'urgence avec un risque de dommage imminent.
Il allègue que Mme [L] n'a pas contesté l'assemblée générale dans le délai légal de sorte qu'elle est définitive et les travaux doivent être entrepris ; que malgré des démarches amiables, Mme [L] refuse de laisser l'accès à son appartement à l'architecte (M. [F]) et l'entreprise (Pharmabois) ; qu'il n'y a aucune contradiction dans l'ordonnance déférée en ce qu'elle indique seulement que Mme [L] doit laisser l'accès à son appartement pour permettre la réalisation des travaux, compte tenu de l'urgence ; que l'expertise peut se poursuivre concomitamment.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mai 2024.
SUR CE,
L'ordonnance n'est pas critiquée en ce qu'elle a ordonné une expertise judiciaire mais en ce qu'elle a enjoint à Mme [L] de laisser l'accès à son appartement, sous astreinte pour permettre la réalisation de travaux.
Il sera observé que le syndicat des copropriétaires sollicite au titre de ses conclusions de manière quelque peu contradictoire, la confirmation de l'ordonnance entreprise, avant de demander à la cour « statuant à nouveau » de condamner Mme [L] à laisser l'accès, sous astreinte, soit précisément ce qui a déjà été ordonné par le premier juge.
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il résulte des dispositions de l'article 17 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis que les décisions du syndicat sont prises en assemblée générale des copropriétaires, et des dispositions de l'article 18 de cette loi que le syndicat en assure l'exécution. Ces décisions s'imposent aux copropriétaires tant que la nullité n'en a pas été prononcée.
Or, ainsi que l'a relevé le premier juge, il est justifié que par une résolution n°13 prise le 22 mars 2023 en assemblée générale des copropriétaires, il a été décidé de faire réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis dans l'appartement de Mme [L] au 6ème étage de l'escalier B et de réparation des solivages hauts des wc communs des 6ème et 7ème étages de l'escalier B et l'entreprise Pharmabois a été désignée. C'est également à bon droit que le premier juge a rappelé qu'il ne lui appartenait pas d'apprécier l'utilité des travaux, y compris à l'aune d'éléments nouveaux, à savoir la survenance d'un dégât des eaux permettant d'envisager un déficit d'étanchéité de la toiture de l'immeuble dès lors que la décision par laquelle ils ont été décidés est exécutoire à compter de son adoption.
En outre, la question de la recevabilité du recours devant le juge du fond est en débat, l'assignation contestant la résolution ayant été délivrée le 3 novembre 2023.
L'urgence des travaux est en outre caractérisée par les mises en demeure de la Préfecture de Police de Paris qui qualifie la situation de péril au sens des articles L.511-1 à L.511-16 du code de la construction et de l'habitation et le courrier de la Mairie qui relevait à ce titre une infraction.
Mme [L] verse cependant la note n°2 aux parties de l'expert désigné par l'ordonnance entreprise.
L'expert expose que Mme [L] s'oppose au projet de l'architecte et de la société Pharmabois en ce qu'il occasionnerait une perte de volume et ne constituerait pas une solution curative de la pièce de charpente dégradée. L'expert note que la perte de volume ne concernerait cependant qu'un soffite au-dessus de la fenêtre et non la totalité du logement. L'expert a sollicité d'entendre la société Pharmabois, en qualité de sachant, le 18 janvier 2024.
Mme [L] expose que la réunion a été reportée le 6 février 2024. Alors que la clôture a été ordonnée le 14 mai 2024, les parties n'ont pas entendu conclure de nouveau ou verser de nouvelles pièces afin de faire connaître à la cour l'évolution de la situation.
Le syndicat des copropriétaires lui-même expose que l'expert doit donner son avis sur la cause des désordres et leurs conséquences, mais qu'il doit aussi se prononcer sur les travaux qui pourraient être entrepris dans l'appartement.
En l'absence d'éléments sur le fait que l'expert aurait finalement considéré, après avoir entendu la société Pharmabois, que les travaux décidés par l'assemblée générale et dont le caractère urgent est indiscutable, seraient inadéquats, la cour ne peut que confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a enjoint Mme [L] de laisser l'accès à son appartement, entre 09h et 18h les jours ouvrables à la société Edysis Architecture, à la société Pharmabois ainsi qu'au syndic pour leur permettre de réaliser les travaux de réparation et de renforcement de panne de brisis votés au titre de la résolution n°13 de l'assemblée générale des copropriétaires du 22 mars 2023 et détaillés au devis du 6 février 2023 portant les références° 06-°223-3018-2 REN.
Cette mesure n'apparaît nullement incompatible avec les opérations d'expertise, lesquelles sont déjà bien avancées.
En revanche, les parties restant taisantes sur les derniers constats de l'expert et l'actualité des travaux, la nécessité d'une astreinte n'est plus démontrée.
L'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a prononcé une astreinte. Cette demande sera rejetée.
La décision sera confirmée pour le surplus en toutes ses dispositions, y compris au titre des dépens et des frais irrépétibles.
A hauteur d'appel, Mme [L] sera condamnée aux dépens, mais l'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant dans les limites de la saisine,
Confirme l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a prononcé une astreinte ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,
Rejette la demande d'astreinte ;
Condamne Mme [L] aux dépens,
Dit que les dépens seront recouvrés conformément aux règles propres à l'aide juridictionnelle ;
Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE POUR LA PRÉSIDENTE
EMPÊCHÉE