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Décisions

CA Dijon, 2 e ch. civ., 5 septembre 2024, n° 23/01247

DIJON

Arrêt

Autre

CA Dijon n° 23/01247

5 septembre 2024

[U] [B]

G.A.E.C. GAEC AGRILUX

C/

[L] [B]

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE DIJON

2ème chambre civile

ARRÊT DU 05 SEPTEMBRE 2024

N° RG 23/01247 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GIUN

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 18 septembre 2023,

par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 21/00007

APPELANTS :

Monsieur [U] [B]

domicilié :

[Adresse 3]

[Localité 5]

Intimé dans le dossier RG 23/01379

GAEC AGRILUX représenté par M. [U] [B], gérant domicilié au siège social sis :

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentés par Me Sarrah BOUFLIJA, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE

assistée de Me Mylène LUSSIANA, avocat au barreau de LYON

APPELANT :

dans dossier RG 23/01379

GAEC AGRILUX pris en la personne de son représentant légal en exercice domicilié audit siège :

[Adresse 3]

[Localité 5]

représenté par Me Pierre DELARRAS, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MACON

INTIMÉ :

Monsieur [L] [B]

né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 6] (71)

domicilié :

[Adresse 4]

[Localité 5]

Appelant dans le dossier RG 23/01379

représenté par Me Pierre DELARRAS, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de MACON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mai 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre,

Sophie BAILLY, Conseiller,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG, Greffier

DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 05 Septembre 2024,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Présidente de chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE :

MM. [U] [B] et [L] [B] sont associés à parts égales et co-gérants au sein du GAEC Agrilux.

Une mésentente est survenue entre les associés à la fin de l'année 2016 qui a conduit M. [U] [B] à ne plus intervenir au sein du GAEC.

Sur l'assignation délivrée par le GAEC Agrilux et par ordonnance du 1er octobre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône a condamné M. [U] [B] à verser au GAEC une provision de 31.006,56 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur.

Le 29 décembre 2020, M. [U] [B] a fait assigner M. [L] [B] et le GAEC Agrilux devant le tribunal judiciaire de Châlon sur Saône aux fins principalement de révocation du premier de ses fonctions de gérant et d'indemnisation des préjudices subis par le GAEC et l'associé.

Sur l'incident soulevé par M. [L] [B] et par ordonnance du 18 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Châlon sur Saône a :

- enjoint à M. [U] [B] de produire aux débats son avis d'imposition sur le revenu 2021 et sur le revenu 2022 ;

- déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

- débouté M. [L] [B] et le GAEC Agrilux de leur demande de révocation de M. [U] [B] de ses fonctions de gérant,

- débouté M. [U] [B] de sa demande de révocation de M. [L] [B] de ses fonctions de gérant,

- débouté M. [U] [B] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire,

- enjoint à M. [L] [B] de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions agricoles au sein du GAEC Agrilux, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée,

- condamné M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur,

- déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] de suspension du crédit-bail conclu le 29 décembre 2022 avec la société Lixxbail,

- débouté M. [U] [B] de sa demande visant à séquestrer le solde du compte « report à nouveau» figurant au bilan au 31 mars 2022,

- débouté M. [U] [B] de sa demande de provision au titre du préjudice subi en raison de la privation de sa rémunération du travail,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 11 octobre 2023,

- dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'instance au fond,

- débouté M. [L] [B], le GAEC Agrilux et M. [U] [B] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe du 2 octobre 2023, enregistrée sous le n° RG 23/1247, M. [U] [B] et le GAEC Agrilux ont relevé appel de cette décision en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

- condamné M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur.

Par avis du greffe en date du 19 octobre 2023, le conseil de l'appelante a été informé que l'affaire était fixée à l'audience du 18 janvier 2024, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

******

Suivant déclaration au greffe du 31 octobre 2023, enregistrée sous le n° RG 23/1379, M. [L] [B] et le GAEC Agrilux ont relevé appel partiel de la décision en ce qu'elle a :

' débouté M. [L] [B] et la GAEC Agrilux de leur demande de révocation de M. [U] [B],

' enjoint à M. [L] [B] de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions agricoles au sein du GAEC Agrilux sous astreinte de 100 euros par infraction constatée,

' débouté M. [L] [B] et le GAEC Agrilux de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par avis du greffe en date du 20 novembre 2023, le conseil de l'appelante a été informé que l'affaire était fixée à l'audience du 21 mars 2024, en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

I- RG 23/1247 :

Prétentions et moyens de M. [U] [B] :

A terme de ses écritures notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, M. [U] [B] demande à la cour de :

- déclarer M. [U] [B] et le GAEC Agrilux bien fondés en leur appel ;

- infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état en ce qu'elle a :

déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC ;

condamné M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur

- en conséquence, statuant à nouveau :

- déclarer recevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC ;

- condamner M. [L] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC ;

- débouter le GAEC Agrilux de sa demande de condamnation de M. [U] [B] à lui verser la somme provisionnelle de 13.766,52euros au titre de son compte courant d'associé débiteur.

- condamner M. [L] [B], à régler à M. [U] [B] et au GAEC Agrilux, chacun la somme de 1.500 euros, à titre de frais non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Concernant la recevabilité de la demande en indemnisation du GAEC, M. [U] [B] soutient que :

- selon les statuts du GAEC, il en a la qualité de gérant,

- il est recevable à former des demandes au nom du GAEC,

- il a assigné le GAEC pour contester la condamnation prononcée par le juge des référés en remboursement du débit du compte courant d'associé,

- le juge de la mise en état a ajouté une condition à l'article 31 du code de procédure civile,

- il entend exercer l'action ut singuli qui constitue un droit propre et lui permet de présenter des demandes au nom du GAEC qui doit être appelé à l'instance.

Il fait valoir que [L] [B] a violé les statuts du GAEC et commis des fautes de gestion au titre de :

la résiliation, sans autorisation de l'assemblée générale des associés, du bail dont le GAEC était bénéficiaire sur une parcelle AH [Cadastre 1] qu'il s'est appropriée, privant le GAEC d'une partie du foncier qu'il exploite et lui faisant perdre les recettes que la dite parcelle lui procurait,

la soustraction d'une partie de la recette tirée de la vente de céréales en 2020 privant le GAEC d'une partie de ses recettes,

la non perception des recettes tirées de la vente de foin en 2020,

la prise en charge par le GAEC de frais personnels d'avocat,

la souscription d'un crédit -bail sans respecter les statuts,

la création de charges de personnel indues par son refus de permettre à [U] [B] de travailler au sien du GAEC,

le remboursement du solde débiteur du compte courant peut être demandé de la même manière à [L] [B],

pour un préjudice total pour le GAEC de 250.061, 15 euros.

Sur la demande de provision à laquelle il a été condamné, M. [U] [B] en soulève l'irrecevabilité à défaut d'avoir respecté le préalable de conciliation prévu aux statuts et relève que cette demande n'a été précédée d'aucune mise en demeure.

Il soutient qu'il y a lieu à compensation avec sa créance de bénéfices distribuables soulignant que ces derniers ont été inscrits sur le compte « report à nouveau » dans les comptes sociaux, la mésentente entre les deux associés n' en ayant pas permis de les affecter en dividendes, mais les statuts (art 20.2) prévoyant qu'en l'absence de décision de l'assemblée générale, les bénéfices sont répartis entre associés à raison de 50 % au prorata du travail et 50 % au prorata du capital.

Il estime qu'ayant été empêché par la violence de reprendre le travail dans le GAEC, son absence ne peut être opposée à son droit à la perception de sa part de bénéfices assise sur le travail.

Prétentions et moyens de M. [L] [B] :

Par conclusions notifiées par voie électronique le 14 décembre 2023, M. [L] [B] entend voir :

- déclarer l'appel du GAEC Agrilux irrecevable pour défaut d'intérêt à agir en l'absence de succombance ;

à tout le moins,

- constater que le GAEC Agrilux n'a pas été intimé par M. [U] [B] de sorte qu'il est impossible pour la cour d'infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamnée M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant débiteur ;

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état en ce qu'elle a :

déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250 820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC ;

condamné M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13 766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur.

à défaut,

- confirmer, par substitution de motifs en retenant l'absence de conciliation préalable portant sur la condamnation de l'intimé, l'irrecevabilité de la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros.

- déclarer irrecevable, comme étant nouvelle à hauteur de cour, la demande de M. [U] [B] visant à voir condamner M. [L] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme de 250 820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

subsidiairement :

- débouter M. [U] [B] de sa demande visant à voir condamner M. [L] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme de 250.820,14 euros eu égard à l'existence de contestations sérieuses.

en tout état de cause :

- condamner M. [U] [B] à payer à M. [L] [B] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner M. [U] [B] aux entiers dépens en réservant à la SELAS Adida et Associés le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [L] [B] soulève :

- l'irrecevabilité de l'appel du Gaec en l'absence de succombance,

- ' l'impossibilité' d'infirmation de la condamnation au profit du GAEC à défaut de l'avoir intimé,

- l'irrecevabilité de la demande de condamnation (250.820,14 euros) présentée à son encontre par M. [U] [B] au bénéfice du GAEC aux motifs qu'il s'agit d'une demande nouvelle en appel, que M. [U] [B] n'a pas qualité pour former une telle demande ayant assigné à l'origine en son seul nom, que cette demande n'a pas été soumise à la conciliation préalable obligatoire prévue par les statuts.

Il soutient que :

- le Gaec est en droit à tout moment de réclamer remboursement des comptes courants d'associés débiteurs, le débit correspondant à un prêt accordé à l'associé,

- il a préalablement mis en demeure M. [U] [B],

- la clause de conciliation des statuts n'est applicable qu'aux litiges opposant les associés entre eux et non le GAEC à un associé, elle ne peut être opposée qu'au demandeur à l'instance alors qu'il a la qualité de défendeur et M. [U] [B] n'avait soulevé aucune irrecevabilité devant le juge des référés.

Il conteste l'existence d'une contre-créance au bénéfice de M. [U] [B] au motif que les bénéfices réalisés depuis l'exercice 2017-2018 n'ont pas été distribués, mais reportés et que l'assemblée générale n'a pris aucune décision de distribution.

Il fait valoir que la demande d'indemnisation au profit du GAEC est injustifiée et se heurte à des contestations sérieuses des fautes qui lui sont imputées et des préjudices allégués.

II- RG n° 23/1379 :

Prétentions et moyens de M [L] [B] et du GAEC Agrilux :

- juger recevable et fondé l'appel relevé le 31 octobre 2023 et dans les limites de celui-ci y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a :

débouté M. [L] [B] et la GAEC Agrilux de leur demande de révocation de M. [U] [B],

enjoint à M. [L] [B] de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions agricoles au sein du GAEC Agrilux sous astreinte de 100 euros par infraction constatée,

débouté M. [L] [B] et le GAEC Agrilux de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau :

- constater l'existence d'un juste motif, non sérieusement contestable des demandes formées par M. [L] [B],

en conséquence :

- prononcer la révocation judiciaire de M. [U] [B] de ses fonctions de co-gérant, pour justes motifs,

- débouter M. [U] [B] de sa demande visant à ce qu'il soit enjoint à M. [L] [B] de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions agricoles au sein du GAEC Agrilux sous astreinte de 100 euros par infraction constatée,

- condamner M. [U] [B] à payer à M. [L] [B] et au GAEC Agrilux la somme de 2.500 euros chacun au titre de l'article 700 de première instance et d'appel,

- condamner M. [U] [B] aux entiers dépens tant de première instance que d'appel.

[L] [B] et le Gaec Agrilux soutiennent que le juge de la mise en état était compétent pour prononcer la révocation de [U] [B] de ses fonctions de gérant du Gaec, la compétence reconnue au juge des référés cèdant devant la saisine du juge de la mise en état.

Ils considèrent qu'il existe un juste motif de révocation judiciaire de [U] [B] dans l'intérêt du GAEC puisque :

- il ne participe plus au travail en commun depuis plus d'une année et ce en violation des règles statutaires (article 13-2), ce qui a fait perdre au GAEC son agrément,

- il s'est opposé à la transformation du GAEC en EARL pour éviter la perte des aides PAC, soit un manque à gagner d'environ 80.000 euros par an,

- il a opéré d'importants prélèvements sur la trésorerie du GAEC à des fins personnelles,

- il a assigné l'établissement bancaire du GAEC en justice pour obtenir la délivrance des moyens de paiement de la société, conduisant la banque à résilier les comptes.

Ils estiment que ces agissements sont contraires à l'intérêt social et remettent en cause la pérennité de la structure, relevant que l'ouverture d'un nouveau compte bancaire nécessite en l'état la signature des deux gérants que [U] [B] conditionne à l'attribution des moyens de paiement alors que depuis de nombreuses années il n'assure plus l'exploitation, ni la gestion du GAEC.

Ils ajoutent que par son comportement [U] [B] perturbe le bon fonctionnement du GAEC.

Ils font valoir que :

- le juge de la mise en état ne pouvait leur enjoindre de laisser [U] [B] reprendre ses activités au sein du GAEC sans méconnaître les termes de l'accord intervenu lors de l'assemblée générale du 26 septembre 2017, qui doit s'appliquer jusqu'à une décision contraire de cette même assemblée générale,

- cet accord ne peut s'analyser, ainsi que l'a fait le juge de la mise en état, comme temporaire alors que [U] [B] a cessé toute activité au sein du GAEC de décembre 2016 à juillet 2023,

- l'existence de cet accord constitue une contestation sérieuse faisant obstacle aux pouvoirs juridictionnels du juge de la mise en état.

Prétentions et moyens de M [U] [B] :

- débouter M. [L] [B] et le GAEC Agrilux de l'intégralité de leurs demandes ;

- condamner M. [L] [B] à payer à M. [U] [B] la somme de 2 500 euros, à titre de frais non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

[U] [B] soutient que la mesure de révocation demandée ne constitue pas une mesure provisoire que le juge de la mise en état a le pouvoir de prononcer et relève que [L] [B] n'a pas mis en 'uvre la procédure prévue par les statuts pour obtenir les informations sur les factures réglées par le GAEC.

Il estime que la demande d'infirmation de l'injonction délivrer à [L] [B] de le laisser reprendre son travail au sein du GAEC est irrecevable pour être présentée au nom du GAEC, que cette demande ne peut prospérer en ce qu'elle est contraire à l'objet social et que le refus opposé par [L] [B] est illégal pour méconnaître ses droits d'associé et de cogérant.

Les deux procédures ont été clôturées le 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION :

Les appels formés par Messieurs [B] et le GAEC Agrilux concernent la même décision du juge de la mise en état de telle sorte qu'il apparaît conforme à une bonne administration de la justice de les juger ensemble et par une seule décision.

Il sera ordonné la jonction des instances enregistrées sous les n° RG 23/1247 et 23/1379.

1°) sur la recevabilité de l'appel du GAEC :

M. [U] [B] et le GAEC Agrilux ont relevé appel partiel de l'ordonnance en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

- condamné M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur.

M. [L] [B] et le GAEC Agrilux ont relevé appel partiel de la même ordonnance en ce qu'elle a :

- débouté M. [L] [B] et la GAEC Agrilux de leur demande de révocation de M. [U] [B],

- enjoint à M. [L] [B] de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions agricoles au sein du GAEC Agrilux sous astreinte de 100 euros par infraction constatée,

- débouté M. [L] [B] et le GAEC Agrilux de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'article 546 du code de procédure civile dispose que le droit d'appel appartient à toute partie qui y a intérêt.

Devant le juge de la mise en état, le GAEC Agrilux, assigné par M. [U] [B] en qualité de défendeur et demandeur à l'incident, a présenté des demandes à l'encontre de M. [U] [B] et :

- soulevé l'irrecevabilité de la demande tendant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros de dommages-intérêts,

- sollicité le rejet des demandes de condamnation à l'encontre de M. [L] [B].

Or, le juge de la mise en état a fait droit aux prétentions émises par le GAEC Agrilux relatives aux dispositions de l'ordonnance qu'il entend, sous la représentation de M. [U] [B], critiquer à hauteur de cour et portant sur :

- l'irrecevabilité de la demande indemnitaire de M. [U] [B] à l'encontre de M. [L] [B] et au bénéfice du GAEC Agrilux,

- la condamnation de M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux une provision de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur.

En conséquence, le GAEC Agrilux n'ayant pas succombé en première instance sur ces chefs de ses demandes, est irrecevable à en relever appel.

2°) sur la recevabilité de la demande de M. [U] [B] en condamnation de M. [L] [B] à payer au GAEC Agrilux la somme de 250.820,14 euros :

La cour relève que si M. [U] [B] tire de sa qualité de co-gérant du GAEC Agrilux, pouvoir et qualité pour le représenter en justice, l'instance qu'il a engagée devant le tribunal judiciaire de Châlon, aux fins de condamnation de M. [L] [B], ne l'a été qu'en son seul nom personnel et non pour le compte du GAEC Agrilux, qui n'est pas demandeur à l'action au fond, mais défendeur.

Cependant, l'article 1843-5 du code civil permet à un ou plusieurs associés d'intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants, notamment pour obtenir des condamnations au bénéfice de la société qui doit être appelée à l'instance.

Le GAEC Agrilux n'ayant, malgré la décision de ses associés, pas été dissous, M. [U] [B] en a toujours la qualité d'associé. Il fonde sa demande indemnitaire au profit du GAEC Agrilux sur des violations des statuts et des fautes de gestion qu'il impute à M. [L] [B] et engage bien à ce titre la responsabilité du gérant à l'égard de la société dans le cadre d'une action ut singuli.

L'ordonnance qui l'a déclaré irrecevable de cette action devra être infirmée et M. [U] [B] sera déclaré recevable.

3°) sur la demande de provision à l'encontre de M. [U] [B] :

M. [U] [B] a relevé appel de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamné au paiement d'une provision au Gaec Agrilux, mais n'a pas intimé ce dernier au titre de l'instance n° RG 23/1247

Or, la demande de provision était fondée sur le débit du compte courant d'associé de M. [U] [B], qui constitue une créance du GAEC sur son associé et non une créance entre associés.

La demande d'infirmation de la décision du juge de la mise en état est en conséquence irrecevable, M. [U] [B] étant dénué d'intérêt à agir à l'encontre du seul associé.

4°) sur la demande de M. [U] [B] en dommages-intérêts :

Il sera rappelé que lorsqu'elle statue sur l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état, l'effet dévolutif ne saisit la cour d'appel que dans les limites des pouvoirs exercés de ce dernier.

Dès lors la demande en paiement présentée par M. [U] [B] doit être comprise comme étant une demande de provision.

Or, il ressort de l'exposé des prétentions soumises au juge de la mise en état que si dans ses dernières écritures notifiées le 28 juillet 2023, M. [U] [B] a sollicité la condamnation de M. [L] [B] à lui verser une provision, c'est au seul titre de sommes correspondant à la rémunération de son travail au sein du GAEC.

Aucune demande de provision au titre de l'indemnisation du GAEC des fautes de gestion imputées à M. [L] [B] n'a été soumise au juge de la mise en état.

C'est donc une demande totalement nouvelle que M. [U] [B] présente à hauteur d'appel qui devra être déclarée irrecevable conformément aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile

5 °) sur la révocation de M. [U] [B] de ses fonctions de gérant :

En application des dispositions de l'article 1851 du code civil, le gérant d'une société civile peut être révoqué par les tribunaux pour cause légitime à la demande de tout associé.

L'article 789 du code de procédure civile réserve au juge de la mise en état, lorsque la demande est présentée après sa désignation, compétence exclusive pour notamment ordonner toutes mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissement provisoires, ainsi que pour modifier ou compléter des mesures déjà ordonnées à raison de la survenance d'un fait nouveau.

Ces dispositions ne permettent au juge de la mise en état que de prononcer des mesures strictement provisoires ou conservatoires, sauf à empiéter sur le fond du droit, à la différence du juge des référés dont les pouvoirs, énoncés par les articles 834 et 835 du code de procédure civile, découlent soit de l'urgence, soit de l'imminence d'un danger, soit encore d'un trouble manifestement illicite.

Ainsi que l'a parfaitement relevé le juge de la mise en état, la mesure de révocation sollicitée par M. [L] [B] et le GAEC Agrilux ne constitue pas une mesure provisoire, mais bien définitive qui ne relève donc pas de ses pouvoirs.

La décision sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande.

6°) sur l'injonction faite à M.[L] [B] :

Le procès-verbal d'assemblée générale des associés du GAEC Agrilux du 4 nov 2016 porte la mention suivante :

«points décidés d'un commun accord par les associés lors de la réunion : pas de tentative de conciliation / décision de séparation ».

Le document indique que M. [U] [B] a fait part de son souhait de se retirer du GAEC pour une installation au 31 mai 2017 dans le Jura et les associés ont décidé d'une organisation du travail pendant la période transitoire, les deux associés poursuivant leur activité sur l'exploitation jusqu'au 31 mai 2017.

Ont également été évoqué la : « reprise de l'atelier lait par [U] au 31 mai 2017 ' a priori oui, à confirmer suivant les simulations », un processus de séparation des associés et l'étude du devenir de l'exploitation après cette séparation.

Le procès-verbal d'assemblée générale des associés du GAEC Agrilux du 26 septembre 2017 a acté l'accord unanime des associés de ne plus travailler ensemble dans le GAEC et de dissoudre la structure au 1er octobre 2017.

Selon le procès-verbal d'assemblée générale des associés du GAEC Agrilux du 10 octobre 2017, les associés ont accepté que M . [U] [B] ne soit plus rémunéré à compter du 1er avril 2017, ont décidé la dissolution du GAEC Agrilux au 31 octobre ou 15 novembre suivants.

Il en résulte que les associés ont pris la décision de poursuivre l'exploitation en commun jusqu'au 31 mai 2017, de la cesser à compter du 26 septembre 2017 et de dissoudre le GAEC Agrilux au plus tard le 15 novembre 2017, sans que depuis aucune nouvelle délibération de l'assemblée générale ne soit revenue sur ces décisions.

Par ailleurs, il ressort de la procédure administrative qui a conduit au retrait d'agrément du GAEC Agrilux que M. [U] [B] a lui-même attesté ne plus travailler au sein du GAEC depuis le 19 décembre 2016.

La demande de M. [U] [B] visant à enjoindre à son associé de lui permettre de reprendre ses fonctions au sein du GAEC, même si elle est conforme aux statuts de ce dernier et aux dispositions impératives du code rural, se heurte néanmoins aux décisions prises par l'assemblée générale des associés quant au fonctionnement du GAEC et que les associés ont mises à exécution, tout au moins en ce qui concerne l'exploitation en commun.

Dans ces conditions, il ne saurait être ordonné à M. [L] [B], à titre de mesure provisoire, de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions d'exploitant au sein du GAEC alors qu'il les a volontairement abandonnées en exécution des délibérations de l'assemblée générale.

La décision du juge de la mise en état sera infirmée sur ce point et M. [U] [B] débouté de cette demande.

7°) sur les dépens :

Chaque partie succombant pour partie aux prétentions adverses, chacune conservera la charge des dépens d'appel dont elle a fait l'avance.

PAR CES MOTIFS :

Ordonne la jonction des instances n° RG 23/1247 et 23/1379,

Déclare irrecevable l'appel du GAEC Agrilux en ce qu'il porte sur les dispositions de l'ordonnance qui ont :

- déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

- condamné M. [U] [B] à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur,

Déclare M. [U] [B] irrecevable en sa demande d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a condamné à verser au GAEC Agrilux la somme provisionnelle de 13.766,52 euros au titre de son compte courant d'associé débiteur,

Déclare M. [U] [B] irrecevable en sa demande de condamnation provisionnelle de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

Infirme l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 18 septembre 2023 en ce qu'elle a :

- déclaré irrecevable la demande de M. [U] [B] visant à la condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros au titre du préjudice subi par le GAEC,

- enjoint à M. [L] [B] de laisser M. [U] [B] reprendre ses fonctions agricoles au sein du GAEC Agrilux, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée,

statuant à nouveau,

Déclare M. [U] [B] recevable en sa demande en condamnation de M. [L] [B] au bénéfice du GAEC Agrilux à verser une somme de 250.820,14 euros à titre de dommages-intérêts,

Déboute M. [U] [B] de sa demande d'injonction à M. [L] [B] de lui permettre de reprendre ses fonctions au sein du GAEC Agrilux,

Confirme l'ordonnance pour le surplus de ses dispositions soumises à la cour,

y ajoutant,

Laisse à chaque partie la charge des dépens d'appel dont elle a fait l'avance,

Rejette les demandes de condamnation réciproques sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,